Jurisprudence : CAA Douai, 1ère, 24-11-2011, n° 11DA01020



N° 11DA01020

M. Habib YAHYAOUI

M. Dominique Naves, Rapporteur
M. Xavier Larue, Rapporteur public

Audience du 10 novembre 2011

Lecture du 24 novembre 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La Cour administrative d'appel de Douai


(1ère chambre)


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 30 juin 2011 et régularisée par le dépôt de l'original le 4 juillet 2011, présentée pour M. Habib YAHYAOUI, demeurant 29 boulevard de l'Europe à Rouen (76100), par la Selarl Eden Avocats ; M. YAHYAOUI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101107 du 26 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2011 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une carte de séjour valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2011 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Dominique Naves, président-assesseur, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public et les observations de Me Mahieu, avocat, pour M. YAHYAOUI ;

Considérant que M. YAHYAOUI relève appel du jugement n° 1101107 du 26 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 17 février 2011, du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

Considérant que M. YAHYAOUI ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6-4) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé à l'encontre de la décision litigieuse, en date du 17 février 2011, du préfet de la Seine-Maritime rejetant sa demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de ces stipulations ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que si M. YAHYAOUI fait valoir que se situe en France, où séjournent régulièrement ses deux sœurs et son père, le centre de ses intérêts privés et familiaux, il n'établit pas qu'il serait dépourvu de toute attache en Algérie où vivent sa mère et ses autres frères ; que, s'il se prévaut être entré sur le territoire français en 2004, il n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il s'y serait maintenu entre 2004 et 2011 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que si M. YAHYAOUI fait valoir qu'il est père d'un enfant français, il ne justifie pas suffisamment, par les pièces produites, qu'il contribue effectivement à l'éducation et à l'entretien de son fils né le 22 novembre 2010 ; que, s'il ressort des pièces du dossier qu'il a, au cours des trois mois précédant la décision attaquée, versé à la mère de son enfant deux mandats d'une valeur respectivement de 60 et 100 euros, cette circonstance ne permet pas de considérer que le requérant, qui ne justifie d'aucun emploi ni de ressources suffisantes et stables, subvienne effectivement aux besoins de son fils ; qu'il n'établit pas avoir conservé des liens avec celui-ci ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an (...) " ; qu'aux termes de l'article 372 du code civil : " Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. / Toutefois, lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale (...) " ;

Considérant qu'un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que M. YAHYAOUI est père d'un enfant français mineur résidant en France né le 22 novembre 2010 qu'il a reconnu le 5 octobre 2010 et sur lequel il exerce l'autorité parentale en application des dispositions précitées de l'article 372 du code civil ; que l'intéressé, qui peut, dès lors, bénéficier de plein droit d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " conformément aux stipulations susmentionnées de l'article 6-4) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure lui prescrivant une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. YAHYAOUI est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet du 17 février 2011 lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Maritime délivre à M. YAHYAOUI une carte de séjour valable un an portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. YAHYAOUI d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 26 mai 2011 du Tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. YAHYAOUI à fin d'annulation de l'arrêté, en date du 17 février 2011, du préfet de la Seine-Maritime lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Article 2 : L'arrêté du 17 février 2011 est annulé en tant que le préfet de la Seine-Maritime a fait obligation à M. YAHYAOUI de quitter le territoire français.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. YAHYAOUI un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. YAHYAOUI une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. YAHYAOUI est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Habib YAHYAOUI, au préfet de la Seine-Maritime et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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