SOC. PRUD'HOMMES FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 25 octobre 2011
Rejet
M. BAILLY, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président
Arrêt no 2086 F-D
Pourvoi no M 10-18.542
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société Château blanc, société par actions simplifiée, dont le siège est Marcq-en-Baroeul,
contre l'arrêt rendu le 31 mars 2010 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant
1o/ à Mme Christine Y, épouse Y, domiciliée Vecqueville,
2o/ à Pôle emploi de Saint-Dizier, dont le siège est Saint-Dizier,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 septembre 2011, où étaient présents M. Bailly, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Terrier-Mareuil, conseiller rapporteur, M. Chauvet, conseiller, M. Legoux, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Terrier-Mareuil, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Château blanc, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme ..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mars 2010), que Mme Y, engagée le 14 novembre 1988 par la société Château blanc exerçant l'activité de fabrication de pains et pâtisseries fraîches où elle était en dernier lieu employée en qualité de contrôleur qualité produits, a été licenciée pour faute grave le 23 juin 2008 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et de la condamner à verser à Mme Y diverses sommes, alors, selon le moyen
1o/ que constitue une faute grave le comportement du salarié qui, ayant pour tâche de retirer de la chaîne de production des produits en vue de les tester puis de les vendre à des tarifs préférentiels aux autres salariés de l'entreprise, s'approprie une partie desdits produits pour une valeur marchande de 97 euros, en totale contradiction avec les règles en vigueur dans l'entreprise, le caractère systématique de ce comportement résultant du fait que la salariée invoquait, à tort, l'existence d'un prétendu usage en ce sens dans l'entreprise ; qu'en jugeant néanmoins que le licenciement de Mme ... ne reposait ni sur une faute grave ni même sur une cause réelle et sérieuse cependant qu'elle constatait que ces faits étaient établis, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
2o/ qu'en s'abstenant de rechercher si la salariée apportait la preuve de l'usage dont elle invoquait l'existence cependant que dans le cas contraire, cette allégation de la salariée elle-même établissait le caractère systématique de son comportement de sorte que la faute grave devait être retenue, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche prétendument omise et qui a constaté que le vol commis au préjudice de l'employeur portait sur des marchandises périssables de faible valeur destinées à la destruction, a pu décider, tenant compte de l'ancienneté de la salariée et de l'absence de tout manquement antérieur, que ces faits ne justifiaient pas la rupture immédiate du contrat de travail et ne constituaient pas une faute lourde; qu'exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article 1351-1 du code du travail, elle a estimé qu'ils ne constituaient pas une cause sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Château blanc aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Château blanc à payer à Mme ... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Château blanc.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame ... ne reposait ni sur une faute grave ni même sur une cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société CHATEAU BLANC à payer à Madame ... diverses sommes à titre d'indemnités de mise à pied conservatoire injustifiée et de préavis, congés payés y afférents, indemnité conventionnelle de licenciement et dommages et intérêts pour licenciement injustifié, outre les frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE " la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou de la relation de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'il appartient à l'employeur et à lui seul d'en rapporter la preuve, étant rappelé que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, Mme Christine Y a été licenciée pour avoir sorti sans autorisation et sans les avoir payées des marchandises appartenant à la SAS CHATEAU BLANC ; que Mme Christine Y occupait le poste de contrôleur qualité au sein de l'usine de LA MADELEINE ; que son rôle consistait à retirer de la chaîne de production un certain nombre de produits pour s'assurer de leur conformité ; qu'une fois testées, les marchandises, qui ne pouvaient rejoindre le circuit classique de distribution, étaient proposées chaque midi au personnel à des prix compétitifs ; qu'il n'est pas contesté que les invendus étaient destinés à être jetés à la benne ; que Mme Christine Y n'ignorait bien évidemment pas cette procédure puisque cette vente faisait partie de ses attributions et qu'elle était en outre amenée