Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 21-03-2012, n° 343986



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

343986

M. YLLOUZ

M. Matthieu Schlesinger, Rapporteur
M. Frédéric Aladjidi, Rapporteur public

Séance du 8 février 2012

Lecture du 21 mars 2012

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 octobre 2010 et 18 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gérard YLLOUZ, demeurant 127 avenue Jean-Baptiste Clément à Boulogne-Billancourt (92100) ; M. YLLOUZ demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09VE01029 du 29 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0603341 du 22 janvier 2009 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999, 2000 et 2001 et des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. YLLOUZ,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Griel, avocat de M. YLLOUZ ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. YLLOUZ, qui exerçait la profession de chirurgien-dentiste, a fait l'objet d'une vérification de la comptabilité de son activité professionnelle pour les années 1999, 2000 et 2001 ; que M. YLLOUZ était adhérent d'une association de gestion agréée pour les années en litige et devait, à ce titre, tenir sa comptabilité conformément aux dispositions de l'article 1649 quater G du code général des impôts ; qu'après avoir constaté l'absence de documents comptables réguliers, l'administration fiscale a reconstitué les recettes de l'intéressé à partir des relevés de la sécurité sociale et lui a notifié le 10 décembre 2002, en conséquence, des redressements à l'impôt sur le revenu au titre de ces trois années que M. YLLOUZ a contestés en partie ; que dans son avis suivi par l'administration, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a proposé le maintien du montant des rehaussements restant en litige ; que par un jugement du 22 janvier 2009, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de décharge présentée par M. YLLOUZ, qui se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 juin 2010 de la cour administrative d'appel de Versailles confirmant ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 99 du code général des impôts : "Les contribuables soumis obligatoirement au régime de la déclaration contrôlée ou qui désirent être imposés d'après ce régime sont tenus d'avoir un livre-journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles." ; qu'aux termes de l'article 1649 quater G : "Les documents tenus par les adhérents des associations définies à l'article 1649 quater F en application de l'article 99 du présent code doivent être établis conformément à l'un des plans comptables professionnels agréés par le ministre de l'économie et des finances. / Les documents comptables mentionnés au premier alinéa comportent, quelle que soit la profession exercée par l'adhérent, l'identité du client ainsi que le montant, la date et la forme du versement des honoraires." ;

Considérant que ces dispositions, en imposant que les documents comptables tenus par les adhérents des associations de gestion agréée mentionnent, quelle que soit la profession exercée par l'adhérent, l'identité du client, ont entendu limiter le secret professionnel dont pouvaient notamment se prévaloir les professions médicales, afin de faciliter le contrôle de leurs revenus dans le cadre de la procédure d'imposition ; qu'il suit de là que les agents vérificateurs ont accès à ces documents qui mentionnent l'identité du patient, sous réserve toutefois que ces derniers ne comportent aucune indication, même sommaire ou codée, concernant la nature des prestations médicales fournies aux patients ; que dès lors, en se fondant d'une part, sur ce que les règles du secret professionnel et du respect de la vie privée interdisaient au contribuable de communiquer au vérificateur un livre-journal faisant figurer les noms de ses clients et, d'autre part, sur ce que M. YLLOUZ était astreint à tenir et à produire, à la demande de l'administration, un livre-journal mentionnant les actes dispensés sous forme de référence à la nomenclature des actes professionnels prévue par la réglementation applicable en matière de sécurité sociale et précisant, par ailleurs, si les sommes perçues correspondaient à des acomptes ou à des paiements pour solde, pour en déduire que l'administration avait pu à bon droit juger non probante la comptabilité du requérant et reconstituer ses recettes à partir des relevés de la sécurité sociale, la cour a méconnu les dispositions précitées et a par suite entaché son arrêt d'erreur de droit ; que dès lors, M. YLLOUZ est fondé à demander son annulation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. YLLOUZ, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 29 juin 2010 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à M. YLLOUZ la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Gérard YLLOUZ et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Délibéré dans la séance du 8 février 2012 où siégeaient : M. Philippe Martin, Président adjoint de la Section du Contentieux, Président ; M. Thierry Tuot, M. Jean-Pierre Jouguelet, Présidents de sous-section ; M. Marc Perrin de Brichambaut, M. Jean-François Mary, M. François Séners, Mme Pascale Fombeur, M. Philippe Josse, Conseillers d'Etat et M. Matthieu Schlesinger, Auditeur-rapporteur.

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