CIV. 2 SÉCURITÉ SOCIALE LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 1er décembre 2011
Rejet
M. LORIFERNE, président
Arrêt no 1889 F-P+B
Pourvoi no E 10-23.274
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. Z.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 juin 2010.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Rabah Z, domicilié Tlemcen (Algérie),
contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2009 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant
1o/ à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bourgogne et Franche-Comté, anciennement dénommée la caisse régionale d'assurance maladie de Bourgogne-Franche-Comté, dont le siège est Dijon cedex,
2o/ au ministre chargé de la sécurité sociale, venant aux droits de la DRASS de Dijon, dont le siège est Paris 07 SP,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 novembre 2011, où étaient présents M. Loriferne, président, M. Barthélemy, conseiller rapporteur, M. Héderer, conseiller, Mme Gazel, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Barthélemy, conseiller, les observations de la SCP Roger et Sevaux, avocat de M. Z, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bourgogne et Franche-Comté, l'avis de Mme de Beaupuis, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, qui est recevable
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 24 septembre 2009), que M. Z, ressortissant algérien résidant en Algérie, a demandé à la caisse régionale d'assurance maladie, devenue la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bourgogne et Franche-Comté (la caisse), la validation gratuite d'une période d'activité salariée qu'il aurait accomplie en Algérie entre le 1er avril 1950 et le 31 décembre 1953 ; que la caisse ayant rejeté sa demande, motif pris qu'il ne remplissait pas en tant qu'Algérien vivant en Algérie les conditions de la validation gratuite prévue par la loi no 64-1330 du 26 décembre 1964, M. Z a saisi une juridiction de sécurité sociale en invoquant une discrimination à raison de sa nationalité et de sa résidence ;
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt de le débouter de son recours, alors, selon le moyen, qu'en refusant, en considération de la nationalité algérienne de M. Z et de ce que celui-ci résidait sur le territoire algérien de le faire bénéficier de la validation, par les organismes de sécurité sociale français, des périodes de travail accomplies avant le 1er juillet 1962 sur le territoire du département français d'Algérie, la cour d'appel a méconnu les articles 65 §1 et 68 §1 de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres d'une part et la République algérienne démocratique et populaire d'autre part, ensemble l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du Protocole no 1 additionnel à ladite Convention ;
Mais attendu que les circonstances exceptionnelles dont fait état le protocole no 3 annexé à la convention franco-algérienne du 19 janvier 1965, protocole maintenu en vigueur par l'article 70 de la Convention franco-algérienne du 1er octobre 1980, et non remis en cause par l'accord euro-méditerranée ratifié par la loi du 2 décembre 2003, ont conduit les autorités françaises à imposer aux organismes français chargés du risque vieillesse des mesures législatives de validation gratuite par assimilation de situation, pour les activités professionnelles exercées dans les départements français d'Algérie et du Sahara avant le 1er juillet 1962 ; que ces mesures de validation gratuite par assimilation ne peuvent concerner que les personnes qui ont perdu, en raison de ces circonstances exceptionnelles, les droits qu'elles pensaient avoir acquis auprès des caisses de ces départements grâce aux cotisations qu'elles avaient versées ;
Et attendu qu'il ne ressort nullement de l'arrêt et des pièces de la procédure que M. Z, présumé aux termes des accords précités être pris en charge pour cette période à raison de sa résidence et de sa nationalité par l'institution algérienne chargée des retraites, se serait vu refuser, motif pris des circonstances exceptionnelles liées à l'indépendance de l'Algérie, la prise en compte par l'institution algérienne des cotisations qu'il aurait versées au régime général des travailleurs salariés des départements français d'Algérie et du Sahara avant le 1er juillet 1962 ;
Que dès lors, la cour d'appel en refusant la validation gratuite ne s'est pas déterminée à l'égard de M. Z par des motifs qui constitueraient à son encontre une discrimination du fait de sa nationalité ou de sa résidence ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bourgogne et Franche-Comté et de M. Z ;
Vu l' article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Roger et Sevaux ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour M. Z
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Z de sa demande de validation des périodes de salariat effectuées en Algérie du 1er avril 1950 au 31 décembre 1953 ;
Aux motifs propres que la convention générale signée le 1er octobre 1980 entre les gouvernements français et algérien sur la sécurité sociale met à la charge des institutions des pays d'emploi les droits acquis, en cours d'acquisition ou éventuels à des prestations de vieillesse, du fait des périodes d'assurance ou assimilées accomplies dans ce pays ; que par suite, il appartient à Monsieur Z de s'adresser à la Caisse de sécurité sociale algérienne pour la liquidation des droits à pension qu'il a pu acquérir pour des périodes de salariat en Algérie ; qu'il n'a pas dérogé à la règle selon laquelle chaque pays doit prendre en charge les périodes de salariat accomplies sur son territoire par le protocole no 3 du 19 janvier 1965 applicable seulement aux ressortissants français résidant en France ; que le protocole no 3 n'est pas applicable à Monsieur Z de nationalité algérienne ; qu'en effet les ressortissants algériens demeurent soumis, même pour les périodes accomplies avant le 1er juillet 1962, aux règles de prise en charge prévues par les conventions sans que puisse y faire échec le principe d'égalité de traitement affirmé par ces mêmes conventions ;
Et aux motifs repris des premiers juges qu'il n'est pas possible de faire prévaloir des dispositions générales d'un texte, à savoir celles de l'article 1er de la convention franco-algérienne du 1er octobre 1980, sur les dispositions particulières et dérogatoires contenues dans ce même texte, soit le protocole no 3 du 19 janvier 1965 expressément maintenu en vigueur par cette convention ; que dès lors, les ressortissants algériens qui ont travaillé en Algérie avant son indépendance ne peuvent être assimilés aux travailleurs français ;
Alors qu'en refusant, en considération de la nationalité algérienne de Monsieur Z et de ce que celui-ci résidait sur le territoire algérien de le faire bénéficier de la validation, par les organismes de sécurité sociale français des périodes de travail accomplies avant le 1er juillet 1962 sur le territoire du département français d'Algérie, la Cour d'appel a méconnu les articles 65 §1 et 68 §1 de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres d'une part et la République algérienne démocratique et populaire d'autre part, ensemble l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du protocole no 1 additionnel à ladite Convention ;