Jurisprudence : Cass. soc., 02-02-2022, n° 20-21.478, F-D, Cassation

Cass. soc., 02-02-2022, n° 20-21.478, F-D, Cassation

A52227LY

Référence

Cass. soc., 02-02-2022, n° 20-21.478, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/78120048-cass-soc-02022022-n-2021478-fd-cassation
Copier

Abstract

► L'employeur peut prévoir, dans le cadre d'un PSE, la mise en œuvre de départs volontaires échelonnés à condition que les salariés de son entreprise se trouvant dans une situation identique par rapport à cet avantage puissent en bénéficier ou à condition de justifier de l'existence d'une différence de traitement par des raisons objectives dont le juge doit en contrôler la réalité et la pertinence.


SOC.

LG


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 février 2022


Cassation


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 147 F-D

Pourvoi n° J 20-21.478


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022


Mme [R] [X], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-21.478 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société La Redoute, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [X], de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat de la société La Redoute, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 novembre 2019), Mme [X] a été engagée en 1987 par la société La Redoute en qualité de contrôleuse d'articles.

2. Le 24 mars 2014, un accord majoritaire a été signé en vue de la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, prévoyant la suppression de 1178 postes notamment sous la forme de départs volontaires échelonnés de 2014 à 2017. Ce plan, validé par la Direccte le 16 juin 2014, a fait l'objet d'un avenant le 4 février 2015.

3. Le 27 mai 2015, la salariée, qui était alors en arrêt maladie, a déposé une première demande de départ volontaire en vue d'une reconversion dans le secteur de la restauration.

4. Le 12 janvier 2016, sa demande n'ayant pas été examinée, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de son employeur à lui payer des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

5. Le 8 mars 2016, la salariée a présenté une nouvelle demande de départ volontaire en vue d'une reconversion dans le secteur de la petite enfance et un nouveau refus lui a été notifié le 11 mai 2016.


Sur le moyen, pris en ses sixième et septième branches

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de la condamner aux entiers dépens, alors :

« 6°/ que la mise en oeuvre d'un plan de départ volontaire établi par accord collectif est soumise au respect du principe de l'égalité de traitement ; qu'en cas de différence de traitement, les juges du fond sont tenus de contrôler la réalité et la pertinence des raisons avancées par l'employeur au soutien de la différence de traitement constatée ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir pièces à l'appui qu'alors même que deux de ses collègues avaient reçu, comme elle, un avis défavorable à leur projet de reconversion professionnelle dans le secteur de la petite enfance, motif pris ''précarité de l'emploi sur ce secteur'', une autre salariée de l'entreprise avait reçu un avis favorable pour un même type projet dans le secteur de la petite enfance ; qu'en réponse, la cour d'appel a considéré que le fait qu'une seule autre salariée ait vu son projet dans le domaine de la petite enfance validé ne pouvait être retenu à lui seul pour démontrer l'iniquité de la décision prise à l'égard de la salariée, dès lors que le profil de cette personne n'était pas connu et que tous les autres projets de ce type avaient, quant à eux, été rejetés ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants pour exclure toute inégalité de traitement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe susvisé ;

7°/ qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir que le fait que le profil de la candidate retenue fut inconnu était indifférent dès lors que le motif allégué par l'employeur tenait à l'état du marché de l'emploi, et non pas du profil du salarié ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux écritures de la salariée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile🏛. »


Réponse de la Cour

Vu le principe d'égalité de traitement :

7. Si un plan de sauvegarde de l'emploi peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu'une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

8. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient, par motifs propres, que la commission de suivi ayant émis, le 3 mai 2016, un avis défavorable au projet de reconversion en CAP petite enfance, l'employeur étant lié par cet avis, n'avait d'autre choix que de refuser le départ.

9. Il ajoute, par motifs adoptés, que le fait qu'une seule autre salariée ait vu son projet dans le domaine de la petite enfance validé ne peut être retenu à lui seul pour démontrer l'iniquité de la décision prise à l'égard de la salariée, dès lors que le profil de la personne n'est pas connu et que tous les autres projets de ce type ont, quant à eux, été rejetés.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations que la salariée avait présenté des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, de sorte qu'il incombait à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant cette différence de traitement, la cour d'appel a violé le principe susvisé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Condamne la société La Redoute aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société La Redoute et la condamne à payer à Mme [X] la somme de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [X]


Mme [X] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail et de l'AVOIR condamnée aux entiers dépens ;

1) ALORS d'abord QUE l'employeur qui, dans le cadre d'un accord collectif, a négocié avec les partenaires sociaux des conditions d'éligibilité à l'accès à un dispositif de départ volontaire, est tenu de respecter les conditions qui y sont énoncées ; que l'accord du 24 mars 2014 prévoyait à son article 1.2 du titre 3 que seuls seraient exclus du bénéfice des départs volontaires les salariés dont le contrat de travail était suspendu en application du dispositif de dispense d'activité rémunérée ainsi que les salariés ayant adhéré à un dispositif de préretraite ; que pourtant, la demande de la salariée formulée en date du 27 mai 2015 n'a pas été examinée, l'employeur craignant que la transmission d'une demande à la commission de suivi soit invalidée du fait que la salarié se trouvait en arrêt de travail au moment de la réunion de la commission de suivi ; qu'en considérant, par motifs adoptés, que, dans le silence de l'accord majoritaire sur ce point, les motifs ayant conduit la direction de la société La Redoute à ne pas soumettre la première demande formée par Mme [X] à la commission qui se réunissait alors qu'elle était en arrêt maladie, s'appuyaient sur des moyens juridiques et non personnels, de sorte que Mme [X] ne rapportait pas la preuve d'un abus de la part de son employeur, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'accord du 24 mars 2014 ;

