Jurisprudence : CA Amiens, 17-11-2011, n° 10/04782, Infirmation

CA Amiens, 17-11-2011, n° 10/04782, Infirmation

A4470H3X

Référence

CA Amiens, 17-11-2011, n° 10/04782, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5643480-ca-amiens-17112011-n-1004782-infirmation
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Abstract

Le fait que le rapporteur chargé d'instruire la procédure disciplinaire à l'encontre d'un avocat dépose son rapport au-delà du délai de quatre mois suivant sa saisine, comme imposé par l'article 191 du décret du 24 mai 2005 (décret n° 2005-531 modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat et relatif à la discipline), ne vicie pas la procédure d'instruction dès lors que ce retard est imputable à la carence de l'avocat poursuivi qui a demandé le jour même de sa convocation un report de la réunion et ne s'est pas présenté au rendez-vous suivant.



ARRÊT N°
BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE COMPIÈGNE
C/
Z
MONSIEUR ... ... ...
Belf./KT
COUR D'APPEL D'AMIENS CHAMBRE SOLENNELLE ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2011
************************************************************* RG 10/04782
La Cour, composée ainsi qu'il est dit ci-dessous, statuant sur saisine formée par le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de COMPIÈGNE, après en avoir débattu et délibéré conformément à la Loi en audience publique, a rendu entre les parties en cause la présente décision le 17 Novembre 2011.

PARTIES EN CAUSE
APPELANT
LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE COMPIÈGNE, 'pris en la personne de Madame X X X BELLIER'
COMPIÈGNE
Concluant et plaidant par Maître ..., substituant Maître Pascal POUILLOT, Avocat au Barreau d'AMIENS.
ET
INTIMÉS
Maître Thierry Z
CLAIROIX
Comparant en personne.
1

EN PRÉSENCE DE
MONSIEUR ... ... ... près la Cour d'Appel d'AMIENS, représenté par Monsieur l'Avocat Général ...

COMPOSITION DE LA COUR La Cour, lors des débats et du délibéré
Président Elisabeth BELFORT, Président de Chambre, faisant fonctions de Premier Président,
Assesseurs Mme PONS, Mme PIET, Mme DUBAELE, Mme LORPHELIN, Conseillers,
La Cour, lors du prononcé
Président Elisabeth BELFORT, Président de Chambre, faisant fonctions de Premier Président,
Assesseurs Mme ..., Mme ..., Mme ..., Mme ...,
Conseillers,
Monsieur Philippe DROUVIN, Greffier, désigné conformément aux dispositions de l'article 812-6 du Code de l'Organisation Judiciaire en remplacement du Greffier en Chef empêché, a assisté la Cour lors des débats, Madame Agnès PILVOIX, Greffier, lors du prononcé.
*
* *

Maître Z est inscrit à l'ordre des avocats du Barreau de Compiègne depuis 1992.

Par acte du 18 février 2010, Mme le ... de l'ordre des avocats de Compiègne a saisi le Conseil Régional de discipline de Picardie de manquement graves et répétés de Maître Z aux obligations de sa profession.
Une copie de cette saisine a été notifiée à Maître Z par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 25 février 2010 ainsi qu'au Parquet Général près la cour d'appel d'Amiens.
Le conseil de l'ordre de Compiègne dans sa séance du 1er mars 2010 a désigné Maître Grégory ... en qualité de rapporteur à l'effet d'instruire les faits reprochés à Maître Z.
Le 15 juillet 2010, Maître ... a déposé son rapport.
Le Conseil régional de discipline ne s'étant pas prononcé dans le délai de 8 mois de sa saisine, Mme ... ... ... ... ... ... a saisi le 4 novembre 2010, en application de l'article 195 du Décret du 27 novembre 1991, la Cour d'Appel aux fins de voir infirmer la décision réputée rejetée de cette instance. Copie de cette saisine étant adressée le même jour au Parquet Général.

