Jurisprudence : Cass. soc., 19-01-2022, n° 20-19.742, F-D, Rejet

Cass. soc., 19-01-2022, n° 20-19.742, F-D, Rejet

A18357K8

Référence

Cass. soc., 19-01-2022, n° 20-19.742, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/77559068-cass-soc-19012022-n-2019742-fd-rejet
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Abstract

► Un accident de la circulation commis par le salarié qui conduisait son véhicule de fonction en état d'ébriété, au retour d'un salon professionnel où il s'était rendu sur instruction de son employeur, constitue un fait se rattachant à la vie professionnelle du salarié et peut justifier son licenciement pour faute.


SOC.

LG


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022


Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 75 F-D

Pourvoi n° X 20-19.742


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JANVIER 2022


M. [Aa] [Ab], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-19.742 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Manchettes résines réhabilitation de réseaux, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Ab], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Manchettes résines réhabilitation de réseaux, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2020), M. [Ab] a été engagé le 25 mars 2002 par la société Manchettes résines réhabilitation de réseaux en qualité d'aide conducteur de travaux. Il occupait en dernier lieu les fonctions de chef d'équipe.

2. Le salarié a été licencié pour faute grave le 21 juillet 2015.

3. Il a saisi la juridiction de prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement pour faute grave justifié et de le débouter de ses demandes, alors :

« 1°/ qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail ; que l'exposant soutenait que l'accident s'était produit en dehors du temps de travail, entre 22 heures et 23 heures et qu'il n'était plus sous la subordination de son employeur, que le fait que le véhicule endommagé soit une voiture de fonction ne suffisait pas à conférer à l'accident un caractère professionnel dès lors qu'il l'utilisait tant dans le cadre de sa vie professionnelle que personnelle et enfin que l'accident ne s'était pas produit durant un trajet anormal et inhabituel dépassant le temps de trajet domicile-travail, dès lors qu'il n'avait reçu aucune contrepartie financière ou de repos à ce titre ; qu'en considérant, pour retenir une faute grave à l'encontre du salarié, qu'il avait agi sur instruction de son employeur en se rendant au salon professionnel et que l'accident qu'il avait provoqué sur le trajet du retour à son domicile, sous l'empire d'un état alcoolique, en outre avec le véhicule de l'entreprise, constituait un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail sans répondre à ces conclusions desquelles il résultait que l'infraction commise par le salarié dans le cadre de sa vie personnelle ne pouvait être regardée comme une méconnaissance de ses obligations découlant de son contrat de travail, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile🏛 ;

2°/ qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; qu'en considérant, pour retenir une faute grave à l'encontre du salarié, qu'il avait agi sur instruction de son employeur en se rendant au salon professionnel et que l'accident qu'il avait provoqué sur le trajet du retour à son domicile, sous l'empire d'un état alcoolique, en outre avec le véhicule de l'entreprise, constituait un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail, sans préciser, au-delà de la faute pénale commise, l'obligation découlant du contrat de travail à laquelle le salarié aurait manqué ni en quoi l'infraction constituait un manquement à l'une de ses obligations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail🏛 ;

3°/ que sont qualifiés de temps de travail effectif, et à ce titre, rémunérés comme tels, les temps de déplacement professionnel au cours desquels le salarié se trouve soumis à l'autorité de son employeur et qui correspondent à la définition du temps de travail effectif résultant de l'article L. 3121-1 du code du travail🏛 ; que l'exposant faisait valoir que l'accident s'était produit après 22 heures, que l'employeur n'établissait pas qu'il avait travaillé jusqu'à 22 heures, faute de produire l'horaire de fermeture du salon professionnel auquel il s'était rendu et que ses bulletins de paie ne faisaient apparaître aucune majoration d'heures supplémentaires, de travail de nuit ou contrepartie financière ou repos, de sorte que si l'accident s'était produit à l'occasion d'un déplacement professionnel, il avait eu lieu en dehors du temps de travail et ne pouvait justifier un licenciement pour faute ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que l'accident s'était produit lors du trajet retour d'un salon professionnel au domicile du salarié et que ce temps de trajet inhabituel et anormal était assimilé à du temps de travail effectif pour considérer que celui-ci avait manqué une obligation d'exécution consciencieuse de son contrat de travail, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si, compte tenu de l'heure à laquelle l'accident s'était produit, après 22 heures, bien après la fin du salon professionnel auquel il avait assisté sur instruction de son employeur, le salarié se trouvait dans un temps ressortant de sa vie personnelle et n'était plus soumis à l'autorité de son employeur, en sorte qu'il importait peu que l'accident se soit produit sur le trajet retour à son domicile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail🏛. »


Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a relevé que les faits visés dans la lettre de licenciement, dont le salarié ne contestait pas la matérialité, avaient été commis, alors qu'il conduisait sous l'empire d'un état alcoolique son véhicule de fonction, au retour d'un salon professionnel, où il s'était rendu sur instruction de son employeur, de sorte que les faits reprochés se rattachaient à la vie professionnelle du salarié.

