Jurisprudence : CE 2/7 SSR., 27-10-2011, n° 350790, mentionné aux tables du recueil Lebon



CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


350790


SOCIETE TAT


Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Rapporteur

M. Nicolas Boulouis, Rapporteur public


Séance du 10 octobre 2011


Lecture du 27 octobre 2011


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux


Vu le pourvoi enregistré le 11 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la SOCIETE TAT, dont le siège est Aéroport de Magenta, BP 14383 Magenta à Nouméa (98800), représentée par son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; la SOCIETE TAT demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler l'ordonnance n° 11136 du 24 mai 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté comme étant manifestement irrecevable sa requête tendant, d'une part, avant dire droit, à suspendre, en application de l'article R. 551-17 du code de justice administrative, l'exécution du contrat conclu par le centre hospitalier territorial de Nouméa avec la société Air Loyauté, d'autre part, à annuler ou résilier ce contrat et à appliquer au centre hospitalier territorial de Nouméa une pénalité à hauteur de 20% du marché litigieux ;


2°) statuant en référé, de faire droit à ses conclusions devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;


3°) de mettre à la charge du centre hospitalier territorial de Nouméa le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la Constitution, notamment ses articles 38 et 61-1 ;


Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée ;


Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée notamment par la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 ;


Vu l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ;


Vu la délibération du congrès n° 136/CP du 1er mars 1967 modifiée portant réglementation des marchés publics en Nouvelle-Calédonie ;


Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Maître des Requêtes,


- les observations de la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la SOCIETE TAT, de la SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat de la société Air Loyauté et de la SCP Odent, Poulet, avocat du centre hospitalier territorial de Nouméa,


- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;


La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la SOCIETE TAT, à la SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat de la société Air Loyauté et à la SCP Odent, Poulet, avocat du centre hospitalier territorial de Nouméa ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie que le centre hospitalier territorial de Nouméa, après mise en œuvre d'une procédure d'appel d'offres, a conclu le 21 mars 2011, avec la société Air Loyauté, un marché de prestations de services de transports sanitaires par avion ; que par ordonnance du 24 mai 2011, le juge des référés a rejeté pour irrecevabilité la demande de la SOCIETE TAT tendant, avant dire droit, à la suspension de l'exécution du contrat et, à titre principal, à son annulation en application des dispositions des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative ; que la société se pourvoit contre cette ordonnance ;


Sur la question prioritaire de constitutionnalité :


Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (.) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;


Considérant que l'article L. 551-13 du code de justice administrative est issu de l'ordonnance du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique ; que cette ordonnance n'a pas été ratifiée dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 551-13 du code de justice administrative applicables au présent litige ont un caractère réglementaire et ne sont pas au nombre des dispositions législatives visées par l'article 61-1 de la Constitution et l'article


23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; qu'elles ne sont, en conséquence, pas susceptibles de faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité ;


Sur le pourvoi :


Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 6-2 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, issu de l'article 18 de la loi organique du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte, sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie les dispositions législatives et réglementaires relatives à la procédure administrative contentieuse, sans préjudice des dispositions les adaptant à son organisation particulière ; qu'ainsi, ont été rendues applicables en cette collectivité l'ensemble des règles régissant la procédure administrative contentieuse dont, en l'absence de dispositions d'adaptation à la Nouvelle-Calédonie, les articles L. 551-13 à


L. 551-23 du code de justice administrative relatifs au référé contractuel ; que, par suite, en écartant l'applicabilité du référé contractuel en Nouvelle-Calédonie au seul motif que l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 6-2 de la loi organique du 19 mars 1999 introduit dans la loi organique du 3 août 2009 par son article 18, ne pouvait avoir pour effet de rendre applicables les dispositions introduites antérieurement dans le code de justice administrative, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son ordonnance doit être annulée ;


Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la SOCIETE TAT sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section " ; qu'aux termes de l'article L. 551-15 de ce code : " Le recours régi par la présente section ne peut être exercé ni à l'égard des contrats dont la passation n'est pas soumise à une obligation de publicité préalable lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, ni à l'égard des contrats soumis à publicité préalable auxquels ne s'applique pas l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a accompli la même formalité (.) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-18 du même code : " Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. / La même annulation est prononcée lorsqu'ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. / Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat. " ; qu'aux termes de l'article L. 551-20 : " Dans le cas où le contrat a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière. " ;


Considérant qu'il résulte de l'instruction, en premier lieu, que le marché litigieux de prestations de services de transports sanitaires par avion a été conclu le 21 mars 2011 avec la société Air Loyauté, sur le fondement des règles applicables en cette collectivité à la passation des marchés publics, fixées par la délibération du congrès n° 136 du 1er mars 1967 modifiée portant réglementation des marchés publics en Nouvelle-Calédonie ; que le marché a fait l'objet de la procédure d'appel d'offres prévue aux articles 24 et suivants de cette délibération, laquelle ne prévoit pas de délai entre la date à laquelle le rejet de leur offre est communiqué aux candidats non retenus et la date de signature du marché ; que le marché litigieux a été soumis aux mesures de publicité légalement requises en Nouvelle-Calédonie ; qu'en second lieu, la requérante ne peut invoquer la violation du délai entre la notification de la décision d'attribution du marché et sa signature, prescrit par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 modifiant les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l'amélioration de l'efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics, laquelle n'est pas applicable en


Nouvelle-Calédonie ; qu'enfin, si l'article L. 551-15 du code de justice administrative s'applique en ce territoire, la société requérante ne peut invoquer utilement la méconnaissance du délai prévu à cet article , lequel est au bénéfice du pouvoir adjudicateur lorsqu'il entend fermer la voie du référé contractuel en rendant publique son intention de conclure le marché ; que par suite, les conditions posées à l'intervention du juge du référé contractuel, par les articles L. 551-18 et


L. 551-20 du code de justice administrative, ne sont pas réunies ;


Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par la SOCIETE TAT devant le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie doit être rejetée ;


Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SOCIETE TAT la somme de 3 000 euros chacun au titre des frais exposés par le centre hospitalier territorial de Nouméa et la société Air Loyauté pour l'ensemble de la procédure et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par la SOCIETE TAT soit mise à la charge du centre hospitalier territorial de Nouméa qui n'est pas la partie perdante en la présente instance ;


D E C I D E :


Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SOCIETE TAT.


Article 2 : L'ordonnance du 24 mai 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulée.


Article 3 : La demande présentée par la SOCIETE TAT devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 4 : La SOCIETE TAT versera la somme de 3 000 euros chacun au centre hospitalier territorial de Nouméa et à la société Air Loyauté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE TAT, au centre hospitalier territorial de Nouméa et à la société Air Loyauté.


Délibéré dans la séance du 10 octobre 2011 où siégeaient : M. Christian Vigouroux, Président adjoint de la Section du Contentieux, Président ; M. Edmond Honorat, M. Rémy Schwartz, Présidents de sous-section ; Mme Dominique Laurent, M. Olivier Rousselle, M. Denis Prieur, M. Gilles Bardou, M. Jacques-Henri Stahl, Conseillers d'Etat et Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Maître des Requêtes-rapporteur.

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