Jurisprudence : TJ Paris, REFERE, 01-07-2021, n° 19/54288

TJ Paris, REFERE, 01-07-2021, n° 19/54288

A74934XS

Référence

TJ Paris, REFERE, 01-07-2021, n° 19/54288. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/69909652-tj-paris-refere-01072021-n-1954288
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Abstract

► Par jugement du 1er juillet 2021 rendu en la forme des référés, le tribunal judiciaire de Paris condamne la société Airbnb Ireland unlimited company à payer une amende civile de 8 000 euros par annonce publiée sans numéro de déclaration, soit un total de 8 080 000 euros, outre une somme de 10 000 euros au titre des frais de procédure ; En effet, en publiant des annonces sans numéro d'enregistrement portant sur les 1010 logements considérés, ladite société neutralise toute intervention des pouvoirs publics permettant la régulation de ce secteur ; elle cause, par voie de conséquence, un préjudice, irréversible à l'ensemble de la collectivité tant que ces annonces demeurent publiées.






TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS

JUGEMENT

RENDU EN LA FORME DES RÉFÉRÉS

le 01 juillet 2021

par le tribunal judiciaire de PARIS, composé de :

N° RG 19/54288 -

N° Portalis

352J-W-B7D-CO4

20

Marie DEBUE, vice-présidente,

Malik CHAPUIS, juge,

N°:1/FF Karine THOUATI, juge,

Assignation du :

8 et 12 Février 2019

Assistés de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier,

dans l’instance opposant :

VILLE DE PARIS prise en la personne de Madame la Maire de PARIS Hôtel de Ville

Place de l’Hôtel de Ville

75004 PARIS

représentée par Maître Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #C1844 et Me Gilbert PARLEANI, avocat au barreau de PARIS - #L0036

AIRBNB IRELAND UNLIMITED COMPANY

2528 North Wall Quay - Company n°511825

1 D01 H104 DUBLIN - IRELANDE

représentée par Me Jean-daniel BRETZNER, avocat au barreau de PARIS - #T0012

A B Aa

4 place d l’Opéra

75002 PARIS

représentée par Me Jean-Daniel BRETZNER, avocat au barreau de PARIS - #T0012



DÉBATS

A l’audience du 06 Mai 2021 présidée par Malik CHAPUIS, Juge, tenue publiquement,

LE TRIBUNAL

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

Par actes du 8 et 12 février 2019, la Ville de Paris, représentée par son maire, a assigné la société Sarl B France et la société de droit irlandais Airbnb Ireland Unlimited Company (ci-après « Airbnb Ireland ») devant le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en la forme des référés.

Le dossier appelé à l'audience du 3 décembre 2020 a été plaidé sur la seule question d'une demande de sursis à statuer présentée par les défenderesses. Par jugement rendu le 5 mars 2021 en formation collégiale exerçant les compétences du président, le tribunal judiciaire a :

-dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer dans l'attente de l’issue du débat devant la Cour de cassation au sujet de la compatibilité de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation avec le droit européen

-rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente de l’issue du débat devant la cour d'appel de Paris dans le cadre de l’appel interjeté à l’encontre de la décision du Tribunal judiciaire de Paris daté du 5 juin 2020,

-ordonné la réouverture des débats à l'audience du 6 mai 2021 à 9 heures 30, salle des référés sur rendez-vous,

A l'audience du 6 mai 2021, la Ville de Paris comparait représentée par ses conseils. Elle demande au tribunal statuant en la forme des référés de :

-la dire recevable et bien fondée en son action,

-rejeter les demandes de sursis à statuer,

-dire et juger que les sociétés Airbnb France et Airbnb Ireland Unlimited Company ont enfreint les dispositions des articles L. 324-1-1 et L.324-2-1 du code du tourisme et la délibération du Conseil de Paris des 4, 5 et 6 juillet 2017 en ne faisant pas apparaître de numéro d'enregistrement de déclaration préalable auprès de la commune dans les annonces publiées sur la plate-forme numérique airbnb.fr aux adresses url mentionnées dans ses écritures déposées à l'audience du 3 décembre 2020 numérotées de 1 à 1010,

-condamner in solidum les sociétés B France et Airbnb Ireland Unlimited Company à payer une amende civile de 12 500 euros par annonce publiée sans mention du numéro d'enregistrement de la déclaration préalable soit 12 625 000 euros,

-dire que le produit de ses amendes sera intégralement versé à la Ville de Paris conformément aux dispositions de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme,

-ordonner aux sociétés B France et Airbnb Ireland Unlimited Company de mentionner sur les 1010 annonces publiées sur leur plate-forme numérique airbnb.fr, précédemment recensées par la ville de Paris, le numéro d'enregistrement de déclaration préalable auprès de la commune exigée pour toute location de courtes durée, et à défaut de pouvoir se conformer à cette obligation légale, de supprimer les dites annonces de leur plate-forme numérique, le tout sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et jusqu'à ce que toutes les annonces mentionnent le numéro d'enregistrement de déclaration préalable ou soient supprimées de leur plate-forme numérique airbnb.fr,



-se réserver la liquidation de l'astreinte,

-subsidiairement, saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles suivantes et ordonner un sursis à statuer dans l'attente de la réponse :

*1. Une obligation faite aux sociétés qui gèrent une plate-forme électronique de publication d'annonces de locations immobilières en meublé, telle que celles prévues aux articles L.324-1-1 et L.324-2-1 du Code français du tourisme, doit-elle être considérée comme entrant dans le domaine coordonné par la directive 2000/31 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, tel que ce domaine est défini, notamment par les articles 1 $1, 1 82, et 2 sous "h", explicités par les 5ème et 6ème considérants, dans la mesure où cette obligation ne restreint pas la libre prestation de services et affecte de la même manière les prestations de services entre Etats membres et celles internes à un Etat membre ».

*2. À supposer qu’il soit répondu par l’affirmative à la 1 ère question, l’article 3 de cette même directive, en ses paragraphes 2 et 4, doit-il être interprété en ce sens que relève des considérations d'ordre public une mesure nationale telle que celle édictée aux articles L.324-1-1 et L.324-2-1 du Code français du tourisme, qui n’est que le corollaire d’une politique visant à connaître et réguler l’offre de locations meublées de courtes durées afin de lutter contre une excessive pression foncière urbaine dans certaines communes, dans lesquelles sévit une pénurie structurelle de logements avec une densité de population particulièrement forte, alors qu'une société exploitant une plate-forme électronique de publications d'annonces de locations immobilières en meublés refuse de contribuer à la défense de cet impératif, favorisant les comportements illicites des annonceurs, et accentuant la pénurie structurelle de logements".

*3. À supposer qu’il soit répondu par l’affirmative à la 1 ère question, l'article 5 de la directive 2015/1535/UE du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, et l'article 3 84 de la directive 2000/31 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, lus ensemble, doivent-ils être interprétés en ce sens que dans une situation de fait comme celle de l'affaire au principal, le respect de la procédure de l'article 5 de la directive 2015/1535 satisfait aussi aux prescriptions de l'article 3 $4 de la directive 2000/31 ?

-condamner in solidum les défenderesses aux dépens et à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Ville de Paris considère que la défenderesse a méconnu les dispositions de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme en ne faisant pas figurer sur 1010 annonces mises en ligne sur son site le numéro de déclaration d'enregistrement exigé par ce texte. Elle dénonce le refus, malgré sa capacité technique, existante selon elle, de mettre en place un champ bloquant pour imposer ce numéro pour des considérations qu'elle considère comme purement économiques.

Elle soutient que la défenderesse exerce son activité sous le régime de la responsabilité d'éditeur de contenu et rappelle un jugement du juge chargé des contentieux de la protection de Paris qui l'a qualifiée ainsi. Elle décrit les constats réalisés par des agents assermentés et le contexte de pénurie de logement, résultant selon elle, de l'activité de la défenderesse. Elle demande une application dissuasive du texte concerné à travers la fixation du montant de l'amende.

La Ville de Paris considère que l'article L. 324-2-1 du code du tourisme est conforme au droit de l'Union européenne.



Elle exclut l'application du régime de dérogation prévu à l'article 3 de la directive sur le commerce électronique 2000/31/CE estimant que l'activité en cause de la société Airbnb Ireland ne relève pas du « domaine coordonné ». Elle exclut à ce titre la qualification de restriction relevant du domaine coordonné. En l'espèce elle estime que la loi ne prescrit pas à la société comment exercer son activité n'y ne l'empêche d'y accéder.

La Ville de Paris sollicite l’application de la jurisprudence Google de la Cour de justice de l'Union européenne par analogie pour dire qu'une simple déclaration, comme celle du numéro de déclaration en cause, constitue une formalité. Elle développe subsidiairement un argumentaire tiré de ce que l'article L. 324-2-1 du code du tourisme est une dérogation admissible comme relevant de l'ordre public au sens de l'article 3 paragraphe 4 de la directive par analogie avec l'arrêt Cali Apartments. Elle estime une telle restriction proportionnée.

La Ville de Paris écarte tout défaut de notification à la Commission européenne du contenu de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme. Elle considère que la défenderesse ne prend pas en compte la notification du projet de loi ELAN et se prévaut à ce stade de l'absence de toute critique de la Commission sur le projet. Elle précise que la notification à la Commission ainsi réalisée vaut notification à tous les Etats membres.

Elle désigne l'activité de la société Airbnb Ireland comme celle d'un hébergeur ayant un rôle actif dans la détermination des contenus sur son site au sens de la jurisprudence. Elle rappelle qu'un jugement du juge chargé des contentieux de la protection a explicitement qualifié ladite société d'éditeur au sens de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) transposant la directive 2000/31/CE. Elle exclut en tout état de cause l'existence d'une obligation générale de surveillance au titre de l'obligation de mention de la déclaration. Elle rejette l'argument tiré d'une contrariété des dispositions du code du tourisme au droit de l'Union européenne par truchement des dispositions du code de l'habitation, le contrôle de proportionnalité sur ces dispositions relevant selon son argument de la seule mise en œuvre locale de ce texte.

A cette même audience, la société Airbnb Ireland Unlimited Company et la société B France comparaissent représentées par leurs conseils. Elles demandent au tribunal de :

pour la société B France :

-dire que constitue une fin de non recevoir son absence de qualité à défendre tirée du fait qu'elle n'est ni l'éditeur, ni l'hébergeur, ni l'exploitant du site Airbnb.fr,

-dire et juger irrecevables les demandes formulées contre elle,

-débouter la ville de Paris de sa demande,

-condamner la ville de Paris à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

pour la société Airbnb Ireland Unlimited Company :

In limine litis :

-dire et juger que l’issue du débat pendant devant la Cour de cassation au sujet de la compatibilité de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation avec le droit européen est de nature à exercer une influence déterminante sur la possibilité pour la Ville de Paris de formuler un grief fondé sur une prétendue violation de l’article L. 324-2-1, I du Code du tourisme,

-surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt aux termes desquels la Cour de cassation statuera,



-dire et juger que l’issue du débat pendant devant la cour de Paris dans le cadre de l’appel interjeté à l’encontre de la décision du Tribunal judiciaire de Paris daté du S juin 2020 est de nature à exercer une influence déterminante sur la possibilité pour la Ville de Paris d’alléguer que AIRBNB IRELAND UC ne peut en l’espèce revendiquer le statut d’ « hébergeur » et l’article 15 de la Directive sur le Commerce électronique,

-surseoir à statuer jusqu’à l’arrêt aux termes duquel la Cour d’appel de PARIS se prononcera dans

ce dossier,

Subsidiairement :

-dire et juger irrecevable la demande de la ville de Paris aux fins d'injonction,

-débouter la ville de Paris de l'ensemble de ses demandes,

-lui accorder un délai de trois mois à compter de la signification pour déférer à l'injonction éventuellement prononcée contre elle,

-réduire à 10 euros par infraction l'amende civile encourue susceptible de lui être infligée,

-condamner la ville de Paris à lui payer la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La société Airbnb Ireland considère qu'appliquer l'article L. 324-2-1 du code du tourisme est contraire au droit de l'Union européenne. Subsidiairement, elle estime que les conditions du texte ne sont pas réunies.

Elle explique que la loi dont est issu l'article L. 324-2-1 du code du tourisme aurait du être notifiée à la Commission européenne en application de la directive 2015/1535/UE. Elle ajoute que des modifications sont intervenues postérieurement à la transmission d'un projet de loi à la Commission ce qui rendait nécessaire, selon son argument, une nouvelle transmission. Elle fait valoir que la sanction d'une telle carence est l'inopposabilité du texte aux particuliers, elle y compris.

La société Airbnb Ireland considère que l'article L. 324-2-1 du code du tourisme est contraire au droit de l'Union européenne en ce qu'il méconnaît les dispositions de la directive sur le commerce électronique 2000/31/CE. Elle se prévaut de la qualification de « domaine coordonné » et rejette l'argumentaire de la Ville de Paris contre cette qualification. Flle considère que le principe défini à l'article 3 de la directive est celui de la prohibition des restrictions à la libre circulation des services sauf à justifier de motifs de dérogation définis au paragraphe 4 de cet article qui ne sont pas établis. Elle s'appuie à ce titre sur l'avis qu'avait rendu la Commission européenne sur le texte en 2016. Elle estime en tout état de cause qu'une restriction n'est valable au sens de l'article 3 de la directive que lorsqu'elle est notifiée à la Commission européenne et à l'Etat membre concerné par la restriction, qui est celui depuis lequel la société de l'information opère, ici l'Irlande ; qu'en l'espèce l'inopposabilité de l'article est également la sanction d'une telle carence.

La société Airbnb Ireland se prévaut du statut d'hébergeur défini à l'article 14 de la directive 2000/31/CE qui exclut selon elle sa responsabilité et le prononcé d'une amende civile. Elle considère par application de ce même texte et de l'article 15 de la directive qu'elle ne peut être tenue à une obligation générale de surveillance ce qui doit, d'après son argument, exclure l'application de la loi en cause.

La société considère enfin sur le fondement de la directive 2006/123/CE que l'application des dispositions du code de la construction et de l'habitation auquel renvoie l'article L. 324-1-1 du code du tourisme peut encore être déclaré contraire au droit de l'Union européenne dans certaines situations ce qui justifierait d'écarter l'application de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme et de l'amende qu'il porte.



La société estime que la preuve de la méconnaissance du texte en cause n'est pas rapportée. Elle rejette toute application automatique de l'amende maximale rappelant qu'elle doit être individualisée. Elle indique n'avoir pas été mise en demeure de s'exécuter.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l'audience pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus.

La décision a été mise en délibéré au ler juillet 2021.


SUR CE

A titre liminaire, il sera précisé que l'article 24 du décret n°2019-1419 du 20 décembre 2019 prévoit que ses dispositions s'appliquent aux demandes introduites à compter du 1er janvier 2020. La demande s'entend de l'assignation qui est antérieure à cette date.

La décision sera donc rendue en la forme des référés au sens de l'article 492-1 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure à ce décret.

1. Sur la demande de sursis à statuer

La société Airbnb Ireland Unlimited Company maintient en l'état de ses écritures soutenues à l'audience une demande de sursis à statuer dans l'attente des événements déjà débattus et sur lesquels il a été statué par jugement avant dire droit du 3 mai 2021.

Il convient de renvoyer aux motifs énoncés dans cette décision et à l'absence d'éléments nouveaux pour dire qu'il ne sera pas sursis à statuer.

2. Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société B France

Aux termes de l'article 32 du code de procédure civile « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ».

