Jurisprudence : CA Rouen, 05-10-2011, n° 10/03798, Infirmation partielle



R.G 10/03798
COUR D'APPEL DE ROUEN 1ERE CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2011
DÉCISION DÉFÉRÉE
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 05 Juillet 2010

APPELANTE
Société CABINET BIAS SARL

ELBEUF
représentée par Me Marie-Christine ..., avoué à la Cour,
assistée de Me Benoît VETTES, avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉS
Madame Graziella Y
née le ..... à MONT SAINT AIGNAN (76824)

LA LONDE
représentée par la SCP GREFF Veronque ... Benoit, avoués à la Cour,
assistée de Me Marie-Christine HERVE-PORCHY, avocat au barreau de ROUEN
Monsieur Michaël X
né le ..... à ROUEN (76000)

LA LONDE
représenté par la SCP GREFF Veronque ... Benoit, avoués à la Cour,
assisté de Me Marie-Christine HERVE-PORCHY, avocat au barreau de ROUEN
Monsieur Alain W
né le ..... à ELBEUF (76500)


CAUDEBEC LES ELBEUF
représenté par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour,
assisté de Me Sophie ..., substituant Me Patrick ROBERT, avocat au barreau de ROUEN
Madame Véronique WV épouse WV
née le ..... à BOURG ACHARD (27310)


CAUDEBEC LES ELBEUF
représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour,
assistée de Me Sophie ..., substituant Me Patrick ROBERT, avocat au barreau de ROUEN
Monsieur Lhaucine U exerçant sous l'enseigne ENE

QUIBERVILLE SUR MER
représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour,
assisté de Me Isabelle LEMAITRE, (SCP POIROT-BOURDAIN), avocat au barreau de ROUEN
ALLIANZ IART Société Anonyme, venant aux droits de AGF IARD

PARIS
représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour
assisté de Me Isabelle LEMAITRE, (SCP POIROT-BOURDAIN), avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 Juin 2011 sans opposition des avocats devant Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre, rapporteur, en présence de Madame BOISSELET, Conseiller,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre
Monsieur GALLAIS, Conseiller
Madame BOISSELET, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS
Monsieur HENNART, Greffier
DÉBATS
A l'audience publique du 21 Juin 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Octobre 2011
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 05 Octobre 2011, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre et par Monsieur HENNART, Greffier présent à cette audience.

