Jurisprudence : CE 9/10 ch.-r., 05-11-2021, n° 431576, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 9/10 ch.-r., 05-11-2021, n° 431576, mentionné aux tables du recueil Lebon

A85487AT

Référence

CE 9/10 ch.-r., 05-11-2021, n° 431576, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/74174809-ce-910-chr-05112021-n-431576-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

19-03-03-01-03 Il résulte de l'article 1499 du code général des impôts (CGI) et des articles 324 AE, 38 quater et 38 quinquies de l'annexe III au même code que les immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière doivent être évaluées d'après leur prix de revient, qui est celui inscrit à l'actif du bilan. Sauf pour la société à démontrer que desdépenses inscrites au registre de ses immobilisations constitueraient en réalité des charges déductibles, l'administration fiscale peut se fonder sur ces énonciations comptables, opposables à la société, pour établir, selon la méthode comptable prévue par l'article 1499 du CGI, la valeur locative des immobilisations.......1) Il résulte du règlement du Comité de la réglementation comptable (CRC) n° 2004-06 du 23 novembre 2004, homologué par arrêté du 24 décembre 2004 et applicable à compter du 1er janvier 2005, ainsi que des dispositions du CGI mentionnées ci-dessus, que a) si les frais d'extraction des couches dites stériles exposés en cours d'exploitation de la carrière afin de maintenir le gisement dans un état tel que l'exploitation normale de la carrière puisse continuer constituent des charges d'exploitation, b) les frais de préparation du terrain en vue de l'exploitation du gisement, dès lors qu'ils sont nécessaires à la mise en état d'exploitation de la carrière, doivent être inclus dans le coût d'acquisition de celle-ci.......2) Toutefois, le règlement de l'Autorité des normes comptables (ANC) n° 2014-15 du 2 octobre 2014, homologué par arrêté du 26 décembre 2014, qui s'applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015 mais peut l'être par anticipation aux exercices en cours à la date de sa publication, dispose que les matériaux à extraire d'un terrain de carrières répondent à la définition non plus d'une immobilisation mais d'un stock, et doivent désormais être distingués du terrain de carrière résiduel, qui constitue seul une immobilisation corporelle.......Conformément à l'article 213-32 du règlement n° 2014-03 du 5 juin 2014 relatif au plan comptable général (PCG) dans sa rédaction issue du règlement n° 2014-05, qui n'est pas incompatible avec les règles applicables pour l'établissement de l'impôt, les coûts encourus pour mettre à découvert le gisement et accéder aux matériaux à extraire sont un élément du coût de production des matériaux extraits et non une dépense immobilisable.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 431576

Séance du 18 octobre 2021

Lecture du 05 novembre 2021

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

La société Yves Le Pape et Fils K J a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 à raison de son établissement de Pont Illis à Peumerit (Finistère). Par un jugement n° 1704229 du 10 avril 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 juin et 11 septembre 2019 ainsi que le 14 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Yves Le Pape et Fils K J demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de la société Yves Le Pape et Fils K J ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Yves Le Pape et Fils K J exploite une carrière située au lieu-dit Pont Illis à Peumerit (Finistère). Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale, qui a estimé que cette carrière relevait d'un établissement industriel, a établi la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre des années 2014 et 2015 en déterminant la valeur locative des biens selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts🏛, puis lui a notifié les cotisations supplémentaires qui en ont résulté. La société Yves Le Pape et Fils K J se pourvoit en cassation contre le jugement du 10 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge de ces impositions supplémentaires.

2. Aux termes de l'article 1499 du code général des impôts🏛 : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments () des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat () ". Aux termes de l'article 324 AE de l'annexe III au code général des impôts🏛 : " Le prix de revient visé à l'article 1499 du code général des impôts🏛 s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies. " Aux termes de l'article 38 quater de la même annexe : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Enfin, aux termes de l'articles 38 quinquies de la même annexe : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies. () ". Il résulte de ces dispositions que les immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière doivent être évaluées d'après leur prix de revient, qui est celui inscrit à l'actif du bilan. Sauf pour la société à démontrer que des dépenses inscrites au registre de ses immobilisations constitueraient en réalité des charges déductibles, l'administration fiscale peut se fonder sur ces énonciations comptables, opposables à la société, pour établir, selon la méthode comptable prévue par l'article 1499 du code général des impôts🏛, la valeur locative des immobilisations.

3. Il résulte des dispositions du règlement du Comité de la réglementation comptable n° 2004-06⚖️ du 23 novembre 2004 relatif à la définition, la comptabilisation et l'évaluation des actifs, homologué par arrêté du 24 décembre 2004, que le sous-compte " charges différées " a été supprimé à compter du 1er janvier 2005 du plan de comptes général, qui disposait à compter de cette date, à son article 311-4, que " les dépenses qui ne répondent pas aux conditions cumulées de définition et de comptabilisation des actifs et qui ne sont pas attribuables au coût d'acquisition ou de production tels que définis aux articles 211-1, 311-1 et suivants, doivent être comptabilisées en charges sous réserve des dispositions prévues aux articles 361-1 à 361-3 ", c'est-à-dire des dispositions relatives aux frais d'établissement, aux primes de remboursement d'emprunt et aux frais d'émission d'emprunt. Il résulte de ces dispositions comptables, ainsi que des dispositions du code général des impôts citées au point 2, que si les frais d'extraction des couches dites stériles exposés en cours d'exploitation de la carrière afin de maintenir le gisement dans un état tel que l'exploitation normale de la carrière puisse continuer constituent des charges d'exploitation, les frais de préparation du terrain en vue de l'exploitation du gisement, dès lors qu'ils sont nécessaires à la mise en état d'exploitation de la carrière, doivent être inclus dans le coût d'acquisition de celle-ci.

