N° 07PA02174
PROVINCE NORD
Mme Lackmann, Président
Mme Briançon, Rapporteur
M. Bachini, Commissaire du gouvernement
Audience du 20 mars 2008
Lecture du 18 avril 2008
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
La Cour administrative d'appel de Paris
(1ère chambre)
Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2007, présentée pour la PROVINCE NORD, dont le siège est BP 41 à Kone (98860), par Me Bras ; la PROVINCE NORD demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600247-1 du 20 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé le permis de construire du 5 mai 2006 délivré par le président de l'assemblée de la PROVINCE NORD à M. Vérons pour la construction d'un immeuble d'habitation à Koné ;
2°) de rejeter la demande de M. Guillot présentée devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. Guillot une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
La PROVINCE NORD soutient que c'est à tort que le tribunal a considéré que le bâtiment autorisé par le permis de construire dépassait les limites de hauteur prescrites par l'article 6 du règlement du lotissement ; qu'il ressort des pièces du dossier que la pente principale calculée à partir de la toiture est de 75,67 % et que la pente moyenne est de 48,88 % ; que la hauteur d'une construction sur un terrain en pente ne peut s'entendre comme la distance séparant la dalle la plus basse de l'égout du toit de l'unité située sur la dalle la plus élevée ; que la hauteur relevée entre les gouttières et les dalles les plus basses varie entre 2,35 mètres et 2,50 mètres ; que dès lors, le projet ne dépasse pas les hauteurs prescrites par l'article 6 du règlement du lotissement ; que, par ailleurs, le tribunal a commis une erreur de qualification du projet autorisé qui comporte neuf constructions distinctes et ne constitue donc pas un seul bâtiment ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2007, présenté pour M. Guillot qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la PROVINCE NORD une somme de 100 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. Guillot fait valoir que la ligne de pente du terrain naturel est de 7 % en moyenne entre le haut et le bas du terrain ; que l'article 6 du règlement du lotissement pose la règle selon laquelle la hauteur des constructions, mesurée en tout point du terrain, de la dalle la plus basse, hors sous sol ou de la base des pilotis ou soubassements, jusqu'à l'égout du toit ne doit pas excéder
3,50 mètres ; qu'en l'espèce, cette hauteur a été dépassée ; que l'article 2 du règlement du lotissement n'autorise qu'une seule construction par lot ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 décembre 2007, présenté pour la PROVINCE NORD qui conclut aux mêmes fins que la requête et à titre subsidiaire, à l'annulation partielle du jugement en tant qu'il a annulé le permis de construire pour la partie du bâtiment n'excédant pas 3,50 mètres, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'elle abandonne son moyen tiré de ce que la construction projetée ne constitue pas un seul bâtiment ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
Vu la délibération n° 51-2005/APN du 15 avril 2005 portant réglementation du permis de construire ;
Vu le code de justice administrative, dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2008 :
- le rapport de Mme Briançon, rapporteur,
- les observations de Me Bras pour la PROVINCE NORD,
- et les conclusions de M. Bachini, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par décision en date du 5 mai 2006, le président de la PROVINCE NORD a délivré un permis de construire pour l'édification d'un immeuble composé de neuf logements T2 avec combles sur le lot 25 du lotissement Bel'air situé section Poamboa à Koné ; que la PROVINCE NORD relève appel du jugement en date du 20 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé ledit permis ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du règlement du lotissement Bel'Air au sein duquel la construction litigieuse doit être implantée : " Les sous-sols totalement enterrés invisibles et en déblais ne sont comptés ni dans les hauteurs ni dans le nombre de niveaux. La hauteur des constructions, mesurée en tout point du terrain, de la dalle la plus basse, hors sous sol ou de la base des pilotis ou soubassements, jusqu'à l'égout du toit ne doit pas excéder : - parcelle d'une superficie supérieure ou égale à 15 ares et inférieure 40 ares : 3,50 mètres de plein- pied. " ; qu'il résulte de ces dispositions que la hauteur d'une construction se calcule en chaque point du bâtiment de l'égout du toit à la dalle la plus basse située à la verticale de ce point ;
Considérant que compte tenu de la configuration des lieux et de la déclivité du terrain, le bâtiment est implanté à trois niveaux différents ; qu'il ressort des pièces du dossier que la hauteur de l'ensemble immobilier calculée sur chacun de ces trois niveaux ainsi que dit ci-dessus est de 2 mètres 70 et n'excède donc pas la hauteur prescrite par les dispositions précitées de l'article 6 ; qu'ainsi, la PROVINCE NORD est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur la violation des dispositions précitées de l'article 6 pour annuler le permis de construire délivré à M. Vérons ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Guillot en première instance ;
Considérant qu'aux termes de l'article 173 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " Le président de l'assemblée de province est l'exécutif de la province et, à ce titre, représente celle-ci (...) Il peut, en toute matière, déléguer à un ou plusieurs des vice-présidents l'exercice d'une partie de ses attributions. " et qu'aux termes de l'article 174 de cette même loi organique : " Le président de l'assemblée de province est le chef de l'administration provinciale. Il nomme aux emplois créés par l'assemblée de province. Il peut, déléguer sa signature au secrétaire général de la province (...)." ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que le président de l'assemblée de province ne peut pas déléguer sa signature au secrétaire de l'administration provinciale dans toutes les matières qui relèvent de ses fonctions d'exécutif de la province, mais seulement pour les actes relevant de la direction de l'administration provinciale, au nombre desquels ne figurent pas les permis de construire ; que, par suite, M. Guillot est fondé à soutenir que le permis de construire a été délivré par une autorité incompétente et doit, pour ce motif, être annulé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la PROVINCE NORD n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé le permis de construire délivré le 5 mai 2006 ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par la PROVINCE NORD au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la PROVINCE NORD une somme de 800 euros au titre des frais exposés par M. Guillot et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la PROVINCE NORD est rejetée.
Article 2 : La PROVINCE NORD versera à M. Guillot une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la PROVINCE NORD et à M. Bernard Guillot. Copie sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2008, où siégeaient :