Jurisprudence : Cass. civ. 2, 04-10-2012, n° 11-23.642, F-D, Cassation

Cass. civ. 2, 04-10-2012, n° 11-23.642, F-D, Cassation

A9637IT4

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Cass. civ. 2, 04-10-2012, n° 11-23.642, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/6870922-cass-civ-2-04102012-n-1123642-fd-cassation
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Abstract

Faisant application d'une jurisprudence traditionnelle (Cass. civ. 2, 10 mars 2004, deux arrêts, n° 02-21.318, FS-P+B et n° 02-18.241, F-P+B ; Cass. civ. 2, 6 mai 2010, n° 09-65.389, F-P+B), la deuxième chambre civile de la Cour cassation casse au visa de l'article 174 du décret du 27 novembre 1991, dans un arrêt rendu le 4 octobre 2012, l'ordonnance ayant alloué la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral causé par un défaut d'information préalable des modalités de détermination des honoraires (Cass. civ. 2, 4 octobre 2012, n° 11-23.642, F-D).



CIV. 2 SM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 4 octobre 2012
Cassation
M. LORIFERNE, président
Arrêt no 1553 F-D
Pourvoi no A 11-23.642
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Jean-Luc Z, domicilié Montpellier,
contre l'ordonnance rendue le 23 juin 2011 par le premier président de la cour d'appel de Montpellier, dans le litige l'opposant
1o/ à M. Jean-Philippe Y,
2o/ à Mme Hélène Y,
tous deux domiciliés Le Pouget,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 septembre 2012, où étaient présents M. Loriferne, président, M. Grellier, conseiller rapporteur, M. Bizot, conseiller doyen, Mme Genevey, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Grellier, conseiller, les observations de la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat de M. Z, l'avis de M. Maître, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens réunis
Vu l'article 174 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
Attendu que la procédure spéciale prévue par ce texte ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que M. et Mme Y ont confié la défense de leurs intérêts à M. Z, avocat, dans un litige en matière de copropriété ; qu'après lui avoir versé diverses sommes en rémunération de ses diligences, ils ont saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande de fixation de ses honoraires, et ont déchargé M. Z de sa mission ;

