RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 18 Novembre 2010
(n°, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général S 10/05380 LL
Décision déférée à la Cour jugement rendu le 09 Février 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 08-03959
APPELANTE
CAF 75 - PARIS
50 rue Docteur ...
PARIS CEDEX 15
représentée par Mme ... en vertu d'un pouvoir général
INTIMÉ
Monsieur Y Y
Hall 1 - bât. F - Esc 01
PARIS
comparant en personne, assisté de Me Maryse FOUR QUAGLIA, avocat au barreau de PARIS, toque C 944
Monsieur X X de la mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale
PARIS, non comparant
Régulièrement avisé - non représenté.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Octobre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de
Mme Jeannine DEPOMMIER, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffiers Mademoiselle ... ... ... ... et de Mademoiselle Christel DUPIN, lors des débats
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Christel DUPIN, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la Caisse d'allocations familiales de Paris d'un jugement rendu le 9 février 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à M. Y ;
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler que M. Y, de nationalité ivoirienne, a demandé le bénéfice des prestations familiales en faveur de ses enfants Mariam et Moussa, nés en Côte d'Ivoire, respectivement les 26 juin 1997 et 20 juillet 1999, et entrés en France en août 2007 ; que cette demande lui a été refusée au motif qu'il ne produisait pas le certificat de l'Office des Migrations Internationales requis pour chaque enfant, conformément aux dispositions de l'article D 512-2 du code de la sécurité sociale ; qu'il a contesté cette décision devant la commission de recours amiable qui a rejeté sa réclamation ; qu'il a alors saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale ;
Par jugement du 9 février 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a décidé qu'il devait bénéficier des prestations familiales pour les enfants Mariam et Moussa à compter du 1er septembre 2007, sous réserve que toutes les conditions légales, autres que celle relative à la régularité de leur séjour en France soient remplies et a rejeté les autres demandes ;
La Caisse d'allocations familiales de Paris fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions aux termes desquelles il est demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de débouter M. Y de ses demandes tant principales qu'accessoires et de lui donner acte de ce que le droit aux prestations est ouvert depuis le mois de juillet 2010.
Elle fait valoir qu'en application de l'article D 512-2 du code de la sécurité sociale, issu du décret du 27 février 2006 et entré en vigueur à compter du 1er janvier 2006, la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire aà sa charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production du certificat de contrôle médical délivré par l'agence national de l'accueil des étrangers et des migrations à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial et qu'en l'espèce ce certificat n'a été établi qu'au mois de juin 2010. Elle considère donc que le droit aux prestations n'est ouvert qu'à compter du mois de juillet 2010 et soutient que les dispositions du décret précité ne sont contraires ni à la Convention internationale des droits de l'enfant ni à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il s'agit d'organiser la venue en France des enfants étrangers dans les meilleures conditions possibles. Enfin, elle s'oppose aux demandes accessoires formulées par l'intéressé au titre des dommages-intérêts et intérêts de retard.
M. Y fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu son droit à prestations à compter du mois de septembre 2007, à la liquidation de ses droits à compter de cette date, avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2007 ou, à tout le moins, à compter du 26 mai 2008, date de la décision de la commission de recours amiable et à la condamnation de la Caisse à lui verser la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il précise qu'il réside régulièrement en France en vertu d'un titre de séjour de 10 années qui lui a été délivré le 16 mai 2006 et soutient avoir reçu l'autorisation de l'Administration pour la venue de ses deux enfants mineurs, lesquels sont entrés en France au mois d'août 2007. Il considère que les prestations familiales devaient lui être versées dès cette date alors que leur paiement a été différé après la visite médicale prévue à l'article D 512-2 du code de la sécurité sociale. Pour écarter l'application de cet article, il se prévaut de l'égalité des droits aux prestations familiales entre français et étrangers séjournant régulièrement en France prévue par les dispositions de l'article L 512-1 du code de la sécurité sociale et invoque les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant qui prohibent toute discrimination au détriment des enfants étrangers. Il soutient ensuite que la date à partir de laquelle les prestations sont dues correspond à celle du dépôt de sa demande auprès de l'organisme de sécurité sociale, soit le 1er septembre 2007. Enfin, il réitère ses demandes en paiement des intérêts et en réparation du préjudice subi par la faute de la Caisse. Il forme, par ailleurs, une demande d'aide juridictionnelle provisoire.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
SUR QUOI LA COUR
Considérant, en premier lieu, qu'en l'absence de tout justificatif sur sa situation financière, il n'y a pas de raison d'admettre M. Y à l'aide juridictionnelle provisoire ;
Considérant qu'il résulte de l'article L 512-2, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ou de la Confédération suisse et séjournant régulièrement en France bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de la régularité de leur situation en France ;
Considérant que l'article D 512-2 du même code dispose que la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire aà sa charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée notamment par la production du certificat de contrôle médical de l'enfant délivré à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ;
Considérant qu'en l'espèce, les deux enfants au titre desquels les prestations familiales sont demandées ne sont entrés en France qu'après l'admission au séjour de leur père et ce en dehors de la procédure de regroupement familial ; qu'au jour du dépôt de la demande en paiement des prestations, ils ne disposaient donc pas du certificat de contrôle médical précité ;
Considérant que l'exigence de ce document répond à l'intérêt de la santé publique et à l'intérêt de la santé de l'enfant et ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie familiale ; qu'un tel certificat permet, en effet, de vérifier que l'enfant disposera en France des conditions d'existence lui garantissant de mener une vie familiale normale et d'assurer sa protection ;
Considérant que les dispositions de l'article D 512-2 ne contreviennent donc pas au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne constituent pas une discrimination prohibée par l'article 14 de la même Convention ; qu'elles ne sont pas non plus contraires à l'intérêt supérieur de l'enfant au sens de la Convention internationale des droits de l'enfant ;
Considérant qu'au regard de ces nouvelles dispositions, la détention du certificat de contrôle médical de l'enfant constitue une condition d'ouverture des droits à prestation familiale ; que ces prestations ne peuvent donc être servies, conformément à l'article L 552-1 du code de la sécurité sociale, qu'à compter du 1er jour du mois suivant celui au cours duquel a été délivré le certificat médical nécessaire à l'admission des enfants à séjourner en France ;
Considérant que, dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ces conventions internationales pour reconnaître à M. Y le droit aux prestations familiales antérieurement à la délivrance du certificat médical ;
Qu'il y a lieu d'infirmer le jugement attaqué et de débouter l'intéressé de sa demande principale ainsi que de celle relative aux intérêts sur les prestations ;
Considérant qu'en revanche, les premiers juges l'ont débouté à juste titre de sa demande en paiement de dommages-intérêts dès lors que la Caisse d'allocations familiales n'a commis aucune faute en refusant à M. Y le bénéfice des prestations familiales en raison de l'irrégularité de l'entrée et du séjour de ses enfants en France avant la délivrance du certificat médical ;
Considérant qu'enfin, M. Y succombant en cause d'appel, il sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. Y ;
Déclare la Caisse d'allocations familiales de Paris recevable et bien fondée en son appel ;
Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions déboutant M. Y de ses demandes au titre des dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau
Déboute M. Y de sa demande de prestations familiales en faveur de ses enfants Mariam et Moussa au titre de la période de septembre 2007 à juin 2010;
Donne acte à la Caisse de ce qu'elle verse lesdites prestations depuis le mois de juillet 2010 ;
Déboute M. Y de ses autres demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application du droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ;
Le Greffier, Le Président,