Vu la requête. enregistrée le 27 novembre 2011 à 12h 27 sous Ie n°1105310, présentée pour M. Aa Ab A, retenu actuellement au Centre de rétention, Zone aéroportuaire de Blagnac, Avenue Pierre Georges Latécoère à Cornebarrieu (31700), élisant domicile au cabinet de Me Benamghar, par Me Benamghar, avocat ; M. OZDEMIR demande au tribunal :
1°) de l’admettre provisoirement au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;
2°) d’annuler l’arrêté du 25 novembre 2011 n°201 1/32/14 par lequel le préfet du Gers l’a obligé à quitter le territoire français, ainsi que la décision du même jour par laquelle il l’a placé en rétention administrative ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil par application des dispositions de l’article L.761-! du code de justice administrative sous réserve que ledit conseil renonce à percevoir la part contributive de l’État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée :
TI soutient :
- que les décisions contestées ne sont pas signées par le préfet, mais par le directeur de cabinet ; que dès lors, sauf à cc que le préfet du Gers justifie de la compétence de son délégataire en cette hypothèse, l'arrêté litigieux ainsi que la décision de placement en rétention sont entachés d’un même vice de forme affectant sa légalité ;
- que la décision de placement en centre de rétention administrative est insuffisamment motivée ; qu’en effet, l’accumulation de formules stéréotypées, dépourvues de tout élément personnel attaché à sa situation réelle, précise et circonstanciée, ne sont pas conformes aux exigences posées par la
loi du 11 juillet 1979🏛 ; que Padministration ne fait même pas état, dans cette décision de placement en rétention, de ce qu’il est titulaire d’un récépissé de titre de séjour italien ; que de plus. aucun élément précis et circonstancié ne vient justifier des raisons pour lesquelles le placement
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en rétention serait fondé par « l'absence de moyen de transport immédial », de cette impossibilité de « mettre immédiatement à exécution la mesure susvisée », qu’il y aurait « nécessité de maintenir M. A » en rétention ;
- qu’en ce qui concerne les garanties de représentation, l'illégalité de sa rétention doit être relevée ; qu’en effet, il présente à ce titre les garanties requises mais contestées à tort par l’administration ; qu’en outre, cette décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ; qu’en effet, il ne présente aucun risque de fuite ; qu’il n’a pas fait preuve d’un comportement visant à éviter son éloignement ;
-qu’en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi, il y a bien dans les causes et les parties un élément sérieusement établi faisant obstacle à son retour dans son pays d’origine ; que cet élément, d’ailleurs évoqué par l'administration dans son arrêté litigieux portant obligation de quitter le territoire français, est la qualité de demandeur d’asile ; que cette demande, instruite actuellement en Îtalic, fonde l'existence et l’effectivité d’une liberté fondamentale que l’administration française ne peut ni nier ni occulter ; que la mesure portant obligation de quitter le territoire français envisagée par le préfet est de nature à comporter, pour sa situation personnelle, des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
Vu, le mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2011, présenté par le préfet du Gers, tendant au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que les décisions attaquées ont été signées par Monsieur B Ac, directeur du cabinet du préfet du Gers, qui à régulièrement reçu délégation de signature en cette matière par arrêté du 14 juin 201 1 publié au recueil des actes administratifs ;
- que compte tenu des circonstances de l’espèce et des risques avérés de fuite, il ne pouvait qu’ordonner le placement en rétention de l’intéressé ; que, par ailleurs, la partie adverse ne démontre pas que M. A justifie des garanties de représentation suffisantes pour permettre une mesure alternative à son placement en rétention comme une assignation à résidence ;
- que le seul fait que M. A présente un document provisoire de séjour italien n’est pas de nature à démontrer que l'intéressé pouvait bénéficier d’une mesure d’assignation à résidence ; qu’en outre, il ne peut être contesté par la partie adverse que M. A, entré en France depuis plus d’un an, n’a pas cherché à régulariser sa situation en se présentant auprès des autorités compétentes ; que dans ses conditions, le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’il aiteste de garanties effectives de représentation ;
- qu'également, au regard des circonstances de l’espèce, il apparaît que M. A, qui n’a pas présenté de titre d’identité en cours de validité lors de son contrôle, qui n’a pas accompli depuis son entrée en France de démarche en préfecture pour régulariser sa situation et qui ne dispose pas d’un domicile personnel et stable, peut être regardé comme ne justifiant pas des garanties de représentation effectives et suffisantes pour bénéficier d’une mesure d’assignation à résidence ;
- qu’en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi, l’article 3 de la décision en cause et portant obligation de quitter le territoire français précise que l’intéressé sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il est légalement admissible ; quil apparaît que M.
