Jurisprudence : CE 2/7 SSR., 30-11-2011, n° 350788, publié au recueil Lebon



CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


N°s 350788, 350792


SOCIETE DPM PROTECTION


CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON


M. Frédéric Dieu, Rapporteur

M. Nicolas Boulouis, Rapporteur public


Séance du 21 novembre 2011


Lecture du 30 novembre 2011


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux


Vu, 1° sous le numéro 350788, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juillet et 26 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société DPM PROTECTION, dont le siège est 78 rue Rouget-de-L'Isle à Cayenne (97300), représentée par son gérant en exercice ; la société demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100672 du 25 mai 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne, statuant en application des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Cyno Garde, annulé le contrat qu'elle a passé avec le centre hospitalier de Cayenne Andrée-Rosemon, ayant pour objet des prestations de gardiennage du site de la Madeleine, ainsi que le contrat passé entre le même centre hospitalier et la société Mc Guard, ayant pour objet des prestations de gardiennage des centres de santé de Maripasoula et de Saint-Georges de L'Oyapock ;


2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Cyno Garde ;


3°) de mettre à la charge de la société Cyno Garde le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu, 2° sous le numéro 350792, le pourvoi, enregistré le 11 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON, dont le siège est 3 rue des Flamboyants BP 6006 à Cayenne (97306) ; le centre hospitalier demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler la même ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cayenne ;


2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par la société Cyno Garde ;


3°) de mettre à la charge de la société Cyno Garde le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces des dossiers ;


Vu la directive 89/665/CEE du 21 décembre 1989, modifiée par la directive 2007/66/CE du 11 décembre 2007 ;


Vu le code des marchés publics ;


Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Frédéric Dieu, Maître des Requêtes,


- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société DPM PROTECTION et de Me Carbonnier, avocat de la société Cyno Garde,


- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;


La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société DPM PROTECTION et à Me Carbonnier, avocat de la société Cyno Garde ;


Considérant que les pourvois de la société DPM PROTECTION et du CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON sont dirigés contre la même ordonnance ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section " ; qu'aux termes de l'article L. 551-14 de ce code : " Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Toutefois, le recours régi par la présente section n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article L. 551-1 ou à l'article L. 551-5 dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours " ; qu'aux termes de l'article L. 551-18 du même code : " Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. / La même annulation est prononcée lorsque ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. / Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat. " ; qu'aux termes de l'article L. 551-19 : " Toutefois, dans les cas prévus à l'article L. 551-18, le juge peut sanctionner le manquement soit par la résiliation du contrat, soit par la réduction de sa durée, soit par une pénalité financière imposée au pouvoir adjudicateur ou à l'entité adjudicatrice, si le prononcé de la nullité du contrat se heurte à une raison impérieuse d'intérêt général. / Cette raison ne peut être constituée par la prise en compte d'un intérêt économique que si la nullité du contrat entraîne des conséquences disproportionnées et que l'intérêt économique atteint n'est pas directement lié au contrat, ou si le contrat porte sur une délégation de service public. " ; qu'enfin, selon l'article L. 551-20 : " Dans le cas où le contrat a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière. " ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 13 janvier 2011, le CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché comportant quatre lots et ayant pour objet des prestations de gardiennage, de surveillance et de télésurveillance du centre hospitalier et de ses annexes ; que la société Cyno Garde a présenté une offre pour le lot n° 1 (gardiennage du site des locaux de la Madeleine) ainsi que pour les lots n° 3 (gardiennage du centre de santé de Maripalousa) et n° 4 (gardiennage du centre de santé de Saint-Georges) ; que, par deux courriers datés des 11 avril et 20 avril 2011, le centre hospitalier lui a notifié le rejet de ses offres ainsi que l'attribution du lot n° 1 à la société DPM PROTECTION et des lots nos 3 et 4 à la société Mc Guard ; que, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, la société Cyno Garde a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne, le 30 avril 2011, d'une demande d'annulation de la procédure de passation du contrat ; que, le centre hospitalier ayant fait état, dans son mémoire en défense enregistré le 6 mai 2011 au greffe du tribunal, de la signature, le 22 avril 2011, des trois contrats relatifs aux lots nos 1, 3 et 4, la société Cyno Garde a alors demandé à ce juge l'annulation de ces contrats, sur le fondement des dispositions des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administrative relatives au référé contractuel ; qu'après avoir, par une ordonnance du 13 mai 2011, rejeté les conclusions de la société Cyno Garde fondées sur l'article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne a, par l'ordonnance attaquée du 25 mai 2011, annulé les contrats sur le fondement des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administrative ;


