Jurisprudence : CA Pau, 23-11-2011, n° 10/01798, Infirmation

CA Pau, 23-11-2011, n° 10/01798, Infirmation

A6559H4P

Référence

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Abstract

Une société dont l'objet social est l'optimisation des dépenses des entreprises ne peut donner, à titre habituel et rémunéré, des consultations juridiques dès lors qu'elle ne remplit pas les conditions fixées aux articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971).



DS/BLL
Numéro 5195/ 11
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRÊT DU 23 novembre 2011
Dossier 10/01798
Nature affaire
Demande en paiement du prix, ou des honoraires formée contre le client et/ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix, ou des honoraires
Affaire
S.A. VELFOR PLAST
C/
SARL CAP2E
Grosse délivrée le
à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 novembre 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
* * * * *

APRÈS DÉBATS
à l'audience publique tenue le 27 Septembre 2011, devant Monsieur BERTRAND, Président
Monsieur SCOTET, Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 17 décembre 2010 chargé du rapport
Madame BUI VAN, Conseiller
assistés de Madame SAYOUS, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant

APPELANTE
S.A. VELFORT PLAST

SAINT PAL DE CHALENCON
représentée par son Président du Conseil d'administration et son Directeur Général en exercice
représentée par la SCP LONGIN-LONGIN DUPEYRON-MARIOL, avoués à la Cour
assistée de Me TESTON, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE
SARL CAP2E
Centre d'Analyse Patronal pour les Economies d'Entreprise

ANGLET
représentée par son gérant domicilié en cette qualités au siège social
représentée par la SCP PIAULT LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour
assistée de Me MARATRAY-BACCUZAT, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 12 AVRIL 2010
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant conventions signées le 19 septembre 2006, plusieurs sociétés filiales de la SA VELFOR, dont la SA VELFOR PLAST, ont confié à la SARL CENTRE D'ANALYSE PATRONAL POUR LES ECONOMIES D'ENTREPRISE, CAP2E, une mission d'optimisation portant sur la réduction de coûts et tous remboursements susceptibles d'être obtenus sur les postes suivants charges sociales, taux AT, taxe foncière, taxe professionnelle et énergie.
Il était prévu la remise par la société CAP2E des conclusions de ses études dans le délai de trois mois à compter de la remise de toutes les pièces nécessaires et une rémunération 'reposant uniquement sur le partage des économies effectivement constatées.'
Le 27 septembre 2007, la société CAP2E a remis à la SA VELFOR PLAST un rapport de mission préconisant l'application de la déduction forfaitaire spécifique pour le calcul des cotisations de sécurité sociale sur la rémunération de ses agents commerciaux.
La SA VELFOR PLAST a refusé de suivre cette préconisation, considérant qu'il n'était pas possible de changer le statut de toute sa force de vente.
Par acte d'huissier du 6 mai 2009, la société CAP2E l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Bayonne pour obtenir sa condamnation à lui payer en vertu du contrat la somme principale de 35.218,77 euros.

Par jugement du 12 avril 2010, auquel il y a lieu de se reporter pour un plus ample exposé des faits, des moyens et prétentions initiales des parties, le tribunal a
- condamné la SA VELFOR PLAST à payer à la société CAP2E la somme de 29.447,13 euros, conformément à l'article 6.2 des conventions signées entre les parties,
- débouté la société CAP2E de sa demande d'astreinte, - ordonné l'exécution provisoire,
- condamné La SA VELFOR PLAST à payer à la société CAP2E la somme de 1.500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- et condamné la SA VELFOR PLAST aux dépens.