Selon l'article 122 du code de procédure civile « constitue une fin de non- recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

En l'espèce il ressort des débats que la société B France n'exploite pas la plate-forme visée à l'article L. 324-2-1 du code du tourisme non plus qu'elle relève d'aucune des catégories visées par ce texte.

Elle n'a donc pas d'intérêt à agir et est mise hors de cause.

3. Sur la demande d’injonction

Vu l'article 492-1 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure décret n°2019-1419 du 20 décembre 2019,

Le III de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme, dans sa rédaction issue de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 applicable, prévoit la condamnation de personnes au paiement d'amendes civiles, dans les conditions qu'il détermine, et précise que ces amendes sont prononcées par la présente juridiction statuant en la forme des référés.

La loi n'habilite pas président du tribunal judiciaire à faire injonction aux personnes visées par ce texte de la respecter, sans préjudice d'autres voies de droit. Comme le soutient à bon droit la société Airbnb Ireland la présente juridiction est dépourvue de pouvoir juridictionnel à ces fins.



La demande de la Ville de Paris tendant à ordonner aux sociétés B France et Airbnb Ireland de mentionner le numéro d’enregistrement de déclaration préalable sur les 1010 annonces publiées sur leur plate-forme numérique airbnb.fr, précédemment recensées par elle est donc irrecevable, la demande d'astreinte sans objet.

4. Sur la demande de condamnation à une amende civile

Vu les articles L. 324-1-1 et L. 324-2-1 du code du tourisme,

Il convient, avant d'appliquer les dispositions issues de la loi pour déterminer les conditions d’application de l'amende objet du litige au principal, d'examiner les moyens tirés de leur inconventionnalité au regard du droit de l'Union européenne soulevés par la société Airbnb Ireland.

4.1. Sur les moyens d'inconventionnalité

4.1.1. La conformité à la directive sur le commerce électronique

L'article 3 de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique») énonce que « /. Chaque État membre veille à ce que les services de la société de l'information fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent les dispositions nationales applicables dans cet État membre relevant du domaine coordonné./ 2. Les Etat membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l'information en provenance d'un autre État membre

L'article 2 de la directive 2000/31/CE dispose qu' : « aux fins de la présente directive, on entend par :

a) "services de la société de l'information": les services au sens de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 98/34/CE [devenue directive 2015/1535/UE], telle que modifiée par la directive 98/48/CE ; (...)

h) "domaine coordonné": les exigences prévues par les systèmes juridiques des Etats membres et applicables aux prestataires des services de la société de l'information ou aux services de la société de l'information, qu'elles revétent un caractère général ou qu'elles aient été spécifiquement conçues pour eux.

i) Le domaine coordonné a trait à des exigences que le prestataire doit satisfaire et qui concernent:

- l'accès à l'activité d'un service de la société de l'information, telles que les exigences en matière de qualification, d'autorisation ou de notification,

- l'exercice de l'activité d'un service de la société de l'information, telles que les exigences portant sur le comportement du prestataire, la qualité ou le contenu du service, y compris en matière de publicité et de contrat, ou sur la responsabilité du prestataire.

ii) Le domaine coordonnée ne couvre pas les exigences telles que:

- les exigences applicables aux biens en tant que tels,

- les exigences applicables à la livraison de biens,

- les exigences applicables aux services qui ne sont pas fournis par voie électronique ».

4.1.1.1. La qualification de « domaine coordonné »

Le régime de la restriction de la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre Etat membre trouve à s’appliquer dés lors qu'est retenue la qualification de « domaine coordonné » au sens de la directive 2000/31/CE (CJUE 1er octobre 2020, A. c. Ab Ac et alii. C-649/18, $89).



Par son arrêt du 19 décembre 2019 dans l'affaire C-390/18 la Grande Chambre de la Cour de justice de l'Union européenne dit pour droit que :

« L'article 2, sous a), de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), qui renvoie à l’article ler, paragraphe 1, sous b), de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, doit être interprété en ce sens qu’un service d’intermédiation qui a pour objet, au moyen d’une plate-forme électronique, de mettre en relation, contre rémunération, des locataires potentiels avec des loueurs professionnels ou non professionnels proposant des prestations d'hébergement de courte durée, tout en fournissant également un certain nombre de prestations accessoires à ce service d’intermédiation, doit être qualifié de « service de la société de l'information » relevant de la directive 2000/31.

L'article 3, paragraphe 4, sous b), second tiret, de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens qu’un particulier peut s'opposer à ce que lui soient appliquées, dans le cadre d’une procédure pénale avec constitution de partie civile, des mesures d’un Etat membre restreignant la libre circulation d’un service de la société de l’information qu’il fournit à partir d’un autre État membre, lorsque lesdites mesures n’ont pas été notifiées conformément à cette disposition ».

En l'espèce, la législation applicable repose sur la combinaison du III de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, qui prévoit que la commune peut soumettre tous les logements à une déclaration préalable selon certaines conditions, et de la dernière phrase du I de l'article L. 324-2-1 précité. Ce dernier texte impose la publication d'un numéro de déclaration obtenu auprès de la mairie dans les annonces relatives aux meublés de tourisme.

Il est constant que la société Airbnb Ireland exerce le service décrit au dispositif de l'arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 19 décembre 2019 et doit donc être qualifiée de « service de la société de l’information » relevant de la directive 2000/31/CE.

L'obligation de mentionner un numéro sur les annonces publiées sur le site de la société Airbnb Ireland relève de « l'exercice de l'activité d'un service de la société de l'information » au sens du premièrement sous h) de l'article 2 de la directive. Elle ne constitue pas une exigence relative à « l'accès à l'activité du service » au sens de cette disposition.

La qualification de « domaine coordonné » au sens de la directive ne peut être déduite de l'arrêt du 19 décembre 2019 qu'il s'agisse de ses motifs ou de son dispositif. Il convient d'observer que la Cour de justice s'est déjà explicitement prononcée dans une autre espèce sur cette qualification pour répondre à sa saisine préjudicielle (v. en ce sens l'arrêt CJTUE ler octobre 2020, C-649/18 précité, $33).

Identifier cette qualification suppose donc, outre ce premier critère, d'établir l'existence d'une « exigence » prévue par le système juridique national, et que cette exigence, soit a un caractère général, soit qu'elle a été spécifiquement conçue pour les services de la société de l'information.

S'agissant du critère de l'exigence prévue par le droit national, la norme en cause est une loi nationale et impose la mention d'un numéro sur les annonces figurant sur la plate-forme de la défenderesse. Elle constitue bien une « exigence » au sens de la directive.



La spécificité des services de l'information ne peut être retenue qu'en cas de disposition spéciale le prévoyant (v. en ce sens le point 80 de l'arrêt du 3 décembre 2020, Star Taxi App. SRL C-62/19 et les développements suivants sur la directive 2006/1535/UE au point 4.1.2 de la présente décision).

La règle s'applique aussi bien aux annonces présentes sur un support numérique qu'à celles sur un support matériel ce qui exclut la catégorie de l'exigence spécifiquement conçue pour la société de l'information. Elle relève toutefois du « caractère général » visé par la directive, ce critère est donc établi (v. mutatis mutandis CJUE ler octobre 2020, C-649/18 précité, $53-59).

La norme en cause relève bien du « domaine coordonné » au sens du premièrement sous h) de l'article 2 de la directive.

4.1.1.2. La restriction à la libre circulation des services de la société de l'information

Le droit de l'Union européenne prime celui des Etats membres obligeant le juge national, pour protéger les droits conférés aux particuliers par le droit de l'Union européenne et assurer l'application uniforme de celui-ci, à écarter toute loi qui lui serait contraire, même postérieure (CJUE, 9 mars 1978, Simmenthal, C-

La Cour de justice rappelle qu'« / appartient à la juridiction nationale de donner à la loi prise pour l'application de la directive, dans toute la mesure où une marge d'appréciation lui est accordée par son droit national, une interprétation et une application conformes aux exigences du droit communautaire » (CTUE, Von Colson et Ad, 10 avril 1984, C-14/83, $28).