Considérant que, pour prononcer l'annulation des marchés litigieux, le juge des référés a retenu, d'une part, que le lot n° 1 avait été attribué à la société DPM PROTECTION en raison d'une " proposition technique innovante " qui ne figurait pas parmi les critères d'attribution et, d'autre part, que le nombre de points attribués à la société Mc Guard pour les lots nos 3 et 4 était inférieur à celui attribué à la société Cyno Garde sans qu'aucune explication n'eût été fournie sur ce point ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme le lui imposaient les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 551-18 du code de justice administrative sur lesquelles il s'est fondé, si, à les supposer établis, les manquements du centre hospitalier à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, qu'il relevait, avaient affecté les chances de la société Cyno Garde d'obtenir les contrats, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, le CENTRE HOSPITALIER ANDREE ROSEMON et la société DPM PROTECTION sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;


Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Cyno Garde ;


Sur la recevabilité des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative :


Considérant qu'aux termes du 1° du I de l'article 80 du code des marchés publics: " Pour les marchés et accords-cadres passés selon une procédure formalisée (.), le pouvoir adjudicateur, dès qu'il a fait son choix pour une candidature ou une offre, notifie à tous les autres candidats le rejet de leur candidature ou de leur offre, en leur indiquant les motifs de ce rejet. / Cette notification précise le nom de l'attributaire et les motifs qui ont conduit au choix de son offre aux candidats ayant soumis une offre et à ceux n'ayant pas encore eu communication du rejet de leur candidature. / Un délai d'au moins seize jours est respecté entre la date d'envoi de la notification prévue aux alinéas précédents et la date de conclusion du marché. Ce délai est réduit à au moins onze jours en cas de transmission électronique de la notification à l'ensemble des candidats intéressés. / La notification de l'attribution du marché ou de l'accord-cadre comporte l'indication de la durée du délai de suspension que le pouvoir adjudicateur s'impose, eu égard notamment au mode de transmission retenu. " ;


Considérant que les dispositions de l'article L. 551-14 du code de justice administrative, qui prévoient que le recours contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel dès lors que le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours, n'ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel alors qu'il était dans l'ignorance du rejet de son offre et de la signature du marché, par suite d'un manquement du pouvoir adjudicateur au respect des dispositions de l'article 80 du code des marchés publics qui prévoient l'obligation de notifier aux candidats le rejet de leurs offres et fixe un délai minimum de seize jours, réduit à onze jours dans le cas d'une transmission électronique, entre la date d'envoi de cette notification et la conclusion du marché ; que les dispositions de l'article


L. 551-14 du code de justice administrative ne sauraient non plus avoir pour effet de rendre irrecevable le recours contractuel du concurrent évincé ayant antérieurement présenté un recours précontractuel qui, bien qu'informé du rejet de son offre par le pouvoir adjudicateur, ne l'a pas été, contrairement à ce qu'exige le dernier alinéa du 1° du I de l'article 80 du code des marchés publics, du délai de suspension que ce dernier s'imposait entre la date d'envoi de la notification du rejet de l'offre et la conclusion du marché ;


Considérant qu'il résulte de l'instruction que le courrier du 20 avril 2011, par lequel le centre hospitalier a informé la société Cyno Garde de l'attribution du lot n° 1 à la société DPM PROTECTION et des lots nos 3 et 4 à la société Mc Guard, n'a pas mentionné le délai de suspension que le centre hospitalier s'imposait avant la conclusion du marché ; qu'ainsi, les dispositions de l'article L. 551-14 ne sauraient faire obstacle à ce que la société Cyno Garde forme un référé contractuel ; que, par suite, à défaut pour elle d'avoir été informée de ce délai lors de la notification du rejet de son offre, la société Cyno Garde, qui était de ce fait dans l'ignorance de la signature des marchés lorsqu'elle a présenté un référé précontractuel, est recevable à former un référé contractuel, sur le fondement de l'article L. 551-13 de ce code, après avoir été informée, par le mémoire en défense du centre hospitalier dans le cadre de l'instance en référé précontractuel, que les contrats avaient étés signés pour les lots litigieux le 22 avril 2011 ; que la société a valablement saisi le juge des référés sur le fondement de l'article L. 551-13 par un mémoire qui ne contenait que des conclusions fondées sur cet article, sans que les dispositions du chapitre 1er du titre V du livre V du code de justice administrative, selon lesquelles les demandes formées devant le juge des référés sur le fondement de l'article L. 555-1 sont présentées et jugées selon des règles distinctes de celles applicables aux demandes présentées sur le fondement de l'article L. 551-13, y fassent obstacle ; que, dès lors, la demande présentée par la société Cyno Garde est recevable ;


Sur les conclusions tendant à l'annulation du contrat relatif au lot n° 1 :


Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, la notification à la société Cyno Garde du rejet de son offre ne mentionnait pas le délai de suspension que le centre hospitalier s'imposait avant la conclusion du contrat relatif au lot n° 1, faisant obstacle à ce qu'un tel délai puisse courir à son encontre ; qu'ainsi, la signature du contrat le 22 avril 2011 est intervenue avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre, au sens des articles

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