*
* *
Suivant compromis de vente du 8 août 2006 rédigé par le Cabinet BIAS, Monsieur et Madame W ont vendu à Mlle Y et M. X, sous condition suspensive de l'obtention de prêts par les acquéreurs, une maison à usage d'habitation située à Cléon, moyennant le prix de 140 000 euros, outre une commission de 5000 euros à la charge des acquéreurs. Un diagnostic de constat de risques d'exposition au plomb, un diagnostic de repérage d'amiante, et un état des risques naturels et technologiques réalisé le 4 juillet 2006 par M. U exerçant sous l'enseigne ENE ont été annexés au compromis. M. U est assuré au titre de la responsabilité civile professionnelle auprès de la compagnie AGF IART.
Dans le cadre de leurs demandes de prêt à 0 %, le 28 août 2006, Mlle Y et M. X ont fait réaliser un 'diagnostic des normes de surface et d'habitabilité'. Sur les conseils du cabinet BIAS, ce diagnostic a été réalisé par M. U qui a conclu que l'ensemble des points étaient conformes aux normes de l'annexe du code de la construction et de l'habitation.
La vente a été réitérée par acte authentique de Maître ... en date du 1er décembre 2006.
A l'occasion de la réalisation de travaux, Mlle Y et M. X ont enlevé un placoplâtre de la salle de séjour qui était humide et se sont rendus compte que celui-ci présentait des filaments blanchâtres. Ils ont fait appel au Cabinet ETICQE qui a conclu à la présence de mérule.
Une expertise a été ordonnée en référé et confiée à M. ..., au contradictoire des consorts Y- X, des époux W, du Cabinet BIAS, de M. U et de la société AGF.
Le rapport d'expertise a été déposé le 17 août 2009.
Par actes des 6 février, 9 et 10 mars 2010, les consorts Y- X ont assigné à jour fixe les époux W, le cabinet BIAS SARL, M. U et la société d'assurance ALLIANZ IART venant aux droits de la société AGF, devant le tribunal de grande instance de Rouen, au visa des articles 1382,1134 et 1147 du Code civil, aux fins d'indemnisation de leur préjudice.
Les consorts Y- X ont demandé la condamnation in solidum des défendeurs à leur payer les sommes de
- 226'000 euros au titre des travaux de remise en état de l'immeuble tels qu'évalués par M. ..., expert, avec indexation sur l'indice BT 01 tel publié au jour de l'exécution intégrale de la décision à intervenir,
- 82'688,69 euros au titre de la réparation des préjudices immatériels directs liés aux frais de déménagement, de relogement en urgence, d'intérêts intercalaires et de remboursement d'après d'un prêt relais, ainsi qu'aux honoraires de l'expert judiciaire et de Normandie Termites tels que cela résulte du tableau et des justificatifs soumis à l'expert judiciaire, avec intérêts au taux légal à dater de l'assignation,
- 50'000 euros au titre du préjudice moral subi par Mlle Y pour avoir été contrainte de vivre dans un univers de mérule durant sa grossesse, de subir les sondages nécessaires à l'expertise et de déménager à deux reprises alors qu'elle attendait un enfant dans des conditions difficiles psychologiquement,
- 5 900 euros à valoir sur les honoraires de M. ... en attendant qu'il soit statué sur les dépens,
- 20'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les parties défenderesses ont chacune pour leur part conclu au rejet des demandes les concernant.

Par jugement rendu le 5 juillet 2010, le tribunal de grande instance de Rouen retenant que
-la présence de mérule a été confirmée par l'expertise judiciaire,
-les demandes des consorts Y- X à l'encontre des époux W, fondées sur la responsabilité délictuelle de l'article 1382 du Code civil, doivent être rejetées, ces parties étant liées par un contrat de vente,
- la faute commise par M. U concernant l'établissement d'une fiche des normes de surface et d'habitabilité comportant des mentions erronées, est sans lien de causalité direct avec le préjudice des demandeurs, à savoir le fait d'avoir acheté une maison infestée de mérule,
- en revanche, en s'abstenant de conseiller aux acheteurs de recourir à un technicien compétent et d'attirer leur attention sur les risques qu'ils prenaient, le cabinet BIAS a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à leur égard sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, le préjudice subi devant être limité à la chance certaine que les consorts Y- X ont perdue de ne pas s'engager dans ce projet d'achat immobilier,
- Mlle Y a subi un préjudice moral du fait des événements liés à l'infestation de mérule, a
- débouté les consorts Y- X de leurs demandes à l'encontre de Monsieur et Madame W,
- débouté les consorts Y- X de leurs demandes à l'encontre de M. U et de la compagnie ALLIANZ IART venant aux droits de la compagnie AGF,
- condamné le cabinet BIAS à payer aux consorts Y- X la somme de 189'670 euros en réparation de leur préjudice matériel et financier, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
- condamné le cabinet BIAS à payer à Mlle Y la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral,
- dit que le recours en garantie exercé par M. U et par la compagnie ALLIANZ à l'encontre du cabinet BIAS et des époux W est devenu sans objet,
- condamné le cabinet BIAS à payer à aux consorts Y- X la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté le cabinet BIAS, les époux W, M. U et la compagnie ALLIANZ de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes autres demandes des parties plus amples ou contraires,
- condamné le cabinet BIAS aux entiers dépens.