Par déclaration du 7 mai 2010, la SA VELFOR PLAST a relevé appel de cette décision.
Dans ses conclusions déposées le 28 juillet 2011, elle soutient que l'objet de la convention liant les parties est illicite ; qu'en effet l'activité d'audit des charges sociales et fiscales auquel se livre la société CAP2E contrevient aux dispositions de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1990 portant réforme des professions judiciaires et juridiques ; qu'elle ne remplit pas les conditions dérogatoires de l'article 60 de cette loi, à savoir l'existence de consultations juridiques accessoires et nécessaires à son activité principale et une qualification reconnue par l'état ou attestée par un organisme public ou professionnel agréé. Elle fait valoir en deuxième lieu que les préconisations formulées par la société CAP2E sont illicites, au motif que les salariés concernés ont un statut d'attaché technico-commercial ne permettant pas le bénéfice de l'abattement supplémentaire. Subsidiairement, la société VELFOR PLAST conteste le montant de sommes réclamées en ce qu'il ne correspond pas aux prévisions contractuelles.
La SA VELFOR PLAST demande de réformer le jugement et de
à titre principal,
- rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société CAP2E,
- dire que l'objet de la convention est entachée de nullité,
- dire que l'objet la mise en oeuvre de ses préconisations conduisait à une violation de la loi,
à titre subsidiaire et en tout état de cause,
- l'exonérer d'un quelconque paiement au titre de l'article 6.2,
- en conséquence débouter la société CAP2E de toutes ses demandes,
- condamner la société CAP2E à lui payer la somme de 10.000 euros, à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société CAP2E à lui payer la somme de 5.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Dans ses conclusions déposées le 19 mai 2011, la société CAP2E fait valoir que l'objet du contrat n'est pas d'établir une consultation juridique portant sur un point de droit complexe et sur une stratégie à définir, mais d'auditer les postes de charges et voir comment en réduire l'importance ; qu'elle s'est contentée d'indiquer à sa cliente l'existence d'une déduction spécifique applicable à une catégorie de personne permettant de diminuer sa masse salariale brute.
Elle considère avoir effectué une prestation juridique et non une consultation juridique, en appliquant une règle de droit à une situation de fait. En supposant qu'il puisse être considéré le contraire, La société CAP2E fait observer qu'elle dispose depuis le 15 décembre 2005 de la qualification OPQCM pour les domaines de qualification 'finances, audit et gestion des risques financiers et
d'assurances-achats', l'autorisant à réaliser dans les domaines mentionnées des consultations juridiques accessoires à son activité principale ; qu'elle exerce bien cette compétence à titre accessoire puisque ses prestations consistent non pas à consulter mais à effectuer un travail d'étude et d'analyse des charges de sa cliente et à l'assister pratiquement à l'occasion de la mise en oeuvre. La société CAP2E soutient par ailleurs que ses préconisations étaient parfaitement fondées compte tenu de l'assimilation large aux VRP des salariés commerciaux remplissant certaines conditions. Elle soutient également que la rémunération réclamée est conforme à l'article 6.2 du contrat, prévoyant une somme égale à 50 %, réduite à 35 % en l'espèce, des économies prévisionnelles à défaut de mise en oeuvre des recommandations par son adhérent.
La société CAP2E demande de confirmer intégralement le jugement déféré, condamner la société VELFOR PLAST à lui payer la somme de 41.225,8 euros HT et subsidiairement 11.868,25 euros TTC, débouter la société VELFOR PLAST de ses demandes et la condamner à payer la somme de 5.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens, avec application de l'article 699 du même code.
L'instruction a été clôturée le 6 septembre 2011 et l'affaire fixée à l'audience du 27 septembre 2011.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon les dispositions des articles 54 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, 'nul ne peut, directement ou par personnes interposées, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé pour autrui s'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut d'une compétence juridique appropriée à la consultation et à la rédaction d'actes en matière juridique, qu'il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66 ... '.
Les prestataires d'activités non réglementées bénéficiant d'un agrément donné 'pour la pratique du droit à titre accessoire' peuvent 'dans les limites de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur action principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité'.
En l'espèce, la société CAP2E dont l'objet social est l'optimisation des dépenses des entreprises, a été chargée par la société VELFOR PLAST de procéder à l'examen des postes charges sociales, taux AT, taxe foncière, taxe professionnelle et énergie, en vue de les optimiser notamment par toute réduction de coût de biens, de marchandises, de prestations, constituant une charge ou une immobilisation. Elle lui a remis le 27 septembre 2007 un rapport de mission avec une préconisation portant sur la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels concernant ses attachés commerciaux.
