Jurisprudence : Cass. crim., 19-01-2022, n° 21-82.598, F-D, Rejet

Cass. crim., 19-01-2022, n° 21-82.598, F-D, Rejet

A18637K9

Référence

Cass. crim., 19-01-2022, n° 21-82.598, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/77559096-cass-crim-19012022-n-2182598-fd-rejet
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N° Q 21-82.598 F-D

N° 00063


ECF
19 JANVIER 2022


REJET


M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 JANVIER 2022



Mme [S] [F] et M. [R] [V], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 29 mars 2021, qui, dans l'information suivie, sur leur plainte, contre personne non dénommée des chefs de violences volontaires, menaces de mort, provocation au suicide, homicide involontaire et omission de porter secours, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire commun aux demandeurs a été produit.

Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme [S] [F] et de M. [R] [V], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 décembre 2021 où étaient présents M. A Aa de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 13 février 2013, la jeune [J] [V], âgée de 13 ans, s'est suicidée à son domicile.

3. Ses parents, Mme [S] [F] et M. [R] [V], ont déposé une plainte avec constitution de partie civile visant les délits de violences volontaires, homicide involontaire, provocation au suicide, menaces de mort, omission de porter secours à une personne en péril.

4. Par ordonnance du 10 août 2018 le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque de ces chefs.

5. Les parties civiles ont relevé appel de cette décision.


Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, pris en ses première et troisième branches


6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef de violences volontaires, alors :

« 1°/ que toute atteinte physique volontaire constitue une violence, quelle qu'en soit l'intensité et quels que soient les mobiles qui ont pu guider son auteur ; qu'en énonçant qu'aucun élément ne permettait de démontrer que des violences physiques avaient été commises de façon intentionnelle, ni par [K] [C] ni par personne d'autre, après avoir, cependant, relevé que ce dernier avait expressément admis qu'il avait projeté de la neige au visage de [J] [V], qu'il lui avait, à cette occasion, mis un coup, et qu'à, au moins une ou deux reprises, il l'avait frappée sur les fesses, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 222-13 du code pénal🏛 ;

2°/ que le délit de violences volontaires peut être constitué par tout acte ou comportement de nature à causer sur la personne de la victime une atteinte à son intégrité psychique, caractérisée par un choc émotif ou par une perturbation psychologique ; qu'en fondant sa décision d'écarter la qualification de violences psychologiques volontaires sur les circonstances inopérantes tirées de ce qu'en l'espèce, les insultes n'auraient pas dépassé le cadre de moqueries entre adolescents et de ce que les propos et agissements ne s'inscrivaient pas dans une entreprise concertée et structurée de la part de leurs auteurs, après avoir tout de même constaté qu'il y avait bien eu insultes, moqueries, marques d'hostilité et brimades dont [J] [V] avait été victime, la chambre de l'instruction qui a refusé de tirer les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations a violé les articles 222-13 et 222-14-3 du code pénal🏛 ;

3°/ qu'en matière de violences volontaires, physiques ou psychologiques, le mobile est indifférent et il n'est pas nécessaire que leur auteur ait voulu causer le dommage qui en est résulté ; qu'en induisant l'absence de l'élément moral de ce délit d'une absence, s'agissant des auteurs des insultes et brimades subies par [J] [V], d'une intention de nuire ou de causer à la victime le dommage qui en est résulté, la chambre de l'instruction a violé les articles 121-3, 222-13 et 222-14-3 du code pénal🏛. »


Réponse de la Cour

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

8. L'arrêt attaqué relève que [K] [C] a reconnu avoir lancé des boules de neige sur [J] [V] et en avoir pris une dans les mains qu'il lui a mis dans la figure, en lui portant ainsi involontairement un coup, et lui avoir une ou deux fois mis une tape sur les fesses, par jeu.

9. La cour conclut que si l'étude des communications par SMS de [J] [V] permettait de constater l'existence de relations conflictuelles avec [K] [C] dans les dernières semaines, aucun autre élément ne permet de démontrer que des violences physiques ont été commises de façon intentionnelle, ni par [K] [C] ni par personne d'autre.

10. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a pu souverainement estimer que les faits ci-dessus mentionnés, qui n'ont fait l'objet d'aucune plainte, ni même d'aucun signalement auprès de l'établissement scolaire, ne constituaient pas des violences physiques au sens de la loi, a justifié sa décision.

11. Le grief doit, en conséquence, être rejeté.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

12. L'arrêt détaille la chronologie des relations de [J] [V] et des jeunes de son entourage les jours précédant le 13 février 2013 et notamment sa brouille avec son amie [Y] [E], ses relations avec son petit ami [U] [Z] et son contentieux avec [K] [C].

13. Les juges énoncent que ce dernier a reconnu avoir insulté [J] [V] à l'occasion d' « embrouilles » et que les moqueries, « les chatouilles », ou le fait de lui cacher son sac s'inscrivaient dans des jeux dont il était lui aussi la cible.

14. La cour conclut que l'élément intentionnel des violences psychologiques, qui réside dans la volonté de porter atteinte à l'intégrité psychique d'autrui, n'apparaît pas établi en l'espèce, au travers de messages ou de propos souvent irréfléchis, qui témoignent plus d'une psychologie adolescente maladroite et excessive que d'une volonté de nuire à [J] [V], d'autant que certains de ces propos ont été tenus en réaction à d'autres tenus par cette dernière à l'encontre de camarades de classe.

15. Si la volonté de nuire à autrui n'est pas un élément constitutif de l'infraction de violences volontaires, dès lors qu'il suffit que l'agent ait eu un comportement violent susceptible de générer un résultat dommageable, la chambre de l'instruction a pu, sans insuffisance ni contradiction, par des motifs relevant de son appréciation souveraine des faits, juger que les faits imputés à [K] [C] n'étaient pas de nature à impressionner vivement la victime et à lui causer un choc émotif.

16. Le moyen doit en conséquence être rejeté.


Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

17. Le moyen, en sa deuxième branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef d'homicide involontaire, alors :

« 2°/ qu'à la différence des personnes physiques, lesquelles, si elles n'ont pas causé directement le dommage, mais ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer, les personnes morales, quant à elles, peuvent engager leur responsabilité pénale en pareil cas par une simple faute d'imprudence ou de négligence ; qu'en se bornant à rechercher si une faute avait, en l'espèce, été commise par une ou des personnes physiques, selon les critères légaux stricts qui s'appliquent à elles, sans rechercher si une personne morale, et plus précisément l'enseignement public local d'enseignement (EPLE) au sein duquel la victime était scolarisée, n'avait pas commis une faute d'imprudence ou de négligence en lien avec le suicide de celle-ci, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 121-2, 121-3 et 221-6 du code pénal🏛. »


Réponse de la Cour

18. Pour dire n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef d'homicide involontaire, après avoir analysé la situation du collège où était scolarisée [J] [V], en particulier du point de vue des comportements anormaux de certains élèves indisciplinés, et des incidents qui les ont opposés à [J] [V], la chambre de l'instruction relève que les investigations pratiquées n'ont pas confirmé l'existence d'agissements répétés, telles brimades, humiliations ou insultes, commis par des élèves sur la personne de [J] [V] dans les mois ou les jours ayant précédé son suicide, dont rien ne permettait d'envisager l'éventualité.

19. Puis, la juridiction d'instruction du second degré analyse les réactions et l'attitude des membres de la direction et de l'équipe éducative de l'établissement.

20. Elle retient notamment, s'agissant de la discipline au sein de l'établissement et de la classe de [J] [V], que les incidents ayant eu lieu entre différents élèves, ainsi que les réponses ou les défauts de réponse qui y ont été apportés par l'encadrement scolaire, ne sont pas de nature à établir l'existence de manquements ayant contribué au décès de [J] [V]. Elle ajoute que des mesures disciplinaires avaient rapidement été prises par la nouvelle direction contre des élèves perturbateurs et que les insultes et les incidents, en particulier les faits de violence, étaient recensés et pris en charge, aboutissant parfois à des sanctions, voire à des exclusions.

21. Elle conclut que l'information n'a pas relevé d'éléments suffisant à caractériser des faits pouvant recevoir une qualification pénale.

22. En l'état de ces motifs relevant de son appréciation souveraine, dénués d'insuffisance, la chambre de l'instruction, qui a analysé l'ensemble des faits dénoncés et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par les parties civiles appelantes, a fait ressortir qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre les organes ou représentants de la personne morale d'avoir commis, pour le compte de celle-ci, l'infraction d'homicide involontaire et a justifié sa décision.

23. Le grief ne saurait donc être accueilli.

24. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.

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