Le 16 août 2010, le cabinet BIAS a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 3 novembre 2010, aux termes desquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, le Cabinet BIAS fait valoir que
- l'obligation de conseil de l'agent immobilier ne peut résulter que de la connaissance du vice, et il peut seulement être exigé de ce dernier qu'il identifie les risques apparents dont il a eu connaissance, ce qui n'était pas le cas pour la présence de mérule,
- les diagnostics prévus par la loi ont bien été réalisés, et il a parfaitement rempli ses obligations,
- M. U n'a jamais été missionné par l'agent immobilier et en tout état de cause, les acquéreurs reconnaissent eux-mêmes dans leurs écritures de première instance que la mérule n'avait pu être découverte qu'après travaux de mise à nu,
- concernant le préjudice, à supposer qui plus est, qu'il ait commis un manquement à son obligation de conseil et d'information, les consorts Y- X ne peuvent prétendre qu'à la réparation de leur préjudice, lequel s'analyse en une perte de chance, à la condition que celle-ci soit en relation causale avec le prétendu manquement de l'agent immobilier,
- en l'espèce, sa prétendue faute ne peut avoir eu pour résultat que de faire perdre aux acquéreurs la chance de recourir aux services d'un technicien compétent, rien ne permettant d'affirmer qu'ils auraient estimé devoir le faire et que ce technicien aurait découvert la mérule,
- que la perte de chance de ne pas acquérir du fait de la connaissance du vice caché est très réduite.
Le Cabinet BIAS demande à la cour de débouter les consorts Y- X de l'ensemble de leurs prétentions, les condamner à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 1er juin 2011, aux termes desquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, les consorts Y- X répliquent que

