Jurisprudence : Cass. crim., 18-01-2022, n° 21-83.728, F-D, Cassation

Cass. crim., 18-01-2022, n° 21-83.728, F-D, Cassation

A56167LL

Référence

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N° T 21-83.728 F-D

N° 00050


CK
18 JANVIER 2022


CASSATION


M. SOULARD président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 JANVIER 2022



Mme [B] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 1er juin 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 2 septembre 2020, n° 19-87.356), dans l'information suivie contre elle des chefs d'usurpation d'identité et accès frauduleux à un système informatique, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 30 août 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.


Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [B] [W], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Mme [J] [V] a porté plainte et s'est constituée partie civile à la suite de la réception par son employeur d'un courriel désobligeant envoyé depuis sa messagerie et dont elle a soutenu ne pas être l'auteure.

3. Les investigations ont permis d'identifier le téléphone de Mme [W], avocate, comme pouvant être intervenu dans l'envoi de ce courriel.

4. Entendue en audition libre dans le cadre d'une commission rogatoire, Mme [W] a soutenu avoir oublié ou perdu le téléphone en cause, ou se l'être fait dérober.

5. Le juge d'instruction a demandé à ce qu'elle soit placée en garde à vue afin d'éviter une modification des preuves et indices matériels.

6. Le téléphone en cause a été découvert lors de la fouille de sécurité de l'intéressée et a été saisi pour les besoins de l'enquête.

7. À la demande des enquêteurs, Mme [W] a ensuite déposé, deux jours plus tard, son ordinateur portable dont elle a indiqué qu'elle en avait un usage professionnel.

8. Il ne ressort pas de la procédure que les deux appareils aient été placés sous scellés.

9. Le téléphone a ensuite fait l'objet d'une perquisition par le juge d'instruction, en présence du bâtonnier de l'ordre des avocats, puis les deux appareils ont été restitués.

10. Mme [W] a été mise en examen des chefs susvisés et a fait déposer une requête en nullité de pièces de la procédure.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, constaté la régularité de la procédure pour le surplus et fait retour du dossier au juge d'instruction saisi pour poursuite de l'information, alors :

« 1°/ que la fouille des effets personnels d'une personne est assimilée à une perquisition et doit comme telle, lorsqu'elle est faite à l'encontre d'un avocat, avoir lieu dans le respect des formalités de l'article 56-1 du code de procédure pénale🏛, dont la méconnaissance porte nécessairement atteinte aux intérêts de l'avocat concerné ; que la chambre de l'instruction avait constaté que le téléphone portable de Mme [W], avocate, avait été saisi par les enquêteurs à l'occasion d'une fouille de son sac à main, d'où il suivait que cette saisie, qui n'avait pas été opérée par un magistrat, mais par des policiers et hors la présence du bâtonnier ou de son délégué, n'avait pas respecté les formalités du texte susvisé ; qu'en retenant néanmoins qu'il n'en était résulté aucun grief pour l'intéressée, la chambre de l'instruction a violé les articles 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée🏛, 56-1, 591 et 802 du code de procédure pénale et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que la mise sous scellés immédiate d'un téléphone et d'un ordinateur portable, utilisés à des fins professionnelles par un avocat, constitue une garantie indispensable à la protection du secret professionnel, sans laquelle ce secret est nécessairement violé ; que la chambre de l'instruction qui, ayant constaté que le téléphone et l'ordinateur portables de Mme [W], avocate, n'avaient pas été placés sous scellés aussitôt après leur appréhension par les enquêteurs, a néanmoins considéré qu'il n'en était résulté aucun grief pour l'intéressée, a violé les articles 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée🏛, 56-1, 97, 591 et 802 du code de procédure pénale et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ que la chambre de l'instruction qui, pour retenir qu'il n'était pas démontré « en quoi les enquêteurs », en saisissant le téléphone de Mme [W] sans le placer immédiatement sous scellés, avaient « porté atteinte au secret professionnel », a relevé, à la fois, d'une part, qu'« il appara[issait] qu'aucune investigation n'a[vait] été menée » sur le téléphone avant les opérations d'analyse effectuées le 19 janvier 2018 en présence du juge d'instruction, du délégué du bâtonnier et de Mme [W] (eod. loc.), d'autre part et à propos du même téléphone, qu'un « procès-verbal d'avis au juge d'instruction du 28 novembre [2017] à 18 heures 10 mentionn[ait] que l'exploitation de cet appareil [était] en cours » (eod. loc.), ce dont il résultait que le téléphone avait bien été exploité par les enquêteurs dès sa saisie ou peu après, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 593 du code de procédure pénale🏛 et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 56-1, 96 et 97 du code de procédure pénale🏛 :

12. Il se déduit de ces textes que si les formes prévues pour les perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile ne peuvent recevoir application pour la fouille des effets personnels, assimilable à une perquisition, d'un avocat, effectuée par un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire, celui-ci doit, en cas de saisie subséquente d'objets, documents ou données informatiques, afin que soit assuré le respect du secret professionnel, en garantir la connaissance et la consultation exclusives par le magistrat instructeur et le bâtonnier ou son délégué. En conséquence, l'omission de placer les biens sous scellés dès leur saisie ne préserve pas le secret professionnel de l'avocat et fait nécessairement grief aux intérêts de celui-ci.

13. Pour rejeter la requête en nullité prise de l'absence de placement sous scellé du téléphone portable et de l'ordinateur de la requérante, avocate, l'arrêt attaqué énonce, s'agissant du téléphone, que si un procès-verbal d'avis au juge d'instruction mentionne que l'exploitation de cet appareil est en cours, aucune investigation n'a été menée, que l'intéressée n'a émis aucune réserve à la saisie et qu'elle ne démontre pas en quoi les enquêteurs, en conservant le bien sans le placer sous scellé, auraient porté atteinte au secret professionnel.

14. L'arrêt ajoute, s'agissant de l'ordinateur, que l'intéressée a disposé de deux jours pour en extraire les données utiles à l'exercice de sa profession, qu'elle n'a émis aucune réserve au moment de la remise de l'appareil, qu'elle ne rapporte pas la preuve que son ordinateur aurait fait l'objet d'une exploitation avant la perquisition réalisée dans le cadre des dispositions protectrices du secret professionnel des avocats et qu'ainsi, elle n'établit pas la réalité du moindre grief.

15. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui s'est en outre contredite en énonçant en même temps qu'un procès-verbal faisait état de l'exploitation en cours du téléphone et qu'aucune investigation sur cet appareil n'avait eu lieu, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.

16. La cassation est par conséquent encourue.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 1er juin 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit janvier deux mille vingt-deux.

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