4. Toutefois, le règlement de l'Autorité des normes comptables n° 2014-15 du 2 octobre 2014 relatif à la comptabilisation des terrains de carrière et des redevances de fortage, homologué par arrêté du 26 décembre 2014, qui s'applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015 mais peut l'être par anticipation aux exercices en cours à la date de sa publication, dispose que les matériaux à extraire d'un terrain de carrières répondent à la définition non plus d'une immobilisation mais d'un stock, et doivent désormais être distingués du terrain de carrière résiduel, qui constitue seul une immobilisation corporelle. Conformément à l'article 213-32 du règlement n° 2014-03 du 5 juin 2014 relatif au plan comptable général dans sa rédaction issue du règlement n°2014-05, qui n'est pas incompatible avec les règles applicables pour l'établissement de l'impôt, les coûts encourus pour mettre à découvert le gisement et accéder aux matériaux à extraire sont un élément du coût de production des matériaux extraits et non une dépense immobilisable.

Sur le jugement en tant qu'il porte sur les " frais de découverte " pris en compte au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre de l'année 2014 :

5. En premier lieu, il ressort des énonciations non contestées sur ce point du jugement attaqué que la société n'a pas appliqué le règlement n° 2014-05 par anticipation. Dès lors, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 4 que c'est sans commettre d'erreur de droit ni méconnaître la charge de la preuve que le tribunal a pu en déduire que cette société ne pouvait se prévaloir de ce règlement au titre de l'année 2014.

6. En second lieu, il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour établir que les dépenses comptabilisées à l'actif immobilisé de son bilan en tant que " frais de découverte " constituaient des charges, la société s'est bornée à faire valoir que ces frais correspondaient à des K consistants à déplacer la terre de surface pour accéder au gisement de la carrière qui sera exploité. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que c'est sans commettre d'erreur de droit que le tribunal a jugé que la société n'était pas fondée à demander l'exclusion de ces frais du coût d'acquisition de la carrière qu'elle exploite. Est, par ailleurs, sans incidence la circonstance que le tribunal ait cité, à l'appui de son interprétation des textes applicables, l'avis du Conseil national de la comptabilité n° 2004-15⚖️ du 23 juin 2004, non opposable au contribuable.

Sur le jugement en tant qu'il porte sur les " frais de découverte " pris en compte au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre de l'année 2015 :

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la société ne pouvait se prévaloir du règlement n° 2014-05 au titre de l'année 2015. Par suite, la société Yves Le Pape Fils et K J est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il se prononce sur les frais de découverte pris en compte pour établir la taxe foncière sur les propriétés bâties dues au titre de l'année 2015.

Sur le jugement en tant qu'il porte sur les frais d'engazonnement :

8. Le tribunal administratif a relevé qu'il ne résultait pas de l'instruction que des terrains de la carrière auraient été soumis à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, alors que la société requérante ne contestait pas la nature industrielle de son établissement, et que, par suite, aussi bien les terrains occupés par la carrière que les bâtiments qui concourent à son exploitation devaient être soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties. Il ressort par ailleurs des écritures de la société devant le tribunal que celle-ci se bornait à soutenir que les zones engazonnées ne pouvaient, par principe, être assujetties à la taxe foncière sur les propriétés bâties et que les frais d'engazonnement ne pouvaient, par suite, jamais être pris en compte au titre du prix de revient mentionné à l'article 1499 du code général des impôts🏛. C'est sans commettre d'erreur de droit au regard des règles de dévolution de la charge de la preuve et sans se méprendre sur la portée des écritures de première instance que le tribunal a jugé que la société Yves le Pape Fils et K J ne démontrait ni même n'alléguait que les espaces verts constitués par les zones engazonnées seraient affectés à une utilisation distincte de son activité industrielle.

Sur le jugement en tant qu'il porte sur les frais d'enrobés :

9. Pour juger que les enrobés avaient été pris à bon droit en compte dans la valeur locative de l'établissement, le tribunal administratif a relevé qu'ils ne pouvaient pas être ôtés des chaussées auxquelles ils ont été appliqués sans être détruits, qu'ils concouraient à l'exploitation du site industriel, et que la circonstance que la société devra les détruire à l'expiration du bail ne saurait suffire, par elle-même, à exclure leur prise en compte au titre des immobilisations par nature. En statuant ainsi, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Yves Le Pape et Fils K J est seulement fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il se prononce sur les frais de découverte pris en compte pour établir la taxe foncière sur les propriétés bâties dues au titre de l'année 2015.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Yves Le Pape et Fils K J au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 10 avril 2019 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il se prononce sur les " frais de découverte " pris en compte pour établir la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre de l'année 2015.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 1er, au tribunal administratif de Rennes.

Article 3 : L'Etat versera à la société Yves Le Pape et Fils K J une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Yves Le Pape et Fils K J est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Yves Le Pape et Fils K J et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 18 octobre 2021 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la Section du contentieux, présidant ; M. L I, M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre; Mme A O, M. F H, Mme M C, M. N D, M. Alain Seban, conseillers d'Etat et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire.

Rendu le 5 novembre 2021.

Le président :

Signé : M. P B

Le rapporteur :

Signé : M. Lionel Ferreira

La secrétaire :

Signé : Mme E G431576- 3 -

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