L'application de ces règles jurisprudentielles imposent ainsi au juge national d'examiner le moyen de conventionnalité en appliquant tout autre texte issu du droit de l'Union européenne applicable pour en assurer l'effectivité et l'interprétation conforme.

La Cour de justice a pu rappeler sur le fondement de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et dans le cadre de l'obligation, fondamentale, de ne pas causer de discrimination entre les opérateurs selon leur pays d'origine qu'une « obligation de déclaration, qui est une formalité administrative, ne constitue pas, en tant que telle, un obstacle à la libre prestation des services » (CJUE, 3 mars 2020, Google Ireland Limited, C- 482/18).

La même décision à son paragraphe 26 rappelle que « constituent de telles restrictions à la libre prestation des services les mesures nationales qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté. En revanche, ne sont pas visées par l'interdiction prévue à l’article 56 TFUE des mesures dont le seul effet est d’engendrer des coûts supplémentaires pour la prestation en cause et qui affectent de la même manière la prestation de services entre États membres et celle interne à un État membre (voir, notamment, arrêt du 18 juin 2019, Autriche/Allemagne, C-591/17, EU:C:2019:504, points 136 et 137 ainsi que jurisprudence citée) ».

La jurisprudence de la Cour de justice tient compte de l'absence de discrimination liée au pays d'origine dans l'appréciation de la restriction au sens de l'article 3 de la directive 2000/31/CE. Elle ne permet toutefois pas de substituer à l'appréciation des critères fixés par la directive, pour des dérogations éventuelles, des conditions tirées directement du droit primaire (v. CJUE ler octobre 2020, A. c. Ab Ac et alii. C-649/18, $34,561-64 et CJUE 16 juin 2015, Rina Services C-593/13, $37).



La directive 2000/3 1/CE doit assurer un haut niveau de protection des objectifs d'intérêt général selon son dixième considérant.

Par son arrêt du 22 septembre 2020 Cali Apartments SCI et HX contre le Procureur Général près la cour d'appel de Paris et la Ville de Paris (C-724/18), la Grande Chambre de la Cour de justice a dit pour droit que :

« Les articles Ier et 2 de la directive 2006/123 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doivent être interprétés en ce sens que cette directive s'applique à une réglementation d’un État membre relative à des activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l'habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à titre professionnel comme non professionnel.

L'article 4 de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui soumet à autorisation préalable l’exercice de certaines activités de location de locaux destinés à l'habitation relève de la notion de « régime d'autorisation », au sens du point 6 de cet article.

L'article 9, paragraphe 1, sous b) et c), de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui, pour des motifs visant à garantir une offre suffisante de logements destinés à la location de longue durée à des prix abordables, soumet certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l'habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à un régime d'autorisation préalable applicable dans certaines communes où la tension sur les loyers est particulièrement marquée est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionnée à l'objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.

L'article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale instituant un régime qui subordonne à une autorisation préalable l'exercice de certaines activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l'habitation, qui est fondée sur des critères tenant au fait de louer le local en cause « de manière répétée et pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » et qui confie aux autorités locales le pouvoir de préciser, dans le cadre fixé par cette réglementation, les conditions d'octroi des autorisations prévues par ce régime au regard d'objectifs de mixité sociale et en fonction des caractéristiques des marchés locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements, en les assortissant au besoin d’une obligation de compensation sous la forme d’une transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, pour autant que ces conditions d'octroi soient conformes aux exigences fixées par cette disposition et que cette obligation puisse être satisfaite dans des conditions transparentes et accessibles ».

Le régime de la directive 2000/31/CE, impose de déterminer si l'application de la norme interne constitue une restriction à la libre circulation des services de la société de l'information en provenance d'un autre Etat membre.

Il n'est pas contesté que l'activité de la société Airbnb Ireland s'exerce depuis l'Irlande et qu'elle provient donc d'un autre Etat membre que la France dont la législation est en cause.



La disposition de cette législation, applicable au litige, énonce que la société Airbnb Ireland doit rendre obligatoire la mention d'un numéro d'enregistrement prévu par la loi et décidé par une réglementation municipale qui choisit de s'y soumettre pour des motifs d'intérêt général.

N'est pas ici en cause une obligation de déclaration par le service d'intermédiation lui-même, mais bien la seule retranscription du numéro issu d'une déclaration par les propriétaires des locaux loués.

La Ville de Paris démontre qu'un moyen technique simple, tel un champ informatique bloquant ou obligatoire permet à la société Airbnb Ireland au moyen de sa plate-forme, de s'assurer qu'un tel numéro est publié en même temps que l'annonce. Il en va ainsi y compris de manière contemporaine à une déclaration localisée à Paris par le loueur lui-même.

L'argument d'Airbnb Ireland tiré de ce qu'une telle mesure lui impose de modifier profondément son organisation technique et interne pour différencier les communes relevant d'un régime plutôt que d'un autre n'est pas établi dés lors que le logement est géographiquement localisé par les annonces. Celles-ci doivent en outre mentionner l'adresse des locaux loués suivant constat d’agent assermenté versé aux débats.

Il convient d’ajouter que le texte ne vise, par renvoi aux dispositions du code de la construction et de l’habitation, que des zones urbaines densément peuplées et connaissant une pénurie de logement disponibles à l’habitation.

La mention du numéro de déclaration, inscrit par le loueur, n'implique aucune intervention positive a posteriori sur le contenu des annonces. Elle n'est pas de nature à ôter à la défenderesse son rôle d'intermédiaire, ne compromet pas l'utilisation de sa plate-forme électronique, n'affecte pas sa rémunération, ni ses prestations principale ou accessoires.

La directive 2000/31/CE distingue les situations relevant d'une restriction à la libre circulation des services de la société de l'information qui doivent, comme le développe à bon droit Airbnb Ireland dans ses conclusions, être justifiées par les critères de dérogation figurant à son article 3 relatif au marché intérieur.

En l'espèce, la mention du numéro de déclaration n'est qu'une formalité, permettant de s'assurer que les annonces publiées sur la plate-forme respectent une réglementation relevant de la directive 2006/123 selon la décision Cour de justice qui la dit fondée sur une raison impérieuse d’intérêt général au sens du droit de l'Union européenne.

L'obligation de déclaration n'est pas une interdiction de publier les annonces concernées, ne constitue pas une gène pour les loueurs opérant dans les conditions de la jurisprudence Cali Apartments précitée sur le fondement de la directive 2006/123.

L'obligation de déclaration s'applique de manière uniforme aux intermédiaires nationaux ou opérant depuis d'autres pays de l'Union européenne et n'est pas de nature à rendre moins attrayant l'exercice de la libre prestation de service, plaçant les différents intermédiaires opérant sur le marché des meublés de tourisme dans une situation identique.

La mention du numéro de déclaration, même obligatoire, n'est donc pas une restriction à la libre circulation des services de la société de l'information. La circonstance qu'une amende, même élevée, la sanctionne ne caractérise pas non plus cette restriction.



Au demeurant, la présente juridiction, tenue à une interprétation et une application conformes aux exigences du droit de l'Union européenne, ne peut que constater que la mention obligatoire de la déclaration permet de rendre effectifs les principes mis en œuvre par l'arrêt Cali Apartments précité.

La disposition en cause est le pendant de celle contrôlée dans cette dernière décision en permettant que le respect de la réglementation dans une commune où la tension sur les loyers est particulièrement marquée soit assurée par une mesure préalable et publique.

A défaut d'une telle mention du numéro de déclaration, les biens mis à disposition conformément à la réglementation et à sa raison impérieuse d'intérêt général ne seraient pas distingués de ceux la méconnaissant compromettant ainsi son efficacité réelle.

