Jurisprudence : CA Versailles, 09-10-2012, n° 11/02566

CA Versailles, 09-10-2012, n° 11/02566

A0340IU7

Référence

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COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac 80A 6ème chambre
ARRÊT N°
DU 09 OCTOBRE 2012
R.G. N° 11/02566
AFFAIRE
Eric Z
C/
SAS NOVEA
Me Francisque X - Commissaire à l'exécution du plan de la SAS NOVEA
Me Patrick W W W - Mandataire judiciaire de la
SYNDICAT CGT DES COURSIERS
UNEDIC AGS CGEA LEVALLOIS PERRET IDF OUEST
Décision déférée à la cour Jugement rendu le 27 Juin 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE
Section Commerce N° RG 08/03140
Copies exécutoires délivrées à
- SCP JAQUET-DUVAL AVOCATS
- Me Marc ...
- SCP HADENGUE ET ASSOCIÉS
Copies certifiées conformes délivrées à
- Eric Z
- SAS NOVEA
- Me Francisque X - Commissiare à l'exécution du plan de la SAS NOVEA
- Me Patrick W W W - Mandataire judiciaire de la SAS NOVEA
- SYNDICAT CGT DES COURSIERS
- UNEDIC AGS CGEA LEVALLOIS PERRET IDF OUEST
le
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF OCTOBRE DEUX MILLE DOUZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre
Monsieur Eric Z
né le ..... à PARIS
PARIS
Comparant
Assisté de Me Anne DE METZ membre de la SCP JAQUET-DUVAL AVOCATS, avocats au barreau de PARIS
APPELANT
****************
SAS NOVEA
NANTERRE CEDEX
Représentée par Me Marc OLIVIER-MARTIN, avocat au barreau de PARIS
Me Francisque X - Commissaire à l'exécution du plan de la SAS NOVEA
NEUILLY SUR SEINE
Représenté par Me Marc OLIVIER-MARTIN, avocat au barreau de PARIS
Me Patrick W W W - Mandataire judiciaire de la SAS NOVEA
NANTERRE
Représenté par Me Marc OLIVIER-MARTIN, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
****************
SYNDICAT CGT DES COURSIERS
PARIS
Non comparant - Non représenté
UNEDIC AGS CGEA LEVALLOIS PERRET IDF OUEST
LEVALLOIS-PERRET CEDEX
Représenté par Me Séverine MAUSSION pour la SCP HADENGUE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de VERSAILLES
PARTIES INTERVENANTES
****************

Composition de la cour
L'affaire a été débattue le 03 Juillet 2012, en audience publique, devant la cour composée de
Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, président,
Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, conseiller,
Monsieur François LEPLAT, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats Madame Sabine MARÉVILLE

EXPOSÉ DU LITIGE
Eric Z a été engagé le 11 octobre 1999 par la société EURODÈS en qualité de coursier.
Il a été victime d'un accident du travail, le 26 juillet 2006, et a été placé en arrêt maladie jusqu'au 19 août 2007.
Entre temps, la société EURODÈS a été cédée, fin 2006, à la société par actions simplifiée NOVEA spécialisée dans les courses urgentes et la livraison express, et le contrat de travail d'Eric Z transféré à ce nouvel employeur.
Le 20 août 2007, Eric Z a repris son travail en mi-temps thérapeutique, jusqu'au 6 octobre 2008, date de sa reprise à temps complet.
Par lettre du 8 octobre 2008, la société NOVEA a convoqué Eric Z à un entretien préalable fixé au 16 octobre suivant. Son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec avis de réception du 23 octobre 2008.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Eric Z ayant contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Nanterre, par procès verbal du 20 juillet 2010, celui-ci s'est déclaré en partage des voix ; l'affaire a été fixée à l'audience de départage du 11 février 2011, puis renvoyée à l'audience du 30 mai 2011.

Par jugement entrepris du 27 juin 2011, le conseil de prud'hommes de Nanterre a
- Requalifié le licenciement d'Eric Z par la société NOVEA en licenciement pour faute simple,
- Condamné la société NOVEA à payer à Eric Z les sommes suivantes
- 3 381,70 euros au titre des salaires d'août 2007 à octobre 2008,
- 338.17 euros au titre des congés payés afférents,
- 3 118,44 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 311,84 euros au titre des congés payés y afférents,
avec intérêts au taux légal à compter du 5 août 2008, date de réception de la convocation par l'employeur devant le bureau de conciliation,
- 2 806,60 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision,
- Condamné la société NOVEA à remettre à Eric Z une attestation ASSEDIC conforme,
- Débouté Eric Z de ses autres demandes,
- Déclaré le syndicat CGT des coursiers recevable et bien fondé dans ses demandes,
- Débouté le syndicat CGT des coursiers de ses demandes,
- Rappelé que sont exécutoires à titre provisoire les condamnations ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail...) ainsi que celles ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R.1454-14 2° du code du travail dans la limite de neuf mensualités étant précisé que la moyenne des salaires des trois derniers mois devait être fixée à 1 559,22 euros,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société NOVEA aux dépens.
