Jurisprudence : CE Contentieux, 04-10-2012, n° 347312, publié au recueil Lebon

CE Contentieux, 04-10-2012, n° 347312, publié au recueil Lebon

A9828IT8

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CE Contentieux, 04-10-2012, n° 347312, publié au recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/6871113-ce-contentieux-04102012-n-347312-publie-au-recueil-lebon
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Abstract

Le Conseil d'Etat procède à l'annulation de la nomination d'un professeur du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) intervenue à la suite d'une procédure irrégulière dans une décision rendue le 4 octobre 2012 (CE Sect., 4 octobre 2012, n° 347312, publié au recueil Lebon).



CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


347312


M. Francis ROUSSEAUX


M. Louis Dutheillet de Lamothe, Rapporteur

M. Rémi Keller, Rapporteur public


Séance du 21 septembre 2012


Lecture du 4 octobre 2012


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux)

Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux


Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Francis Rousseaux, demeurant 56, boulevard Voltaire, à Paris (75011) ; M. Rousseaux demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler pour excès de pouvoir les listes de candidats établies par le conseil d'administration du Conservatoire national des arts et métiers (C.N.A.M.) et de l'Institut de France en vue de la nomination du professeur titulaire de la chaire d'économie et gestion de l'industrie numérique et des nouveaux médias au C.N.A.M., la proposition pour ce poste faite par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche au Président de la République et le décret du 11 janvier 2011 en tant qu'il nomme et titularise M. Missika sur ce poste ;


2°) d'enjoindre au C.N.A.M., à l'Institut de France et à l'Etat de reprendre les opérations de recrutement ;


3°) de mettre à la charge de l'Etat, du C.N.A.M. et de l'Institut de France la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 septembre 2012, présentée par M. Rousseaux ;


Vu le code de l'éducation ;


Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;


Vu le décret du 22 mai 1920 portant règlement du Conservatoire national des arts et métiers ;


Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,


- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;


1. Considérant que M. Rousseaux, professeur des universités en informatique, a présenté sa candidature à l'emploi de professeur du Conservatoire national des arts et métiers (C.N.A.M.) titulaire de la chaire d'économie et gestion de l'industrie numérique et des nouveaux médias ; qu'il attaque les deux listes de candidats proposés pour ce poste par le C.N.A.M. et l'Institut de France au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, la proposition faite par ce ministre au Président de la République pour ce poste ainsi que le décret du 11 janvier 2011 en tant qu'il nomme M. Missika professeur du C.N.A.M. titulaire de cette chaire ;


Sur la compétence du Conseil d'Etat en premier ressort :


2. Considérant qu'il résulte des 1° et 3° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative que la requête, qui est dirigée contre un décret et met en cause le recrutement d'un professeur de l'enseignement supérieur, ressortit à la compétence de premier ressort du Conseil d'Etat ;


Sur la régularité de la procédure juridictionnelle devant le Conseil d'Etat :


3. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la procédure contradictoire a été régulièrement suivie et l'inscription au rôle régulièrement prononcée ;


Sur les conclusions à fin d'annulation :


