Jurisprudence : Cass. civ. 2, 09-12-2021, n° 19-23.227, F-D, Cassation

Cass. civ. 2, 09-12-2021, n° 19-23.227, F-D, Cassation

A85197EA

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Cass. civ. 2, 09-12-2021, n° 19-23.227, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/75472817-cass-civ-2-09122021-n-1923227-fd-cassation
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CIV. 2

CM


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 décembre 2021


Cassation partiellement
sans renvoi


M. A, premier président


Arrêt n° 1169 F-D

Pourvoi n° Q 19-23.227


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 DÉCEMBRE 2021


La société Sahmara, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 19-23.227 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2019 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], et en son établissement secondaire [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Sahmara, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société AXA France IARD, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2021 où étaient présents M. A, premier président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 11 juillet 2019) et les productions, la société Sahmara a réalisé, en 2001, des travaux de réfection de l'étanchéité des toitures terrasses d'un immeuble à la suite d'infiltrations, liées à un défaut d'étanchéité.

2. La société Sahmara a souscrit, le 26 novembre 1996, auprès de la société Axa France IARD (l'assureur) un contrat d'assurance « responsabilité civile entreprise bâtiment, travaux publics, génie civil », à effet au 19 novembre 1996, qui a fait l'objet, le 17 janvier 2002, d'un avenant n° 11 d'extension de garantie aux défauts d'étanchéité des toitures terrasses, à effet au 17 octobre 2001.

3. Saisi par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble par acte du 30 mars 2011, un tribunal de première instance a condamné, par jugement du 24 février 2014, devenu irrévocable, la société Sahmara à payer au demandeur la somme de 12 963 666 FCFP à titre de dommages-intérêts, et la société Nouméa carrelages, sous-traitante de la société Sahmara, depuis lors placée en liquidation judiciaire, à relever et garantir cette dernière de cette condamnation, à concurrence de la somme de 11 697 830 FCFP.

4. Contestant le refus de garantie que lui opposait l'assureur au motif de la prescription de son action, la société Sahmara a saisi, par acte du 16 mars 2015, un tribunal afin de dire que l'exception de prescription ne lui était pas opposable et que l'assureur soit condamné à prendre en charge l'indemnisation accordée au syndicat des copropriétaires et à la garantir des sommes mises à sa charge par le jugement du 24 février 2014.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. La société Sahmara fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action à l'encontre de l'assureur alors :

« 2°/ que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale, les différents points de départ du délai prévus aux alinéas 2 et 3 de l'article L. 114-1 du code des assurances🏛 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'action en garantie de la société Sahmara était prescrite en application du délai biennal fixé par l'article L. 114-1 du code des assurances🏛, qui figurait dans les documents contractuels, puisqu'elle avait agi contre son assureur plus de deux ans après avoir elle-même été assignée par le syndicat des copropriétaires ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était, si le contrat d'assurance rappelait le point de départ de la prescription de l'action de l'assuré ayant pour origine le recours d'un tiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 112-1 du code des assurances🏛 ;

3°/ qu'en outre, l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale, toutes les causes interruptives de prescription telles qu'elles sont énumérées par l'article L. 114-2 du code des assurances🏛, outre les causes ordinaires d'interruption ; que ne satisfait pas à cette exigence, la clause d'une police qui se borne à énoncer que « toute action dérivant du présent contrat est prescrite par deux ans à compter de l'évènement qui y donne naissance, dans les conditions déterminées par les articles L.114-1 et 114-2 du code » ; qu'en estimant que le délai de prescription issu de l'article L.114-1 du code des assurances🏛 était opposable à la société Sahmara au motif que la « mention des règles de prescription figure bien dans les pièces contractuelles », sans rechercher, comme elle y était invitée, si le contrat mentionnait également les causes interruptives du délai de prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 112-1 du code des assurances🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article R. 112-1 du code des assurances🏛 :

6. Il résulte de ce texte que les polices d'assurance doivent rappeler les dispositions relatives à la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.

7. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action de la société Sahmara contre l'assureur, après avoir relevé que l'article L.114-1 du code des assurances🏛, dans sa rédaction en vigueur, dispose que les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance, que lorsque l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré et que l'article R. 112-1 du code des assurances🏛 sanctionne l'absence, dans le contrat, du rappel de ces règles de prescription, l'arrêt énonce qu'en l'espèce, il ressort de la lecture de l'article 6-2 des conditions générales jointes au contrat de 1996 que la mention de ce délai de prescription figure bien dans les pièces contractuelles, ce dont il se déduit que la prescription est opposable à l'assuré, quand bien même la mention n'aurait pas été, à nouveau, précisée dans l'avenant de 2002.