Par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 27 octobre 2011 a été prononcée l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société par actions simplifiée NOVEA Maître Francisque X étant désigné administrateur judiciaire et Maître Patrick W W W mandataire judiciaire.
Par jugement du 28 juin 2012, ce même tribunal a arrêté un plan de redressement de la société NOVEA désigné Maître Francisque X en qualité de commissaire à l'exécution du plan, mis fin à sa mission d'administrateur judiciaire et maintenu Maître Patrick W W W en qualité de mandataire judiciaire jusqu'à la fin de la procédure de vérification des créances.

La cour est régulièrement saisie d'un appel formé par Eric Z contre cette décision.
L'affaire a été fixée pour plaidoiries à l'audience du 3 juillet 2012, en l'état des demandes suivantes, contenues dans des conclusions déposées au greffe et soutenues oralement
pour Eric Z
1 - Sur le salaire
A titre principal,
Dire et juger la prime de "bonne organisation" illicite,
Et en conséquence
- Réintégrer la prime de "bonne organisation" dans le salaire de base,
- Constater la moyenne des trois derniers mois reconstitués (juillet, août, septembre 2008) à 3 667,58 euros,
- Condamner la société NOVEA à un rappel de salaire 34 922,25 euros et aux congés payés y afférents, soit la somme de 3 492,22 euros,
- Ordonner la remise des bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- Condamner la société NOVEA au paiement des honoraires de l'expert comptable égaux à 250 euros,
A titre subsidiaire,
- Constater la modification du contrat de travail (modification de la rémunération),
- Fixer la moyenne des rémunérations à 3 125,62 euros (juin, mai, avril 2006),
- Condamner la société NOVEA à un rappel de salaire en raison de la modification unilatérale du contrat de travail égal à 4 443 euros, outre 444,30 euros de congés payés y afférents,
2 - Sur le licenciement
- Constater le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence condamner la société NOVEA aux sommes suivantes
A titre principal, si la moyenne de salaire retenue est de 3 667,58 euros
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 44 010,96 euros
- Indemnité conventionnelle de licenciement 6723,89 euros
- Indemnité de préavis 7 335,16 euros
- Congés payés y afférents 733,51 euros
- Dommages et intérêt pour préjudice distinct 75 000 euros
- Dommages et intérêts au titre du DIF 732 euros
- Ordonner la remise d'une attestation ASSEDIC rectifiée sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
A titre subsidiaire, si la moyenne de salaire est fixée à 3 125,62 euros
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 37 500 euros
- Indemnité conventionnelle de licenciement 5 730,29 euros
- Indemnité de préavis 6 251,24 euros
- Congés payés y afférents 625,12 euros
- Dommages et intérêt pour préjudice distinct 75 000 euros
- Dommages et intérêts au titre du DIF 732 euros
- Ordonner la remise d'une attestation ASSEDIC rectifiée sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
3 - Sur le manquement à l'obligation de sécurité
- Constater le manquement de la Société NOVEA à l'obligation de sécurité de résultat Et en conséquence
- Condamner la société NOVEA au paiement de dommages et intérêts de 50 000 euros,
4 - Sur les attestations de salaire
- Constater la délivrance tardive et la rédaction erronée des attestations de salaire,
Et en conséquence,
- Allouer la somme de 5 000 euros, au titre des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice lié à la réticence à délivrer les attestations et à la communication d'attestations erronées,
- Ordonner à la société NOVEA de délivrer les attestations de salaire conformes à sa rémunération, sur la base d'un salaire de 3 667,58 euros ou, à titre subsidiaire, de 3 125 euros, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- Dire et juger que les intérêts au taux légal courront à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes,
- Condamner la société NOVEA à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
pour la société NOVEA et Maître Francisque X, intervenant volontaire ès qualités de commissaire à l'exécution du plan
- donner acte à Maître Francisque X de son intervention en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société NOVEA
1 - Sur le salaire
A titre principal,
Confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes du 27 juin 2011 en ce qu'il a considéré que la prime de bonne organisation est licite,
En conséquence, dire et juger la prime de bonne organisation licite,
Débouter Eric Z de l'ensemble de ses demandes au titre des rappels de salaires,
À titre subsidiaire,