7. La cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à un moyen insusceptible d'avoir une influence sur la solution du litige ni à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [Ab] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour MAb [Z]


M. [Ab] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit licenciement pour faute grave justifié et de l'AVOIR débouté de ses demandes subséquentes.

1° ALORS QU'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail ; que l'exposant soutenait (v. ses concl. pp. 6 et 7) que l'accident s'était produit en dehors du temps de travail, entre 22 h et 23 h et qu'il n'était plus sous la subordination de son employeur, que le fait que le véhicule endommagé soit une voiture de fonction ne suffisait pas à conférer à l'accident un caractère professionnel dès lors qu'il l'utilisait tant dans le cadre de sa vie professionnelle que personnelle et enfin que l'accident ne s'était pas produit durant un trajet anormal et inhabituel dépassant le temps de trajet domicile - travail, dès lors qu'il n'avait reçu aucune contrepartie financière ou de repos à ce titre ; qu'en considérant, pour retenir une faute grave à l'encontre du salarié, qu'il avait agi sur instruction de son employeur en se rendant au salon professionnel et que l'accident qu'il avait provoqué sur le trajet du retour à son domicile, sous l'empire d'un état alcoolique, en outre avec le véhicule de l'entreprise, constituait un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail sans répondre à ces conclusions desquelles il résultait que l'infraction commise par le salarié dans le cadre de sa vie personnelle ne pouvait être regardée comme une méconnaissance de ses obligations découlant de son contrat de travail, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile🏛.

2° ALORS QU'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; qu'en considérant, pour retenir une faute grave à l'encontre du salarié, qu'il avait agi sur instruction de son employeur en se rendant au salon professionnel et que l'accident qu'il avait provoqué sur le trajet du retour à son domicile, sous l'empire d'un état alcoolique, en outre avec le véhicule de l'entreprise, constituait un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail, sans préciser, au-delà de la faute pénale commise, l'obligation découlant du contrat de travail à laquelle le salarié aurait manqué ni en quoi l'infraction constituait un manquement à l'une de ses obligations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail🏛.

3° ALORS QUE sont qualifié de temps de travail effectif, et à ce titre, rémunérés comme tels, les temps de déplacement professionnel au cours desquels le salarié se trouve soumis à l'autorité de son employeur et qui correspondent à la définition du temps de travail effectif résultant de l'article L. 3121-1 du code du travail🏛 ; que l'exposant faisait valoir (v. ses concl. pp. 6 et 7) que l'accident s'était produit après 22 heures, que l'employeur n'établissait pas qu'il avait travaillé jusqu'à 22 heures, faute de produire l'horaire de fermeture du salon professionnel auquel il s'était rendu et que ses bulletins de paie ne faisaient apparaître aucune majoration d'heures supplémentaires, de travail de nuit ou contrepartie financière ou repos, de sorte que si l'accident s'était produit à l'occasion d'un déplacement professionnel, il avait eu lieu en dehors du temps de travail et ne pouvait justifier un licenciement pour faute ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que l'accident s'était produit lors du trajet retour d'un salon professionnel au domicile du salarié et que ce temps de trajet inhabituel et anormal était assimilé à du temps de travail effectif pour considérer que celui-ci avait manqué une obligation d'exécution consciencieuse de son contrat de travail, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si, compte tenu de l'heure à laquelle l'accident s'était produit, après 22 heures, bien après la fin du salon professionnel auquel il avait assisté sur instruction de son employeur, le salarié se trouvait dans un temps ressortant de sa vie personnelle et n'était plus soumis à l'autorité de son employeur, en sorte qu'il importait peu que l'accident se soit produit sur le trajet retour à son domicile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail🏛.

4° ALORS QUE le trouble objectif désorganisant l'entreprise ne peut donner lieu à un licenciement disciplinaire ; qu'en retenant que le licenciement pour faute grave du salarié était justifié au prétexte que ses fonctions impliquaient qu'il soit titulaire du permis de conduire eu égard notamment aux nombreux déplacements qu'il devait effectuer et que le véhicule neuf mis à sa disposition avait été gravement endommagé, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif tiré d'un trouble objectif désorganisant l'entreprise, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail🏛.

5° ALORS au demeurant QUE l'exposant faisait valoir (v. ses concl. p. 6) qu'il n'avait pas été mis à pied à titre conservatoire et avait pu continuer à exercer ses fonctions durant la procédure disciplinaire en se rendant en scooter sur son lieu de travail, ce qui excluait tout trouble objectif dans le fonctionnement de la société ; qu'en retenant que ses fonctions impliquaient qu'il soit titulaire du permis de conduire eu égard notamment aux nombreux déplacements qu'il devait effectuer sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile🏛.

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