- le cabinet BIAS professionnel de l'immobilier, tenu à ce titre d'une obligation de conseil, a bien commis une faute dès lors qu'il a fait passer une annonce présentant la maison vendue en parfait état, alors qu'il ne pouvait ignorer que cette indication était fausse et qu'il n'a pas fait établir le diagnostic parasitaire de l'immeuble,
- M. U a failli à sa mission car il ne pouvait pas ne pas se rendre compte de l'état réel de l'immeuble notamment du mauvais état d'une grande partie des menuiseries et il a porté des mentions inexactes sur son rapport propres à induire en erreur des acheteurs non professionnels,
- ils sont par ailleurs fondés à engager la responsabilité des époux W en raison de la réticence dolosive de ces derniers à leur égard en application des dispositions de l'article 1116 ainsi que de l'article 1382 du Code civil,
- en effet, il résulte du rapport de l'expert judiciaire que les époux W connaissaient le mauvais état général de l'immeuble - notamment des menuiseries - qu'ils se sont abstenus de signaler aux acquéreurs,
- les époux W avaient connaissance de l'infestation de leur maison par la mérule et non seulement n'ont pas signalé ce phénomène aux acquéreurs, mais l'ont camouflé, de sorte que l'on peut qualifier leur comportement de dolosif à l'égard des acquéreurs,
- concernant leur préjudice, il s'élève au montant total des réparations évalué par l'expert judiciaire et à celui de leurs préjudices immatériels, auxquels s'ajoute le préjudice moral de Mlle Y.
Les consorts Y- X demandent donc à la cour de
- entériner le rapport de M. ...,
vu l'article 1382 du Code civil,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité du cabinet BIAS,
vu les dispositions des articles 1134 et en 1147 du code civil,
- retenir la responsabilité de M. U,
vu les dispositions des articles 1116 et 1382 du Code civil,
- retenir la responsabilité des époux W en ce qu'ils ont commis une faute en vendant en toute connaissance de cause une maison infestée par la mérule après avoir effectué des travaux de camouflage,
par conséquent,
- condamner in solidum Monsieur et Madame W, le cabinet BIAS, M. U et son assureur les AGF à leur verser les sommes suivantes
- 226'000 euros au titre des travaux de remise en état de l'immeuble, tels qu'évalués par l'expert judiciaire M. ..., laquelle somme sera indexée sur l'indice BT 01 (indice de départ publié au jour du dépôt du rapport en août 2009) tel que publié au jour de l'exécution intégrale de l'arrêt à intervenir, sous réserve de l'état de l'immeuble au moment de la réalisation des travaux,
- 93'121,71 euros au titre des réparations des préjudices immatériels liés aux frais de déménagement, de relogement en urgence, d'intérêts intercalaires, de remboursement d'un prêt relais ainsi que les honoraires de l'expert judiciaire et de Normandie Termites, tel que cela résulte du tableau et des justificatifs soumis à l'expert judiciaire réactualisé à juin 2011,
- 50'000 euros au titre du préjudice moral subi par Mme Y pour avoir été contrainte de vivre dans un univers de mérule durant sa grossesse, de subir des sondages nécessaires à l'expertise et d'avoir été contrainte de déménager à deux reprises alors qu'elle attendait un enfant dans des conditions difficiles psychologiquement,
- 25'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, - débouter les parties de toutes leurs demandes,
- condamner in solidum les autres parties aux entiers dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 12 mai 2011, aux termes desquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, M. U et son assureur ALLIANZ font valoir que
- le cabinet U n'avait aucune mission de diagnostic de l'état parasitaire, de sorte que la question de savoir si la manière dont le certificat de surfaces et d'habitabilité a été rempli par M. U a eu une incidence sur le consentement des consorts XY XY ne se pose pas,
- subsidiairement, Monsieur et Madame W, les vendeurs qui ont vécu six ans dans l'immeuble, ne pouvaient pas sérieusement ignorer son état, et même s'ils ignoraient la présence de la mérule, ils savaient parfaitement que les pans de bois étaient en mauvais état puisqu'ils en mastiquaient régulièrement les joints,
- le cabinet BIAS a mis en vente cette maison en la présentant de manière particulièrement séduisante, après l'avoir visitée à plusieurs reprises, de sorte que l'expert a précisé que l'agent immobilier avait manqué fortement à son devoir de conseil en dissimulant aux acquéreurs l'état exact de l'immeuble, qu'il ne pouvait cependant pas ignorer en sa qualité de professionnel de l'immobilier.
M. U et son assureur ALLIANZ demandent donc à la cour de
- débouter les consorts les consorts XY XY de toutes leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à leur encontre,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis purement et simplement hors de cause M. U,
- à titre subsidiaire, vu les dispositions des articles 1147 et le cas échéant 1382 du Code civil, condamner le cabinet BIAS et Monsieur et Madame W à les relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre en principal, intérêts, frais et dépens,
- condamner de même le cabinet BIAS et les époux W à leur payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner tout succombant en tous les dépens de première instance et d'appel.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 15 juin 2011, aux termes desquelles il est fait expressément référence pour l'exposé complet des moyens, les époux W soutiennent que

- ils ne connaissaient absolument pas l'existence de la mérule avant la vente; les consorts XY XY échouent à rapporter la preuve contraire ainsi que du camouflage auquel ils se seraient livrés pour dissimuler ce vice,
- les acquéreurs ont eux-mêmes visité l'immeuble à trois reprises, de même que le cabinet BIAS et M. U chargé du diagnostic, l'a lui-même visité à quatre reprises, de sorte qu'il est impossible d'admettre qu'eux-mêmes auraient pu avoir connaissance du mauvais état de l'immeuble, non constaté par les consorts Y- X, l'agent immobilier et le diagnostiqueur,
- en toute hypothèse il est certain que la mérule n'était pas visible précisément au moment de la vente et ils sont donc vendeurs de bonne foi et n'ont jamais usé de manoeuvre dolosives.
Ils demandent à la cour de les mettre purement et simplement hors de cause et de condamner solidairement les consorts XY XY et/ou toute autre partie succombante à leur payer une indemnité de 10'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 juin 2011.

