7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°523
R.G 10/00985
Société GROUPE TELEPHONIE CENTRALE (TC)
C/
M. Pascal Y
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le
à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monsieur Bernard DEROYER, Président,
Madame Marie-Hélène MOY, Conseiller,
Monsieur Patrice LABEY, Conseiller,
GREFFIER
Madame Guyonne DANIELLOU, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS
A l'audience publique du 06 Septembre 2011
devant Monsieur Bernard DEROYER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT
Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Octobre 2011 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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APPELANTE
Société GROUPE TELEPHONIE CENTRALE (TC)
CESSON SEVIGNE CEDEX
Intimée à titre incident;
représentée par Me Matthieu LEBAS, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ
Monsieur Pascal Y
CHANTEPIE
Appelant incident,
représenté par Me Nathalie PAQUIN, avocat au barreau de RENNES
INTERVENANT
POLE EMPLOI BRETAGNE
Service Contentieux
36, rue de Léon
RENNES CEDEX 9
non comparant; A conclu.
Monsieur Y a été embauché à compter du 1er février 1993 en qualité d'attaché commercial par la SAS La Téléphonie Centrale actuellement dénommée Groupe TC.
Affecté à la vente des petits et moyens systèmes, il soutient avoir postulé aux fonctions de vendeur gros systèmes, que ce poste lui a été proposé le 8 janvier 2008 à la condition qu'il coupe ses cheveux et que son refus d'accéder à cette condition a entraîné le refus de cette promotion.
Estimant discriminatoire la décision de l'employeur, Monsieur Y a saisi le conseil de prud'hommes le 17 juillet 2008 afin de faire prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Par la suite, Monsieur Y a été licencié par lettre du 31 mars 2009 pour faute grave.
Monsieur Y a saisi le conseil de prud'hommes de la contestation de son licenciement et pour faire valoir ses droits.
Vu le jugement rendu le 11 janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de RENNES qui a débouté Monsieur Y de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire mais a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a alloué au salarié outre les indemnités de rupture, 45 000 euros de dommages intérêts.
Vu les conclusions déposées le 7 juillet 2011 et oralement soutenues à l'audience par Monsieur Y appelant;
Vu les conclusions déposées le 6 septembre 2011 et oralement soutenues à l'audience par la société Groupe TC;
MOTIFS
La demande en résiliation judiciaire antérieure au licenciement, doit être examinée en premier lieu.
1) sur la demande en résiliation judiciaire;
Les pièces versées aux débats font apparaître qu'à la suite de la nomination de M. ... vendeur gros systèmes sur les quatre départements de Bretagne, au poste de directeur commercial à compter du 1er janvier 2008, se posait la question de l'affectation du secteur délaissé par ce salarié.
Il est également constant que le 8 janvier 2008 Monsieur Anne ... Monsieur Le ... directeur général, et Monsieur ... nouveau directeur commercial ont reçu en entretien Monsieur Y pour lui proposer le poste de responsable commercial et de management de la société filiale CTO, que ce dernier a refusé.
Monsieur Y soutient qu'il lui a alors été proposé le poste de vendeur gros systèmes laissé vacant par Monsieur ..., à la condition qu'il coupe ses cheveux qu'il présentait habituellement avec une queue de cheval et qu'à la suite de son refus de se soumettre à cette condition, le poste lui a été refusé.
La société Groupe TC soutient au contraire que Monsieur Y a présenté une candidature spontanée à ce poste qui n'a pas été retenue car non pertinente, le secteur ayant été réparti entre deux salariés occupant déjà des fonctions de vendeur gros systèmes.
Il ressort des pièces versées aux débats que la candidature de Monsieur Y au poste de vendeur gros systèmes pour la région Bretagne a été faite de manière spontanée par message adressé le 5 décembre 2007 à Messieurs ... ..., ... et ....
S'il n'est pas contesté que lors de l'entretien du 8 janvier 2008 auquel Monsieur Y a été convoqué par ces derniers, il lui a été proposé un poste de responsabilité au sein de la filiale CTO, le salarié fournit diverses attestations établissant la proposition qui lui a été faite du poste de vendeur gros systèmes sur tout ou partie de la région Bretagne sous la condition de couper ses cheveux.
En effet, si un certain nombre d'attestations sont inopérantes en ce qu'elle se bornent à rapporter des conversations entre salariés non précisément identifiés, il résulte
- de l'attestation de Mme ... assistante commerciale de Monsieur Y, que cette dernière a entendu des conversations dans lesquelles elle a reconnu la voix de Monsieur ... et de Monsieur Le ... expliquant bien que le poste de vendeur gros systèmes avait été refusé à Monsieur Y parce qu'il ne souhaitait pas se couper les cheveux;
- de l'attestation de Mme ... que celle-ci a appris en entendant M. ... en parler dans les couloirs de l'entreprise, que Monsieur Y s'était vu refuser le poste litigieux à la suite de son refus de se couper les cheveux;
- et de la sommation interprétative délivrée à Monsieur ... que lors d'une conversation avec Monsieur ... Gilles il avait appris que Monsieur Y devait avoir une promotion au poste de vendeur gros systèmes et que lors d'une autre conversation avec Monsieur ... directeur commercial, ce dernier lui avait clairement exprimé que lors d'un entretien du 8 janvier 2008 ce poste avait été proposé à Monsieur Y à condition qu'il se fasse couper les cheveux mais ne lui avait pas été confié à la suite du refus de cette condition.