Par conclusions du 18 mars 2011, M. ... ... ... a conclu à la radiation de Maître Z du tableau des avocats.
Convoqué à l'audience du 24 mars 2011, Maître Z a sollicité un renvoi en joignant un certificat médical.
2

L'affaire a été renvoyée à l'audience du 9 juin 2011 puis à celle du 23 juin 2011, Maître Z ayant été convoqué par lettre recommandée signée le 9 juin 2011 pour cette dernière audience.
Lors de l'audience du 23 juin 2011
- Mme ... ... a développé les différents griefs formulés à l'encontre de Maître Z et a demandé à la Cour, au visa des dispositions de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, du Décret 91-1197 du 27 novembre 1991, de l'article 3 du décret 2005-790 du 12 juillet 2005 ainsi que des dispositions du règlement intérieur national du Conseil national des Barreaux d'entrer en voie de sanction à l'encontre de Maître Thierry Z
- M. Le Procureur ... a requis la radiation de Maître Z du tableau des avocats
- Maître Z a d'abord sollicité un nouveau renvoi au motif qu'il n'avait pas été destinataire des pièces du dossier et notamment du rapport de Maître ... ni des observations de Mme ... ... dans un délai suffisant pour préparer sa défense.
Après s'être retiré en chambre du conseil pour délibérer, la Cour a rejeté cette nouvelle demande de renvoi, considérant que Maître Z avait eu connaissance du rapport de Maître ... par l'envoi fait par celui-ci le 17 février 2010 ainsi que des observations de Mme ... ... qui lui ont été adressées par courrier AR du 15 juin 2011. Maître Z avait ainsi pu préparer utilement sa défense, le greffe l'ayant informé de la saisine de la cour par courrier du 10 décembre 2010.
Maître Z a alors opposé des moyens d'irrecevabilité le dépôt hors délai du rapport de Maître ..., l'absence d'accusé de réception démontrant la saisine de la Cour dans le mois et les convocations de Mme ... ... comme partie et du Procureur Général comme intimé.
Sur le fond et pour l'essentiel, Maître Z a reconnu que depuis son divorce en 2005, il avait rencontré des difficultés dans son exercice professionnel liés notamment à ses absences pour maladie ainsi qu'à sa connaissance imparfaite des procédures judiciaires. Étant antérieurement conseil juridique, il s'était appuyé après son intégration dans la profession d'avocat en 1992 sur son épouse pour le traitement de ces procédures, ce qui était devenu impossible après leur séparation. Maître Z envisageait de quitter la profession d'avocat à l'automne 2011 après une reconversion professionnelle qui était en cours. Il sollicitait dès lors des délais pour terminer ses dossiers avant son départ.

SUR CE,
* Sur les moyens d'irrecevabilité
- sur le dépôt du rapport de Maître ...
Il ressort du rapport rédigé par Maître ... qu'il n'a pas déposé son rapport dans les quatre mois de sa saisine soit avant le 1er juillet 2010 comme imposé par l'article 191 du Décret n° 2005-531 du 24 mai 2005 en raison de la carence de Maître Z ; en effet convoqué pour le 7 juin 2010, Maître Z a demandé le jour même un report de la réunion puis ne s'est pas présenté à la nouvelle date convenue le 1er juillet suivant.
Dès lors que le non-respect du délai prévu à l'article 191 précité est imputable à Maître Z, la Cour considère que le retard de 15 jours du dépôt du rapport ne vicie pas la procédure d'instruction étant d'ailleurs remarqué que Maître Z n'en sollicite pas la nullité.
- sur l'absence d'accusé de réception de la saisine de la cour
3
Dès lors qu'est versée au dossier l'enveloppe contenant la saisine de la Cour par Mme le ... de l'ordre des avocats de Compiègne, portant une étiquette avec les mentions 'recommandé avec avis de réception n° de l'envoi 1A 041 783 1062 6', la Cour considère que le formalisme de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 a été respecté ainsi que le délai qui est prévu par cette disposition puisque le recours a été enregistré au greffe de la cour le 8 novembre 2010 soit dans le mois de la décision réputée rejetée de la commission régionale de discipline de Picardie du 18 octobre 2010.
- sur la convocation de Mme ... ... et M. Le Procureur ...
Si effectivement c'est par erreur que Mme le ... de l'ordre des avocats de Compiègne a été convoquée comme partie demanderesse et M. ... ... général comme défendeur au recours, ces erreurs purement matérielles ne sont pas de nature à entacher la procédure devant la Cour de nullité, cette qualification erronée n'emportant aucun grief.
* Sur les faits reprochés à Maître Z Il ressort des pièces produites que
- Maître Z a déjà fait l'objet d'une sanction disciplinaire de cette Cour par un arrêt du 17 décembre 2007 qui l'a condamné à 6 mois de suspension d'activité en raison d'une condamnation pénale intervenue le 12 avril 2005 pour outrage à agent de la force publique et propos outrageants à l'encontre de Mme ... ... ... ... ;
- Maître Z a été condamné le 24 février 2009 par le Tribunal Correctionnel de Compiègne par jugement définitif, à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à la publication par extrait de cette décision et à l'affichage de celle-ci sur la porte extérieure de ses locaux professionnels pour avoir omis de payer ses impôts en 2002 et 2003 et d'avoir omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits. Maître Z a de nouveau commis les mêmes infractions pour les années ultérieures ainsi que cela résulte d'une lettre du Trésor Public du 8 juillet 2009 ;
- à la demande de l'URSSAF, Maître Z a été placé le 9 mars 2007 en redressement judiciaire, cette procédure étant toujours en cours ;
- en 2008 et 2009, Maître Z n'était pas à jour des cotisations sociales à la Caisse Nationale des Barreaux Français ainsi que des cotisations de l'Ordre auquel il appartient. Maître Z a indiqué lors de l'audience que cette situation était apurée à ce jour ce qui est démontré par la lettre du CNBF du 8 février 2010 ;
- le Tribunal de Police de Compiègne a condamné Maître Z le 4 avril 2008 à 1000 euros d'amende pour des faits de violence sur sa secrétaire. A la suite de ces faits, Maître Z a été condamné à payer à son ancienne employée des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et préjudice moral par le Conseil de Prud'hommes de Soissons le 21 octobre 2009, dommages et intérêts qui ont été réglés d'après Maître Z le 20 janvier 2011 mais après de nombreuses difficultés d'exécution ainsi que cela ressort des échanges de courriers produits aux débats ;
- Maître Z n'a pas répondu aux lettres de Mme ... ... l'interrogeant suite à trois plaintes de clients (la société SOGINORPA se plaignant le 3 août 2008 de propos injurieux, l'ABEJ se plaignant du refus de Maître Z de faire connaître de 2007 à 2010 au confrère lui succédant l'état du dossier, Mme ... se plaignant du refus de restitution de son dossier en 2008 et 2009) ;
- Maître Z n'a pas justifié avoir rempli chaque année son obligation de formation. Il a indiqué lors de l'audience avoir suivi une formation Francis ... en 2007 puis une journée de formation en 2011, la maladie l'ayant empêché de suivre une formation en 2010.
4

