Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 05-10-2012, n° 10/06397

CA Aix-en-Provence, 05-10-2012, n° 10/06397

A9389ITW

Référence

CA Aix-en-Provence, 05-10-2012, n° 10/06397. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/6870659-ca-aixenprovence-05102012-n-1006397
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Abstract

Aux termes de l'article R.145-10 du Code de commerce, le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.



COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 11e Chambre A
ARRÊT AVANT DIRE DROIT DU 05 OCTOBRE 2012
(expertise)
N° 2012/ 472
Rôle N° 10/06397 Christian Z
C/
Claude Y YY délivrée le
à
SELARL BOULAN CHERFILS
SCP LATIL
Décision déférée à la Cour
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 05 Décembre 2007 enregistré au répertoire général sous le n° 07/34.

APPELANT
Monsieur Christian Z, commerçant exploitant sous le nom commercial STUDIOS MALIBRAN
né le ..... à YAOUNDE (CAMEROUN) (99), demeurant NICE
représenté par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, aux lieu et place de la SCP BLANC CHERFILS, Avoués
Plaidant par la SCP MARRO & ASSOCIÉS, avocats au barreau de NICE substituée par Me Sébastien ZARAGOCI, avocat au barreau de NICE,
INTIMÉ
Monsieur Claude Y élisant domicile chez NICE
né le ..... à ALGER (16000), demeurant PARIS
représenté par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Plaidant par Me ... Jean, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Juin 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Sylvie PEREZ, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de
Monsieur Daniel ISOUARD, Président
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats Madame Mireille LESFRITH.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Octobre 2012
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Octobre 2012,
Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***

EXPOSÉ DU LITIGE
Selon bail commercial en date du 15 juin 1999, à effet rétroactif au 1er janvier 1998, Monsieur Y a donné en location à Monsieur Z un appartement à usage exclusif de 'meublé' situé à Nice 17, rue Gioffredo, pour une durée de neuf ans, du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2006, moyennant un loyer HT annuel de 26'420,29 francs
(4 027,75 euros).
Par acte d'huissier des 15 et 16 juin 2006, le bailleur a donné congé au locataire pour le 31 décembre 2006, avec offre de renouvellement moyennant un nouveau loyer annuel de 12'000 euros. Monsieur Z a refusé la proposition de nouveau loyer et demandé que celui-ci soit fixé à la valeur indiciaire.

Le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Nice a, par jugement qualifié en premier ressort et avant dire droit du 5 décembre 2007
- constaté l'accord des parties sur le principe du renouvellement du bail du 15 juin 1999, à compter du 1er janvier 2007, pour une durée de neuf ans,
- vu le caractère monovalent des locaux à usage de meublé situés à Nice, avant dire droit sur le montant de la valeur locative, désigné Monsieur ... en qualité d'expert afin d'estimer la valeur locative des locaux à la date de renouvellement du bail sur le fondement des l'article L.145-36 et R.145-10 du Code de commerce.
Par jugement du 3 février 2010, le juge des loyers commerciaux a
- vu le jugement mixte du 5 décembre 2007 ayant déjà retenu le caractère monovalent des locaux,
- dit n'y avoir lieu à plafonnement du loyer sur renouvellement qui doit être fixé à la valeur locative,
- fixé à la somme de 7 100 euros par an, hors charges et hors taxes, à compter du 1er janvier 2007, le montant du loyer sur renouvellement des locaux à usage de meublé,
- dit que Monsieur Z sera tenu de payer à M. Y les intérêts de droit sur l'ancien et le nouveau loyer au fur et à mesure des échéances contractuelles, à compter du 1er janvier 2007, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, pour ceux correspondant à des loyers échus depuis plus d'un an,
- dit que faute par les parties d'avoir procédé à la signature d'un nouveau bail dans un délai d'un mois suivant la signification de la présente décision, nonobstant appel, le présent jugement vaudra bail au prix judiciairement fixé,
- vu l'article R. 145-23 du code de commerce, s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande tendant à l'ajustement du dépôt de garantie en fonction du nouveau loyer et renvoyée Monsieur Y à mieux se pourvoir de ce chef,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties du surplus de leur demande.

