Jurisprudence : T. com. Paris, 26-05-2020, aff. n° 2020016517

T. com. Paris, 26-05-2020, aff. n° 2020016517

A21513MM

Référence

T. com. Paris, 26-05-2020, aff. n° 2020016517. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/58202565-t-com-paris-26052020-aff-n-2020016517
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REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAISCopies exécutoires : TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS
Cabinet LPA-CGR AVOCATS,
représenté par Maître Gilles
GASSENBACH et Maître Fabrice ORDONNANCE DE REFERE PRONONCEE LE MARDI 26/05/2020
CASSIN,
Cabinet VEIL JOURDE,
représenté par Me Emmanuel PAR M. PAUL-LOUIS NETTER, PRESIDENT,
GLASER et Me Sandrine
PERROTET ASSISTE DE M. ANTOINE VERLY, GREFFIER,
Copie aux demandeurs : 4
Copie aux défendeurs : 2 Par sa mise à disposition au greffe RG 2020016517 1 06/05/2020 ENTRE :
SAS GAZEL ENERGIE SOLUTIONS, dont le siège social est 9 rue du Débarcadère 92700 Colombes - RCS B 501706170
Partie demanderesse : comparant par Cabinet LPA-CGR AVOCATS, représenté par Maître Gilles GASSENBACH et Maître Fabrice CASSIN Avocats (P238) L'Association Française Indépendante de l'Électricité et du Gaz (AFIEG), dont le siège social est 37 rue du Colisée 75008 PARIS
Intervenant volontaire comparant par Cabinet VEIL JOURDE, représenté par Me Emmanuel GLASER et Me Sandrine PERROTET Avocats (T06) ET:
SA ELECTRICITE DE FRANCE, dont le siège social est 22-30 avenue de Wagram 75008 Paris
Partie défenderesse : comparant par AARPI Cabinet Gide Loyrette Nouel, représentée par Me Michel GUENAIRE Avocat (T03) La SAS GAZEL ENERGIE SOLUTIONS, aux termes d'une ordonnance rendue par M. le président de ce tribunal en date du 23 avril 2020, lautorisant en application des dispositions de larticle 485 du CPC à assigner en référé d'heure à heure pour l'audience du mercredi 6 mai 2020 à 11h, nous demande, par acte du 24 avril 2020, signifié à personne présente, et pour les motifs énoncés en sa requête, de : Vu les dispositions des articles 872 et 873 du Code de Procédure Civile, A titre principal, Déclarer acquise la clause de suspension stipulée à l'article 10 de lAccord-cadre pour l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique conclu le 20 mai 2011 entre les sociétés ELECTRICITE DE FRANCE (EDF) et GAZEL ENERGIE SOLUTIONS (anciennement EON Energie SAS) ; En conséquence,
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG: 2020016517 ORDONNANCE DU MARDI 26/05/2020Ordonner la suspension du Contrat et donc l'interruption de la fourniture délectricité et de certificats de capacités, ainsi que l'obligation subséquente de paiement du prix, à compter du 21 mars 2020 ;A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où, par impossible, le Tribunal venait à considérer qu'il existe en l'espèce une contestation sérieuse sur l'interprétation des dispositions de larticle 10 du Contrat,Vu, dune part, le trouble manifestement illicite qui résulte du refus dELECTRICITE DE FRANCE d'appliquer la clause et/ou d'autre part, le dommage imminent qui résulte, pour la requérante, de la poursuite du Contrat dans sa configuration actuelle,Ordonner à titre conservatoire, la suspension de lAccord-cadre pour l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique conclu le 20 mai 2011 entre les sociétés ELECTRICITE DE FRANCE et GAZEL ENERGIE SOLUTIONS (anciennement EON Energie SAS) à compter du prononcé de la décision à intervenir et pendant la durée, en ce compris toute prorogation éventuelle, de létat d'urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020 ;En tout état de cause,Donner acte à la société GAZEL ENERGIE SOLUTIONS quelle s'engage à restituer à ELECTRICITE DE FRANCE la différence entre le prix ARENH et le prix de marché pour tous les MWh ARENH effectivement consommés par ses clients pendant la période de suspension du Contrat ;Désigner tel expert qu'il plaira au Tribunal afin de déterminer à l'issue de la période de suspension