Débouter Eric Z de l'ensemble de ses demandes au titre des rappels de salaires,
Dire et juger qu'aucune prime perçue par Eric Z ne se réintégrera à son salaire,
À titre infiniment subsidiaire
Dire que la société NOVEA doit à Eric Z la somme de 3 161,24 euros au titre des salaires de septembre 2004 à juin 2006 et celle de 3 381,70 euros au titre des salaires de juillet 2006 à octobre 2008,
2 - Sur le licenciement A titre principal,
Infirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes du 27 juin 2011 en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
En conséquence, dire et juger que le licenciement pour faute grave d'Eric Z est justifié,
Débouter Eric Z de l'ensemble de ses demandes,
À titre subsidiaire,
Confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes du 27 juin 2011 en ce qu'il a requalifié le licenciement d'Eric Z en licenciement pour cause réelle et sérieuse, En conséquence, requalifier le licenciement d'Eric Z en licenciement pour faute simple,
Dire et juger que la société NOVEA sera condamnée à lui payer les indemnités suivantes
- 2 806,60 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 3 118,44 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, - 311,84 euros au titre des congés payés afférents,
3 - Sur le manquement à l'obligation de sécurité de résultat
Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté Eric Z de ses demandes,
Constater l'absence de manquement de la part de la société NOVEA
4 - Sur les attestations de salaire
Confirmer le jugement du conseil des prud'hommes du 27 juin 2011 sur ce point,
Débouter Eric Z de ses demandes,
Débouter Eric Z de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner Eric Z au paiement de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
pour l'UNEDIC en sa qualité de gestionnaire de l'AGS au visa de l'article L.3253-8 du code du travail et du plan de redressement,
- constater que le jugement arrêtant le plan de continuation, fait présumer que l'employeur, redevenu in bonis, est en possession des fonds disponibles permettant le règlement des créances de salaires restées impayées,
- mettre hors de cause l'AGS,
En tout état de cause,
- rejeter les demandes d'Eric Z,
Subsidiairement,
- mettre hors de cause l'AGS s'agissant des dommages et intérêts sollicités pour préjudice distinct du licenciement, pour préjudice lié à la réticence à délivrer des attestations et à la communication d'attestations erronées,
- mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure,
- limiter à six mois de salaire la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6, L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L.3253-19 à 21 et L.3253-17 du code du travail,
en tout état de cause,
- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
Le syndicat CGT des coursiers n'intervient pas en cause d'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par elles et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'intervention volontaire de Maître Francisque X
Au visa du jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 28 juin 2012, Maître Francisque X
sera reçu en son intervention volontaire ès qualités de commissaire à l'exécution du plan. Sur le rappel de salaire
Au soutien de sa demande de rappel de salaire, Eric Z indique que sa rémunération "aux bons" était assise sur une base illicite.
Il explique, en effet, que conduisant un "deux roues" de 125 cm3, il devait, au terme de l'avenant du 1er février 2000 à son contrat de travail, pour obtenir la totalité de la part variable de son salaire, réaliser 735 unités au titre de la "prime de bonne organisation", lesquelles étaient acquises en fonction de la distance parcourue et du temps passé et que, selon l'éloignement de la commune, le nombre d'unités augmentait.
Il ajoute qu'une fois l'objectif réalisé, la prime de bonne organisation augmentait arithmétiquement en fonction du nombre d'unités réalisées au-dessus de 735 et estime que cette prime serait équivalente à une rémunération "aux bons", c'est-à-dire une rémunération au rendement, de nature à compromettre l'impératif de sécurité posé par la convention collective des transports routiers du 21 décembre 1950.
Il fait valoir l'illicéité de cette rémunération au regard de l'article 14 de la convention collective nationale des transports routiers, dans sa rédaction issue de l'avenant n°76 du 22 juillet 1992, car elle serait incitative à un dépassement de la durée du travail ou un des temps de conduite autorisés.
Il ajoute, qu'au surplus, cette prime de bonne organisation, a été remplacée, sans son accord, par une prime de compensation dont le montant serait inférieur à l'ancienne prime.