8. En statuant ainsi, alors qu'il ressort de ces constatations que les conditions générales du contrat d'assurance, tout comme l'annexe de garantie d'extension litigieuse, ne comportaient aucune mention relative au point de départ du délai de la prescription biennale prévue à l'article L. 114-1 et aux causes d'interruption, y compris ordinaires, du délai de prescription, fixées par l'article L. 114-2 du même code🏛, ces informations étant exigées sous peine d'inopposabilité de la prescription à l'assuré, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe 8 que l'action de la société Sahmara contre l'assureur n'est pas prescrite et, comme telle recevable.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Statuant au fond,

DECLARE recevable l'action formée par la société Sahmara contre la société Axa France IARD ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes formées par la société Axa France IARD et la condamne à payer à la société Sahmara la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Sahmara

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré la SARL SAHMARA irrecevable en son action à l'encontre d'AXA ;

AUX MOTIFS QUE : « l'article L.114-1 du code des assurances🏛, dans sa rédaction en vigueur préalablement au transfert de compétence du droit des assurances à la Nouvelle-Calédonie par la loi n°76-1222 du 28 décembre 1978, donc applicable en Nouvelle-Calédonie, dispose que les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'évènement qui y donne naissance ; que lorsque l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ;

que l'article R. 112-1 du code des assurances🏛 sanctionne l'absence, dans le contrat, du rappel de ces règles de prescription ; qu'en l'espèce, il ressort de la lecture de l'article 6-2 des conditions générales jointes au contrat de 1996 que la mention de ce délai de prescription figure bien dans les pièces contractuelles ; que la prescription est donc opposable à l'assuré, quand bien même la mention n'aurait pas été, à nouveau, précisée en 2002 ;

que la saisine de la juridiction le 16 mars 2015 est postérieure de plus de deux ans à la procédure au fond, initiée le 30 mars 2011, par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause à l'encontre de la société SAHMARA ; que la prescription est donc acquise ; que la SARL SAHMARA est donc irrecevable dans son action à l'égard d'AXA ; que le jugement déféré sera infirmé ;

que la demande subsidiaire en responsabilité de l'assureur ne pourra pas plus prospérer en ce qu'il est démontré que l'information sur la prescription a bien été produite ; que le moyen selon lequel AXA aurait promis sa garantie sera rejeté en conséquence du rejet des débats de la pièce n°4 susvisée » ;

1°/ ALORS QUE la police d'assurance doit, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale, rappeler les dispositions du code des assurances
relatives à la prescription de l'action dérivant du contrat d'assurance ; que lorsque la police d'assurance fait ultérieurement l'objet d'un avenant d'extension de garantie, cet avenant doit reprendre les stipulations du contrat initial relatives à la prescription biennale ou à tout le moins comporter une clause de renvoi claire et précise; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'assureur avait rempli son devoir d'information à l'égard de l'assuré, dans la mesure où le délai de prescription biennale figurait dans le contrat d'assurance qu'il avait signé en 1996; qu'elle en a déduit « que la prescription est donc opposable à l'assuré, quand bien même la mention n'aurait pas été, à nouveau, précisée en 2002 » (v. arrêt attaqué p. 3, § 3) ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé l'article R. 112-1 du code des assurances🏛 ;

2°/ ALORS, EN TOUT HYPOTHESE, QUE l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale, les différents points de départ du délai prévus aux alinéas 2 et 3 de l'article L. 114-1 du code des assurances🏛 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'action en garantie de la société SAHMARA était prescrite en application du délai biennal fixé par l'article L. 114-1 du code des assurances🏛, qui figurait dans les documents contractuels (v. arrêt attaqué p. 3, § 3), puisqu'elle avait agi contre son assureur plus de deux ans après avoir elle-même été assignée par le syndicat des copropriétaires (v. arrêt attaqué p. 3, §4) ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (v. conclusions d'appel de l'exposante p. 8, § 6), si le contrat d'assurance rappelait le point de départ de la prescription de l'action de l'assuré ayant pour origine le recours d'un tiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 112-1 du code des assurances🏛 ;

3°/ ALORS, EN OUTRE, QUE l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale, toutes les causes interruptives de prescription telles qu'elles sont énumérées par l'article L. 114-2 du code des assurances🏛, outre les causes ordinaires d'interruption; que ne satisfait pas à cette exigence, la clause d'une police qui se borne à énoncer que « toute action dérivant du présent contrat est prescrite par deux ans à compter de l'évènement qui y donne naissance, dans les conditions déterminées par les articles L.114-1 et 114-2 du code » ; qu'en estimant que le délai de prescription issu de l'article L. 114-1 du code des assurances🏛 était opposable à la société SAHMARA au motif que la « mention des règles de prescription figure bien dans les pièces contractuelles » (v. arrêt attaqué p. 3, § 3), sans rechercher, comme elle y était invitée (v. conclusions d'appel de l'exposante p. 8, § 6), si le contrat mentionnait également les causes interruptives du délai de prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 112-1 du code des assurances🏛 ;

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