la somme revenant à ELECTRICITE DE FRANCE correspondant à la différence entre le prix d'achat ARENH et les prix du marché pour tous les MWh AREHN effectivement consommés par les clients de la requérante ;Dire que dans le cadre de sa mission, l'expert pourra se faire communiquer tout document dont il jugera utile de prendre connaissance pour laccomplir tout en respectant la règle du secret des affaires ;Condamner ELECTRICITE DE FRANCE à s'acquitter de l'intégralité des dépens de la présente instance, et à verser la somme de 50.000 euros à la société GAZEL ENERGIE SOLUTIONS sur le fondement de larticle 700 du Code de procédure civile.A laudience du 6 mai 2020, les conseils de l'Association Française Indépendante de l'Électricité et du Gaz (AFIEG) déposent des conclusions en intervention volontaire à titre accessoire aux termes desquelles ils nous demandent de :Vu les articles 325 et 330 du code de procédure civile,
Vu larticle 873 du code de procédure civile,
Vu larticle 102 du TFUE et L.420-2 du code de commerce,Recevoir lAFIEG en sa demande d'intervention volontaire accessoire à la procédure référencée sous le n°2020016517
La dire bien-fondé en celle-ci ;En conséquence,
Faire droit à l'ensemble des moyens et demandes formés par la société GAZEL ENERGIE SOLUTIONS, société par actions simplifiée, inscrite au registre du commerce et des sociétés
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG: 2020016517 ORDONNANCE DU MARDI 26/05/2020de Nanterre sous le numéro 501 706 170, sise 9 rue du Débarcadère, 92700 Colombes, ladite société prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,Condamner la société EDF à lui verser 5.000 euros au titre de larticle 700 du code de procédure civile,Le conseil de la SA ELECTRICITE DE FRANCE, in limine litis, soulève oralement deux irrecevabilités :1) le rejet des demandes de la société GAZEL ENERGIE SOLUTIONS qui ne sont plus soutenues par des prétentions et moyens du fait de l'absence de conclusions récapitulatives ;L'article 768 du code de procédure civile, qui s'applique à la procédure devant les tribunaux de commerce, impose aux parties des conclusions récapitulatives qui reprennent les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures.
Or, les dernières écritures de GES sont appelées "conclusions en réponse" et se limitent à répondre aux conclusions d'EDF, sans reprendre les prétentions et moyens figurant dans l'assignation introductive d'instance.
L'article précise que dans ce cas, les parties sont réputées avoir abandonné leurs prétentions et moyens antérieurs, et indique que le tribunal ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées.2) lirrecevabilité de l'intervention volontaire accessoire de l'AFIEG.L'instance principale n'étant plus soutenue, l'intervention volontaire accessoire qui se greffe dessus devra nécessairement être écartée.Il dépose en outre des conclusions en défense aux termes desquelles il nous demande de :Vu larticle 872 du code de procédure civile,
Vu larticle 873 du code de procédure civile,Écarter des débats tous les éléments communiqués par Gazel Energie Solutions au Président qui n'auraient pas été également communiqués, ou pas communiqués en temps utile, à EDF ;
Ordonner, subsidiairement, leur communication à EDF, selon les modalités quil plaira au Président de déterminer, et octroyer à la société EDF un délai suffisant afin quelle en prenne connaissance et, le cas échéant, quelle formule ses observations à cet égard.Et en tout état de cause :
Débouter Gazel Energie Solutions de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
Dire ny avoir lieu à référé sur les demandes de Gazel Energie Solutions ;
Condamner Gazel Energie Solutions à payer à EDF la somme de 50.000 euros au titre de larticle 700 du code de procédure civile ;