Attendu que pour fixer les honoraires de M. Z et le condamner à payer à M. et Mme Y une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'ordonnance énonce que l'avocat qui était tenu d'informer au regard de la loi, préalablement ses clients des conditions de fixation de sa rémunération, ne l'a pas fait ; qu'il y a donc lieu de prendre en considération le manquement de cette obligation d'information préalable ; que M. et Mme Y ont subi un préjudice du fait du manque d'information de la part de leur avocat ; qu'il y a lieu de leur allouer une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Qu'en statuant ainsi, le premier président a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 23 juin 2011, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. et Mme Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. ..., conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en l'audience publique du quatre octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour M. Z
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'ordonnance confirmative attaquée d'avoir taxé et arrêté les honoraires dus à Maître Z à la somme de 2.000 euros HT soit celle de 2.392 euros TTC et constatant qu'il avait reçu la somme totale de 4.666 euros, de lui avoir, en conséquence, ordonné de restituer à Monsieur Jean Philippe Y et Madame Hélène Y la différence soit la somme de 2.274 euros (1.901,34 euros HT et 372,66 euros de TVA au taux de 19,60 %) ;
AUX MOTIFS QUE "En droit
Vu les articles 174 à 179 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
Vu l'article 10 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 en sa rédaction issue de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques qui dispose que
Les honoraires de consultation d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client et qu'à défaut de convention entre l'avocat et sou client les honoraires sont fixés selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci ;
L'avocat doit informer son client dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant ;
Vu enfin l'article 12 du décret no 05-790 du 12 juillet 2005 qui stipule que l'avocat détient, à tout moment, par dossier une comptabilité précise et distincte des honoraires et de toute somme qu'il a pu recevoir et de l'affectation qui leur a été donnée ;
Cependant, l'article 10 ne saurait faire obstacle au pouvoir des tribunaux de réduire les honoraires convenus initialement entre l'avocat et son client lorsque ceux-ci apparaissent exagérés au regard du service rendu ;
En l'espèce,
Il n'est pas contesté et il ressort des pièces produites aux débats que les époux Y ont mandaté leur avocat, Jean-Luc Z aux fins d'engager une procédure à l'encontre de la SARL EPICURE ;
Qu'ainsi l'avocat
- a engagé une procédure de référé expertise dès réception des époux Y,
- a assisté aux opérations d'expertise,
- et a négocié un accord concrétisé par l'encaissement d'une somme de 10.000 euros ;
Il est également acquis aux débats que les époux Y ont versé une somme de 4.666 euros au total, soit
- le 18 janvier 2008, une somme de 1.000 euros HT, soit 1.196 euros TTC, - le 22 février 2008, une somme de 720 euros,
- et ont autorisé Jean-Luc Z a prélevé sur les 10.000 euros reçus en CARPA la somme de 2.750 euros ;
SUR CE
Il est tout d'abord constant qu'aucune convention d'honoraires n'a été signée entre le conseil et ses clients ni aucune convention d'honoraires de résultat ;
Il n'est au surplus pas contesté par les deux parties que l'avocat n'a pas informé ses clients des honoraires ni du taux horaire qu'il envisageait de pratiquer dans cette procédure ;
Au surplus, les époux Y n'ont jamais reçu de facture relative à ces honoraires ;
Ainsi, le 15 avril 2010, ignorant l'état de suivi de leur dossier, les époux Y adressaient une première lettre au Bâtonnier pour lui exposer la situation et le 25 mai 2010, ils saisissaient officiellement le Bâtonnier d'une demande de taxation des honoraires ;
Madame ... ... relève dans sa décision que malgré plusieurs rappels, l'avocat Jean-Luc Z n'a pas donné de suite aux réclamations des plaignants ;
Pour leur part, les époux Y se sont plaints de ce qu'à la suite de leur courrier autorisant Maître Z à conserver la somme de 2.750 euros en la prélevant sur les 10.000 euros reçus par la CARPA, ils n'ont plus jamais pu connaître les développements ultérieurs de leur dossier ;
Madame ... ... dans sa décision s'est étonnée du silence observé par Jean-Luc Z ;
Nous considérons qu'au regard des prestations et diligences effectuées par l'avocat, le Bâtonnier a taxé à juste titre les honoraires dus à Jean-Luc Z à la somme de 2.000 euros HT, soit 2.392 euros TTC ;
En outre, l'avocat qui était tenu d'informer au regard de la loi préalablement ses clients des conditions de fixation de sa rémunération, n'en n'a rien fait ;
Il y a donc lieu de prendre en considération le manquement de cette obligation d'information préalable ;
Au surplus, aucune facture n'a été adressée au client ;
En conséquence, par des motifs de fait et de droit dont les débats et les pièces produites en cause d'appel ne viennent pas ôter la pertinence, le Bâtonnier a parfaitement motivé la décision critiquée et ils ne peuvent qu'être adoptés" ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE
"L'honoraire constitue la légitime rémunération du travail fourni par l'avocat ; Aux termes de l'article 10 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et de l'article 10 du décret no 2005-790 du 12 juillet 2005, à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé, selon les usages,
en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ;
En l'espèce, il résulte des explications des consorts Y et des pièces produites, qu'ils ont mandaté Monsieur Jean-Luc Z afin d'engager une procédure contre la SARL EPICURE, ce qui a été fait et à la suite de laquelle un accord a été conclu entre les parties qui a été, au minimum, concrétisé par le versement provisionnel de 10.000 euros, accord négocié par Monsieur Jean-Luc Z ;
En l'absence de réponse à nos courriers, il nous est impossible de savoir ce qui a été fait pour solder l'accord intervenu ou poursuivre une procédure ;
En l'état des explications données par les consorts Y et du silence observé par Monsieur Jean-Luc Z, il convient d'apprécier les honoraires dus à celui-ci en rémunération du travail effectué ;
Il est incontestable que Monsieur Jean-Luc Z
- a engagé une procédure de référé-expertise dès réception de Monsieur et Madame Y,
- a assisté aux opérations d'expertise,
- a négocié un accord concrétisé par l'encaissement d'une somme de 10.000 euros ;
En l'état, les honoraires dus à Monsieur Jean-Luc Z pour ces diligences peuvent être fixés à une somme de 2.000 euros hors taxes soit 2.392 euros toutes taxes comprises ;
Monsieur Jean-Luc Z ayant encaissé une somme de 4.666 euros, il doit procéder au remboursement de la différence soit 2.274 euros" ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la procédure spéciale prévue par l'article 174 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; que le Bâtonnier et, sur recours, le Premier Président de la Cour d'appel n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ; si bien qu'en énonçant, pour fixer les honoraires de Maître Z à la somme de 2.000 euros H.T soit 2.392 euros TTC et le condamner à leur rembourser celle de 2.274 euros correspondant à la différence avec les honoraires encaissés, qu'il y avait lieu de prendre en considération son manquement de l'obligation d'information préalable de ses clients quant aux conditions de fixation de sa rémunération, le Premier Président a excédé ses pouvoirs et partant violé l'article 174 du décret organisant la profession d'avocat ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci, si bien qu'en prenant en compte un manquement à l'obligation d'information quand un tel critère n'est pas retenu par les dispositions légales et réglementaires applicables, le Premier Président a ajouté à la loi et partant a violé les articles les articles 10, alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971, 10 du décret du 12 juillet 2005 et 11.1 du Règlement Intérieur National de la profession d'avocat ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir condamné Maître Z à payer aux époux Y une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice ;
AUX MOTIFS QUE
"Sur la demande de dommages et intérêts
Il est incontestable que les époux Y ont subi un préjudice du fait du manque d'information de la part de leur avocat, lequel au surplus n'a formulé aucune explication à la demande de renseignement de son Bâtonnier et nous considérons donc que si nous ne pouvons accorder aux époux Y un remboursement intégral des honoraires "en compensation du désagrément causé par ce refus", il y a lieu cependant de leur allouer une somme à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral qui sera fixée à la somme de 1.000 euros" ;
ALORS QUE la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ne s'appliquant qu'aux contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats, le Bâtonnier et, en appel, le premier Président de la Cour d'appel n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité professionnelle de l'avocat, si bien qu'en condamnant Maître Z à payer aux époux Y la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, le Premier Président a excédé ses pouvoirs et partant violé l'article susvisé.

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