ARRÊT N° 692
R.G 10/03110
CJPC/RB
Consorts Z
C/
Z
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
3ème Chambre Civile
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2011
Numéro d'inscription au répertoire général 10/03110
Décision déférée à la Cour Jugement au fond du 31 mai 2010 rendu par le Tribunal de Grande Instance de NIORT.
APPELANTS
1°) Mademoiselle Coralie Z
née le ..... à NIORT (79)
MIGNE AUXANCES
2°) Monsieur Stéphane Z
né le ..... à NIORT (79)
PAU
représentés par la SCP GALLET - ALLERIT, avoués à la Cour
assistés de Me BRIAND, membre de la SCP MADY-GILLET, avocats au barreau de POITIERS
INTIMÉE
Madame Nadia Z
née le ..... à NIORT (79)
NIORT
représentée par la SCP PAILLE - THIBAULT- CLERC, avoués à la Cour
assistée de Me Stéphanie MICHONNEAU-CORNUAUD, avocat au barreau de NIORT
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de
Monsieur Michel BUSSIERE, Président
Monsieur Frédéric CHARLON, Conseiller
Madame Catherine JEANPIERRE-CLEVA, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats Monsieur Lilian ROBELOT,
MINISTÈRE PUBLIC
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée
ARRÊT
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Michel BUSSIERE, Président et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
**********************
M. Raymond Z est décédé le 28 août 2006, laissant comme héritiers, ses petits-enfants Coralie et Stéphane YZ, leur père Michel YZ, fils unique du défunt, étant prédécédé le 24 décembre 2005.
Par jugement rendu le 31 mai 2010, le tribunal de grande instance de Niort a débouté Mlle Coralie YZ et M. Stéphane YZ de leurs demandes à l'encontre de Mme Nadia Z veuve de leur père Michel YZ, a dit que les opérations de liquidation de la succession seraient poursuivies par Me ..., notaire à Châtellerault, et les a condamnés aux dépens, et à verser à Mme YZ veuve YZ la somme de 1 700 euros pour frais irrépétibles de procédure.
Mme Coralie YZ et M. Stéphane YZ ont interjeté appel de la décision. Par conclusions récapitulatives signifiées le 17 août 2011, ils demandent à la cour de - constater que les libéralités consenties par le défunt, excèdent la quotité disponible,
- dire que la donation consentie à Mme Nadia YZ le 22 avril 2005 est sujette à réduction à hauteur de 3 395,63 euros et condamner cette dernière à leur payer la somme de 3 395,63 euros
- dire qu'est sujette à réduction, en nature, la donation consentie à Mme Nadia YZ le 28 mars 2006 sur la nue-propriété d'un immeuble situé à à Saint Pompain, constater qu'à la suite du décès du défunt qui s'était réservé l'usufruit sur l'immeuble, Mme YZ en détient la pleine propriété, et ordonner en exécution de la réduction de la donation, le transfert de propriété de cet immeuble à leur profit
- dire que la donation consentie à Mme Nadia YZ le 28 mars 2006 pour la somme de 28'150 euros est sujette à réduction et condamner cette dernière à leur payer la somme de 28'150 euros
- dire que la donation consentie au défunt Michel YZ le 22 avril 2005 est sujette à réduction, à hauteur de 3 395,63 euros et juger que la succession du défunt Michel YZ doit leur payer la somme de 3 395, 63 euros
- désigner Me Gilbert ..., notaire à Châtellerault, à l'effet de poursuivre les opérations de liquidation-partage de la succession de Raymond YZ, compte tenu des réductions susvisées
- condamner Mme Nadia YZ à leur payer à chacun la somme de 5 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils fondent leur action sur un montant de quotité disponible s'élevant à 320'711, 21 euros.
Mme Nadia Z veuve de M. Michel YZ, a signifié ses écritures récapitulatives le 9 juin 2011 pour conclure à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, au débouté des demandes de Coralie et Stéphane YZ et à leur condamnation solidaire à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait principalement valoir que les libéralités consenties par le défunt ne dépassent pas la quotité disponible qui s'élève à 603 297,02.euros
Le ministère public a visé la procédure le 26 septembre 2011, pour s'en rapporter à justice.
Motifs de la décision
Il résulte de l'acte de notoriété dressé le 27 octobre 2006 par Me ..., notaire à Châtellerault, que Stéphane et Coralie YZX sont les seuls héritiers, chacun pour moitié en pleine propriété, de la succession de leur grand-père et que l'actif net de la succession s'élève à 179'310,95 euros selon les déclarations concordantes des parties à la procédure.
Il est également reconnu par les parties, que le défunt Raymond YZX avait consenti diverses libéralités à raison de
- 293'616,46 euros à son défunt fils Michel YZX
- 25'245,23 euros à Stéphane YZX
- 15'000 euros à Coralie YZX
- 70'100 euros correspondant à la valeur en pleine propriété d'un bien immobilier situé à à Nadia Giraudeau veuve de Michel YZX.
En revanche, les parties s'opposent sur la qualification de certains actes qu'il convient donc d'examiner.
Sur les chèques émis au profit de M. et Mme YZX YZX
Il est acquis que le défunt Raymond YZX a rédigé au profit de son fils et de sa belle-fille, un chèque de 20'000 euros le 22 mars 2005 et un chèque de 10'000 euros le 22 avril 2005. Les appelants invoquent l'existence d'une libéralité rapportable, alors que l'intimée prétend qu'il s'agirait de présents d'usage. Les pièces qui sont produites à la procédure font apparaître que Raymond YZX était un homme fortuné, généreux avec son fils et ses petits-enfants, mais qui prenait soin de rédiger des actes sous seing privé lorsqu'il procédait à des donations, ce qu'il n'a pas fait pour ces deux versements. Par ailleurs, ses relevés de comptes bancaires de l'époque font état de nombreuses opérations, dont des virements portés à son crédit par M ou Mme Mauvieux YZX.