Condamner Gazel Energie Solutions aux entiers dépens de la présente instance.Les conseils de la SAS GAZEL ENERGIE SOLUTIONS déposent des conclusions en réponse aux termes desquelles ils réitèrent les demandes contenues dans leur assignation.Laudience du 6 mai 2020 à 11h s'est tenue en visioconférence, dont procès-verbal a été dressé, en application de l'article 7 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG: 2020016517 ORDONNANCE DU MARDI 26/05/2020adaptation des règles applicables aux juridictions de lordre judiciaire statuant en matière non pénale.Etaient également présents à l'audience :
Pour GAZEL ENERGIE SOLUTION, Me Guillaume RICHARD, collaborateur de Me Gilles GASSENBACH et de Me Fabrice CASSIN,
Pour l'AFIEG, Monsieur Marc BOUDIER, Président
Pour EDF, Me Timothée DUFOUR et Me Emma GEORGE, collaborateurs de Me Michel GUENAIRE, Madame Pascale GRANOTIER, directrice juridique Commerce Optimisation Trading, Monsieur Aa A, responsable du service juridique Amont-Aval et Madame Ab B, juriste au service juridique Amont-Aval.Après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications et observations, nous avons remis le prononcé de notre ordonnance, par mise à disposition au greffe, au mardi 26 mai 2020 à 16h.Moyens des parties,La SAS GAZEL ENERGIE SOLUTIONS est un fournisseur alternatif délectricité et de gaz sur le territoire français. Sa clientèle est constituée de grandes sociétés, industries, copropriétés et collectivités locales.Elle a conclu, le 20 mai 2011, un accord avec la société Electricité de France (ci-après EDF), dans le cadre de l'Accès Régulé à l'Energie Nucléaire Historique (ci-après ARENH).Par lettre recommandée du 20 mars 2020 elle a indiqué à son co-contractant qu'elle entendait, par suite de l'épidémie liée au Covid-19, se prévaloir de larticle 10 de l'accord précité et suspendre l'exécution de celui-ci. EDF, par courrier du lendemain indique refuser une telle suspension.
Soulignant qu'elle fait appel à l'électricité de l'ARENH à hauteur, en moyenne, de 60% de ses approvisionnements, la société Gazel Energie Solutions indique que l'essentiel de ceux- ci est revendu dans le cadre dune formule dite « fourniture complète » où le client paie un prix déterminé à l'avance laissant au fournisseur les risques de variation de consommation et de prix.Selon la demanderesse, la baisse de la consommation d'électricité notamment de la part des industriels a entrainé une chute des prix sur le marché. Ainsi coté à 28,12 par MWh le 02 mars 2020, le prix du produit de base natteignait plus que 15,31 par MWh à la fin du moisContrainte de revendre dans ces conditions l'électricité acquise auprès de l'ARENH sur la base de 42 le MWh, la société Gazel Energie Solutions enregistre une perte quelle chiffre à 3 millions d'euros par mois et dont la reproduction est, selon elle, susceptible de mettre en péril son existence.Analysant les dispositions des articles 10 et 13 de l'accord-cadre évoqué ci-avant, la demanderesse affirme que celles-ci prévoient que chacune des parties du contrat peut en suspendre unilatéralement et temporairement l'exécution sans que l'autre partie puisse sy opposer.Elle estime, au surplus, compte tenu de la situation de force majeure qui prévaut du fait de l'épidémie de Covid-19 et des mesures sanitaires qui s'en sont suivies, que le Président du
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : 2020016517 ORDONNANCE DU MARDI 26/05/2020tribunal de céans peut statuer, sans contestations sérieuses, sur l'acquisition de la clause suspensive.Par ailleurs, la société Gazel Energie Solutions indique quelle s'engage, afin de limiter les conséquences de cette situation pour EDF, à restituer à cette dernière l'écart entre le prix ARENH et le prix de marché pour lélectricité ARENH consommée pendant la durée de suspension du contrat.La demanderesse soutient également, à titre subsidiaire, que le refus d'EDF de faire droit à sa demande de suspension de laccord-cadre, nonobstant l'existence éventuelle dune contestation sérieuse, constitue, à lui seul, un trouble manifestement illicite quil appartient au juge des référés de faire cesser.