à acheter elle-même des produits, tel que cela ressort des tableaux versés aux débats par la SAS CHATEAU BLANC ; que la SAS CHATEAU BLANC estime que la salariée a eu un comportement d'autant plus blâmable que les marchandises retrouvées sur elle à la fin de la journée du 10 juin 2008 avaient été mises de côté, sans être au préalable proposées à la vente ; or que force est de constater que l'employeur ne rapporte pas la preuve de cette allégation ; que le tableau figurant en pièce No20 du dossier de la SAS CHATEAU BLANC démontre que les invendus pouvaient atteindre un nombre important ; qu'ainsi pour la journée du 23 juin 2008, alors que Mme Christine Y se trouvait mise à pied et que la vente au personnel était nécessairement assurée par une autre personne, 277 pièces étaient destinées à la benne ; qu'il est donc tout à fait envisageable que les 2 kg de viennoiserie emportés par Mme Christine Y aient suivi le circuit normal de vente interne de l'entreprise et qu'ils n'aient pas trouvé preneurs ; que la question est donc de savoir si le fait pour une salariée de s'approprier sans paiement préalable et sans autorisation de son employeur des marchandises destinées à être jetées est susceptible de revêtir le qualificatif de faute grave et à tout le moins de cause réelle et sérieuse ; qu'il convient à cet égard de relever que Mme Christine Y, au moment de son licenciement, travaillait depuis 20 ans au sein de la SAS CHATEAU BLANC ; qu'après avoir débuté sa carrière dans un poste d'emballeuse, elle avait intégré au bout de neuf ans le service qualité pour occuper le poste de contrôleur ; que celle-ci, tout au long de sa vie professionnelle, n'a fait l'objet d'aucun avertissement et les formulaires d'entretien annuel produits aux débats témoignent de sa bonne connaissance des produits, de sa disponibilité et de sa rigueur ; que si la SAS CHATEAU BLANC tente de soutenir que Mme Christine Y avait fait l'objet d'un rappel à l'ordre verbal, cette allégation ne repose que sur un seul témoignage, celui de Mme Estelle ... qui omet de dater la prétendue remontrance ; que la situation de Mme Christine Y n'est donc en rien comparable avec celle de M. ... qui a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, pour avoir emporté un " coeur ... Valentin ", puisqu'une mise à pied disciplinaire avait, quelques années auparavant, été notifiée à l'intéressé pour avoir préparé un sachet de croissants destinés à sa consommation personnelle ; qu'il doit être ajouté que les marchandises emportées par Mme Christine Y représentaient un coût de production de 15 euros et un coût commerce d'environ 97 euros, sachant que lesdites marchandises n'étaient pas destinées à être commercialisées ; que dans ces conditions, la SAS CHATEAU BLANC, sur qui la charge de la preuve pèse, ne justifie pas de faits de nature à rendre impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise durant la durée du préavis ; que la faute grave ne peut donc être retenue ; qu'en outre le fait pour une salariée ayant consacré vingt années de sa vie professionnelle à une même société, sans que le moindre reproche ne lui ait été préalablement formulé, d'avoir voulu tirer un profit personnel de marchandises destinées à la benne, d'une valeur " coût de production " de 15 euros ne saurait constituer une cause sérieuse de licenciement ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments et sans qu'il soit besoin d'examiner la question de la régularité de la fouille ni celle de l'existence de l'usage revendiqué par la salariée, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré le licenciement fondé sur une faute grave et de dire au contraire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse " ;
ALORS QUE constitue une faute grave le comportement du salarié qui, ayant pour tâche de retirer de la chaîne de production des produits en vue de les tester puis de les vendre à des tarifs préférentiels aux autres salariés de l'entreprise, s'approprie une partie desdits produits pour une valeur marchande de 97 euros, en totale contradiction avec les règles en vigueur dans l'entreprise, le caractère systématique de ce comportement résultant du fait que la salariée invoquait, à tort, l'existence d'un prétendu usage en ce sens dans l'entreprise ; qu'en jugeant néanmoins que le licenciement de Madame ... ne reposait ni sur une faute grave ni même sur une cause réelle et sérieuse cependant qu'elle constatait que ces faits étaient établis, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du Code du travail ;
QU'en s'abstenant de rechercher si la salariée apportait la preuve de l'usage dont elle invoquait l'existence cependant que dans le cas contraire, cette allégation de la salariée elle-même établissait le caractère systématique de son comportement de sorte que la faute grave devait être retenue, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du Code du travail.