Par déclaration du 1er avril 2010, Monsieur Z a interjeté appel des deux décisions.
Vu les conclusions de Monsieur Z remises au greffe le 22 juillet 2010,
Vu les conclusions de Monsieur Y déposées au greffe le 30 juin 2011,

MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance du 5 décembre 2007
Aux termes de l'article 480 du Code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
L'autorité de la chose jugée n'est ainsi attachée qu'au dispositif de la décision, sans qu'il y ait lieu de considérer les motifs de celle-ci, même décisifs ou décisoires, dispositif qui tranche à une question qui doit avoir fait l'objet de débats contradictoires devant le juge.
Tel n'est pas le cas, comme en l'espèce, de la décision qui dans son dispositif se borne à viser le caractère monovalent des locaux dont s'agit sans qu'aucune discussion sur ce caractère n'ait été débattue devant le juge, de sorte que l'ordonnance a été à bon droit qualifiée par celui-ci de décision avant dire droit que ne contredit pas la mention dans le dispositif de la constatation d'un accord des parties sur le principe du renouvellement du bail, constatation qui conserve la valeur d'un jugement de donné acte.
L'autorité de la chose jugée ne peut non plus être attachée au jugement du 3 février 2010 qui dans son dispositif vise " le jugement mixte du 5 décembre 2007, ayant déjà retenu le caractère monovalent des locaux ".
En l'absence d'autorité de la chose jugée, il n'y a pas lieu d'infirmer les décisions déférées.
2. Sur le caractère monovalent des locaux
Aux termes de l'article R.145-10 du Code de commerce, le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L.145-33 et R.145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.
Sont monovalents des locaux aménagés pour un usage spécifique et qui ne peuvent être transformés sans d'importants travaux.
Le bail liant les parties concerne un appartement situé dans un immeuble d'habitation bourgeoise et comprenant un couloir, six pièces, cuisine, salle de bains et W.C., loué à usage exclusif de meublé.
Pour conclure au caractère monovalent des locaux, le bailleur soutient que la transformation de son meuble en appartement privé nécessiterait d'importants travaux pour le transformer en appartement d'habitation bourgeoise, notamment la nécessité de créer une véritable salle de bains et supprimer l'ensemble des conduites d'eau et les lavabos présents dans chacune des chambres.
La présence d'équipements et d'aménagements spécifiques mineurs comme le lavabo et la télévision dans chaque chambre, n'est pas incompatible avec une transformation des lieux en vue de l'exercice d'une autre activité, celle-ci pouvant être une activité libérale ou commerciale, à l'exclusion d'une transformation en un appartement d'habitation bourgeoise.
Il existe une cohérence des locaux composés d'un seul appartement divisé par un couloir à partir duquel se distribuent les pièces de l'appartement, locaux compatibles avec une autre activité commerciale pouvant être par exemple une agence immobilière, un institut de beauté, le bailleur n'apportant pas la preuve qui lui incombe, de l'importance et du coût des travaux exigés pour l'affectation des lieux à une autre activité.
Ces éléments permettent de considérer que les locaux loués sont dénués de caractère monovalent.
3. Le loyer
Aux termes de l'article L. 145-33 du Code de commerce, le montant des loyers des baux à renouveler ou réviser doit correspondre à la valeur locative.
À défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après 1° Les caractéristiques du local considéré ;
2° La destination des lieux ;
3° Les obligations respectives des parties ;
4° Les facteurs locaux de commercialités ;
5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
L'article R. 145-3 du même code prévoit que les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération
1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface est de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.
Monsieur Y expose que les locaux donnés à bail sont situés dans un environnement favorable, mentionnant notamment l'ouverture, à proximité des lieux loués, du Musée d'Art ....
Il indique également avoir effectué en 2001 et 2002, des travaux de ravalement de la façade de l'immeuble pour une somme de 56 291,80 euros, travaux dont il indique qu'ils excèdent l'obligation d'entretien du bailleur découlant des dispositions de l'article 1719 du Code civil.
Monsieur Z fait état quant à lui du mauvais état des parties communes, de ce qu'il a fait effectuer la réfection complète de l'installation électrique pour la somme de 15 583,39 euros ainsi que de l'existence dans le bail, d'une clause exorbitante du droit commun en ce qu'elle prévoit que ' ...le preneur paiera à la décharge du bailleur, outre ses contributions personnelles, et ce, proportionnellement au prix de son loyer, tous impôts (y compris l'impôt foncier), la totalité des charges et prestations généralement quelconques existantes ou pouvant être établies au cours du bail'.
Au regard de la modification alléguée des éléments mentionnés aux 1° et 4° de l'article L. 145-33 du Code de commerce, il y a lieu d'ordonner une expertise afin d'évaluer le montant du loyer renouvelé.
Il est sursis à statuer sur le surplus des demandes.

PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort,
Dit que les jugements des 5 décembre 2007 et 3 février 2010 n'ont pas autorité de la chose jugée relativement au caractère monovalent des locaux loués et rejette la demande tendant à leur infirmation,
Y ajoutant
Dit que les locaux loués par Monsieur Y à Monsieur Z, situés à Nice 17 rue Gioffredo sont dénués de caractère monovalent,
Avant dire droit sur le montant du loyer, ordonne une mesure d'expertise,
confiée à Mme Sandrine ... épouse ..., 50 rue Gioffredo, 06 000 NICE avec mission
- de visiter les lieux loués et de les décrire,
- de fournir les éléments permettant de rechercher si entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2006, il a existé une modification notable de l'un ou de plusieurs des quatre premiers éléments servant à fixer la valeur locative énoncés à l'article L. 145-33 du Code de commerce,
- plus spécialement, de fournir les données sur l'évolution des facteurs locaux de commercialité et leur incidence sur cette activité,
- de proposer la valeur locative du local loué en se référant aux articles L. 145-33 et R. 145-2 à R. 145-8 du Code de commerce,
- de répondre aux dires des parties ;
'Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, sous le contrôle du conseiller chargé du contrôle des expertises qui pourra procéder à son remplacement par simple ordonnance,
' Dit que l'expert devra prendre en considération les observations des parties ou de leur conseil conformément aux dispositions de l'article 276 du Code de procédure civile ;
' Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions du code de procédure civile et que notamment, il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et pourra s'adjoindre tous acteurs aux spécialistes de son choix prix sur les listes d'experts des cours et tribunaux ;
' Dit que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et établira d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours et qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au conseiller et aux parties la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir la totalité du recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera le cas échéant le versement d'une consignation complémentaire,
' Dit que l'expert communiquera un pré rapport aux parties et répondra aux dires que celles-ci lui auront adressés dans le délai qui leur aura été imparti,
- Dit que l'expert déposera son rapport au greffe dans un délai de huit mois à compter de l'avis de consignation, sauf prorogation du délai accordée sur requête par le Conseiller de la mise en état de la 11e chambre A commis pour surveiller les opérations d'expertise,
' Dit que l'expert devra adresser une copie de son rapport à chacune des parties, accompagné de la copie de sa demande d'évaluation de rémunération qui pourra donner lieu à toutes observations des conseils des parties auprès du conseiller taxateur dans les quinze jours suivants, l'expert devant préciser sur la demande de taxe adressée au conseiller taxateur, la date de l'envoi aux parties,
' Désigne le Conseiller de la mise en état de la 11e chambre A pour contrôler l'expertise; ' Fixe à 3000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert,
' Dit que Monsieur Y devra consigner cette somme auprès du Régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel dans le délai de trois mois à compter de la présente décision,
- Dit que Monsieur Y sera dispensé de cette consignation et s'il est titulaire de l'aide juridictionnelle ;
' Dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet, à moins que le conseiller, à la demande d'une partie justifiant d'un motif légitime, ne décide une prorogation de délai ou d'un relevé de caducité,
' Renvoie l'affaire à l'audience du 26 juin 2013 à 9 heures ;
- Sursoit statuer sur le surplus des demandes jusqu'à cette date,
' Réserve les dépens.
Le Greffier Le Président

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