CIV. 1
COUR DE CASSATION FB
QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
Audience publique du 8 décembre 2011
NON-LIEU A RENVOI
M. CHARRUAULT, président
Arrêt no 1254 FS-P+B+I
Affaire no H 11-40.070
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Vu le jugement rendu le 7 septembre 2011 par le tribunal de grande instance de Paris, transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 9 septembre 2011 dans l'instance mettant en cause
D'une part,
1o/ la société Les Éditions du Seuil, société anonyme, dont le siège est Paris,
2o/ M. Régis Y, domicilié Paris,
D'autre part,
1o/ Mme Béatrice X, épouse X,
2o/ Mme Mathilde X,
3o/ M. Louis X,
4o/ M. Henri X,
domiciliés Paris,
5o/ Mme Fabienne W, épouse W, domiciliée Paris,
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 29 novembre 2011, où étaient présents M. Charruault, président, M. Gridel, conseiller rapporteur, M. Bargue, Mme Crédeville, M. Gallet, Mme Marais, M. Garban, Mmes Kamara, Dreifuss-Netter, M. Girardet, conseillers, Mme Gelbard-Le Dauphin, M. Creton, Mme Richard, M. Jessel, Mmes Darret-Courgeon, Canas, conseillers référendaires, Mme Petit, premier avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Gridel, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Les Éditions du Seuil et de M. Y, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat des consorts X et de Mme ..., l'avis de Mme Petit, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que la société Éditions du Seuil et M. Y, attraits en justice par les consorts X et ... pour atteinte à leur vie privée à la suite de la publication d'un roman, ont soulevé devant le tribunal de grande instance de Paris une question prioritaire de constitutionnalité ainsi formulée
"L'article 9 du code civil, en ce qu'il ne soumet pas les actions en réparation des atteintes à la vie privée, lorsqu'elles sont commises par l'un des moyens visés à l'article 23 (il faut assurément lire 29, ce que confirme la page deuxième du mémoire en demande d'inconstitutionnalité) de la loi du 29 juillet 1881 ou à l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, aux règles de prescription prévues par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, ni aux exigences de l'article 53 de la même loi, est-il conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit, en l'espèce aux articles 11 (liberté d'expression),
6 (égalité devant la loi), 16 (droits de la défense) de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ?"
Attendu que, s'il a été décidé que "tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative", sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la cour suprême compétente, il résulte tant des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution et de l'article 23-5, alinéa 3 de l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée que des décisions du Conseil constitutionnel, que la contestation doit concerner la portée que donne à une disposition législative précise l'interprétation qu'en fait la juridiction suprême de l'un ou l'autre ordre ; que la question posée, qu'il n'appartient pas à la Cour de cassation de modifier, sous couvert de critiquer l'article 9 du code civil, texte de fond dont la substance a été déclarée maintes fois conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, porte exclusivement sur, d'une part, la soumission jurisprudentielle au droit civil commun procédural des actions auxquelles cet article donne lieu, en l'absence de textes spécifiques, sans dénoncer de dispositions précises régissant le délai de leur prescription ou la rédaction de la citation, et, d'autre part, sur la non- application corrélative des articles 65 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, dont elle déplore une portée insuffisamment étendue sans contester leur constitutionnalité ;
D' où il suit que la question est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS
DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille onze.