- sur la qualification de ces faits
L'article 3 du décret 2005-790 du 12 juillet 2005 dispose que l'avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. Il respecte en outre, dans cet exercice les principes d'honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie. Il fait preuve à l'égard de ses clients de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence.
La Cour considère que
* les soustractions volontaires à l'impôt commises par Maître Z constituent des faits contraires au principe de la probité et de la dignité
* le non-paiement sur plusieurs années des cotisations sociales au CNBF ainsi que des cotisations à l'ordre des avocats auquel il appartient constitue une violation réitérée par Maître Z de son devoir de solidarité et de courtoisie envers ses confrères
* les faits de violence commis sur sa secrétaire sont une violation manifeste commise par Maître Z à l'honneur, à l'humanité, à la dignité, à la délicatesse et à la courtoisie
* le défaut de réponse pendant plusieurs années aux demandes d'explication de Mme ... ... sur les plaintes de trois clients constituent également des violations à ces principes
* enfin le défaut de respect des obligations professionnelles de formation constitue une infraction aux règles professionnelles ainsi qu'une violation aux règles de compétence.
* Sur la sanction
L'article 183 du décret du 27 novembre 1991 tel qu'issu du décret n°2005-531 du 24 mai 2005 dispose que toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout manquement à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse, même se rapportant à des faits extra-professionnels expose l'avocat qui en est l'auteur aux sanctions disciplinaires énumérées à l'article 184.
Compte-tenu de la gravité des fautes disciplinaires commises, de leur répétition depuis 2003 et de l'existence d'une condamnation à sanction disciplinaire en 2007 démontrant que Maître Z n'a pas pris alors la mesure de la gravité des faits qui lui étaient reprochés, ce qu'il admet implicitement puisqu'il forme aujourd'hui le projet de quitter la profession d'avocat, la Cour prononce la peine de radiation de Maître Z du tableau des avocats.
* Sur les dépens
Maître Z est condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant après débats publics, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort et mis à disposition du public au greffe,
Déclare recevable le recours formé par Mme le ... de l'Ordre des Avocats de Compiègne, Infirme la décision implicite de rejet du 18 octobre 2010 du Conseil Régional de Discipline de 5

Picardie,
Statuant à nouveau,
Prononce la radiation du tableau des avocats de Maître Thierry Z,
Condamne Maître Thierry Z aux dépens.
Mme ... Mme BELFORT
Greffier, Président de Chambre,
6

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