SUR CE, LA COUR
Attendu qu'il ressort du rapport de l'expert judiciaire que le champignon lignivore, dénommé mérule, est bien présent à plusieurs endroits, à l'intérieur comme à l'extérieur, de l'immeuble vendu aux consorts Y- X par les époux W, que sa présence est antérieure à la vente et que des travaux importants de réparation sont nécessaires pour le sauver;
Que les consorts Y- X ont engagé la présente action afin de se voir indemnisés des préjudices résultant de l'infestation de l'immeuble par la mérule et qu'ils reprennent devant la Cour leurs demandes de condamnation des vendeurs, de l'agent immobilier et du diagnostiqueur, à payer le coût des importants travaux de réparation de l'immeuble, impliquant travaux de démolition et de reconstruction des éléments de bâti affectés;
Sur les responsabilités
Sur la responsabilité des vendeurs
Attendu que les consorts Y- X invoquent la responsabilité des époux W sur le fondement des articles 1116 et 1382 du code civil;
Qu'en effet, ils sont recevables à demander le versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à l'attitude dolosive des vendeurs avant la vente;
Que certes, l'expert judiciaire souligne que les époux W connaissaient le mauvais état du bâti, ce dont témoignent le replâtrage sur la partie pourrie dans les WC derrière le pignon nord, ainsi que le masticage sur les joints de pans de bois de façade pourris, mais il admet 'Il n'est pas prouvé qu'ils aient eu connaissance des problèmes générés par les champignons lignivores qu'ils ont cependant pu voir';
Que cependant, la preuve n'est pas rapportée que les époux W, qui ne sont pas des professionnels de la construction ou de l'immobilier, aient même pu constater la présence de la mérule dans leur maison, ni surtout qu'ils aient procédé à un camouflage afin d'en dissimuler la présence aux acquéreurs; que dès lors, les consorts Y- X, qui échouent à rapporter la preuve de manoeuvres ou même d'une réticence dolosive de leurs vendeurs quant à l'infestation par le champignon lignivore, manoeuvres ou réticence sans lesquelles ils n'auraient pas acheté la maison,
seront déboutés de leurs demandes à l'encontre des époux W; Sur la responsabilité de l'agent immobilier
Attendu que l'agent immobilier, professionnel de la vente, est tenu à l'égard des parties et notamment de l'acquéreur, d'une obligation d'information et de conseil; que comme le souligne le tribunal, l'information dont il est débiteur doit être complète, pertinente et adaptée aux caractéristiques de l'immeuble qu'il négocie; que même s'il n'est pas un professionnel de la construction, il doit être en mesure d'identifier les risques existants ou potentiels importants, il doit attirer l'attention des parties sur ceux-ci et préconiser les démarches nécessaires;
Attendu qu'en l'espèce, le Cabinet BIAS a fait paraître dans la presse une annonce proposant la maison des époux W à la vente, avec sa photographie et indiquant 'maison ancienne en parfait état'; que l'expert judiciaire souligne qu'un professionnel de la vente doit aujourd'hui être 'en alerte' quand il commercialise ce type de maison en Normandie, surtout lorsqu'elles sont à colombages, puisqu'un 'grand pourcentage est atteint par le champignon et les insectes à larves xylophages, cette situation étant connue depuis plus de 10 ans, en Normandie, Bretagne et dans un grand quart Nord Ouest de la France';
Attendu que le tribunal a exactement analysé les constatations de l'expert judiciaire quant au caractère visible et décelable par le Cabinet BIAS des défectuosités du bâti, notamment des bois pourris de la sole inférieure et des fissures entre l'enduit du mortier de remplissage et les pans de bois; que l'expert judiciaire ajoute qu'il était nécessaire de s'en préoccuper et d'alerter tout acquéreur sur ce point et de faire intervenir un expert diagnostiqueur en état parasitaire, même si la construction n'était pas située en zone sensible; que le professionnel de la vente ne pouvait ignorer que le bâti en bois de la maison vendue aux consorts Y- X présentait les conditions propices à l'apparition et au développement de la mérule;
Attendu que dès lors, c'est à juste titre et par des motifs que la Cour fait siens intégralement, que le tribunal a retenu la faute du Cabinet BIAS, qui s'est abstenu de délivrer aux acquéreurs l'information quant au risque d'infestation par la mérule et de leur conseiller de demander un diagnostic parasitaire, faute susceptible d'engager sa responsabilité à leur égard sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil et de l'obliger à réparer l'intégralité du préjudice en résultant;
Sur la responsabilité du diagnostiqueur
Attendu que le tribunal a fait une analyse exacte du rapport d'expertise de M. ... pour en déduire que la fiche de normes de surface et d'habitabilité établie par M. U le 28 août 2006 est erronée et comprend des mentions inexactes ; qu'en effet, contrairement à ce qui est indiqué dans cette fiche, l'immeuble n'est pas protégé contre les infiltrations d'eau, les remontées d'eau et les eaux de ruissellement et il n'est absolument pas étanche ; que de même, contrairement à ce qu'a pu conclure M. U, les menuiseries ne sont pas en bon état, l'expertise ayant très clairement établi qu'une grande partie d'entre elles était pourrie;
