Jurisprudence : CE 5/6 ch.-r., 27-12-2021, n° 439296, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 5/6 ch.-r., 27-12-2021, n° 439296, mentionné aux tables du recueil Lebon

A44887HP

Référence

CE 5/6 ch.-r., 27-12-2021, n° 439296, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/76714743-ce-56-chr-27122021-n-439296-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

01-03-02-06 Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. ......Il résulte de l'article 31 du décret 2003-1306 du 26 décembre 2003 et des articles 27 et 30 de l'arrêté du 4 août 2004 que doit être présent, au sein de la commission de réforme appelée à statuer sur l'imputabilité au service de la maladie contractée par un agent des administrations parisiennes, en plus des deux praticiens de médecine générale, un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par l'agent qui, s'il participe aux échanges de la commission, ne prend pas part au vote de son avis.......La garantie qui résulte de ces dispositions constitue pour l'agent le fait que la commission de réforme soit éclairée par un médecin spécialiste de sa pathologie.......Dès lors, dans l'hypothèse où, en dépit de l'absence au sein de la commission d'un médecin spécialiste de la pathologie de l'agent, la commission dispose de plusieurs certificats médicaux rédigés par des médecins psychiatres ainsi que d'un rapport d'expertise récent établi par un psychiatre ayant examiné l'agent, celui-ci ne peut être regardé comme ayant été effectivement privé d'une garantie.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 439296

Séance du 29 novembre 2021

Lecture du 27 décembre 2021

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 6ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

Mme C D a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 mai 2016 par lequel le chef du personnel de l'hôpital Tenon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, l'arrêté du 2 juin 2016 par lequel le chef du service du statut, de la réglementation et de la protection sociale de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) l'a reconnue temporairement inapte à reprendre ses fonctions et l'a placée en disponibilité d'office pour raisons de santé du 2 juillet 2013 au 1er janvier 2016 et la décision du 29 août 2016 par laquelle le directeur-adjoint des ressources humaines de l'AP-HP a rejeté le recours hiérarchique qu'elle a formé contre ces deux arrêtés. Par un jugement n°s 1619327, 1619336 du 13 novembre 2017, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 2 juin 2016 et la décision du 29 août 2016 en tant qu'elle rejette la demande d'annulation de cet arrêté et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n° 18PA00087 du 31 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Paris⚖️ a rejeté l'appel formé par Mme D contre ce jugement, ainsi que l'appel incident de l'AP-HP.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mars et 18 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette son appel ;

2°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986🏛 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme D et à la SARL Didier-Pinet, avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme D, aide-soignante en service au sein de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), a été placée en congé de longue durée entre 2008 et 2013 en raison de troubles dépressifs. Par un arrêté du 26 mai 2016, l'administration a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et, par un arrêté du 2 juin 2016, elle l'a reconnue temporairement inapte à reprendre ses fonctions et l'a rétrospectivement placée en disponibilité d'office pour raisons de santé du 2 juillet 2013 au 1er janvier 2016. Par un jugement du 13 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a, sur sa demande, annulé l'arrêté du 2 juin 2016 mais a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2016, relatif à l'imputabilité au service de sa maladie. Mme D se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé contre ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative🏛 : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". S'il appartient au rapporteur public de préciser, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, la communication de ces dernières informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

3. Par suite, Mme D ne peut utilement soutenir que l'arrêt attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le rapporteur public, qui avait mis les parties en mesure de connaître avant l'audience le sens de ses conclusions, de leur avoir indiqué s'il proposait le rejet de l'appel incident de l'AP-HP pour un motif de recevabilité ou pour un motif de fond.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative🏛 : " Postérieurement à la clôture de l'instruction (), le président de la formation de jugement peut inviter une partie à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l'instruction. Cette demande, de même que la communication éventuelle aux autres parties des éléments et pièces produits, n'a pour effet de rouvrir l'instruction qu'en ce qui concerne ces éléments ou pièces ".

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, postérieurement à la clôture de l'instruction devant la cour administrative d'appel, le président de la 4ème chambre de la cour a, en application des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative🏛 cité ci-dessus, invité l'AP-HP à produire plusieurs actes réglementaires relatifs à son comité médical et à sa commission de réforme. Il ressort toutefois des termes mêmes de l'arrêt attaqué que la cour, contrairement à ce que soutient la requérante, ne s'est pas fondée sur les éléments produits par l'AP-HP en réponse à cette mesure d'instruction pour rejeter sa requête. Par suite, Mme D n'est pas fondée à soutenir que l'absence de communication de ces éléments entache d'irrégularité l'arrêt attaqué.

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

6. En premier lieu, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

7. Aux termes de l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service () ". Aux termes de l'article 27 de l'arrêté du 4 août 2004🏛 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Il est créé auprès du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, deux commissions de réforme compétentes respectivement : / () / 2° Pour les personnels affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, non soumis à l'article 118 susvisé et relevant d'établissements, administrations ou services publics ayant leur siège à Paris, à l'exception du centre de gestion prévu à l'article 17 de la loi du 26 janvier 1984🏛 susvisée ". En vertu des dispositions de l'article 30 du même arrêté, la commission de réforme comprend notamment " () / - deux praticiens de médecine générale, membres du comité médical dont relève l'agent, auxquels est adjoint, pour les cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste, qui participe aux délibérations mais ne participe pas aux votes / () ". Il résulte de ces dispositions que doit être présent, au sein de la commission de réforme appelée à statuer sur l'imputabilité au service de la maladie contractée par un agent, en plus des deux praticiens de médecine générale, un médecin spécialiste de la pathologie invoquée par l'agent qui, s'il participe aux échanges de la commission, ne prend pas part au vote de son avis.

8. Il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour juger que l'absence de médecin spécialiste en psychiatrie lors de la réunion du 3 mai 2016 au cours de laquelle la commission de réforme a examiné la situation de Mme D n'avait pas privé cette dernière d'une garantie au sens du principe rappelé au point 6, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que la commission disposait de plusieurs certificats médicaux rédigés par des médecins psychiatres ainsi que d'un rapport d'expertise récent établi par un psychiatre ayant examiné Mme D en février 2016. En jugeant que la procédure suivie devant la commission de réforme n'avait, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, pas effectivement privé Mme D A la garantie, qui résulte des textes cités au point précédent, que constitue pour l'agent le fait que la commission de réforme soit éclairée par un médecin spécialiste de sa pathologie, la cour a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit.

9. En second lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / () / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. / () ". Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

10. En jugeant que, compte tenu notamment de l'évolution ancienne de la schizophrénie dysthymique dont souffrait Mme D et de l'absence d'éléments circonstanciés permettant de penser que son état psychologique puisse être directement lié à l'exercice de ses fonctions ou à ses conditions de travail, sa pathologie n'était pas imputable au service, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Son pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D la somme que demande l'AP-HP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme D est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'AP-HP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme C D et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 novembre 2021 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. B I, M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; M. M E, Mme H L, M. G K, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat ; Mme Pearl Nguyên Duy, maître des requêtes et M. Joachim Bendavid, auditeur-rapporteur.

Rendu le 27 décembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Joachim Bendavid

Le secrétaire :

Signé : M. F J439296- 4 -

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