La société NOVEA expose, pour sa part, que la convention collective des transports routiers a été rédigée au cours des années 1950, que le secteur course y a été rattaché au mois de juillet 1998 et qu'un avenant (n°94) a été régularisé le 13 décembre 2005 tenant compte de la spécificité de l'activité course.
Elle indique que l'article 3 de cet avenant stipule que la rémunération effective des personnels concernés, ne peut être inférieure au cumul du taux horaire conventionnel garanti, correspondant à l'emploi de coursier pour l'ancienneté considérée dans l'entreprise, multiplié par la durée effective du travail, tel que décomptée ci-dessus, pendant la période mensuelle et d'une part variable déterminée au sein de l'entreprise.
Elle fait valoir que, sur ce fondement, la fixation d'une part variable de la rémunération est licite et peut varier en fonction de l'activité du salarié et que, d'ailleurs, au terme de l'avenant du 1er février 2000, la rémunération d'Eric Z comprenait un salaire de base de 7 190 francs (1096,11 euros), une prime de bonne organisation pour le dépassement des objectifs, le remboursement d'indemnités kilométriques et une prime d'ancienneté applicable conformément à la convention collective des transports routiers.
La société NOVEA explique que le paiement "aux bons" était indépendant du nombre de courses réalisées dans la mesure où la course était majorée d'un certain nombre de bons lorsque le client demandait au coursier d'attendre le retour d'un document transmis au destinataire, ou bien d'attendre le retour du contrat signé, ou encore que le pli soit remis en main propre. Elle ajoute qu'un certain nombre de bons était attribué au coursier qui était mis à disposition d'un client et indépendamment du nombre de courses réalisées, ou encore que le nombre de bons n'était pas uniquement lié à la distance réalisée et au nombre de courses effectuées, mais était dépendant de l'activité du coursier, de ses tournées et des services rendus.
Elle fait remarquer qu'Eric Z n'a jamais contesté ce mode de rémunération.
Le conseil de prud'hommes de Nanterre a justement retenu que, pour fonder cette demande, Eric Z faisait valoir que la prime de bonne organisation, au caractère prétendument illicite, aurait été remplacée par une prime de compensation dont le montant serait inférieur à l'ancienne prime ; que conformément à l'avenant à la convention collective nationale du 13 décembre 2005, la fixation d'une part variable de rémunération n'était pas interdite dès lors, qu'elle n'incitait pas au dépassement de la durée du travail ou des temps de conduite.
Il a ainsi relevé que la rémunération d'Eric Z comprenait une part fixe calculée sur une base mensualisée de 169 heures et une part variable ; que celui-ci n'établissait pas avoir effectué d'heures supplémentaires ou avoir dépassé la durée maximale de 10 heures de travail par jour ; que s'agissant de la prime de bonne organisation, il exposait lui-même que les unités étaient acquises en fonction de la distance parcourue et du temps passé, ce qui est confirmé par l'employeur qui énonce que la course était majorée d'un certain nombre de bons lorsque le client demandait au coursier d'attendre le retour d'un document transmis au destinataire, ou bien d'attendre le retour du contrat signé, ou encore que le pli soit remis en main propre, ou de difficultés pour trouver le destinataire.
Il en a justement déduit que la prime de bonne organisation était bien corrélée au volume d'activité du salarié, mais dépendait aussi notamment des temps d'attente, ceci résultant clairement du tableau produit aux débats par la société NOVEA de la lecture duquel il résulte qu'en octobre 2004, Eric Z avait parcouru 7 440 km et perçu une prime de 1 487,17 euros alors qu'en mars 2005 pour une distance parcourue de 7 248 km, il percevait une prime de 1 593,67 euros et que, donc, l'illicéité de la rémunération alléguée par Eric Z n'était donc pas établie et l'a débouté de sa demande d'intégration de la prime la plus élevée aux salaires qui lui ont été versés pour la période de septembre 2004 à octobre 2008.
Le premier juge a tout aussi justement considéré que le remplacement de la prime de bonne organisation par une prime de compensation, sans que la société NOVEA justifie d'un quelconque avenant au contrat de travail ou du recueil de l'accord exprès d'Eric Z constituait une modification d'un élément essentiel du contrat de travail, portant sur le mode de rémunération et lui a alloué, au vu des éléments soumis au débat, la différence entre la nouvelle prime forfaitaire mensuelle de compensation de 638,70 euros et la prime de bonne organisation, soit une somme totale au titre des rappels de salaire d'août 2007 à octobre 2008 de 3381,70 euros et la somme de 338,17 euros au titre des congés payés afférents.
Il convient ainsi de confirmer le jugement sur ce point. Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave
Pour justifier le licenciement d'Eric Z, la société NOVEA mentionne, dans la lettre qu'elle lui a adressée le 23 octobre 2008 et dont les termes fixent les limites du litige, des délais anormalement longs dans les courses effectuées par lui, le non respect des priorités fixées par le chef d'équipe ou encore la falsification de documents de l'entreprise.
S'agissant des délais anormalement longs dans les courses effectuées, la lettre de licenciement vise trois cas, les 7, 9 et 13 octobre 2008.
Sans contester la matérialité de ces retards, Eric Z note justement que deux de ces situations sont postérieures au 8 octobre 2008, date de sa convocation à entretien préalable et que pour ces deux dernières courses, les adresses exactes ne sont pas mentionnées, privant ainsi le temps estimé par l'employeur, hors aléas effectifs de la circulation, de tout fondement, aucune contradiction ne pouvant lui être apportée dans ces conditions.
Eric Z ajoute, de manière pertinente, qu'il ne lui est pas fait grief, pour ces trois courses, d'avoir livré hors délai. Il doit être relevé que la société NOVEA ne lui reproche pas davantage d'avoir désorganisé l'activité de son service ou fait supporter aux autres coursiers une surcharge d'activité du fait de ces retards, lesquels sont demeurés exceptionnels après plus de 10 ans de fonctions.
Le grief invoqué ne peut ainsi constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
S'agissant de la prétendue insubordination d'Eric Z liée au non respect des priorités de courses en fin de journée du 15 octobre 2008, il ressort du relevé d'activité et du compte-rendu d'entretien préalable, que, ce jour là, cinq courses ont été commandées à Eric Z à 16h41, alors qu'il est constant que sa journée devait se terminer à 17h, qu'il a tout de suite indiqué qu'il avait rendez-vous chez le dentiste à 17h30 et qu'il ne pourrait pas tenir les délais, la dernière course ayant d'ailleurs été livrée à 18h02.
Il s'ensuit que le délai théorique de 19 minutes qui était imparti à Eric Z pour réaliser ces cinq courses apparaît comme ayant été manifestement irréalisable et que, dans ces conditions, aucun grief ne peut être tiré à son encontre de l'inversion de l'ordre des courses qu'il a exécutées, afin de parvenir au mieux au résultat attendu de sa part et alors qu'il n'a pas hésité, pour y parvenir, à dépasser de plus d'une heure la fin de sa journée de travail, sans pouvoir honorer son rendez-vous médical.
Enfin, en ce qui concerne la falsification de documents, la lettre de licenciement se contente de faire état d'une prétendue allégation de panne de l'appareil XDA par Eric Z, le 7 octobre 2008 à 13h55, qui n'est étayée par aucun témoignage du client ou bien encore de la prétendue signature, le
13 octobre 2008, d'un bordereau à la place du client FIRM pour laquelle est produite une "preuve de livraison" signée Matthieu, prénom du sieur LEGRAIN, qui, dans un courriel daté du
14 octobre 2008, confirme la livraison des plis de la veille, à l'heure indiquée de 13h42 et avoir donné son prénom au coursier.
Dans ces conditions, le grief de falsification, pour des plis parvenus en lieu et heure au bon destinataire ne saurait être retenu.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre devra donc être réformé en ce qu'il a considéré que le licenciement d'Eric Z était pour faute simple et l'a débouté des demandes indemnitaires formées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui est, en l'espèce, avéré.
La cour dispose des éléments suffisants pour fixer, en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, une indemnité de 15 600 euros correspondant au préjudice subi par Eric Z, compte tenu de son ancienneté dans la société, de son salaire de référence, justement fixé par le premier juge à la somme de 1 559,22 euros et des éléments relatifs à sa situation actuelle.
En retenant le salaire de référence et par application de la convention collective nationale, selon les calculs présentés par Eric Z, l'indemnité de licenciement sera fixée à la somme de 2 858,57 euros.
L'indemnité compensatrice de préavis sera, quant à elle arrêtée à la somme de 3 118,44 euros, retenue par le conseil de prud'hommes, outre 311,84 euros de congés payés y afférents.
En revanche, Eric Z succombe à démontrer un préjudice distinct, prétendument lié à la brutalité de la rupture du contrat de travail et à son caractère vexatoire et sera donc débouté de la demande indemnitaire qu'il forme de ce chef.
L'allocation d'une indemnité de 732 euros au titre du droit individuel à la formation, acquis par Eric Z et dont il n'a pu disposer du fait de son licenciement pour faute grave, n'est contestée ni dans son principe, ni dans son montant.
Toutefois, le premier juge a retenu à bon droit qu'Eric Z ne justifiait pas avoir sollicité le bénéfice de ce droit qui ne se périme que par l'écoulement de deux années et sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de la demande formée de ce chef.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité de résultat
Se référant aux dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail, Eric Z dénonce un manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat.
Il invoque à nouveau la mise en place d'une rémunération au rendement, que la cour a déjà écartée au titre de la demande de rappel de salaire.
Pour étayer ce manquement, Eric Z soutient également le non respect par son employeur des prescriptions liées à son mi-temps thérapeutique, lors de sa reprise d'activité, le 20 août 2007 et jusqu'au 6 octobre 2008, date de sa reprise à temps complet, celui-ci l'ayant contraint à réaliser des heures supplémentaires.
Eric Z ne rapporte aucune preuve du raccourcissement ou de la suppression de ses pauses repas.
En revanche, alors qu'il se trouvait en mi-temps thérapeutique, suite à son arrêt de travail, tant les feuilles de présence que les bulletins de salaire qu'il produit pour la période litigieuse, montrent qu'il a effectué régulièrement des heures supplémentaires, en violation des prescriptions médicales.
En outre, son kinésithérapeute, Hasnaa ... ..., dans une attestation ayant valeur de simple renseignement, pour ne pas respecter pleinement les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, affirme qu'Eric Z a été contraint, à quatre reprises, entre août et octobre 2008, d'annuler des séances pour raisons professionnelles.
Le manquement dénoncé est ainsi établi et sera justement indemnisé par l'allocation à Eric Z d'une indemnité de 1 559,22 euros.
Sur les attestations de salaire
Il ressort des pièces versées aux débats qu'Eric Z a émis plusieurs relances auprès de son employeur pour obtenir des attestations de salaire qu'il estimait erronées.
Toutefois, son allégation de non perception des indemnités journalières, constitutive de son prétendu préjudice, n'est étayée par aucune pièce. Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté des demandes indemnitaires qu'il formait de ce chef.
Sur le paiement des honoraires de l'expert comptable
Eric Z sollicite l'allocation d'une somme de 250 euros au titre du paiement d'honoraires d'un expert comptable, dont le conseil de prud'hommes de Nanterre l'a justement débouté, faute pour lui de la justifier.
Sur l'intervention de l'AGS
Aucun élément ne permet à la cour de déterminer si la société par actions simplifiée NOVEA dispose des fonds suffisants pour payer ses créances salariales.
Dans ces conditions, l'AGS sera maintenue dans la cause et sera tenue à garantie.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il est équitable d'allouer à Eric Z une indemnité de procédure de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition et en dernier ressort,
REÇOIT Maître Francisque X, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société par actions simplifiée NOVEA en son intervention volontaire,
INFIRME le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Nanterre du 27 juin 2011en ce qu'il a
- retenu la faute simple pour justifier le licenciement d'Eric Z et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- condamné la société par actions simplifiée NOVEA à payer à Eric Z la somme de 2 806,60 euros (deux mille huit cent six euros et soixante centimes) d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- débouté Eric Z de sa demande indemnitaire au titre du manquement de la société par actions simplifiée NOVEA à son obligation de sécurité de résultat,
CONFIRME le jugement pour le surplus, Et statuant à nouveau,
CONDAMNE la société par actions simplifiée NOVEA à payer à Eric Z les sommes suivantes
- 15 600 euros (QUINZE MILLE SIX CETNS EUROS) de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 858,57 euros (DEUX MILLE HUIT CENT CINQUANTE HUIT EUROS ET CINQUANTE SEPT CENTIMES) d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 1 559,22 euros (MILLE CINQ CENT CINQUANTE NEUF EUROS ET VINGT DEUX CENTIMES) d'indemnité pour manquement à son obligation de sécurité de résultat,
DIT que l'AGS garantira la créance d'Eric Z dans les conditions et limites posées par les articles L.3253-15 à L.3253-17 et L.3253-19 à L.3253-21 du code du travail et les plafonds prévus aux articles D.3253-5 de ce même code,
Et y ajoutant,
CONDAMNE la société par actions simplifiée NOVEA à payer à Eric Z la somme de 1 500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toutes autres demandes,
CONDAMNE la société par actions simplifiée NOVEA aux dépens.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame Marie-Paule ..., président, et par Madame Sabine ..., greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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