Jurisprudence : Cass. civ. 1, 01-12-2021, n° 20-17.067, FS-B, Cassation

Cass. civ. 1, 01-12-2021, n° 20-17.067, FS-B, Cassation

A77637DU

Référence

Cass. civ. 1, 01-12-2021, n° 20-17.067, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/75039206-cass-civ-1-01122021-n-2017067-fsb-cassation
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Abstract

► En matière de soins psychiatriques sans consentement, la représentation n'est obligatoire que pour le patient (CSP, art. . R. 3211-8) et les autres parties ne sont donc pas tenues d'être représentées ; ainsi, le premier président de la cour d'appel ne saurait statuer dans le cadre de la procédure sans audience, prévue par l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304, du 25 mars 2020, prise en raison du confinement dû à la crise sanitaire de la covid-19, sans avoir laissé aux parties la possibilité de s'opposer à sa décision d'organiser cette procédure.


CIV. 1

CF


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er décembre 2021


Cassation sans renvoi


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 754 FS-B

Pourvoi n° Q 20-17.067


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021


Le préfet des Yvelines, domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-17.067 contre l'ordonnance rendue le 14 avril 2020 par le premier président de la cour d'appel de Versailles, dans le litige l'opposant :

1°/ au directeur du centre hospitalier de Plaisir, domicilié [… …],

2°/ à M. [C] [P], domicilié [… …],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié [… …],

défendeurs à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat du préfet des Yvelines, et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Aa, Mme Ab, M. Ac, Ad Ae, Af, M. Ag, Ad Ah, Beauvois, conseillers, Mme Gargoullaud, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 14 avril 2020), et les pièces de la procédure, M. [P] a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 25 septembre 2019, sur décision du représentant de l'Etat dans le département en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique🏛. Par ordonnance du 4 octobre 2019, le juge des libertés et de la détention a ordonné la poursuite de son hospitalisation complète.

2. Le 19 mars 2020, le représentant de l'Etat dans le département a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande aux fins de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du même code.


Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office


3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020🏛 et R. 3211-8 du code de la santé publique :

4. Le premier de ces textes dispose :

« Lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider que la procédure se déroule selon la procédure sans audience.
Il en informe les parties par tout moyen.

A l'exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience. A défaut d'opposition, la procédure est exclusivement écrite. La communication entre les parties est faite par notification entre avocats. Il en est justifié dans les délais impartis par le juge. »

5. Selon le second, devant le juge des libertés et de la détention et le premier président de la cour d'appel, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est assistée ou représentée par un avocat. Elle est représentée par un avocat dans le cas où le magistrat décide, au vu de l'avis médical prévu au deuxième alinéa de l'article L. 3211-12-2, de ne pas l'entendre. Les autres parties ne sont pas tenues d'être représentées par un avocat.

6. L'ordonnance énonce qu'en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus, l'audience s'est tenue au siège de la juridiction en l'absence des parties et du conseil de la personne hospitalisée, conformément à l'alinéa 1er de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020.

7. En statuant ainsi, alors qu'en matière de soins psychiatriques sans consentement, la représentation n'est obligatoire que pour le patient et que le préfet n'avait pas choisi d'être assisté ou représenté par un avocat, le premier président, qui ne pouvait dans ces conditions recourir à la procédure sans audience, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour se prononcer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 14 avril 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour le préfet des Yvelines

M. le préfet des Yvelines fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'AVOIR ordonné la mainlevée de la mesure de soins sous forme d'hospitalisation complète de M. [C] [P] ;

1°) ALORS QUE par une décision du 24 septembre 2020, la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel, qui l'a enregistrée sous le n° 2020-866, " la question de savoir si l'article 8 [de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020🏛] qui instaure une procédure sans audience, sans qu'aucune possibilité ne soit prévue pour les parties, dans les litiges spécifiques répondant à une condition d'urgence et qui donnent lieu, dans la plupart des cas, à une décision exécutoire de plein droit, de s'opposer à la décision du juge, au surplus dispensée de motivation spécifique, d'organiser une telle procédure, est conforme aux droits garanties par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 " ; que la déléguée du premier président de la cour d'appel ayant statué dans le cadre d'une procédure sans audience, en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304🏛 du 25 mars 2020🏛, la déclaration d'inconstitutionnalité que prononcera le cas échéant le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'ordonnance attaquée pour perte de fondement juridique ;

2°) ALORS, en tout état de cause, QU'en statuant dans le cadre d'une procédure sans audience, sans avoir laissé aux parties la possibilité de s'opposer à sa décision d'organiser cette procédure, la déléguée du premier président de la cour d'appel a privé les parties de leur droit à un procès équitable, en violation de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 ;

3°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, qui impose notamment aux parties de se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacun soit à même d'organiser sa défense ; qu'en faisant droit à la demande de mainlevée de M. [Ai], alors que les écritures d'appel de ce dernier n'avaient pas été communiquées au Préfet des Yvelines et que la procédure a été organisée sans audience, de sorte que le Préfet n'a pas été mis à même d'en prendre connaissance et de les discuter à l'écrit ou à l'oral, la déléguée du premier président de la cour d'appel a violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile🏛, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 ;

4°) ALORS QUE par application de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique🏛, l'irrégularité affectant une décision administrative d'hospitalisation sans consentement n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte concrète aux droits de la personne ; qu'en retenant que le retard d'un jour pris pour l'établissement du certificat médical de février 2020 avait porté atteinte aux droits de M. [P] en ce qu'il avait été privé de la liberté d'aller et venir de façon irrégulière, la déléguée du premier président de la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser une atteinte concrète aux droits du patient, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 3213-3 et L. 3216-1 du code de la santé publique🏛, ensemble l'article 114 du code de procédure civile🏛 ;

5°) ALORS QU'en jugeant, d'une part, que le retard d'un jour pris pour l'établissement d'un certificat médical portait atteinte aux droits du patient en ce qu'il était privé de la liberté d'aller et venir de façon irrégulière, tout en décidant, d'autre part, de retarder l'effet de la mainlevée de vingt-quatre heures, la déléguée du premier président de la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile🏛.

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