Que dès lors, même si M. U n'avait pas pour mission d'effectuer l'état parasitaire de l'immeuble, de sorte qu'il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir détecté la présence de mérule, il n'en a pas moins failli à sa mission en établissant une fiche de normes de surface et d'habitabilité, comportant des mentions erronées quant à l'étanchéité de la maison et surtout quant à l'état des menuiseries; que le pourrissement d'une partie des bois du bâti de la maison, parfaitement visible par ce professionnel, aurait dû le mettre en alerte sur les risques parasitaires dont il aurait dû informer ses clients; que bien au contraire, M. U a établi une fiche tout à fait rassurante sur l'état de la construction, qui n'a pu que convaincre les consorts Y- X de l'absence de risque de travaux importants; qu'il a ainsi commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard des consorts Y- X, à la condition que cette faute soit en lien de causalité avec leur préjudice réparable;
Sur le lien de causalité entre les fautes de l'agent immobilier et du diagnostiqueur et les préjudices réparables des consorts XY XY
Attendu que la faute du Cabinet BIAS est de ne pas avoir informé les acquéreurs du risque d'infestation parasitaire existant dans la maison vendue; que la faute du diagnostiqueur est de les avoir induits en erreur sur l'état réel du bâti, lequel pouvait les alerter sur ce risque;
Attendu que le préjudice résultant de la faute du Cabinet BIAS, ainsi que l'a analysé le tribunal, est une perte de chance, celle de la découverte de l'existence de la mérule active par un diagnostiqueur professionnel, - certaine malgré les objections de l'appelant, compte tenu de son ancienneté et de l'existence de signes visibles sans travaux destructifs- et partant, celle de ne pas acquérir le bien compte tenu de l'ampleur des travaux de réparation;
Attendu que le préjudice résultant de la faute de M. U s'analyse également en la perte de chance pour les consorts Y- X d'avoir été informés correctement sur l'état réel des menuiseries et d'avoir pu prendre conscience de ce fait des risques parasitaires les affectant, risques connus du grand public, et partant, celle de faire établir un diagnostic parasitaire et ainsi informés de la présence de la mérule, de prendre la décision de ne pas acquérir le bien; que toutefois, la perte de chance de ne pas acquérir le bien est moindre en définitive que celle résultant de la faute du Cabinet BIAS et sera évaluée à 30 %;
Attendu que c'est à juste titre que le tribunal a estimé que compte tenu de l'ampleur des travaux de remise en état qui sont nécessaires en raison de la présence de la mérule, dont le coût - estimé par l'expert judiciaire à 226 298,88 euros - est largement supérieur à celui d'acquisition de l'immeuble, soit 140 000 euros, les consorts Y- X n'auraient pas acheté la maison des époux W ;
Qu'en revanche, la présence de la mérule n'étant pas imputable ni à l'agent immobilier, ni au diagnostiqueur, la responsabilité de ces derniers ne peut être engagée du chef du coût des travaux de remise en état de la maison;
Que dès lors, le préjudice subi par les consorts Y- X imputable à la faute du Cabinet BIAS correspond à la perte de chance, évaluée à 70 %, de ne pas s'engager dans ce projet d'achat immobilier, et celui imputable à M. U à la perte de chance, évaluée à 30 %, de ne pas poursuivre ce projet immobilier; que le Cabinet BIAS d'une part et M. U et son assureur la Compagnie ALLIANZ d'autre part, seront tenus respectivement à hauteur de 70 % et 30 % du préjudice subi par les consorts Y- X résultant de la perte de chance pour eux de ne pas acheter la maison litigieuse;
Attendu que le tribunal a exactement apprécié le préjudice matériel et financier des consorts ... à la somme de 189 670 euros, de même que le préjudice moral de Mlle Y qui a découvert l'infestation de sa maison par la mérule alors qu'elle était enceinte, à la somme de 5 000 euros; que le Cabinet BIAS et M. U et son assureur ALLIANZ seront condamnés in solidum à leur payer ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris avec garanties réciproques et respectives à hauteur de 30 et 70 %;
Que par conséquent, le Cabinet BIAS devra garantir M. U et son assureur ALLIANZ à hauteur de 80 % des condamnations prononcées in solidum et ces derniers devront garantir le Cabinet BIAS à hauteur de 20 %; qu'en revanche, les demandes de garantie à l'encontre des époux W seront rejetées;
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Attendu qu'eu égard à l'équité, il convient d'ajouter à l'indemnité de procédure de 2000 euros allouée par les premiers juges aux consorts Y- X, une indemnité complémentaire de 2 000 euros, soit une somme totale de 4 000 euros que le Cabinet BIAS d'une part et M. U et son assureur ALLIANZ d'autre part, seront condamnés in solidum à leur payer, avec garanties réciproques et respectives à hauteur de 70 % et 30 %;
Attendu que le Cabinet BIAS et M. U et son assureur ALLIANZ seront condamnés in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire, avec garanties réciproques et respectives à hauteur de 70 % et 30 %;