L'application de l'article 3 étant subordonnée à la démonstration d'une restriction à la libre circulation des services de la société de l'information ce moyen est inopérant de même que la notification prévue à ce même article 3.4 sous b).

4.1.1.3 Les articles 14 et 15 de la directive sur le commerce électronique

Aux termes de l'article 14 de la directive 2000/31/CE « Hébergement » :

« 1. Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que:

a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente

ou b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible.

2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle du prestataire.

3. Le présent article n'affecte pas la possibilité, pour une juridiction ou une autorité administrative, conformément aux systèmes. juridiques des États membres, d'exiger du prestataire qu'il mette un terme à une violation ou qu'il prévienne une violation et n'affecte pas non plus la possibilité, pour les États membres, d'instaurer des procédures régissant le retrait de ces informations ou les actions pour en rendre l'accès impossible ».

La Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt de Grande Chambre du 23 mars 2010 Google Inc. et alii. (aff. C-236/08) que « l’article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), doit être interprété en ce sens que la règle y énoncée s'applique au prestataire d’un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées. S’il n’a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu responsable pour les données qu’il a stockées à la demande d’un annonceur à moins que, ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d'activités de cet annonceur, il n'ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données ».



Il importe à cet égard que « /e prestataire soit un «prestataire intermédiaire» au sens voulu par le législateur dans le cadre de la section 4 du chapitre II de cette directive (...). Il n’en va pas ainsi lorsque le prestataire du service, au lieu de se limiter à une fourniture neutre de celui-ci au moyen d’un traitement purement technique et automatique des données fournies par ses clients, joue un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle de ces données » à l'exemple d'une assistance de l'utilisateur pour l'optimisation de son offre (CJUE 12 juillet 2011, L'Oréal SA et alii. C-324/09 $112-116).

Cette dernière décision rappelle en son point 107 que le droit national prévoit le régime d'encadrement de cette responsabilité. Le droit national au cas présent étant issu des articles précités du code du tourisme, les dispositions de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ne sont pas applicables.

En revanche, la notion de responsabilité au sens de l'article 14 de la directive étant autonome, elle ne saurait exclure l'amende civile en cause au principal, le moyen sera dés lors analysé sous cette qualification de responsabilité au sens de la directive.

En l'espèce, un constat du 12 avril 2019 réalisé par un agent assermenté désigné dans les conditions de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme décrit avec précision les conditions de création d'une offre sur la plate-forme airbnb.fr. Il n'est pas contesté que ce constat décrit l'état du site au moment des autres constats établis pour relever l'absence de numéros de déclarations dans les annonces.

Les éléments relatifs à l'identification du bien, son adresse, et ses caractéristiques ne permettent pas d'établir un rôle actif de la société défenderesse. Il en va de même des équipements des logements mentionnés dans le formulaire qui, pour être une liste limitative, n'ont vocation qu'à expliciter l'offre du destinataire du service.

Ces éléments, comme le démontre la société Airbnb Ireland dans ses écritures, ne relèvent que d'un cadre de présentation et d'une mise à disposition d'outils de classification des contenus à finalité technique et logistique.

Le constat précise, page 3, que pour mettre en ligne une offre l'utilisateur souhaitant mettre son bien en location doit prendre connaissance des « engagements de la communauté B » et des « conditions générales d'Airbnb ».

Le constat indique, page 16, que des « pénalités sont appliquées » et la possibilité de mettre en location à certaines dates sont neutralisées, en cas d'annulation par l'utilisateur mettant en location son bien.

Le constat relève en outre, pages 20 et 21, que l'utilisateur est incité par des conseils à fixer son prix dans un cadre déterminé par la plate-forme et adaptable en fonction des circonstance locales. Un système de prix automatiques géré par la plate-forme nommé « tarification intelligente » propose à l'utilisateur d'adapter le prix dans une fourchette en fonction des indicateurs de prix locaux. Les éléments de détermination de ces prix ne sont pas explicités sur le site. Un onglet propose, une fois le prix fixé, d'appliquer une réduction spéciale de 20 pour cent pour les premiers locataires pour les inciter à louer. Une autre rubrique propose de réduire les prix en fonction de la durée de la location.

Ces rubriques relatives aux prix n'obligent toutefois pas l'utilisateur à fixer les prix comme ils lui sont suggérés.



La page suivante donne un exemple de réservation indiquant à destination de l'utilisateur mettant son bien en location que peuvent « réserver immédiatement » les « voyageurs [locataires] qui remplissent les conditions fixées par B ».

Il ressort de ces éléments que le champ bloquant lié à l'acceptation du contenu des conditions générales et des valeurs de la communauté B peut constituer un rôle actif de nature à confier une connaissance ou un contrôle des données stockées à la société Airbnb Ireland ces éléments déterminent le contenu des offres. Ces documents ne sont pas produits.

Les caractéristiques qui précèdent incitent l'utilisateur à fixer le prix de sa location en fonction d'éléments du contexte économique ou local que la société Airbnb Ireland est la seule à définir, en l'état des pièces produites, de même que ses modalités de calcul. Ils constituent une assistance de l'utilisateur pour optimiser son offre et une détermination du contenu des offres. Il permettent indirectement un contrôle sur les prix pratiqués.

Le dispositif de sanction en cas d'annulation, même appliqué de manière systématique, relève d'une appréciation de cette même société, en opportunité, pour inciter les loueurs à mettre en œuvre une pratique de location particulière par sa stabilité.

Ces trois éléments excèdent un traitement purement technique et automatique des données. Ils établissent que la société Airbnb Ireland joue un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées.

Elle ne peut donc se prévaloir de la limitation de la responsabilité fondée sur l'article 14 de la directive 2000/31/CE, n'étant pas un hébergeur au sens de ce texte en l'état des pièces versées aux débats.

S'agissant de l'article 15 de la directive, il y a lieu de rappeler que le présent litige, sur lequel il n'est statué qu'en application des règles de droit qui lui sont applicables, ne porte que sur l'application des dispositions du I de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme en tant qu'il prévoit la mention du numéro de déclaration sur les annonces, outre l'amende spécifique prévue en cas de méconnaissance de celui-ci.

La seule mention du numéro de déclaration, qui peut être inscrit par l'utilisateur voulant mettre en location son bien y compris au moyen d'un champs bloquant, n'implique aucune observation active des fichiers stockés ni aucun procédé d'identification générale.

Au contraire, ce texte limite dans l'espace son application aux seules villes ayant mis en place ladite procédure de déclaration que la société Airbnb Ireland connaît par un système géolocalisation et un champ bloquant imposant d'indiquer l'adresse du bien. Il ne porte pas sur une observation générale mais se limite à un élément précis, pouvant être facilement identifiable et encadré par un champ bloquant ainsi qu'il a été explicité ci-avant par la Ville de Paris et les débats.

Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 15 de la directive est écarté, de même, ainsi qu'il précède, que l'ensemble des moyens fondés sur la directive 2000/31/CE.

4.1.2. Le moyen tiré de la méconnaissance de la directive relative aux services

Vu la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur,



Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 septembre 2020 Cali Apartments SCI et HX contre le Procureur Général près la cour d'appel de Paris et la Ville de Paris (C-724/18) dont le dispositif a été rappelé précédemment.

L'article L. 324-1-1 du code du tourisme organise une procédure spéciale de déclaration. Il renvoie pour l'application de ce texte à la procédure de changement d'usage définie au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation.

Contrairement à ce que développe la société Airbnb Ireland, le renvoi à ces articles vise à apprécier une situation objective, conditionnée par le droit national par des critères géographiques ou de population, répondant à la raison impérieuse d'intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements. Il n'a pas pour objet d'apprécier les conditions individuelles de délivrance des autorisations de changement d'usage.

La circonstance, selon la société Airbnb Ireland, que les critères issus du droit de l'Union européenne puissent aboutir à écarter certaines situations régies par les articles précités du code de la construction et de l'habitation ne permet donc pas d'écarter les éléments géographiques ou de population fixés objectivement par la loi.

Dés lors que l'obligation de déclaration s'applique à tous les logements loués comme meublés de tourism, l'application particulière d'un contrôle de conventionnalité du régime d'autorisation du changement d'usage est sans effet sur l'obligation de mentionner ce numéro dans les annonces.

Au surplus la résolution du Conseil de Paris des 3, 4 et S juillet 2017 mettant en œuvre en application de la loi un régime d'autorisation au sens de la directive 2006/123/CE est produite et décide de la mise en place de cette procédure.

Le moyen tiré de la méconnaissance de la directive 2006/123 est écarté.

4.1.3. L'obligation de notification à la Commission européenne issue de la directive prévoyant une procédure d'information

Contrairement à ce qui précède sur le fondement de l'article 3.4 sous b) de la directive 2000/31/CE, l'obligation de notification à la Commission européenne fondée sur la directive 2015/1535/UE (anciennement directive 98/34/CE) ne repose pas sur la démonstration d'une restriction à la libre circulation des services de la société de l'information.

Ce régime, issu initialement de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998, antérieure à la directive 2000/31/CE, est autonome, malgré les renvois pouvant exister entre ces textes. Il sera donc analysé selon les conditions fixées par la seule directive 2015/1535/UE.

4.1.3.1. La règle technique

La directive du 9 septembre 2015, 2015/1535/UE prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information (ancienne directive 98/34/CE), du Parlement et du Conseil dispose en son article 5.1 que les Etats membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique en précisant les raisons pour lesquelles cette règle est nécessaire.

Ce même article dit qu'une nouvelle communication est nécessaire selon ce texte si les Etats membres « apportent à ce projet, d'une manière significative, des changements qui auront pour effet de modifier son champ d'application, d'en raccourcir le calendrier d'application initialement prévu, d'ajouter des spécifications ou des exigences, ou de rendre celles-ci plus strictes ».



L'article 1.1 de cette même directive précise « au sens de la présente directive, on entend par : (.…)

« b) « service » : tout service de la société de l'information, c'est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération à distance par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire de services. (…) »

«e) « règle relative aux services », une exigence de nature générale relative à l'accès aux activités de services au sens du point b) et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de services, aux services et au destinataire de services, à l'exclusion des règles qui ne visent pas spécifiquement les services définis audit point.

Aux fins de la présente définition :

i) une règle est considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l'information lorsque, au regard de sa motivation et du texte de son dispositif, elle a pour finalité et pour objet spécifiques, dans sa totalité ou dans certaines de ses dispositions ponctuelles, de réglementer de manière explicite et ciblée ces services ;

ii) une règle n'est pas considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l'information si elle ne concerne ces services que d'une manière implicite ou incidente ».

f) « règle technique», une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, don't l'observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l'établissement d'un opérateur de services ou l'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l'article 7, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l'importation, la commercialisation ou l'utilisation d'un produit ou interdisant de fournir ou d'utiliser un service ou de s'établir comme prestataire de services ».

La Cour de justice rappelle que « l'article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/1535/UE prévoit que, en principe, les Etats membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de « règle technique » au sens de l’article 1", paragraphe 1, sous f), de cette directive et que, selon une jurisprudence constante, le non-respect par un État membre de son obligation de communication préalable d’un tel projet emporte l’inopposabilité de la « règle technique » concernée aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 1996, CIA Security International, C-194/94, EU:C:1996:172, points 49 et 50), que ce soit lors d’une procédure pénale (voir, notamment, arrêt du 4 février 2016, Ince, C-336/14, EU:C:2016:72, point 84), ou d’un litige entre des particuliers (voir, notamment, arrêt du 27 octobre 2016, James Elliott Construction, C-613/14, EU:C:2016:821, point 64 et jurisprudence citée) » (v. en ce sens parmi d'autres décisions CJUE 3 décembre 2020 Star Taxi App SRL, C-62/19).

Contrairement au régime issu de la directive 2000/31/CE tel qu'explicité par la décision de la cour de justice du ler octobre 2020, A. c. Ab Ac et alii. C- 649/18, la directive 2015/1535/UE impose de « déterminer, notamment, si cette réglementation vise spécifiquement les services de la société de l’information » (v. en ce sens l'ordonnance CJUE 30 juin 2020, B Ae, C-723/19, $28 et l'arrêt CTUE C-299/17 VG Media c. Google LLC $31-33 ).



La Cour de justice rappelle l'obligation pour les Etats membres de procéder à une « nouvelle communication » des changements significatifs apportés à un projet de règle technique. En effet, cette obligation ne vise que l'hypothèse (..) dans laquelle des modifications significatives sont apportées, au cours du processus législatif national, à un projet de règle technique postérieurement à la notification de ce projet à la Commission » (CJUE 4 février 2016, Sebat Ince C-336/14, $79)

En revanche la Cour rappelle que « l'absence de communication d'une modification non significative d'une telle règle préalablement à l'adoption de celle-ci n'affecte pas en l'absence d'une obligation de notification préalable, l'applicabilité de cette règle ». T1 en va ainsi particulièrement lorsque la règle constitue un assouplissement (CJUE 25 avril 2010 Af Ag C, $48).

Une modification prenant la forme d'un raccourcissement de la date d'entrée en vigueur prévue de la norme en cause suppose une nouvelle communication. La date initiale comme la date retenue doivent alors être précises (v. mutatis mutandis CJUE 10 juillet 2014 Af Ah et alii. C-307/13, $36 et $37).

4.1.3.2. L'évolution du texte applicable

L'article L. 324-2-1 du code du tourisme est créé par la loi n°214-366 du 24 mars 2014 qui prévoyait alors une obligation d'information envers le propriétaire du bien loué à la charge des personne exerçant une activité d'entremise ou de négociation ou mettant à disposition d'une plate-forme numérique.

L'article est modifié par l'article 51 de la loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 maintenant cette obligation d'information s'agissant des nouvelles obligations incombant aux propriétaires des meublés de tourisme. S'ajoute une obligation de publier « dans l'annonce relative au local, son numéro de déclaration, obtenu en application du II de l'article L. 324-1-1 du présent code ». L'article modifié prévoit une obligation d'information à la demande de la commune lorsque la durée de location dépasse 120 jours et « que le logement ne peut plus faire l'objet d'une offre de location par son intermédiaire jusqu'à la fin de l'année en Cours ».

L'exposé des motifs du projet de loi précise que « l’article 51 renforce les contrôles et les sanctions civiles en matière de locations de courte durée à des fins touristiques, à l’encontre des loueurs et des plateformes qui ne respectent pas les obligations qui existent déjà. L'objectif du Gouvernement est de limiter l’effet inflationniste sur les loyers de ce mode de location dans certaines villes touristiques et surtout l’effet de retrait du parc de logements disponibles des locaux loués à des fins touristiques, notamment quand il y a une « professionnalisation » de cette activité ».

La version applicable au litige de l'article L. 324-2-1 rappelée ci-avant est issue d'un autre article 51, du projet de loi devenu l'article 145 de la loi n°2018-1021 du 23 mars 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (la « loi ELAN »).

Suivant certificat portant le numéro 2018/173/F du 17 avril 2018, la Commission européenne a reçu notification de l'article 51 du projet de loi ELAN. En l'état, ce projet reprend les règles fixées par les lois n°214-366 du 24 mars 2014 et n°2016-1321 du 7 octobre 2016.

L'article 51 du projet de loi ELAN transmis à la Commission ajoute à l'article L. 324-2-1 du code du tourisme : -une compétence pour la commune de demander des informations aux intermédiaires pour la location d'un meublé de tourisme (mentionné au I de l'article L. 324-1-1) en particulier le nombre de jours de location dans l'année, l'adresse du bien, et le numéro de déclaration.