4. Considérant qu'en vertu de l'article 25 du décret du 22 mai 1920 portant règlement du Conservatoire national des arts et métiers (C.N.A.M.), les professeurs du C.N.A.M. sont nommés par décret sur proposition du ministre chargé de l'enseignement supérieur ; qu'aux termes de l'article 26 du même décret : " Lorsqu'une chaire devient vacante, le conseil d'administration est appelé à donner son avis, le conseil scientifique entendu, si la chaire doit être maintenue ou modifiée. (.) Si la chaire est maintenue sans modification, l'annonce de la vacance est insérée au Journal officiel. Un mois après la publicité donnée à cet avis, le conseil d'administration se réunit pour dresser, après discussion des titres, le conseil scientifique entendu, une liste de présentation comprenant deux candidats au moins et trois au plus. / La liste de présentation est adressée au ministre. Le ministre invite ensuite l'Institut de France (classe correspondante à l'enseignement de la chaire vacante) à lui présenter de son côté une liste de deux ou trois candidats, qui pourra comprendre les mêmes noms que la liste dressée par le conseil d'administration du conservatoire. (.) " ; qu'en vertu de l'article L. 952-16 du code de l'éducation, le conseil d'administration du C.N.A.M. siège en formation restreinte aux enseignants-chercheurs, aux personnels assimilés d'un rang au moins égal à celui postulé par l'intéressé et aux personnalités extérieures lorsqu'il se prononce sur le recrutement d'un professeur du C.N.A.M. ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour le recrutement d'un professeur du C.N.A.M., le conseil d'administration du C.N.A.M. en formation restreinte puis l'Institut de France proposent chacun concurremment deux ou trois des candidats au ministre, sans que le pouvoir de proposition de l'Institut de France soit limité aux candidats retenus par le C.N.A.M ;


En ce qui concerne les propositions émanant du Conservatoire national des arts et métiers et de l'Institut de France :


5. Considérant qu'en vertu des principes généraux du droit des concours, un jury de concours porte sur les mérites des candidats une appréciation souveraine qui n'est pas susceptible d'être remise en cause par l'administration ; qu'en outre, lorsqu'un jury se prononce sur la liste des candidats qu'il estime aptes à occuper un emploi d'enseignant, il doit comporter des spécialistes de la discipline examinée ; que, s'agissant du recrutement des professeurs du C.N.A.M., d'une part, aucune disposition du décret du 22 mai 1920 ne permet d'assurer que les autorités chargées de proposer certains des candidats au ministre comportent des spécialistes de la discipline dont relève le poste à pourvoir ; que, d'autre part, ces autorités disposant de pouvoirs de proposition concurrents, elles n'apprécient pas souverainement les mérites des candidats et il revient au ministre, qui n'est pas tenu par l'éventuel ordre dans lequel elles présentent les candidats qu'elles retiennent, de choisir parmi les candidats qui lui sont proposés celui qu'il juge le plus apte à occuper la chaire vacante, en vue de sa nomination par le Président de la République ; qu'ainsi, eu égard à ses caractéristiques particulières, la procédure de recrutement des professeurs du C.N.A.M. ne constitue pas un concours et que ni le C.N.A.M. ni l'Institut de France n'ont, par suite, dans cette procédure la qualité de jury de concours ;


6. Considérant que, si, en vertu des dispositions de l'article 19 de la loi du 11 janvier 1984 portant statut de la fonction publique de l'Etat et sauf dans les cas où la loi en prévoit autrement, les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours, l'article 93 de la même loi dispose : " Les dispositions réglementaires portant statuts particuliers applicables à la date d'entrée en vigueur des titres II et III du statut général le demeurent jusqu'à l'intervention des statuts particuliers pris en application de celui-ci " ; que, par suite, en l'absence d'intervention d'un décret en Conseil d'Etat portant statut particulier du corps des professeurs du C.N.A.M. pour l'application de la loi du 11 janvier 1984, le recrutement de ces professeurs continue d'être régi par la procédure particulière organisée par l'article 26 du décret du 22 mai 1920 ;


7. Considérant que, dès lors, les délibérations par lesquelles le conseil d'administration du C.N.A.M. et l'Institut de France proposent concurremment certains des candidats au ministre en vue de la nomination d'un professeur du C.N.A.M., ainsi que la proposition du ministre chargé de l'enseignement supérieur au Président de la République pour ce poste, qui ne sont que des éléments de la procédure de recrutement des professeurs de ce conservatoire, présentent le caractère d'actes préparatoires et ne sont pas susceptibles de faire l'objet de recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de chose jugée soulevée par le C.N.A.M. contre les conclusions du requérant tendant à l'annulation de sa proposition, la requête ne peut qu'être rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation de ces actes ;