Pour réaliser sa mission et préconiser la déduction, la société CAP2E a dû nécessairement vérifier la situation de ces salariés et leurs conditions de travail au regard de la législation et de la jurisprudence sociale applicable, quant aux critères permettant à certaines professions de bénéficier du droit à la déduction fiscale de 30 %, et à leur employeur de pratiquer ainsi la déduction forfaitaire spécifique sur l'assiette des cotisations sociales, tels que l'existence d'un lien de subordination, la prospection et la visite d'une clientèle, la prise de commandes directes et la nature fixe ou variable des rémunérations versées.
La société CAP2E ne saurait invoquer l'absence d'élément caractérisant la consultation juridique portant selon elle sur un point de droit complexe, alors en effet qu'il est constant 'qu'en amont des conseils donnés en phase contentieuse, la vérification, au regard de la réglementation en vigueur, du bien-fondé des cotisations réclamés par les organismes sociaux (au titre des accidents du travail) constitue elle-même une prestation à caractère juridique, peu important le niveau de complexité des problèmes posés'. (Cass Civ 1°, 15 nov. 2010, n° 09-66.319, FS P+B+I).
Sa préconisation emportait la réalisation d'une véritable consultation excédant la seule vérification d'une situation juridique à une situation de fait ou un simple avis, et cela au regard d'une part des conséquences juridiques et sociales supportées au cas d'acceptation par la société adhérente qui aux termes de l'article 3-2 de la convention s'engageait à prendre toutes les dispositions utiles à sa mise en oeuvre et d'autre part des propres engagements de la société CAP2E prévues à l'article 2-7 consistant à superviser et accompagner sa cliente dans sa mise en oeuvre jusqu'à la réalisation effective des économies et donc notamment l'obtention de l'agrément des représentants du personnel et des salariés concernés par l'envoi à ces derniers d'une lettre type qui était annexée au rapport de mission.
La société CAP2E est certes détentrice depuis 2005 d'un certificat de qualification professionnelle OPQCM délivré pour les activités de 'finances-audit, conseil et gestion des risques financiers et d'assurances-achats', comprenant selon la nomenclature de cet organisme agréé tous les aspects ayant trait aux problèmes financiers de l'entreprise, dont notamment l'optimisation des coûts en matière sociale.
Cependant, elle ne saurait non plus prétendre que son activité de consultation juridique, pour autant qu'elle soit établie, ne constituerait que l'accessoire à son activité principale d'audit et serait par conséquent licite en application de l'article 60 de la loi de 1971, alors que la réduction des coûts constituant son objet social emporte obligatoirement, et comme le démontre le contrat de mission proposé à sa cliente et le rapport de mission qui lui a été ensuite adressé, l'examen et l'analyse de sa situation au regard de la législation et de la réglementation notamment en matière sociale, l'établissement d'avis constituant des préconisations en vue d'en diminuer les coûts que la cliente s'engage à mettre en oeuvre sous son contrôle avec son assistance, et une rémunération de résultat reposant sur le montant des économies effectivement constatées, l'ensemble formant un tout indivisible.
La prestation de consultation juridique étant réalisée par la société CAP2E à titre principal et non accessoire, il s'ensuit que l'objet du contrat est illicite et par voie de conséquence la convention entachée de nullité comme étant contraire aux dispositions de la loi du 31 décembre 1971, ainsi que le soutient l'appelante.
Dès lors, le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions et la société CAP2E déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande formée par la SA VELFOR PLAST tendant à la restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire, le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constituant le titre ouvrant droit à cette restitution, avec intérêts au taux légal à compter de sa signification valant mise en demeure.
La SA VELFOR PLAST qui se borne à solliciter des dommages et intérêts sans en préciser le fondement, ni invoquer l'existence d'un préjudice sera déboutée de sa demande formée de ce chef.
L'équité ou la situation des parties ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société CAP2E qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Déclare nulle et de nul effet la convention signé par les parties,
Déboute en conséquence, la SARL CENTRE D'ANALYSE PATRONAL POUR LES ECONOMIES D'ENTREPRISE, CAP2E de l'ensemble de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la SA VELFOR PLAST en restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré,
Déboute La SA VELFOR PLAST de sa demande de dommages et intérêts, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL CENTRE D'ANALYSE PATRONAL POUR LES ECONOMIES D'ENTREPRISE, CAP2E, aux dépens de première instance et d'appel,
Signé par Monsieur Philippe ..., Président, et par Madame Catherine ..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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