Elle ajoute, à cet égard, que la perte qu'elle supporte et ses conséquences, évoquées ci- avant, permettent audit juge au visa de l'article 873 du code de procédure civile - de prendre toute mesure conservatoire en vue de prévenir un dommage imminent cest-à-dire dordonner la suspension de l'accord du 20 mai 2011.La SA ELECTRICITE DE FRANCE rappelle tout dabord les caractéristiques notamment réglementaires du dispositif ARENH ainsi que son rôle selon elle, contraint et limité au sein de celui-ci.Elle estime ainsi quelle ne peut décider de son seul chef daccorder la suspension des livraisons, faisant valoir, par ailleurs, que larticle 10 dont se prévaut la demanderesse est inadapté à ses revendications.Considérant ensuite l'intervention volontaire de l'AFIEG, EDF affirme que celle-ci doit être jugée irrecevable.Elle souligne que ladite intervention, outre quelle a pour effet de retarder le jugement à intervenir ne repose sur aucun intérêt à agir, l'association n'étant pas partie à laccord-cadre que la présente instance a pour objet d'interpréter. EDF fait également valoir que les règles de la procédure civile exigent que l'intervention accessoire ait un lien suffisant avec les demandes principales. Selon elle, ceci ne se vérifie pas au cas présent, l'AFIEG s'intéressant davantage à une situation générale et ne distinguant pas les spécificités des prétentions et des argumentations formées par les deux entités du groupe Gazel Energie dont, par ailleurs, elle prétend soutenir laction.EDF fait, enfin, remarquer que l'AFIEG ne démontre pas que la société Gazel Energie Solutions fait partie de ses membres ce qui ne peut que conduire à juger son intervention irrecevable.S'agissant du fondement des demandes présentées, EDF remarque que Ac Ad Solutions évoque lurgence. Selon la défenderesse, celle-ci ne saurait être retenue alors que l'ampleur des pertes alléguées et leur conséquence sur la survie « à horizon de quelques mois » ne sont pas démontrées, que le risque est inhérent aux mécanismes du marché et que la demande traduit un opportunisme étranger au mécanisme de l'ARENH. Elle ajoute, au surplus, que la présente situation nest pas amenée à perdurer comme le laisse prévoir la fin annoncée du confinement.Abordant ensuite l'existence dune contestation sérieuse, EDF affirme que Gazel Energie Solutions ne saurait invoquer l'existence de la force majeure s'agissant dune obligation de paiement. Elle rappelle notamment que la jurisprudence a toujours écarté une telle possibilité
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG: 2020016517 ORDONNANCE DU MARDI 26/05/2020et que la rédaction de larticle 10 de laccord-cadre renvoyant à la notion non définie de conditions économiques raisonnables ne démontre pas l'intention d'inclure cette obligation dans le champ contractuel de la force majeure.La défenderesse souligne également que les critères de la force majeure ne sont pas réunis, insistant sur le caractère non démontré de l'irrésistibilité et, en particulier, sur l'absence de preuve de la réalité de la baisse de consommation des clients de Gazel Energie Solutions.
De la même manière EDF estime que ne saurait être admise l'assimilation dune impossibilité d'exécution « à des conditions économiques raisonnables » à une stricte impossibilité dexécution cette dernière n'étant, au demeurant, nullement affectée par un contexte de baisse de la consommation.Elle affirme, au surplus, que Gazel Energie Solutions ne démontre pas en quoi l'exécution de ses obligations contractuelles ne peut se faire à des conditions économiques raisonnables.
Elle précise, à cet égard, quil nest certainement pas déraisonnable de se fournir en électricité d'origine nucléaire au prix attractif de l'ARENH, prix régulé en deçà des coûts réels de production, et non réévalué depuis 2012.Elle souligne également que le prix du marché de gros ne constitue pas une référence pertinente, ce dernier - même s'il est pris en compte dans la stratégie dapprovisionnement de la demanderesse nentrant pas dans le champ contractuel.Elle affirme, enfin, que les termes contractuels doivent s'interpréter de façon stricte et non comme visant un simple renchérissement temporaire de l'exécution de ses obligations par la partie qui sen prévaut.Il résulte de ce qui précède, selon la défenderesse, que l'appréciation de l'existence de la force majeure telle que définie à larticle 10 de laccord-cadre excède le pouvoir du juge des référés, confronté à la nécessité d'interpréter les termes dudit article dont la portée est, à l'évidence, sérieusement contestée.EDF fait également valoir quelle est fondée à s'opposer à l'application de larticle 13.1 de laccord-cadre, soulignant que sans force majeure celui-ci n'ouvre aucun droit à la suspension des obligations des parties.Elle expose, par ailleurs, quelle-même subit les effets des mesures restrictives prises par les Pouvoirs Publics et que la diminution des livraisons souhaitée par la demanderesse pourrait être assimilée à une aide d'Etat illégale.EDF affirme également que Gazel Energie Solutions n'apporte pas la preuve de l'existence dun dommage imminent soulignant, en premier lieu, la nécessité pour elle d'accéder aux données permettant l'appréciation des pertes alléguées par la demanderesse et ce, d'autant plus que les prétendues démonstrations de cette dernière reposent dans plusieurs cas sur des éléments inexacts.En second lieu, elle insiste sur l'absence de dommage imminent au regard des pertes qui seraient subies par la demanderesse, faisant valoir la solidité économique de la demanderesse et sa capacité à faire face à une perte temporaire, risque auquel est exposé, selon elle, tout agent économique.Enfin, EDF récuse l'existence dun trouble manifestement illicite au sens de larticle 873 du code de procédure civile. Selon elle un tel trouble ne peut en effet exister, en présence desE 6AV
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG: 2020016517 ORDONNANCE DU MARDI 26/05/2020contestations sérieuses qu'elle a longuement exposées et notamment de l'impossibilité alléguée d'exécuter laccord-cadre dans des conditions économiques raisonnables.Dans ces conditions EDF demande que Ac Ad Solutions soit déboutée de l'intégralité de ses demandes.Intervenant volontaire à titre accessoire, lAssociation Française Indépendante de lElectricité et du Gaz, ci-après l'AFIEG, expose tout d'abord que la société Gazel Energie Solutions est un de ses membres. Elle rappelle ensuite les conséquences liées aux mesures prises par les Pouvoirs publics dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.Elle souligne que celles-ci ont impacté en particulier les secteurs industriels et tertiaires en entrainant la fermeture de la quasi-totalité des sites professionnels.Celle-ci est évidement la cause de la baisse générale de la consommation - 25 à 30% - sur le segment industriel et de l'effondrement des prix de gros sur le marché de l'électricité.
Cette situation sans précédent a conduit, selon lAFIEG, plusieurs fournisseurs d'électricité à activer la clause de force majeure prévue à laccord-cadre liant EDF et les fournisseurs alternatifs.Regroupant ces derniers, l'AFIEG a pour objet d'assurer leur représentation et de défendre leurs intérêts collectifs auprès des tiers.A ce titre, elle considère que le refus indifférencié de la part d'EDF, malgré l'application de plein droit de la mise en œuvre de la clause de force majeure, porte atteinte au droit de ses membres signataires de cet accord-cadre.Selon lAFIEG, la position dEDF peut conduire à affecter la structure de la concurrence sur le marché du détail (EDF pouvant adapter ses livraisons à sa branche commerciale), à déstabiliser les marchés de gros soumis à une pression vendeur enfin à exposer les fournisseurs concurrents à une perte inévitable et définitive voire à menacer certains d'entre eux.Ainsi la présente action vise à prévenir la survenance dun dommage imminent ainsi quun bouleversement du marché de la fourniture d'énergie du détail.LAFIEG rappelle, à cet égard, que la position d'EDF est infondée dans la mesure où laccord-cadre ne subordonne en aucun cas la mise en œuvre, par une partie, de la clause de force majeure à l'accord de lautre partie et qu'au surplus la définition de la force majeure fait intervenir la notion, non pas seulement d'impossibilité d'exécution, mais d'exécution à des conditions économiques raisonnables.De ce point de vue, elle souligne, en tant que de besoin, le caractère imprévisible de la crise tout autant que son ampleur, attestés par les déclarations des acteurs majeurs du marché de lénergie comme la CRE et RTE.Enfin elle affirme que les risques auxquels sont aujourdhui exposés les fournisseurs alternatifs ne correspondent pas à des risques acceptés par eux et résultant de laccord- cadre auquel ils ont adhéré. PAGE 7
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG: 2020016517 ORDONNANCE DU MARDI 26/05/2020Sur ce,Sur la recevabilité de l'intervention de l'AFIEGNous observons que l'AFIEG regroupe des fournisseurs alternatifs d'électricité et de gaz naturel ; qu'elle a pour objet la défense des intérêts collectifs de ses membres.Nous relevons avec EDF que la présente instance repose pour l'essentiel sur l'examen de laccord-cadre liant EDF et Gazel Energie Solutions.Nous soulignons toutefois que ledit examen a une portée générale s'agissant dun contrat qui s'impose à tous les fournisseurs alternatifs délectricité clients de l'ARENH.Nous constatons également que les développements effectués par l'AFIEG dans ses écritures se rapportent directement à la présente instance s'agissant tant du contexte du marché de l'électricité, de laction menée devant le Conseil d'Etat que des conséquences de la fin de non-recevoir formée par EDF à l'encontre de la demande de Gazel Energie Solutions.Nous relevons enfin que lAFIEG soutient de façon adaptée la demande de Gazel Energie Solutions au travers de ses observations figurant dans la dernière partie de ses écritures.Dans ces conditions nous dirons que les circonstances rappelées ci-avant démontrent tant l'intérêt à agir de l'AFIEG dans le cadre de la présente instance que le lien de son intervention avec les demandes formées par Gazel Energie Solutions à l'encontre d'EDF.En conséquence, nous dirons l'intervention volontaire de l'AFIEG recevable et débouterons EDF de sa demande à ce titre.Sur la nature du contrat liant EDF et Gazel Energie SolutionsNous observons que le contrat dit accord-cadre qui lie les parties au litige a été élaboré par la Commission de Régulation de l'Energie avis pris des opérateurs qui ont eu la possibilité dexprimer leurs remarques.Nous constatons également que ledit contrat a fait lobjet dune délibération de la Commission de Régulation de l'Energie le 14 avril 2011 puis a été annexé à un arrêté ministériel du 28 avril 2011 pris en application de la Loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du Service public de l'électricité.Nous prenons en considération que ce contrat dont le modèle s'impose à tout acteur de lAccès Régulé à lElectricité Nucléaire Historique (ci-après ARENH) s'inscrit dans un contexte réglementé tout en observant quen y adhérant les parties s'engagent à en respecter lensemble des dispositions ; celles-ci traduisant leur volonté commune.Sur la définition de la force majeure et ses conséquences :Selon les dispositions de d'article 10 du contrat liant les parties, la force majeure désigne un évènement, extérieur, irrésistible et imprévisible rendant impossible lexécution des obligations des parties dans des conditions économiques raisonnables. PAGE 8
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG: 2020016517 ORDONNANCE DU MARDI 26/05/2020Nous aurons ainsi à nous interroger sur les caractéristiques de l'événement invoqué par la demanderesse puis sur les conséquences de celui-ci quant à l'exécution des obligations contractuelles dans des conditions économiques raisonnables.Les caractéristiques de la crise résultant de la diffusion du coronavirus (covid-19).Nous observons, sans que cela soit contesté, que la diffusion du virus revêt, à l'évidence, un caractère extérieur aux parties, quelle est irrésistible et quelle était imprévisible comme en témoignent la soudaineté et l'ampleur de son apparition.La force majeure et l'impossibilité d'exécution :Nous relevons quEDF soutient que la crise du Covid-19 ne rend pas impossible l'exécution par Gazel Energie Solutions de ses obligations contractuelles s'agissant notamment de la réception des quantités commandées d'électricité et du paiement de celles-ci.Nous estimons toutefois que cette analyse ne tient pas compte de la totalité de la définition de la force majeure par larticle 10 du contrat liant les parties qui inclut également l'exécution des obligations dans des conditions économiques raisonnables.La notion de conditions économiques raisonnables :Nous constatons que la notion de conditions économiques raisonnables ne fait lobjet d'aucune définition. Son lien avec la survenance dun événement de force majeure permet toutefois de supposer un bouleversement des conditions économiques antérieures qui se traduit par la survenance de pertes significatives nées de l'exécution du contrat.À cet égard nous remarquerons que ne sont évoqués ni la solidité intrinsèque du contractant, ni son appartenance à un groupe réputé puissant et pas d'avantage la durée de l'épisode.De ce point de vue nous relevons les éléments non contestés ci-après :
- que le prix de l'électricité acquise dans le cadre de l'ARENH est de 42 euros par MWh,
- que le fonctionnement du marché de l'électricité bien non stockable implique une égalité entre quantité injectée et quantité utilisée,
- que Gazel Energie Solutions confrontée à une baisse brutale et imprévisible de la consommation est conduite à céder des quantités quelle est dans lobligation d'acheter auprès dEDF à un prix très sensiblement inférieur à son coût d'acquisition (la CRE constatant un prix de 21 euros par MWh au 26 mars 2020),
- qu'il en résulte chez la demanderesse la constatation de pertes significatives, immédiates et définitives sur une durée dont elle na pas la maîtrise.Compte tenu de ce qui précède, nous estimons que sont manifestement réunies les conditions de la force majeure telle que définie à lalinéa 1 de l'article 10 de l'accord-cadre liant les partes.Nous rappelons que par courrier en date du 20 mars 2020 Gazel Energie Solutions a informé EDF, conformément à l'alinéa 2 de larticle 10 de laccord déjà cité de la survenance dun événement de force majeure. fV PAGE 9
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG: 2020016517 ORDONNANCE DU MARDI 26/05/2020Les conséquences de la survenance dun évènement de force majeure :Nous relevons que suivant les dispositions de larticle 13.1 de laccord-cadre, la survenance dun évènement de force majeure entraine la suspension immédiate dès la « survenance » de celui-ci et « de plein droit » l'interruption de la cession annuelle d'électricité.Nous constatons que cette automaticité n'autorise pas, à ce stade, une discussion sur les circonstances alléguées par la partie qui met en œuvre les dispositions des articles 10 et 13 de l'accord précité.Sur la compétence du juge des référés :Il résulte de ce qui précède que les dispositions de laccord-cadre, tant en ce qui concerne la force majeure, que la suspension du contrat sont suffisamment claires et explicites pour fonder la compétence du juge des référés.Sur l'existence d'un trouble manifestement illiciteNous considérons qu'en sopposant à l'exécution d'un contrat dont les dispositions, s'agissant des articles 10 et 13, sont claires, qui trouvent au surplus à s'appliquer dans des périodes exceptionnelles impliquant des bouleversements économiques, EDF contribue à l'existence d'un trouble manifestement illicite. Nous ferons droit, en conséquence, aux demandes visant à la cessation dudit trouble.Sur l'engagement de Gazel Energie SolutionsNous constatons que la société Gazel Energie Solutions s'engage à restituer à EDF la différence entre le prix de l'ARENH et le prix de marché pour tous les MWh ARENH consommés par ses clients pendant la période de suspension du contrat.Nous estimons toutefois qu'il est prématuré, à ce stade, de procéder à la désignation d'un expert en vue de faire les comptes entre les parties par suite de l'incertitude relative aux modalités exactes de la suspension de laccord-cadre ainsi quà la durée de celle-ci.En conséquence nous débouterons la société Gazel Energie Solutions de sa demande de désignation dun expert.Sur la demande tirée de l'article 700 du code de procédure civileNous considérons qu'il y a lleu de condamner EDF à payer à Gazel Energie Solutions la somme de 25.000 et de 2.500 à l'AFIEG sur le fondement de larticle 700 du code de procédure civile.Par ces motifsNous, Président du tribunal de commerce de Paris, statuant par ordonnance contradictoire en premier ressort,Vu les articles 872 et 873 du CPC.Disons lAFIEG recevable en son intervention volontaire. PAGE 10
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG: 2020016517 ORDONNANCE DU MARDI 26/05/2020 Ordonnons à la SA ELECTRICITE DE FRANCE de faire tout ce qu'il y a lieu en vue de parvenir à la suspension de laccord-cadre liant les parties et notamment à l'interruption de la cession annuelle d'électricité visée au paragraphe relatif au point (3) de l'article 13-1 de laccord-cadre susvisé. Condamnons la SA ELECTRICITE DE FRANCE à payer sur le fondement de larticle 700 du code de procédure civile :
o Ala SAS GAZEL ENERGIE SOLUTIONS la somme de 25.000
o A l'AFIEG la somme de 2.500 Déboutons les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif, Condamnons la SA ELECTRICITE DE FRANCE aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 61,95 TTC dont 10,11 de TVA. Disons que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l'article 489 du CPC. La minute de l'ordonnance est signée par M. Paul-Louis Netter, président, et M. Antoine Verly, greffier. M. Antoine Verly M. Paul-Louis Netter PAGE 11

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