Au surplus, il ressort d'un acte notarié dressé le 28 mars 2006, que M. Raymond YZX a déclaré qu'il n'avait consenti avant ce jour aucune donation à Mme YZX veuve YZX, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit.
S'agissant de règlements opérés dans le cadre de relations familiales entretenues entre un père et son fils unique et son épouse, il convient de juger qu'il n'existe aucun commencement de preuve de l'existence d'une donation rapportable et qu'il s'agit bien de présents d'usage.
Sur les frais de donation
Par acte notarié en date du 28 mars 2006, M. Raymond YZX a fait donation à Mme ... veuve de Michel YZX, de la nue-propriété d'une maison d'habitation située à Saint Pompain et il a été convenu, " comme condition essentielle et déterminante de l'acceptation du donataire " que les frais et droits de la donation et ceux qui en seront la suite et la conséquence, sont à la charge exclusive du donateur qui s'y oblige. Cette clause illustre indiscutablement un accord entre les parties intervenu à la suite d'une négociation, laquelle doit être interprétée comme étant l'acceptation par le donateur d'une prise en charge de ces frais en contrepartie des services rendus par sa belle-fille, qui venait de perdre son mari trois mois plus tôt à la suite d'une maladie. Le montant de cette dépense qui s'élève à 28'150 euros ne peut donc être qualifiée de donation rapportable.
Sur les contrats d'assurance-vie
Il est acquis que le défunt Raymond YZX avait souscrit deux contrats d'assurance-vie le 17 avril 1993 et le 2 novembre 2004, dont les capitaux s'élevant à 446'367,59 euros et 176'953,81 euros ont bénéficié à Stéphane et Coralie YZX, en exécution d'un jugement définitif rendu par le tribunal de grande instance de Niort le 27 octobre 2008.
L'intimée demande à ce que ces montants soient rapportés à la succession de M. Raymond YZX, les primes étant manifestement exagérées. Cependant, il est certain, au visa de l'article 857 du Code civil, que le rapport n'est dû que par le co héritier à son co héritier et que Mme Nadia Z veuve de Michel YZX n'est pas héritière de la succession de son beau père.
De plus, l'article L. 132-13 du code des assurances dispose que le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celle de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Cette disposition renvoie donc bien aux règles régissant le rapport des donations telles que définies par le Code civil. C'est donc à juste titre que les appelants soulèvent l'irrecevabilité de ce chef de demande.
Au surplus, c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que le premier juge a constaté que les primes n'avaient pas manifestement excédé les facultés de M. Raymond YZX, compte tenu de l'importance de sa fortune.
Sur l'action en réduction
Aux termes de l'article 922 du Code civil, la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existants au décès du donateur, et les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, afin de calculer sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, quelle est la quotité disponible dont le défunt a pu disposer.
Il est également acquis que la réduction a vocation à jouer pour toutes les libéralités, y compris celles consenties à des personnes qui ne viennent pas à la succession, dès lors qu'il existe des héritiers réservataires au décès, venant à la succession.
Au vu de ce qui précède
- la masse s'élève à 583 272,64 euros,
- la quotité disponible s'élève à la moitié de la masse, ce qui représente une somme de 291'636,21euros, alors que le montant des libéralités est de 403'961,69euros,
- la réserve est de 291 636,21 euros soit pour chacun des héritiers, 145 818,10 euros.
Il n'est pas contesté que la libéralité préciputaire consentie à un tiers, ne s'impute que sur la seule quotité disponible, ce qui s'applique à la donation consentie à Mme Nadia YZX, alors que les libéralité rapportables consenties à des héritiers venant à la succession s'imputent sur la part de réserve du gratifié, si l' héritier gratifié est réservataire.
L'article 848 du Code civil prévoit que si le fils ne vient que par représentation, il doit rapporter ce qui avait été donné à son père, même dans le cas où il aurait répudié sa succession. Il convient de noter que ce texte contient une exception à la règle de l'ancien article 754 du Code civil, qui fixait qu'on ne représente pas le renonçant. S'il est exact que les co héritiers Mauvieux sont les héritiers directs de leur grand-père paternel, il ne peut être pour autant être fait abstraction de leur situation particulière, au regard des libéralités octroyées par leur grand-père à leur père, lesquelles sont incluses dans le patrimoine de leur père dont ils ont hérité.
C'est donc à juste titre, que le premier juge a considéré qu'ils venaient nécessairement à la succession de leur grand-père paternel par représentation de leur père décédé, au regard des donations consenties à celui-ci, et que le cumul des donations qu'ils avaient reçues et des donations reçues par leur père, soit la somme de 333 861,69 euros excédait la réserve héréditaire.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de condamner les appelants à verser à l'intimée une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour
Statuant après en avoir délibéré conformément à la loi, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
Confirme le jugement rendu le 31 mai 2010 par le tribunal de grande instance de Niort en toutes ses dispositions
Condamne Mme Coralie YZX et M. Stéphane YZX à verser à Mme Nadia YZX veuve YZX la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mlle Coralie YZX et M. Stéphane YZX aux entiers dépens de première instance et d'appel, et pour ces derniers autorise la SCP Paille-Thibault-Clerc, avoués à la cour, à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision préalable et suffisante.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,