-une obligation pour l'intermédiaire visé au I «lorsque [le] meublé de tourisme est soumis au même III [de l'article L. 324-1-1] » de publier « dans toute annonce relative à ce meublé, ce numéro de déclaration ».

-une série d'amendes civiles, dont celle d'un montant maximal de 12 500 euros objet du litige, en cas de méconnaissance des obligations fixées au I de l'article.

La version finale de l'article, qui est applicable, mentionne toutefois deux modifications qui n'ont pas été transmises à la Commission par la notification 2018/173/F du 17 avril 2018 :

-la précision que l'intermédiaire visé au I de l'article peut exercer son activité contre rémunération mais aussi à titre gratuit,

l'obtention auprès du loueur d'une déclaration sur l'honneur que le logement constitue ou ne constituant pas sa résidence principale et de son numéro de déclaration « préalablement à la publication ou la mise en ligne de l'annonce de location » et non « préalablement à la location du bien » comme en l'état initial du projet.

En l'espèce, l'obligation de mention du numéro de déclaration concerne bien un « service de la société de l'information », et est relative à « l'exercice » de son activité. Elle est donc « une règle relative aux services » au sens de l'article 1.1 de la directive 2015/1535/UE sous e) et une « règle technique » au sens de ce même article sous f).

Avant son adoption, comme le démontre pertinemment la société Airbnb Ireland, cette règle doit donc être notifiée dans les conditions de l'article 5.1 de ce texte.

L'article 145 de la loi ELAN n°2018-1021 du 23 mars 2018 prévoit un système imposant aux intermédiaires pour la location de meublés de tourisme de contrôler que les loueurs de ces biens respectent une réglementation qu'il rend plus restrictive.

La société Airbnb Ireland dénonce l'absence de notification de deux modifications du textes postérieurement à la Commission européenne.

La première d'entre elles consiste en une précision indiquant que l'intermédiaire, personne visée au I de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, peut exercer son activité à titre onéreux comme gratuit pour être visée par le texte.

Cette modification n'a pas été notifiée. Il sera toutefois observé que la directive 2015/1535/UE ne s'applique pas aux activités à titre gratuit. En tout état de cause, la mention de ce type d'activité ne modifie en rien, en l'état des éléments de la cause, le régime applicable aux activités à titre onéreux.

Au demeurant, il sera relevé que la société Airbnb Ireland exerce selon ses propres explications un service à titre onéreux et que cette modification ne lui cause aucun grief.

La seconde modification indique que ce même intermédiaire obtient du propriétaire la communication de sa déclaration sur l'honneur, de l'adresse du bien loué et du numéro de déclaration non pas au moment de la location mais au moment de la publication ou mise en ligne de l'annonce.

Il convient d'observer, cependant, que le texte transmis à la Commission mentionne déjà la phrase suivante « lorsque ce meublé de tourisme est soumis au même III, elle publie, dans toute annonce relative à ce meublé, ce numéro de déclaration ».



La combinaison de cette phase avec la disposition du même article prévoyant l'amende objet du litige suffit à expliciter le mécanisme mis en œuvre au cours de la présente procédure et l'obligation faite à intermédiaire de faire figurer le numéro de déclaration dans l'annonce dés sa publication.

Soutenir l'inverse, comme le propose la société Airbnb Ireland, suppose que l'obligation, visée par le texte, de faire figurer ce numéro n'existerait dans l'état initial du texte (article 51 du projet de loi ELAN) qu'entre le moment où l'annonce est choisie par un consommateur et celui ou la location est formalisée.

Elle viserait alors, en l'état de l'interprétation proposée en défense, non pas une annonce publique, mais des documents pré-contractuels ou contractuels contemporains à la location elle-même, ce qui est contradictoire avec la notion d' «annonce », par nature publiée et déjà mentionnée dans le texte transmis.

La phrase visant la mise en ligne de l'annonce n'est donc qu'une réitération de forme sans incidence sur le calendrier de mise en œuvre de la loi, qui ne fixe au demeurant et à ce titre, aucune date fixe.

Il résulte de ces éléments que les deux modifications postérieures à la notification dénoncés par la société Airbnb Ireland constituent des modifications non significatives n'imposant pas de nouvelle notification.

En outre, la loi comme ses motifs, qui s'appliquent tant aux intermédiaires numériques qu'à ceux qui interviennent par d'autres moyens que le commerce électronique, ne visent pas spécifiquement les services de la société de l’information, de sortes que l'obligation de notification n'a pas à s'appliquer.

Le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de notification est donc écarté.

4.2 Sur les conditions d'application de l'amende

Aux termes de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme dans sa rédaction applicable au présent litige « /. - toute personne qui se livre ou prête son concours contre rémunération ou à titre gratuit, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plate-forme numérique, à la mise en location d'un meublé de tourisme soumis à l'article L. 324-1-1 du présent code et aux articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation informe le loueur des obligations de déclaration ou d'autorisation préalables prévues par ces articles et obtient de lui, préalablement à la publication ou à la mise en ligne de l'annonce de location, une déclaration sur l'honneur attestant du respect de ces obligations, indiquant si le logement constitue ou non sa résidence principale au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, ainsi que, le cas échéant, le numéro de déclaration, obtenu en application du III de l'article L. 324-1-1 du présent code. Lorsque ce meublé de tourisme est soumis au même III, elle publie, dans toute annonce relative à ce meublé, ce numéro de déclaration.

H.-Dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d'enregistrement mentionnée au III de l'article L. 324-1-1, la commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander à la personne mentionnée au I du présent article, lorsque celle-ci en a connaissance, notamment lorsqu'elle met à disposition une plate-forme numérique de nature à lui conférer la connaissance ou le contrôle des données stockées, de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé de tourisme a fait l'objet d'une location par son intermédiaire. La personne mentionnée au même I transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration. La commune peut demander un décompte individualisé pour une liste de meublés de tourisme dans un périmètre donné.



Dans ces mêmes communes, la personne mentionnée audit I n'offre plus à la location un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale du loueur lorsqu'elle a connaissance, notamment lorsqu'elle met à disposition une plate- forme numérique de nature à lui conférer la connaissance ou le contrôle des données stockées, que ce meublé a été loué, par son intermédiaire, plus de cent vingt jours au cours d'une même année civile. Elle remplit ses obligations sur la base de la déclaration sur l'honneur mentionnée au même I. Le dispositif de retrait des offres peut être mutualisé par plusieurs personnes mentionnées au même I. Le cas échéant, ce dispositif mutualisé est certifié chaque année avant le 31 décembre par un tiers indépendant.

Un décret en Conseil d'Etat précise la fréquence et les modalités techniques de transmission des informations mentionnées au premier alinéa du présent II en fonction des caractéristiques des communes, de leurs besoins pour effectuer les contrôles de la réglementation prévue au présent chapitre et de la capacité de la personne mentionnée au I à répondre aux demandes des communes.

II.-Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du I est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 12 500 € par meublé de tourisme objet du manquement.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du premier alinéa du II est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par meublé de tourisme objet du manquement.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du deuxième alinéa du même II est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par annonce faisant l'objet du manquement.

Ces amendes sont prononcées par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur demande de la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme. Le produit de l'amende est versé à la commune. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le meublé de tourisme.

IV--Les agents assermentés du service municipal ou départemental du logement mentionnés aux articles L. 621-4 et L. 651-6 du code de la construction et de l'habitation sont habilités à rechercher et à constater tout manquement aux articles L. 324-1-1 et L. 324-2 du présent code ainsi qu'au présent article sur le territoire relevant du service municipal ou départemental du logement. A cette fin, ils sont habilités à se faire présenter toute déclaration par les personnes mentionnées au II de l'article L. 324-1-1 et au I du présent article ».

Selon l'article L. 324-1-1 du code du tourisme «Z.-Pour l'application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.

H.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé. / Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89- 462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.



III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme. / La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée. / Un téléservice permet d'effectuer la déclaration. La déclaration peut également être faite par tout autre moyen de dépôt prévu par la délibération susmentionnée. / Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d'un accusé- réception comprenant un numéro de déclaration. / Un décret détermine les informations qui peuvent être exigées pour l'enregistrement (.….) ».

Le Conseil constitutionnel rappelle par sa décision Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 que selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » (…) « le principe ainsi énoncé ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s'étend à toute sanction ayant le caractère d'une punition (..) ». Ce régime suppose la garantie d'un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que les droits de la défense (CC n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, $11).

L'amende encourue, constitue une sanction ayant le caractère d'une punition. Elle est en lien direct avec l'agissement fustigé. Sa proportionnalité doit être contrôlée au regard des agissements en cause et de l'objectif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location dans certaines zones du territoire national, lequel constitue un motif d'intérêt général.

L'amende civile de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme étant une sanction ayant le caractère d'une punition ne relève pas des règles de la responsabilité civile, y compris celles régies par loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique qui ne sont pas applicables. Elle ne relève pas de dommages et intérêts dits punitifs que la loi ne reconnaît pas.

La juridiction tient donc compte dans l'appréciation du montant de l'amende d'un élément de personnalisation tenant aux conséquences du manquement constaté, au comportement de son auteur, au contexte général, y compris économique dans lequel il s'inscrit et au gain réel ou supposé pouvant être retiré de l'infraction.

En l'espèce, les constats des agents assermentés versés aux débats établissent que la société Airbnb Ireland exploite la plate-forme airbnb.fr et prête son concours par ce moyen et contre rémunération à la mise en location d'un meublé de tourisme soumis à l'article L. 324-1-1 du code du tourisme et aux articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation. Elle exerce à ce titre et au demeurant une activité d'entremise.

Par résolution des 3, 4 et 5 juillet 2017 le Conseil de Paris a soumis les meublés de tourisme loués à Paris à la procédure d'enregistrement mentionnée au III de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme.

Les constats réalisés entre décembre 2018 et janvier 2019 par les agents assermentés habilités à cette fin (pièce demandeur n°2.1 à n°2.47) attestent de ce que 1010 annonces litigieuses ne comportent pas le numéro d'enregistrement.



La société Airbnb Ireland reconnaît que sur 1008 annonces « 569 sont à l’abri de toute critique (399 ne sont plus en ligne et 170 sont pourvues d’un numéro d’enregistrement) ». Elle s'engage à l'audience à faire figurer ce numéro sur les annonces futures. Il sera relevé au demeurant que 439 annonces sont restées en l'état.

Il ressort de ces éléments qu'au moment des constats, 1010 annonces ne comportaient pas de numéros d'enregistrement, que 439 de ces annonces étaient encore en ligne sans ce numéro au jour de l'audience, 170 étaient pourvues d'un tel numéro. La cause du retrait de 399 annonces postérieurement aux constats est inconnue.

La société Airbnb Ireland a donc méconnu ses obligations légales, se plaçant en situation d'infraction.

L'amende civile de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme ne relevant pas du régime de la responsabilité civile, l'envoi d'une mise en demeure préalable à la mise en œuvre de la présente action est indifférente ; la société devant se conformer à la loi dès son entrée en vigueur.

La présente juridiction tient compte de la gravité du manquement en cause, de sa durée et de ses effets au regard de l'objectif d'intérêt général de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location à Paris.

La société Airbnb Ireland soulève à bon droit que le montant de l'amende ne peut être, par principe, porté à son maximum par automatisme mais doit être soumis au contrôle de la juridiction, afin de garantir la proportionnalité de la sanction.

Il y a lieu d'écarter les conclusions du rapport de l'APUR (pièce demandeur n°15) alors que cet organisme est financé pour partie par la Ville de Paris, partie à l'instance, comme le demande la société Airbnb Ireland. Il n'en est pas tenu compte.

Le montant de l'amende n'a pas seulement vocation à s'approcher du gain réel ou supposé de la société Airbnb Ireland par effet des 1010 annonces litigieuses mais à sanctionner, de la part d'une société dont l'équilibre économique repose sur la mise à disposition de logements par les parisiens, une attitude incivique favorisant la conclusion de contrats portant sur des choses hors du commerce.

Il sera rappelé que le numéro de déclaration d'enregistrement permet de s'assurer que les loueurs de meublés de tourisme se conforment à la réglementation en vigueur. À défaut, les pouvoirs publics ne peuvent ni vérifier, ni évaluer, ni sanctionner la méconnaissance éventuelle, par les propriétaires contrevenants, de leurs obligations issues de la loi. Il constitue un élément essentiel du dispositif mis en place par la loi pour lutter contre la pénurie de logement, en particulier à Paris et pour préserver une raison impérieuse d'intérêt général reconnue par le droit de l'Union européenne.

En publiant des annonces sans numéro d'enregistrement portant sur les 1010 logements considérés la société Airbnb Ireland neutralise toute intervention des pouvoirs publics permettant la régulation de ce secteur. Elle cause, par voie de conséquence, un préjudice, irréversible à l'ensemble de la collectivité tant que ces annonces demeurent publiées.

A ce titre, alors que la loi est désormais ancienne, la société Airbnb Ireland a choisi d'en écarter de fait l'application y compris postérieurement à la présente assignation. Elle ne démontre pas avoir régularisé la situation de certaines annonces comme elle s'en prévaut.



La date des manquements sera fixée par référence aux constats réalisés par les agents assermentés.

Les faits, par leur gravité et en tenant compte de l'attitude de la société défenderesse, justifient de la condamner à une amende de 8 000 euros par annonce publiée sans numéro de déclaration.

La société Airbnb Ireland est donc condamnée au paiement de la somme de 8 080 000 euros à titre d'amende civile.

5. Sur les demandes accessoires

Partie perdante, la société Airbnb Ireland est condamnée aux dépens et à payer à la Ville de Paris la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au regard de la durée des débats et des nombreux échanges entre les parties.

La Ville de Paris n'étant pas la partie perdante ni celle condamnée aux dépens, les conditions de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas réunies s'agissant de la demande de la société B France qui est donc rejetée.


PAR CES MOTIFS

Le tribunal, réuni en formation collégiale pour exercer les pouvoirs du président du tribunal judiciaire, par jugement rendu en la forme des référés publiquement, contradictoire et en premier ressort,

Rejette la demande de sursis à statuer,

Prononce la mise hors de cause de la société B France,

Écarte des débats le rapport de l'APUR (pièce demandeur n°15),

Déclare irrecevable le demande d'injonction présentée par la Ville de Paris,

Dit que la demande d'astreinte présentée par la ville de Paris est sans objet,

Dit que la société de droit irlandais Airbnb Ireland Unlimited Company a méconnu les dispositions de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme en laissant apparaître sur la plate-forme airbnb.fr, à la date des constats versés aux débats constituant les pièces demandeur n°2.1 à n°2.47, 1010 annonces relatives à la location de meublés de tourisme au sens de ce texte, ne publiant pas le numéro de déclaration visé par la dernière phrase du I de ce même article,

Condamne la société de droit irlandais B Ae Ai Aj au paiement d'une amende civile de 8 080 000 euros (huit millions quatre-vingt mille euros),

Dit que la présente décision est notifiée au directeur départemental des finances publiques de Paris aux fins de recouvrement,

Dit que le produit de l'amende sera versé à la Ville de Paris en application du II de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme,

Rejette le surplus des demandes présentées par chacune des parties,

Rejette la demande présentée par la société B France au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que la présente décision bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire,



Condamne la société de droit irlandais Airbnb Ireland Unlimited Company à payer à la Ville de Paris la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société de droit irlandais B Ae Ai Aj aux entiers dépens,

Ainsi jugé à la date indiquée,

Fait à Paris le O1 juillet 2021

Le greffier, Le président,

Fabienne FELIX Malik CHAPUIS

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