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OZDEMIR vit en France depuis plus d’un an et qu’il ne retourne en Italie que pour y faire renouveler son titre de séjour ; qu’il ne revendique à aucun moment sa situation de demandeur d'asile et n’oppose comme réserve à son retour en Turquie que des considérations générales ; qu’en aucun cas, il fait valoir sérieusement qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d’origine ;
Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la
convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales🏛 ;
Vula directive n°2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers au séjour irrégulier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la
loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée🏛 relative à l'aide juridique ;
Vule code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2011. à laquelle les parties avaient été régulièrement convoquées :
- le rapport de M. Arroucau, magistrat désigné ;
- les observations orales de Me Benamghar, pour M. A qui confirme ses écritures ;
-les observations de Mlle Ad, représentant le préfet de la Haute-Garonne, qui confirme les écritures du préfet du Gers ;
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
Considérant qu’aux termes de l’
article 20 de la loi du 10 juillet 1991🏛 susvisée: « Dans le cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président » ; qu’il y a lieu, eu égard à l’urgence qui s’attache à ce qu’il soit statué sur la requête de M. A, de prononcer à sa demande son admission provisoire à l’aide
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Sur les conclusions en annulation de l'arrêté portant OQTE :
Considérant que l’arrêté susvisé a été signé par M. Ac, directeur de cabinet du préfet du Gers, qui bénéficie d’une délégation de ce dernier par arrêté du 14 juin 2011 régulièrement publié, notamment pour signer les « arrêtés de reconduite à la frontière » pendant ses périodes de permanence ; que par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que ledit arrêté serait entaché d’incompétence de son signataire ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Considérant qu'aux termes de l’
article L.511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛 : « L. — L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité turque, ne peut justifier d’une entrée régulière en France et n’a présenté aucune demande de titre de séjour ; qu’il entre donc dans le cas prévu par les dispositions précitées du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant À l'autorité administrative de lui faire obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et notamment des indications figurant dans l’arrêté attaqué et dans le procès verbal d’audition de M. A par les services de la gendarmerie, que l'intéressé est titulaire d’une autorisation de séjour délivrée par les autorités italiennes et valable jusqu’en janvier 2012 ; qu’il n’est pas sérieusement contesté que cette autorisation est un récépissé délivré à la suite du dépôt d’une demande d’asile en Italie et qu’il n'a pas été statué sur cette dernière ; que, dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le préfet du Gers a commis une erreur de droit en prévoyant, dans l'article 3 de l’arrêté susmentionné, la possibilité de le renvoyer dans le pays dont il a la nationalité ; qu’il y a lieu, par suite, d'annuler ledit arrêté en tant qu’il prévoit une telle mesure ;
Considérant qu’aux termes de l’
article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile🏛 : « À moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (…) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter lc territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé {.…) » ; qu'aux termes de l’
article L. 551-2 du même code🏛 : « La décision de placement (…) est écrite et motivée {…) » ; qu'aux termes de l’article L.561-
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2 du même code : « Dans les cas prévus à l'article L. 551-1 l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l’article L.511-I, qu'il se soustraie à cette obligation. (…) » ; qu’aux termes du 3°) du Il de l’article L. 511-1 du même code : « Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) si l’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour :(…) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (.…) » ; qu’aux termes de l'article 15 de la directive 2008/1 15/CE : « 1. À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement en particulier lorsque : a) il existe un risque de fuite, ou b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement. - Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise » ;
Considérant d’une part que l’arrêté susvisé du préfet du Gers, qui mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde esL, nonobstant le caractère stéréotypé de certaines de ses formulations, suffisamment motivé au regard des dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;
Considérant d'autre part qu’en estimant, dans les cas énoncés par le 3° du paragraphe II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu’il existe, sauf circonstance particulière, des risques que l'étranger se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire, le législateur a retenu des critères objectifs qui ne sont pas incompatibles avec la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conscil du 16 décembre 2008, que la
loi du 16 juin 2011🏛 précitée a eu pour objet de transposer ; qu’en outre, en réservant l'hypothèse de circonstances particulières, l’article L. 511-1 a entendu garantir un examen de chaque situation individuelle au cas par cas et ne peut dès lors être regardé comme méconnaissant le principe de proportionnalité rappelé par la directive susvisée ; que par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait privée de base légale, faute pour la loi, qui en constitue le fondement, d’être compatible avec les garanties prévues par la directive susvisée, ne peut qu'être écarté ;
Considérant que M. A qui a déclaré être hébergé par un ami ne peut être considéré comme disposant d’une adresse stable et ne présente pas de garanties de représentation justifiant son assignation à résidence ; que par ailleurs, il entre dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du II de l’article L 511-1 du CESEDA où un risque de fuite peut être considéré comme réel ; que, dès lors, le préfet du Gers n’a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en prononçant son placement en rétention administrative ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision susvisée ;
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Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions combinées des
articles L.761-1 du code de justice administrative🏛 et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de M. A, dont la majeure partie de la requête à été rejetée, tendant au bénéfice des dispositions susmentionnées ;