Le fait que Monsieur ... ait été licencié de l'entreprise pour faute grave n'est pas de nature à invalider ses déclarations faites devant huissier, alors au surplus qu'elles sont confortées par les autres attestations précitées.
L'attestation de Monsieur ... se bornant à déclarer en juin 2009 n'avoir aucun souvenir d'un entretien avec Monsieur ... concernant un éventuel changement de poste du salarié, de même que l'attestation de Monsieur ... affirmant n'avoir jamais parlé à ce même témoin d'une proposition de poste à Monsieur Y qui aurait été rétractée en raison de sa coupe de cheveux, ne sont pas de nature à invalider ce témoignage qui est conforté par ceux de Mme ... et de Mme ....
Il est à relever que si dans ses attestations, Monsieur ... précise que l'objet de l'entretien du 8 janvier 2008 était la proposition d'une promotion au poste de responsable commercial de la filiale CTO, il ne précise pas qu'à aucun moment n'a été évoqué ni proposé lors de cet entretien le poste de vendeur gros systèmes.
Au surplus l'employeur admet dans ses écritures les bons résultats de l'activité du salarié, ce qui relativise l'argument du choix privilégiant les compétences antérieures de deux vendeurs gros systèmes, précision étant faite que l'employeur qui le 17 janvier annonçait dans sa note sur l'organisation commerciale la vacance d'un secteur composé de quatre départements (dont rien ne vient étayer l'affirmation qu'il s'agissait de la totalité du secteur de vendeur parti en retraite), ne précise pas quel était le secteur auparavant confié à Monsieur ... et qui a été modifié à compter du 17 janvier 2008.
En tout état de cause, si l'ancienneté de Messieurs ... et ... dans les fonctions de vendeur GS n'est pas contestée, les pièces produites ne permettent pas de se convaincre des qualités inférieures de Monsieur Y .
En effet, outre les conditions particulières de rémunération qui lui avaient été concédées, la proposition de poste au sein de la société CTO était pour ce dernier une promotion, concrétisait alors les bonnes appréciations de l'employeur sur les aptitudes professionnelles de l'intéressé.
Mais d'autre part alors que la société Groupe TC admet que Monsieur ... lors de l'entretien du 8 janvier 2008 a demandé au salarié 'de faire attention à son apparence et à sa coiffure vis-à-vis de la clientèle', les éléments produits par Monsieur Y conduisent à retenir que lors de cet entretien le poste de vendeur gros systèmes lui a été effectivement proposé sous la condition de couper ses cheveux, et que devant son refus immédiat, cette proposition lui a été retirée, peu important les raisons de répartir ce poste entre deux salariés vendeurs gros systèmes, invoquées par l'employeur, celles-ci étant au surplus insuffisamment établies, dès lors que la proposition de poste a été faite au salarié sans autre condition que de modifier sa coiffure, et n'était pas expressément soumise à l'examen de plusieurs candidatures.
En tout état de cause, il apparaît à tout le moins que la candidature envisagée de Monsieur Y à ce poste a été écartée au seul motif de son apparence physique.
Or en application de l'article L. 122-45 devenu l'article L. 1132 -1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire notamment en matière de promotion professionnelle en raison notamment de son apparence physique. La société Groupe TC qui n'allègue aucun motif impérieux justifiant cette exigence au regard des nécessités de l'emploi, a commis un manquement à son obligation d'exécution loyale du contrat, d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat de travail.
Le jugement sera donc réformé sur ce point.
La rupture sera donc fixée à la date du licenciement qui a été ultérieurement prononcé.
Monsieur Y avait 16 ans d'ancienneté à la date du licenciement dans une entreprise employant habituellement plus de 10 salariés. Il ne justifie pas d'une période de chômage indemnisé, mais déclare avoir créé sans succès sa propre entreprise et fait état d'une embauche à compter du 1er septembre 2010 au salaire global commissions comprises de 2 250 euros. Il ne fournit pas les éléments contractuels de sa rémunération.
La résiliation du contrat de travail procédant de la discrimination dont le salarié a été victime, cette discrimination doit être comprise dans l'indemnisation de la rupture.
Compte tenu de ces éléments et notamment de l'ancienneté, la réparation de son préjudice au titre de la rupture et de la discrimination insuffisamment appréciée par les premiers juges, sera portée à hauteur de 60'000 euros.
Les conditions d'application de l'article L 1235-3 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités, alors que le bulletin de paie produit, établit une embauche à compter du 1er septembre 2010 soit plus d'un an après le licenciement, et que la création d'entreprise permet la perception simultanée des allocations Pôle Emploi.
En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à Monsieur Y une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.
La société Groupe TC, partie perdante sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail.
Prononce la résiliation du contrat de travail de Monsieur Y à la date du licenciement et aux torts de l'employeur.
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles sur les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le remboursement des allocations chômage et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile qui seront réformées;
Condamne la société Groupe TC à verser à Monsieur Y 60 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse y compris le préjudice moral lié à la discrimination;
- 2 200 euros d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de l'instance.
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du jugement.
Ordonne le remboursement à l'organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées au salarié au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Déboute la société Groupe TC de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,
G. ... B. ...