En ce qui concerne le décret du 11 janvier 2011 en tant qu'il nomme et titularise M. Missika professeur du C.N.A.M. :


8. Considérant que, si un jury de concours, qui apprécie souverainement l'aptitude des candidats à occuper les postes ouverts au concours, peut ne pas retenir autant de candidats qu'il n'y a de postes à pourvoir, le conseil d'administration du C.N.A.M. et l'Institut de France n'agissent pas en cette qualité dans la procédure en cause ; que, dès lors, ces deux autorités ne peuvent, en principe, se dispenser de proposer au ministre le nombre de deux ou trois candidatures prévu par les dispositions de l'article 26 du décret du 22 mai 1920, quitte à assortir leurs propositions d'un ordre de classement ou des observations qu'ils jugent opportunes ; qu'il n'en va autrement que dans les cas où cette formalité est impossible, soit parce qu'il n'y a qu'un seul candidat, soit parce qu'il ne se trouve qu'un candidat qui réponde aux exigences minimales pour être légalement nommé ;


9. Considérant qu'en l'espèce, les listes de candidats établies par ces deux autorités ne contenaient chacune qu'un seul nom, celui de M. Missika ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il y avait d'autres candidats pour le poste et qu'au moins un de ces candidats, le requérant, qui est professeur des universités en informatique et dont la candidature avait été, d'après le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du C.N.A.M., retenue par le conseil scientifique de l'établissement, répondait aux exigences minimales pour être légalement nommé ; que, par suite, le conseil d'administration du C.N.A.M. et l'Institut de France ne pouvaient, en l'espèce, se dispenser de proposer au moins deux des candidats au ministre ;


10. Considérant que, ce vice dans le déroulement de la procédure de recrutement étant susceptible d'avoir exercé une influence sur la décision du ministre, le requérant est, dès lors, fondé à soutenir que le décret du 11 janvier 2011 est intervenu, en tant qu'il nomme et titularise M. Missika sur ce poste, au terme d'une procédure irrégulière et à demander, dans cette mesure, son annulation ;


Sur les conclusions à fin d'injonction :


11. Considérant que, l'autorité de nomination étant toujours libre de renoncer à pourvoir un poste vacant, il n'y a lieu d'enjoindre au C.N.A.M. et à l'Institut de France de reprendre les opérations de recrutement que dans l'hypothèse où la chaire d'économie et gestion de l'industrie numérique et des nouveaux médias au C.N.A.M. serait maintenue ;


Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :


12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. Rousseaux qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'elles font également obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par le requérant, qui ne justifie d'aucun frais ;


D E C I D E :


Article 1er : Le décret du 11 janvier 2011 est annulé en tant qu'il nomme et titularise M. Missika professeur du Conservatoire national des arts et métiers sur la chaire d'économie et gestion de l'industrie numérique et des nouveaux médias.


Article 2 : Sous réserve que la chaire soit maintenue, il est enjoint au Conservatoire national des arts et métiers et à l'Institut de France de reprendre les opérations de recrutement.


Article 3 : Le surplus des conclusions de M. Rousseaux est rejeté.


Article 4 : Les conclusions du Conservatoire national des arts et métiers tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Francis Rousseaux, à M. Missika, au Conservatoire national des arts et métiers, à l'Institut de France, au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et au Premier ministre.


Délibéré dans la séance du 21 septembre 2012 où siégeaient : M. Bernard Stirn, Président de la Section du Contentieux, présidant ; M. Jacques Arrighi de Casanova, M. Edmond Honorat, Présidents adjoints de la section du contentieux ; M. Rémy Schwartz, M. Thierry Tuot, M. Jean-Pierre Jouguelet, M. Gilles Bachelier, M. Marc Dandelot, Mme Christine Maugüé, M. Didier Chauvaux, M. Jacques-Henri Stahl, M. Denis Piveteau, M. Jean Courtial, Présidents de sous-section, M. Alain Christnacht, Conseiller d'Etat et M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur-rapporteur.

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