Jurisprudence : Cass. com., 09-02-2022, n° 20-17.551, F-B, Cassation

Cass. com., 09-02-2022, n° 20-17.551, F-B, Cassation

A68157MD

Référence

Cass. com., 09-02-2022, n° 20-17.551, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/78310296-cass-com-09022022-n-2017551-fb-cassation
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Abstract

► L'article 2224 du Code civil prévoyant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la prescription de l'action en responsabilité délictuelle engagée contre la banque, à qui il est reproché d'avoir accordé un crédit immobilier non adapté, ne peut débuter qu'au moment où s'est manifesté le dommage dont l'emprunteur demande réparation.


COMM.

CH.B


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 février 2022


Cassation


M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 99 F-B

Pourvoi n° R 20-17.551


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 FÉVRIER 2022


M. [M] [Aa], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-17.551 contre l'arrêt rendu le 12 février 2020 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Ab] [F], domicilié [… …],

2°/ à la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fevre, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [Aa], de Me Soltner, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fevre, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 12 février 2020) et les productions, M. [Aa] a conclu une promesse d'achat portant sur un bien immobilier, sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt, lequel lui a été consenti par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine (la banque) en novembre 2009 par l'intermédiaire de M. [F], courtier en opérations de crédit.

2. Le 19 janvier 2010, M. [Aa] a refusé de signer l'acte notarié de vente, estimant que le prêt obtenu était excessif au regard de ses capacités financières et qu'il ne pourrait pas le rembourser. Les vendeurs, puis l'agence immobilière par l'intermédiaire de laquelle la promesse d'achat avait été conclue, l'ont assigné en réparation de leur préjudice respectif.

3. Condamné à payer des dommages-intérêts, tant aux vendeurs à raison de la rupture fautive du contrat de vente par un arrêt du 26 janvier 2012 qu'à l'agence immobilière au titre de sa perte de chance de percevoir sa commission par un arrêt du 16 janvier 2013, M. [Aa] a assigné M. [F], le 19 décembre 2014, et la banque, le 22 décembre 2014, en réparation des préjudices subis du fait de ces deux procédures, sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil🏛.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [Aa] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme étant prescrite l'action en responsabilité fondée sur l'article 1382 du code civil🏛 qu'il a engagée à l'encontre de la banque et M. [F], alors « que la prescription d'une action en responsabilité délictuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage et non du jour où apparaît la simple éventualité de cette réalisation ; que M. [Aa] faisait valoir que la banque lui avait octroyé à tort un prêt qui constituait la condition suspensive de l'achat d'un bien immobilier alors même que sa situation financière était obérée, de sorte qu'il avait dû refuser de régulariser l'acte de vente ; que les vendeurs et l'agent immobilier avaient alors agi contre M. [Aa] et obtenu sa condamnation à raison du défaut de régularisation de la vente malgré l'octroi du prêt ; que M. [Aa] a ensuite recherché la responsabilité de la banque et de M. [F] à raison de l'octroi fautif du prêt, qui avait conduit in fine à sa condamnation envers les vendeurs et l'agent immobilier ; qu'en jugeant que l'action en responsabilité aurait été prescrite, aux motifs que le dommage causé par les manquements imputés à la banque et à M. [F] dans l'octroi du prêt "ne résulte pas des décisions de justice ayant condamné [M. [Aa]] envers les vendeurs et l'agent immobilier (…) mais de l'octroi d'un financement et ses conséquences juridiques et financières", cependant que le dommage subi par M. [Aa] ne s'était réalisé qu'à compter des décisions passées en force de chose jugée de la cour d'appel d'Agen des 26 janvier 2012 et 16 janvier 2013 l'ayant condamné à payer des dommages-intérêts aux vendeurs et à l'agent immobilier en raison de son refus de régulariser la vente malgré l'octroi du prêt, de sorte que la prescription n'avait pu commencer à courir qu'à partir de ces condamnations, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil🏛 ;

5. Selon ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître, les faits lui permettant de l'exercer ;

6. Pour déclarer prescrite l'action en responsabilité délictuelle engagée contre la banque, l'arrêt retient que le dommage ne résulte pas des décisions de justice ayant condamné M. [Aa] à payer des dommages-intérêts aux vendeurs et à l'agence immobilière à la suite de sa décision de refuser d'acquérir l'immeuble ayant fait l'objet d'un « compromis de vente » auquel il avait consenti, mais de l'octroi du crédit et de ses conséquences juridiques et financières, dont il avait eu connaissance dès le mois de novembre 2009, de sorte qu'à cette date, il était informé du dommage auquel il était exposé.

7. En statuant ainsi, alors que le dommage dont M. [Aa] demandait réparation ne s'était pas manifesté aussi longtemps que les vendeurs et l'agent immobilier n'avaient pas, en l'assignant, recherché sa propre responsabilité, soit au plus tôt le 3 septembre 2010, de sorte que, à la date des assignations qu'il a lui-même fait signifier à la banque et au courtier, les 19 et 22 septembre 2014, la prescription n'était pas acquise, la cour d'appel a violé le teste susvisé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu, le 12 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine et M. [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine et condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine et M. [F] à payer à M. [Aa] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du neuf février deux mille vingt-deux, et signé par M. Ac, qui en a délibéré, en remplacement de M. Ad, empêché. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. [Aa].

M. [Aa] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme étant prescrite l'action en responsabilité fondée sur l'article 1382 du code civil🏛 engagée par Monsieur [M] [Aa] à l'encontre de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine et de Monsieur [Ab] [F] ;

ALORS QUE 1°), la prescription d'une action en responsabilité délictuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage et non du jour où apparait la simple éventualité de cette réalisation ; que M. [Aa] faisait valoir que la banque lui avait octroyé à tort un prêt qui constituait la condition suspensive de l'achat d'un bien immobilier alors même que sa situation financière était obérée, de sorte qu'il avait dû refuser de régulariser l'acte de vente ; que les vendeurs et l'agent immobilier avaient alors agi contre M. [Aa] et obtenu sa condamnation à raison du défaut de régularisation de la vente malgré l'octroi du prêt ; que l'exposant a ensuite recherché la responsabilité de la banque et de M. [F] à raison de l'octroi fautif du prêt, qui avait conduit in fine à sa condamnation envers les vendeurs et l'agent immobilier (cf. conclusions de M. [Aa], p. 7, § 9) ; qu'en jugeant que l'action en responsabilité aurait été prescrite, aux motifs que le dommage causé par les manquements imputés à la banque et à M. [F] dans l'octroi du prêt « ne résulte pas des décisions de justice ayant condamné [M. [Aa]] envers les vendeurs et l'agents immobilier (…) mais de l'octroi d'un financement et ses conséquences juridiques et financières » (cf. arrêt, p. 6, § 9), cependant que le dommage subi par M. [Aa] ne s'était réalisé qu'à compter des décisions passées en force de chose jugée de la cour d'appel d'Agen des 26 janvier 2012 et 16 janvier 2013 l'ayant condamné à payer des dommages et intérêts aux vendeurs et à l'agent immobilier en raison de son refus de régulariser la vente malgré l'octroi du prêt, de sorte que la prescription n'avait pu commencer à courir qu'à partir de ces condamnations, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil🏛,

ALORS QUE 2°), la prescription d'une action en responsabilité délictuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage et non du jour où apparait la simple éventualité de cette réalisation ; que la cour d'appel a constaté qu'au moment de l'octroi du prêt litigieux, en novembre 2009, M. [Aa] était « informé du dommage auquel il était exposé » (arrêt, p. 7, § 2, soulignement ajouté) ; qu'il devait se déduire de cette simple « exposition » à un dommage éventuel, que ce dommage n'était alors pas encore réalisé, de sorte que la prescription de l'action en responsabilité ne pouvait commencer à courir à ce moment ; qu'en jugeant toutefois le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil🏛.

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