2) ALORS ensuite QU'en considérant, par motifs propres, qu'il était cependant avéré que Mme [X] était en congé-maladie le 1er juillet 2015 ce jusqu'en janvier 2016, ce dont il résultait que le projet était dans les faits irréalisable et caduc, la cour d'appel a derechef violé l'accord du 24 mars 2014 ;

3) ALORS encore QU'en affirmant que l'employeur craignait que la transmission d'une demande à la commission de suivi soit invalidée du fait que la salariée se trouvait en arrêt de travail et que l'accord avait été modifié à la suite de la réunion du 28 janvier 2016, cependant que la demande de la salariée avait été formulée le 27 mai 2015, soit antérieurement à la modification de l'accord, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, impropres à justifier sa décision, la privant de toute base légale au regard de l'accord du 24 mars 2014 ;

4) ALORS de surcroit QU'en cas de refus opposé à un salarié qui sollicite le bénéfice d'un dispositif de départ volontaire, il appartient à l'employeur de justifier la réalité du motif invoqué par lui pour fonder la décision de refus ; que les juges sont tenus de rechercher si, concrètement, les motifs invoqués par l'employeur sont fondés, réels et pertinents ; qu'en l'espèce, la salariée a été informée par courrier du 11 mai 2016 que la commission de suivi avait rendu un avis défavorable au motif suivant « précarité de l'emploi sur ce secteur » (production 7 – avis de refus du 11 mai 2016) ; que l'employeur s'est fondé sur ce motif pour justifier le refus opposé à la salariée ; qu'en l'espèce, la salariée se prévalait, preuve à l'appui (production 8 – offre d'emploi de pôle emploi dans le secteur de la petite enfance) de la viabilité de son projet et de la pertinence de sa reconversion ; qu'en considérant, par motifs adoptés, que la société La Redoute produisait un mail d'un responsable de Pôle Emploi indiquant en décembre 2016 que le nombre de demandeurs d'emploi dans le domaine de « l'Assistance auprès d'Enfants » était important dans la région et que M. [W], cadre technique, membre de la commission de suivi, confirmait que Pôle emploi avait souvent éclairé la commission sur le marché de l'emploi local, puis, par motifs propres, que la commission de suivi avait émis un avis défavorable au projet de reconversion en CAP Petite enfance de sorte qu'étant lié par l'avis de cette commission la société n'avait d'autre choix que de refuser le départ la salariée, sans rechercher si, concrètement, les éléments produits par l'employeur pour justifier le refus étaient fondés, réels et pertinents, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'accord du 24 mars 2014 ;

5) ALORS également QU'en affirmant que la salariée avait été alertée par le BPI du peu de débouchés dans le domaine de la petite enfance, cependant que le BPI n'avait aucun pouvoir décisionnaire dans le refus ou l'acceptation de la demande de départ de la salariée, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'accord du 24 mars 2014 ;

6) ALORS en tout état de cause QUE la mise en oeuvre d'un plan de départ volontaire établi par accord collectif est soumise au respect du principe de l'égalité de traitement ; qu'en cas de différence de traitement, les juges du fond sont tenus de contrôler la réalité et la pertinence des raisons avancées par l'employeur au soutien de la différence de traitement constatée ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir pièces à l'appui (production 8 – avis favorable de la commission de suivi à un projet de reconversion professionnelle dans le secteur de la petite enfance) qu'alors même que deux de ses collègues avaient reçu, comme elle, un avis défavorable à leur projet de reconversion professionnelle dans le secteur de la petite enfance, motif pris « précarité de l'emploi sur ce secteur », une autre salariée de l'entreprise avait reçu un avis favorable pour un même type projet dans le secteur de la petite enfance ; qu'en réponse, la cour d'appel a considéré que le fait qu'une seule autre salariée ait vu son projet dans le domaine de la Petite Enfance validé ne pouvait être retenu à lui seul pour démontrer l'iniquité de la décision prise à l'égard de la salariée, dès lors que le profil de cette personne n'était pas connu et que tous les autres projets de ce type avaient, quant à eux, été rejetés ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants pour exclure toute inégalité de traitement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe susvisé ;

7) ALORS enfin QU'en l'espèce, la salariée faisait valoir que le fait que le profil de la candidate retenue fut inconnu était indifférent dès lors que le motif allégué par l'employeur tenait à l'état du marché de l'emploi, et non pas du profil du salarié (écritures d'appel, p. 13-14) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux écritures de la salariée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile🏛.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Domaine juridique - CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.