Par ces motifs
Infirme partiellement le jugement rendu le 5 juillet 2010 par le tribunal de grande instance de Rouen,
Statuant à nouveau,
Dit que le Cabinet BIAS d'une part et M. U et son assureur la Compagnie ALLIANZ d'autre part, seront tenus respectivement à hauteur de 70 % et de 30 % du préjudice subi par les consorts Y- X résultant de la perte de chance pour eux de ne pas acheter la maison litigieuse,
Condamne le Cabinet BIAS d'une part et M. U et son assureur la Compagnie ALLIANZ d'autre part, in solidum, à payer aux consorts Y- X la somme de 189 670 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris,
Condamne le Cabinet BIAS d'une part et M. U et son assureur la Compagnie ALLIANZ d'autre part, in solidum, à payer à Mlle Y en réparation de son préjudice moral la somme de 5 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts Y- X de leurs demandes à l'encontre de M. et Mme W,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne le Cabinet BIAS d'une part et M. U et son assureur la Compagnie ALLIANZ d'autre part, in solidum, aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire, avec droit de recouvrement au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne le Cabinet BIAS d'une part et M. U et son assureur la Compagnie ALLIANZ d'autre part, in solidum, à payer aux consorts Y- X une indemnité totale de 4000 euros au titre des frais de procédure exposés en 1ère instance et en appel,
Dit que le Cabinet BIAS devra garantir M. U et son assureur la Compagnie ALLIANZ à hauteur de 70 % des toutes les condamnations prononcées in solidum et que M. U et son assureur la Compagnie ALLIANZ devront garantir le Cabinet BIAS à hauteur de 30 % de ces condamnations.
Le Greffier Le Président

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus