Jurisprudence : Cass. civ. 2, 13-10-2011, n° 10-15.649, FS-D, Rejet

Cass. civ. 2, 13-10-2011, n° 10-15.649, FS-D, Rejet

A7707HY4

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CIV. 2 SÉCURITÉ SOCIALE FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 13 octobre 2011
Rejet
M. LORIFERNE, président
Arrêt no 1679 FS-D
Pourvoi no S 10-15.649
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Maurice Z, domicilié Paris,
contre l'arrêt rendu le 11 février 2010 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant
1o/ à la société Marteau, société anonyme, dont le siège est Montreuil-sous-Bois,
2o/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris, dont le siège est Paris,
3o/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié Paris 07 SP,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 14 septembre 2011, où étaient présents M. Loriferne, président, M. Héderer, conseiller rapporteur, M. Mazars, conseiller doyen, MM. Laurans, Barthélemy, Feydeau, Prétot, Cadiot, Buisson, conseillers, Mmes Coutou, Fouchard-Tessier, M. Salomon, Mme Chauchis, conseillers référendaires, Mme Genevey, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Héderer, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. Z, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Marteau, l'avis de Mme de Beaupuis, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 février 2010), que M. Z, salarié de la société Marteau, a été victime, le 4 mai 2004, d'un accident qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle ; que la faute inexcusable de l'employeur a été reconnue par une juridiction de sécurité sociale, qui a ordonné une expertise ; qu'après dépôt du rapport d'expertise, l'intéressé a saisi la même juridiction d'une demande de réparation de ses différents préjudices ;

Sur le premier moyen
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation de la société Marteau à lui payer la somme de 66 567 euros au titre de la diminution des revenus subie à la suite de son accident, alors, selon le moyen, que la réparation du préjudice doit être intégrale, de sorte qu'une victime d'accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur doit être indemnisée de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'en écartant la demande de M. Z tendant à l'indemnisation du préjudice lié à la perte de revenus, au motif qu'en matière d'accident du travail, "le mécanisme d'indemnisation déroge au droit commun de la responsabilité et ne garantit pas la réparation de l'intégralité des préjudices résultant de l'accident", cependant qu'elle aurait dû rechercher s'il ne subsistait pas un solde non indemnisé entre la perte de revenus professionnels engendrée par l'accident du travail et la rente accident du travail versée à la victime, la cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété à la lumière de la décision no 2010-8 QPC
du 18 juin 2010 du Conseil constitutionnel que, lorsque l'accident ou la maladie est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues ; que la majoration du capital ou de la rente allouée en fonction de la réduction de capacité de la victime ne peut excéder le montant de l'indemnité allouée en capital ou le montant du salaire ; qu'au regard des objectifs d'intérêt général du dispositif de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, le plafonnement de cette indemnité destinée à compenser la perte de salaire résultant de l'incapacité n'institue pas une restriction disproportionnée aux droits des victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;
Et attendu que l'arrêt retient que la victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur ne peut pas demander l'indemnisation de la perte de ses revenus professionnels, le mécanisme d'indemnisation dérogeant au droit commun de la responsabilité et ne garantissant pas la réparation de l'intégralité des préjudices résultant de l'accident ;
Que par ce seul motif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis, tels que reproduits en annexe
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt de limiter à 45 000 euros la somme allouée au titre de ses souffrances et de limiter à 80 000 euros la somme allouée au titre de son préjudice d'agrément ;

Mais attendu que sous le couvert du grief non fondé de violation de la loi et du principe de la réparation intégrale du préjudice, le moyen ne tend qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par les juges du fond de l'existence et de l'importance de ces préjudices ainsi que du montant des indemnités les réparant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils pour M. Z.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Z de sa demande tendant à la condamnation de la société Marteau à lui payer la somme de 66.567 euros au titre de la diminution des revenus qu'il a subie à la suite de son accident du travail ;
AUX MOTIFS QUE, sur le préjudice professionnel, la victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur ne peut pas demander l'indemnisation de la perte de ses revenus professionnels qui est déjà réparée par la majoration de la rente d'accident du travail ; qu'en cette matière, le mécanisme d'indemnisation déroge au droit commun de la responsabilité et ne garantit pas la réparation de l'intégralité des préjudices résultant de l'accident ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté M. Z de ses demandes relatives à la diminution de ses revenus ;
ALORS QUE la réparation du préjudice doit être intégrale, de sorte qu'une victime d'accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur doit être indemnisée de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'en écartant la demande de M. Z tendant à l'indemnisation du préjudice lié à la perte de revenus, au motif qu'en matière d'accident du travail, " le mécanisme d'indemnisation déroge au droit commun de la responsabilité et ne garantit pas la réparation de l'intégralité des préjudices résultant de l'accident " (arrêt attaqué, p. 6 § 11), cependant qu'elle aurait dû rechercher s'il ne subsistait pas un solde non indemnisé entre la perte de revenus professionnels engendrée par l'accident du travail et la rente accident du travail versée à la victime, la cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité à 45.000 euros la somme allouée à M. Z au titre du pretium doloris ;
AUX MOTIFS QUE selon le compte-rendu d'hospitalisation établi immédiatement après la chute de l'échafaudage, M. Z a été victime d'un traumatisme crânien sévère avec perte de connaissance et convulsions généralisées ; qu'il a présenté un hématome sous-dural temporal avec oedème diffus et une hypertension intracrânienne sévère ; que l'intensité du traumatisme subi a été telle que l'intéressé est resté plusieurs semaines dans le coma ; que, durant son hospitalisation, il a subi plusieurs interventions chirurgicales, notamment la pose d'une dérivation ventriculaire et une trachéotomie rendue nécessaire par un syndrome de détresse respiratoire aiguë sur pneumopathie requérant intubation et ventilation ; que l'état de santé de l'intéressé n'a été consolidé que dix-sept mois après l'accident, le 30 septembre 2005, date à laquelle son taux d'incapacité permanente partielle a été fixé à 75 % ; qu'il a, en outre, subi de multiples séances de rééducation en raison d'un syndrome post-commotionnel ; que, selon le compte-rendu de l'examen psychologique réalisé le 24 décembre 2004 cité dans le rapport d'expertise, M. Z souffre de troubles neuropsychologiques et d'une altération cognitive imputables au traumatisme cérébral consécutif à l'accident ; qu'il existe une atteinte de ses fonctions exécutives ; que, postérieurement à son hospitalisation initiale, il a subi, à plusieurs reprises, des troubles épileptiques se traduisant par des pertes de connaissance ; qu'il a dû être hospitalisé à nouveau ; que par ailleurs, un épanchement pleural et des complications pulmonaires ont été mis en évidence à plusieurs reprises ; que le médecin-conseil a noté qu'il existait des séquelles de ces complications ; qu'en revanche, il n'a été relevé au titre des souffrances morales que la situation de stress ressenti par l'intéressé lorsqu'il perd ses moyens et des manifestations d'anxiété ; qu'en considération de la gravité du traumatisme initial, de l'importance des interventions et soins qu'il a dû supporter durant plusieurs mois, de la gravité des séquelles post-traumatiques et post-commotionnel persistantes, l'expert a évalué les souffrances physiques et morales endurées par l'intéressé à 4/7 ; que l'expert a aussi relevé que l'état de l'intéressé s'était stabilisé et qu'il n'était pas susceptible de s'aggraver ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments et notamment de l'appréciation chiffrée retenue par l'expert, la somme accordée par les premiers juges en réparation de ce préjudice apparaît exagérée et sera ramenée à 45.000 euros ;
ALORS QUE la réparation du préjudice subi par la victime doit être intégrale ; que dans ses conclusions d'appel (p. 17 § 3 à 5), M. Z faisait valoir que, selon son médecin traitant, son état était susceptible de s'aggraver et qu'il convenait donc de prendre en compte au titre de l'indemnisation du pretium doloris le " trouble subjectif " dont il souffrait et qui pouvait être sujet à aggravation à tout moment ; qu'en considérant que l'état de M. Z se trouvait stabilisé et qu'il n'était pas susceptible de s'aggraver, sans examiner le document médical invoqué par la victime, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité à 80.000 euros la somme allouée à M. Z au titre du préjudice d'agrément ;
AUX MOTIFS QUE le préjudice d'agrément n'est pas seulement caractérisé par la diminution ou la perte de la possibilité de pratiquer des activités de loisirs ou de sports mais existe aussi en cas de diminution des capacités à accomplir les gestes ordinaires de la vie courante ; qu'en l'espèce, pour exclure l'existence d'un tel préjudice, l'expert se borne à préciser qu'il n'y a pas de contre-indications à ce que l'intéressé reprenne ses activités de loisirs qui étaient de toute façon peu intensives ; que toutefois, il est justifié que les troubles neurologiques dont souffre M. Z à la suite de l'accident ont une incidence certaine sur sa vie quotidienne ; qu'atteint d'une incapacité de 75 % et reconnu adulte handicapé, catégorie B, il éprouve des difficultés pour accomplir les actes ordinaires de la vie et les agréments de son mode d'existence depuis l'accident s'en sont nécessairement retrouvés amoindris ; qu'ainsi, il résulte de l'examen psychologique du 24 décembre 2004, cité dans le rapport d'expertise, qu'il présente dorénavant une limitation de sa mémoire de travail, une désorganisation du contrôle attentionnel et de ses capacités de planification, un défaut d'inhibition et de flexibilité mentale ; que ces troubles qui, selon les médecins, constituent une atteinte à ses fonctions exécutives, l'empêchent de profiter des agréments de la vie familiale et sociale ; que cette inadaptation à la vie en société est aggravée par la survenance de crises d'épilepsie qui se manifestent par des pertes de connaissance durant quelques secondes ou minutes plusieurs fois par semaine ; qu'il ressort également de l'avis du médecin-conseil que M. Z conserve des séquelles des complications pulmonaires apparues après l'accident ; qu'il n'est pas contesté qu'il s'essouffle rapidement et a déjà eu un accident pulmonaire en jouant au ballon ; qu'il se trouve ainsi privé de la possibilité de pratiquer des sports ou activités requérant un effort physique prolongé ; que par ailleurs, étant sujet à des crises d'épilepsie, il ne lui est pas possible de conduire un véhicule ; que la circonstance qu'il ne disposait pas du permis de conduire avant l'accident n'exclut pas l'existence d'un préjudice d'agrément résultant de la gêne occasionnée par cette impossibilité ; qu'enfin, la perte de confiance en soi, l'isolement de l'intéressé et son anxiété consécutive à l'accident l'empêche de jouir normalement des agréments de la vie ; que tous ces éléments justifient que soit pris en considération le préjudice d'agrément allégué par l'intéressé, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les différentes périodes de sa vie qui se sont succédées depuis l'accident ; que, toutefois, l'évaluation faite par les premiers juges dépasse la mesure de ce qu'il peut être alloué pour réparer ce préjudice ; qu'en l'état de la multiplicité et de la gravité des troubles et désagréments ressentis dans la vie quotidienne de l'intéressé alors qu'il n'était âgé que de 37 ans au moment où l'accident est survenu, il y a lieu de fixer l'indemnisation de son préjudice d'agrément à la somme de 80.000 euros ;
ALORS QUE la réparation du préjudice subi par la victime doit être intégrale ; qu'en refusant de prendre en considération la demande de réparation du préjudice d'agrément avant la consolidation intervenue et en ne réparant pas le préjudice d'agrément spécifique lié au coma subi par M. Z pendant un mois, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil et l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.

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