ML RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE COLMAR ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2002
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Adrien LEIBER, Président
Clarisse SCH[RBR, Conseiller, assesseur,
Michel LAURAIN, Conseiller, assesseur,
Greffier présent aux débats et au prononcé F. ...,T DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE du 16 Janvier 2002
ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE-du 20 Février 2002 prononcé publiquement par le Président.
NATURE DE L'AFFAIRE Dde en rép formée par la vict pour domm résul d'l nuisance de voisinage/d'1 trouble de l'environnemt
Chambre 3 B
R.G. N° 00/03378 Minute N° 3M 02/0020
APPELANT
Monsieur David Z1VIBERGER
représenté par Me Joseph WETZFL, avocat à la Cour
INTIMÉS
Monsieur Jean X et Madame Thérèse Stfi W demeurant tous deux
Monsieur Paul V et Madame Anne-Marie U demeurant tous deux
Monsieur Christian T tous les cinq représentés par Me Patrice HENNERESSE, avocat au barreau d STRASBOURG
Monsieur S Roger -LE LOCH'NESS- Copie exécutoire à Me Joseph R
Me Patrice Q
le
Le Greffier,
non comparant et non représenté Par assignation délivrée le 17 août 1999, les voisins du bar-discothèque "le ... N." à MOLSHEIM ont fait citer l'exploitant en nom personnel de cet établissement, Monsieur Roger S et le propriétaire des lieux, Monsieur David Y, devant le tribunal d'instance de MOLSHEIM afin de les voir condamner à leur verser une indemnité de 45.000 francs au titre du préjudice résultant pour eux des troubles anormaux de voisinage, essentiellement sonores, imputables au fonctionnement de l'établissement.
Le tribunal d'instance, par jugement du 6 juin 2000, assorti de l'exécution provisoire, a
condamné solidairement les deux défendeurs à verser à chacun des demandeurs une somme de /000 francs à titre de dommages-intérêts ainsi que 1.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C. et a enjoint à Monsieur S et à Monsieur Y de cesser ces troubles.
Monsieur David Y a interjeté appel de ce jugement le 30 juin 2000.
Dans ses dernières conclusions déposées le 30 octobre 2000, il demande à la cour d'infirmer ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser des dommages-intérêts aux demandeurs et lui a ordonné de faire cesser les troubles et il sollicite la condamnation des intimés aux dépens et à lui verser la somme de 5.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C.
Il fait valoir, pour l'essentiel, que le "Loch Ness" n'est ni un bar, ni une discothèque mais un pub qui possède les autorisations nécessaires et qui n'a jamais fait l'objet de constatations d'infractions, que Monsieur S a fait tous les efforts nécessaires pour insonoriser l'établissement, que si ce dernier a réglé les dommages-intérêts, il ne peut quant à lui, être recherché du fait d'une responsabilité sans faute, ni les dispositions de l'article 1384, ni celles de l'article 1719 du Code Civil ne dispensent, de démontrer la faute du propriétaire, étant précisé qu'aucune négligence ne peut lui être reprochée puisqu'il est intervenu quand il le fallait auprès de son locataire.
Il ajoute que s'agissant de la solidarité, les dispositions de l'article 1200 et suivants du Code Civil n'autorisent pas le juge à retenir la solidarité dans un cas où les débiteurs n'ont pas les mêmes obligations d'autant qu'il n'a pas concouru au dommage.
Tel lui paraît être - en particulier- le cas des obligations de faire, qu'aucune solidarité ne peut assortir.
Il fait observer que certains riverains ne se plaignent pas de troubles, que Monsieur S a engagé du personnel pour les faire cesser.
Monsieur et Madame X, Monsieur et Madame P, Monsieur Christian T ont conclu, quant à eux, le 5 mars 2001 ils demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris, de condamner l'appelant aux dépens et à leur verser, à nharun la somme de 2.500 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C.
Ils font valoir, en substance, que l'activité de l'établissement a généré des nuisances importantes ( bruits de fonctionnement notamment lors de soirées karaoké- claquements de portières, crissements de pneus, disputes et bagarres, murs et boîtes aux lettres transfonnées en urinoirs), que de nombreux voisins ont établi des attestations qui rendent incontestables la réalité et l'importance de ces nuisances, que les tentatives de règlement amiable auprès du propriétaire et du locataire n'ont pas été suivies d'effet de sorte que le premier juge, appliquant des principes jurisprudentiels certains, a rendu une décision fondée en droit et mesurée dans son quantum.
Ils ajoutent que le paiement des dommages-intérêts par Monsieur S, qui vaut acquiescement de sa part, démontre la réalité des troubles, que le tribunal n'a pas prononcé une condamnation solidaire mais in solidum, ce qui est bien différent et caractérise le lien entre les coauteurs de délits ou quasi-délits.
Monsieur S, assigné à personne le 25 septembre 2001, n'a pas constitué avocat. L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2001.
LA COUR,
La Cour observe que Monsieur S a été assigné à personne de sorte que, par application des articles 473 et 749 du N.C.P.C. le présent arrêt sera réputé contradictoire à son égard.
Sur le fond, il est de droit que les troubles anormaux de voisinage engagent, sans qu'il soit nécessaire de démontrer sa faute, la responsabilité de l'auteur du trouble.
A cet égard, lorsque le trouble émane d'un immeuble donné en location, les victimes de ce trouble peuvent en demander réparation au propriétaire, lequel dispose, contre son locataire, d'un recours lorsque les nuisances résultent d'un abus de jouissance ou d'un manquement aux obligations nées du bail ( Civ 26mc 8 juillet 1987 B II n° 150 p. 86) Dans le cas présent, le caractère anormal des troubles subis par les demandeurs résulte à suffisance des plaintes adressées à Monsieur S et à Monsieur David Y le 6 juin 1996, des attestations de personnes qui ne sont pas parties à la procédure, Monsieur Enver O, de Madame
Yolande N, de Christian T, d'Andrée M, d'Huguette
L, de han-Marie SCHADITZKL, attestations qui permettent de tenir pour établis les cris, disputes et bagarres jusqu'à des heures très tardives (1 heure à 2 heures du matin), les brusques réveils nocturnes imposés aux riverains par la musique à volume excessif les diverses souillures des lieux, Monsieur K ayant pris - quant à lui - le parti de quitter ce quartier.
Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a retenu le caractère anormal des troubles de voisinage subis par les intimés et la responsabilité de Monsieur David Y seul appelant-quant à ces troubles.
S'agissant de l'obligation "in solidum", une telle obligation suppose uniquement que le dommage résulte de faits - fautifs ou non - qui ont chacun contribué, peu importe dans quelle proportion, à la réalisation de ce dommage.
A cet égard, il importe peu que la responsabilité des divers auteurs soit d'une nature distincte, c'est à dire qu'elle résulte de fautes contractuelles pour l'un et délictuelles pour l'autre, d'une faute de commission et d'une faute d'omission, d'une responsabilité fautive et d'une responsabilité objective ( Civ 2èms 17 novembre 1976 J.C.P. 1977, 18550).
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions. Sur les dépens et l'application de l'article 700 du N.C.P.C.
L'appelant, qui succombe dans ses prétentions sera condamné aux dépens.
Il y a lieu de faire droit à la demande présentée par les intimés sur le fondement des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C. et de condamner Monsieur David Y à verser à chacun d'eux à ce titre une somme de 100 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DÉCLARE recevable l'appel dont elle est saisie, jugé régulier en la forme ;
Au fond
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE Monsieur David Y à verser à chacun des intimés la somme de 100 euros (cent euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C.
CONDAMNE Monsieur David Y aux dépens d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier.