Jurisprudence : CA Nancy, 08-03-2011, n° 11/00662, Infirmation



ARRÊT N° PH
DU 14 DÉCEMBRE 2011
R.G 11/00662
Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'EPINAL
F09/00472
08 mars 2011
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE

APPELANTE
ASSOCIATION EMPLOIS SERVICES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié

EPINAL
Comparante en la personne de Monsieur ... ..., Président,
Assisté de Me Laurent BENTZ (avocat au barreau d'EPINAL)
INTIMÉE
Madame Y Y

LE SYNDICAT
Comparante en personne,
Assistée de Monsieur ... ..., délégué syndical ouvrier, régulièrement muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré,
Président M. MALHERBE,
Conseillers M. ...,
M. ...,
Greffier lors des débats Melle AHLRICHS
Adjoint administratif, ayant prêté le serment de Greffier
DÉBATS
En audience publique du 14 Septembre 2011 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 26 Octobre 2011, à cette date le délibéré a été prorogé au 9 Novembre 2011 puis au 23 Novembre 2011, au 30 Novembre 2011 et au 14 Décembre 2011 ;
Le 14 Décembre 2011, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit
I - FAITS, PROCÉDURE & MOYENS DES PARTIES.

Madame Y Y est salariée de l'ASSOCIATION EMPLOIS SERVICES (A.E.S.) depuis 1994. Son travail consiste à effectuer des prestations d'aide-ménagère à des personnes physiques. Celles-ci concluent des contrats de mise à disposition avec l'A.E.S.
Madame Y a saisi le Conseil de Prud'hommes d'EPINAL aux fins d'obtenir des rappels de salaire et une indemnité de requalification.

Par jugement du 8 mars 2011, le Conseil de Prud'hommes d'EPINAL a
- requalifié les contrats de travail signés entre Madame Y Y et l'A.E.S. en un contrat à durée indéterminée exercée depuis le 10 septembre 1994,
- condamné l'A.E.S. à verser à Madame Y Y la somme de 1 200,00 euros à titre d'indemnité de requalification,
- condamné l'A.E.S. à payer à Madame Y Y la somme de 39 147,39 euros brut à titre de rappels de salaire,
- condamné l'A.E.S. à payer à Madame Y Y une indemnité de 350,00 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- dit que l'intégralité de ces sommes seront productives d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

L'A.E.S. a interjeté appel de ce jugement.
Devant la Cour, l'A.E.S. fait valoir que
- elle est une association intermédiaire dont le statut est fixé par la Loi 87-39 du 27 janvier 1987,
- le salarié employé par l'A.E.S. est mis à la disposition d'une personne physique. Les dispositions relatives au contrat de travail à durée déterminée et au contrat de travail temporaire sont inapplicables au contrat de mise à disposition par une association intermédiaire,
- les heures travaillées par Madame Y ont constamment augmenté depuis 1996.
Pour l'A.E.S., le contrat de mise à disposition s'inscrit dans un autre cadre légal qui ne répond ni aux conditions du contrat à durée indéterminée, ni à celles du contrat à durée déterminée et la demande de requalification de Madame Y est infondée.
L'A.E.S. estime encore que Madame Y travaillait à un rythme qu'elle pouvait prévoir et ses plannings n'ont pas beaucoup évolué depuis plusieurs années. L'A.E.S. demande à la Cour
- d'infirmer le jugement rendu le 8 mars 2011 par le Conseil de Prud'hommes d'EPINAL en ce qu'il a fait droit aux demandes de Madame Y,
- de dire et juger mal fondées les demandes formulées par Madame Y,
- de débouter, par conséquent, Madame Y de l'intégralité de ses demandes,
- de condamner Madame Y à verser à l'A.E.S. la somme de 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Madame Y fait valoir que les conditions de son travail au sein de l'A.E.S. relèvent du droit commun du contrat de travail à durée indéterminée et non du contrat de mise à disposition dans le cadre de l'article L 5132-7 du Code du Travail.
Elle soutient que le fait qu'un salarié soit obligé de se tenir à disposition de son employeur à temps plein, comme c'est le cas présentement, impose la requalification du contrat à temps plein, avec les conséquences de droit que cela implique, à savoir des rappels de salaire sur la base d'un temps complet.
Elle considère qu'elle subit un préjudice moral et financier important en raison de la situation de précarité dans laquelle elle a été maintenue pendant quinze ans divers désagréments ont été subis en raison de sa situation et les courriers adressés à l'A.E.S. en témoignent.
Madame Y demande la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a substitué une indemnité de requalification à des dommages et intérêts pour précarisation de l'emploi et conditions de travail atypiques estimés à 2 000,00 euros.
Elle demande encore de porter à 46 046,61 euros le montant des rappels de salaire arrêté au 31 juillet 2001 et réclame 500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

II - MOTIFS DE LA DÉCISION.
Attendu que Madame Y Y est salariée de l'A.E.S. d'EPINAL depuis le 10 septembre 1994 et, pour le compte de cette association, elle effectue des tâches ménagères chez des particuliers dans la région d'EPINAL ;
Attendu que l'A.E.S. d'EPINAL est une association intermédiaire qui a pour objectif de mettre à la disposition du personnel auprès d'utilisateurs tout en assurant le suivi et l'accompagnement des demandeurs d'emploi pour favoriser leur insertion professionnelle ; que ce type d'association est régi par les articles L 5132-7 et suivants du Code du Travail ;
Attendu que les contrats de travail de Madame Y sont conclus entre l'association intermédiaire et elle-même, qui exécute sa prestation de travail auprès d'un utilisateur qui n'est pas contractuellement lié avec la salariée ;
Qu'un contrat de mise à disposition est établi entre l'association intermédiaire et l'utilisateur ;
Qu'à chaque nouvelle mission, un nouveau contrat de mise à disposition est conclu ;
Attendu que, si les contrats de travail ainsi conclus peuvent être soumis aux dispositions des articles L 1242-2 3ème du Code du Travail et D 1242-1 du même code sur les contrats à durée déterminée d'usage, cette possibilité offerte par ces textes n'a pas été expressément retenue par les parties ;
Qu'en l'espèce, le contrat écrit de travail conclu à chaque mission par Madame Y et l'A.E.S. est un contrat qui ne peut être qualifié de contrat à durée déterminée de droit commun avec toutes les conséquences que cette dénomination entraîne ainsi l'association intermédiaire prévoit la durée minimale de la mission mais ne garantit pas un horaire précis de travail ; ainsi encore, le salarié peut rompre le contrat de travail s'il retrouve un contrat à durée déterminée classique et non un contrat à durée indéterminée et cela en contradiction avec l'article L 1243-2 du Code du Travail ;
Attendu que les contrats signés ne sont pas davantage des contrats à durée indéterminée dont, par définition, le terme n'est pas fixé et qui assurent au salarié une sécurité d'emploi ;
Attendu qu'en réalité, les contrats signés par Madame Y avec l'A.E.S. sont des contrats autonomes avec leurs propres règles résultant des dispositions des articles L 5132-7 et suivants et R 5132-11 et suivants ;
Qu'ainsi, Madame Y peut refuser d'accomplir la mission qui lui est présentée comme l'utilisateur peut refuser d'utiliser les services de Madame Y ;
Que le contrat de travail devient une relation triangulaire où une association rétribue le travail effectué par un salarié pour un tiers et assure la formation pour un retour à l'emploi du salarié ;
Attendu que Madame Y ne peut affirmer qu'elle se tient à la disposition de son employeur à temps plein alors que, comme le souligne à juste titre l'A.E.S., elle peut refuser une mission, un volume d'heures ou un créneau horaire qui ne lui convient pas ;
Attendu que les contrats de travail de Madame Y ne peuvent être requalifiés de contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;
Attendu que les heures de travail et les congés payés de Madame Y ont été intégralement payés ;
Attendu que Madame Y reproche à l'A.E.S. de ne pas lui avoir assuré une formation suffisante ;
Mais attendu que l'A.E.S. a délivré à Madame Y un certificat de validation de ses compétences professionnelles qui est de nature à faciliter son engagement par d'autres employeurs ; qu'au demeurant, le nombre d'heures travaillées par Madame Y, en constante progression depuis 1994 (sauf en 2009), passant de 18 heures en moyenne en 1994 à 82 heures en 2009 permet d'affirmer que son insertion professionnelle était réalisée ;
Que, si Madame Y est restée quinze ans dans l'association d'insertion, elle ne peut en faire le reproche à l'A.E.S. qui n'a pas vocation à exclure ses adhérents ;
Attendu que Madame Y a été rémunérée pour les heures de travail effectuées chez les utilisateurs de l'A.E.S. ; qu'elle n'établit pas le temps passé pour faire signer le contrat de mise à disposition et le relevé d'heures en fin de mission par les utilisateurs n'a pas été payé comme du temps de travail ;
Attendu que Madame Y est aussi dans l'impossibilité d'évaluer le temps nécessaire pour se rendre au siège de l'A.E.S. (à EPINAL) pour y déposer tous les documents signés par les usagers dans la boîte aux lettres ; qu'il convient de souligner que Madame Y résidait à l'origine à EPINAL et qu'elle a déménagé au SYNDICAT (88) en cours de contrat ;
Attendu que Madame Y fait grief à l'A.E.S. de l'employer comme d'autres prestataires (A.D.A.P.A.H., A.D.M.R.) auraient pu le faire et d'avoir ainsi fait acte de concurrence déloyale envers ces associations ;
Que, toutefois, il n'appartient pas à Madame Y de s'ériger en juge des relations entre associations d'aide à l'emploi qu'il suffit en l'espèce de constater que l'A.E.S. a rempli sa mission à son égard en lui fournissant un emploi rémunéré en favorisant son insertion dans la vie professionnelle ;
Attendu que la durée de l'emploi de Madame Y au sein de l'A.E.S. au profit de plusieurs utilisateurs (particuliers) ne justifie pas davantage la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée ;
Attendu que Madame Y soutient qu'elle n'a pas bénéficié de visites régulières de la Médecine du Travail ;
Mais attendu que l'article L 5132-12 du Code du Travail prévoit que la surveillance de la santé des personnes employées par une association intermédiaire, au titre de leur activité, est assurée par un examen de Médecine Préventive ;
Qu'aucune pièce du dossier ne permet de vérifier que Madame Y n'a pas été convoquée régulièrement à l'examen périodique de la Médecine Préventive ; qu'en revanche, il est bien établi qu'elle ne s'est pas rendue au dernier bilan de santé du 29 mars 2011, sans avertir quiconque ;
Attendu que les griefs faits par Madame Y à son employeur n'étant pas fondés, il y a lieu de débouter Madame Y de sa demande en paiement d'un salaire pour un emploi à temps complet au SMIC évalué par elle, selon ses dernières conclusions, à 46 046,61 euros ;
Que Madame Y n'établit pas qu'elle a été victime 'd'une précarisation de son emploi et de conditions de travail atypiques' ; qu'elle doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts à ce titre ;
Attendu que les circonstances de la présente affaire ne justifient pas l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en faveur de l'une ou l'autre des parties ;

PAR CES MOTIFS,
LA COUR statuant contradictoirement,
Infirme le jugement du Conseil de Prud'hommes d'EPINAL du 8 mars 2011 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Madame Y Y de toutes ses demandes,
Déboute l'ASSOCIATION EMPLOIS SERVICES (A.E.S.) de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Laisse les dépens à la charge de Madame Y Y.
Ainsi prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Et signé par Monsieur ..., Président, et par Madame ..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
Minute en six pages

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