COMM. LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 18 octobre 2011
Rejet
Mme FAVRE, président
Arrêt no 996 F-P+B sur la première branche
Pourvoi no U 10-25.932
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Claude Z, domicilié Vannes,
contre l'arrêt rendu le 2 septembre 2010 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant
1o/ au comptable des impôts du pôle de recouvrement de Paris-Ouest, domicilié Paris cedex 15,
2o/ à l'administration fiscale représentée par le directeur général des finances publiques, domicilié Paris,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 septembre 2011, où étaient présents Mme Favre, président, Mme Brégeon, conseiller rapporteur, M. Petit, conseiller doyen, Mme Batut, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Brégeon, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de M. Z, de Me Foussard, avocat du comptable des impôts du pôle de recouvrement de Paris 15ème Ouest, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, l'avis de Mme Batut, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 septembre 2010), qu'en exécution du jugement correctionnel du 4 avril 2006 ayant déclaré M. Z solidairement tenu avec la société SDI Promotion au paiement des impôts fraudés ainsi qu'aux majorations et pénalités y afférentes, le comptable des impôts a délivré à celui-ci, le 10 novembre 2008, une mise en demeure valant commandement de payer une certaine somme ; que M. Z a saisi le juge de l'exécution afin d'obtenir l'annulation de cette mise en demeure ;
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen
1o/ que l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales énonce que "lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement" ; que ces dernières dispositions ne distinguent pas selon que la mise en jeu de la solidarité est de droit ou résulte d'une condamnation en justice ; que, par suite, en jugeant que le comptable public se trouverait exonéré de l'envoi au dirigeant condamné solidairement au paiement de la dette fiscale de la société, le jugement de condamnation suffisant à fonder son action en recouvrement, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
2o/ qu'aux termes de l'article L. 252 A "constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'aucune juridiction n'est habilitée à délivrer un titre de perception de l'impôt ; qu'ainsi, en jugeant le contraire la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
3o/ que l'article 2 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution énonce que "le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur" ; que l'article 4 de cette même loi énonce que "la créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation" ; qu'en l'espèce, à supposer que le jugement du 4 avril 2006 rendu par le tribunal correctionnel de Paris ayant déclaré M. Z solidairement tenu avec la société SDI Promotion des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes puisse constituer un titre exécutoire à l'encontre de M. Z, ce titre est entaché d'irrégularité en ce qu'il ne précise pas le montant des sommes dues en principal et en pénalités, la circonstance que la mise en demeure comporte de telles mentions étant à cet égard indifférente ; que, par suite, en jugeant le contraire la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
4o/ qu'aux termes de l'article R. 256-8, alinéa 2, du livre des procédures fiscales "le comptable public compétent pour établir l'avis de mise en recouvrement est soit celui du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable, soit, dans le cas où ce lieu a été ou aurait dû être modifié, celui compétent à l'issue de ce changement, même si les sommes dues se rapportent à la période antérieure à ce changement" ; qu'en l'espèce, M. Z faisait valoir que, tant la mise en demeure que l'avis de mise en recouvrement litigieux étaient entachés d'irrégularité dès lors que ces actes ont été émis par le service des impôts de Paris-Ouest aux lieu et place du service des impôts de Vannes, seul compétent territorialement, le siège social ainsi que le lieu de déclaration du redevable légal, la société Parthenia, se trouvant sur cette commune ; que, par suite, en jugeant que ce serait à bon droit que le comptable des impôts du pôle recouvrement de Paris-Ouest a diligenté l'acte querellé, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
Mais attendu, en premier lieu, que la décision judiciaire, exécutoire, qui déclare un dirigeant de société solidairement responsable avec celle-ci du paiement des impositions et pénalités dues par cette dernière, seule redevable légale, constitue un titre exécutoire suffisant pour fonder l'action du comptable public à l'égard de ce dirigeant ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que le titre exécutoire, constitué par le jugement correctionnel du 4 avril 2006 devenu définitif, précisait que la taxe sur la valeur ajoutée éludée s'élevait à la somme de 92 925 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2001 et à celle de 46 997 euros pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2002 et que les majorations et pénalités y afférentes en constituaient l'accessoire, la cour d'appel a pu en déduire que celui-ci contenait tous les éléments permettant l'évaluation d'une créance liquide et exigible dont il constatait ainsi l'existence ;
Attendu, enfin, qu'en retenant la compétence du comptable des impôts du pôle de recouvrement de Paris-Ouest, lieu de déclaration de la société SDI Promotion, redevable légale à l'époque des faits, la cour d'appel a fait l'exacte application de la première branche de l'alternative prévue par l'alinéa 2, de l'article R. 256-8 du livre des procédures fiscales ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le dernier grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour M. Z
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de l'exposant tendant à l'annulation de la mise en demeure délivrée le 10 novembre 2004 à son encontre à la requête de Monsieur ... ... des impôts du pôle de recouvrement de PARIS OUEST ;
AUX MOTIFS QU' " aux termes de l'article 81 du décret du 31 juillet 1992; tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie et à la vente des biens mobiliers corporels appartenant à son débiteur, après avoir signifié au débiteur un commandement aux fins de saisie vente ; que l'article 3 de la loi du 9 juillet 1991 énonce que les décisions de l'ordre judiciaire lorsqu'elles ont force exécutoire constituent des titres exécutoires; Considérant que force est de constater que l'acte de poursuite querellé a été diligenté en exécution du jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 4 avril 2006 qui a déclaré Monsieur Claude Z tenu solidairement avec la SA SDI PROMOTION, redevable légale de l'impôt, au paiement des impôts fraudés ainsi qu'à celui des majorations et pénalités y afférentes, peu important que la SA SDI PROMOTION n'ait plus d'existence légale dès lors qu'elle a transmis à la société PARTHENIA 1'universalité de Son patrimoine ; que Monsieur ... ... des impôts du pôle de recouvrement de PARIS OUEST détient, en conséquence, un titre exécutoire à l'encontre de Monsieur Claude Z, l'article L. 252A du Code de Procédure fiscale énumérant simplement les titres exécutoires délivrés par l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public et n'étant pas limitatif; que Monsieur Claude Z ne peut contester le montant de la dette réclamée devant le juge de l'exécution et la Cour statuant avec les mêmes pouvoirs dès lors qu'il ne s'agit pas d'une contestation portant sur la régularité en la forme de l'acte de poursuite; que surabondamment, le jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 4 avril 2006 qui est définitif, constate une créance liquide et exigible dès lors que les motifs de la décision précisent qu'au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2001,la TVA éludée s'élève à la somme de 92925euros et à la somme de 46997euros pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2002 et que les majorations et pénalités y afférentes constituent l'accessoire des droits; que contrairement aux allégations de l'appelant, le décompte de ces sommes en principal et en pénalités apparaît bien conformément à l'article 81 de la loi du 09 juillet 1981 sur la mise en demeure et correspond à la totalité des impôts fraudés mentionnés dans le jugement; que les mentions qui y sont portées ne sont donc pas erronées; qu'enfin, le jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 4 avril 2006 a déclaré recevable et bien fondée la constitution de partie civile de la Direction des Services fiscaux de PARIS OUEST ; que la mise en demeure litigieuse procède de ce jugement et non pas de l'avis de mise en recouvrement notifié à la société PARTHENIA ; que c'est à bon droit que Monsieur ... ... des impôts du pôle de recouvrement de PARIS OUEST a diligenté l'acte querellé ".
1o) ALORS QUE l'article R. 256-2 du Livre des procédures fiscales énonce que " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement " ; que ces dernières dispositions ne distinguent pas selon que la mise en jeu de la solidarité est de droit ou résulte d'une condamnation en justice ; que, par suite, en jugeant que le comptable public se trouverait exonéré de l'envoi au dirigeant condamné solidairement au paiement de la dette fiscale de la société, le jugement de condamnation suffisant à fonder son action en recouvrement, la Cour a violé les dispositions susvisées ;
2o) ALORS QU' aux termes de l'article L. 252 A " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir " ;
qu'il résulte de ces dispositions qu'aucune juridiction n'est habilitée à délivrer un titre de perception de l'impôt ; qu'ainsi, en jugeant le contraire la Cour a violé le texte susvisé ;
3o) ALORS QU' il résulte des dispositions de l'article L. 236-3 du Code de commerce que la société dont le patrimoine a été transmis à une autre société disparaît et cesse d'être tenue de l'obligation de payer la dette fiscale qu'elle a contractée, la société bénéficiaire de la transmission ayant seule à en répondre, aux lieu et place de la première ; qu'en l'espèce, l'exposant faisait valoir qu'il ne peut être valablement condamné solidairement à supporter la dette fiscale de la société SDI PROMOTION dès lors que cette dernière ne pouvait juridiquement être débitrice de cette dette, faute d'avoir la personnalité juridique, celle-ci ayant été absorbée par la société PARTHENIA avant la mise en recouvrement de la taxe litigieuse ; qu'en jugeant néanmoins qu'il importerait peu que la société SDI PROMOTION n'ait plus d'existence légale dès lors qu'elle a transmis à la société PARTHENIA l'universalité de son patrimoine, la Cour a violé le texte susvisé ;
4o) ALORS, A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE l'article 2 de la loi no91650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution énonce que
" le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les bien de son débiteur [...] " ; que l'article 4 de cette même loi énonce que " La créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tout les éléments permettant son évaluation " ; qu'en l'espèce, à supposer que le jugement du 4 avril 2006 rendu par le Tribunal Correctionnel de PARIS ayant déclaré Monsieur Claude Z solidairement tenu avec la société SDI PROMOTION des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes puisse constituer un titre exécutoire à l'encontre de Monsieur Z, ce titre est entaché d'irrégularité en ce qu'il ne précise pas le montant des sommes dues en principal et en pénalités, la circonstance que la mise en demeure comporte de telles mentions étant à cet égard indifférente ; que, par suite, en jugeant le contraire la Cour a violé les dispositions susvisées ;
5o) ALORS QU'aux termes de l'article R. 256-8 alinéa 2 du Livre des procédures fiscales " Le comptable public compétent pour établir l'avis de mise en recouvrement est soit celui du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable, soit, dans le cas où ce lieu a été ou aurait dû être modifié, celui compétent à l'issue de ce changement, même si les sommes dues se rapportent à la période antérieure à ce changement " ; Qu'en l'espèce, l'exposant faisait valoir que, tant la mise en demeure que l'avis de mise en recouvrement litigieux étaient entachés d'irrégularité dès lors que ces actes ont été émis par le service des impôts de PARIS OUEST aux lieu et place du service des impôts de VANNES seul compétent territorialement, le siège social ainsi que le lieu de déclaration du redevable légal, la société PARTHENIA, se trouvant sur cette commune ; Que, par suite, en jugeant que ce serait à bon droit que Monsieur ... ... des impôts du pôle recouvrement de PARIS OUEST a diligenté l'acte querellé, la Cour a violé les dispositions susvisées.