SOC. PRUD'HOMMES CH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 4 octobre 2011
Cassation
Mme MAZARS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt no 1938 FS-P+B
Pourvoi no X 10-18.023
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Norbert Z, domicilié Vienne,
contre l'arrêt rendu le 22 mars 2010 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale), dans le litige l'opposant
1o/ à Mme Marie-Hélène Y, domiciliée Pélussin,
2o/ au Syndicat national des professions de l'architecture et de l'urbanisme CFDT (SYNATPAU), dont le siège est Paris,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 juillet 2011, où étaient présents Mme Mazars, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Huglo, conseiller rapporteur, MM. Bailly, Béraud, Mmes Geerssen, Lambremon, MM. Frouin, Taillefer, Mme Deurbergue, M. Chauvet, Mme Terrier-Mareuil, M. Struillou, conseillers, Mmes Agostini, Grivel, Pécaut-Rivolier, Guyon-Renard, MM. Mansion, Contamine, Mmes Sabotier, Corbel, conseillers référendaires, M. Foerst, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller, les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat de M. Z, de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de Mme Y et du Syndicat national des professions de l'architecture et de l'urbanisme CFDT, l'avis de M. Foerst, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile
Vu le principe de séparation des pouvoirs et la loi des 16 et 24 août 1789 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y a été engagée le 12 janvier 1987 par le cabinet d'architecture de M. Z ; qu'elle occupait un poste de dessinateur-projeteur-compositeur et était membre de la commission paritaire régionale Rhône-Alpes, instituée par la convention collective nationale des entreprises d'architecture, dont elle a assuré la présidence à compter de 2007 ; qu'elle a été, le 20 novembre 2007, mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable, puis licenciée pour faute grave par lettre du 13 décembre 2007 ;
Attendu que pour dire son licenciement irrégulier, l'arrêt retient que par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 décembre 2007, l'employeur a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier la salariée ; que, par lettre du 10 décembre 2007, l'inspecteur du travail a accusé réception de la demande et a indiqué "Je vous confirme notre correspondance du 6 décembre 2007 vous précisant que la décision d'autoriser le licenciement de Marie-Hélène Y ne relevait pas de notre compétence" ; que force est de constater que cette réponse, qui n'a pas donné lieu à notification aux parties ouvrant droit à un éventuel recours, ne peut être considérée comme une décision valant autorisation de licencier ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre du 10 décembre 2007 qui constituait une décision administrative faisait obstacle à ce que le juge judiciaire se prononce sur la nécessité de l'autorisation administrative de licenciement de la salariée et qu'il appartenait aux juges du fond, en présence d'une difficulté sérieuse sur le bénéfice du statut protecteur, d'inviter les parties à saisir la juridiction administrative, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mme Y et le SYNATPAU aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. Z.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que madame Marie-Hélène Y bénéficiait du statut protecteur des représentants du personnel, en conséquence, d'AVOIR dit que son licenciement intervenu sans autorisation de l'inspecteur du travail était irrégulier, d'AVOIR condamné monsieur Norbert Z à lui payer diverses sommes notamment pour licenciement abusif et méconnaissance du statut protecteur, et d'AVOIR condamné monsieur Norbert Z à payer au syndicat national des professions de l'architecture et de l'urbanisme la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE les représentants du personnel bénéficient d'une protection de leur emploi qui impose à l'employeur, notamment, de respecter une procédure spéciale pour rompre le contrat de travail ; que l'article L. 2411-1 du code du travail énumère les différents mandats ouvrant droit à cette protection, et l'article L. 2411-2 prévoit qu'en bénéficient également le délégué syndical, le délégué du personnel, le membre du comité d'entreprise, le représentant du personnel au CHSCT, institués par convention ou accord collectif de travail ; que par ailleurs, l'article L. 2234-3 du code du travail prévoit que les accords qui instituent des commissions paritaires professionnelles déterminent les modalités de protection contre le licenciement des salariés membres de ces commissions et les conditions dans lesquelles ils bénéficient de la protection prévue pour les salariés protégés ; que la convention collective des entreprises d'architecture (article XV - 3) a institué des commissions paritaires régionale dont les missions sont les suivantes - suivi de l'application de la convention collective nationale, - analyse de l'emploi et de la formation, - négociation de la valeur du point, - conciliation de différends, - avis sur le licenciement de salarié protégé ; que ces commissions sont composées de membres mandatés par les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives au plan national ; que chaque représentant employeur ou salarié doit pouvoir justifier de la validité de son mandat lors des réunions ; que la commission élit en son seine une présidence, composée d'un président et d'un vice-président dont la durée du mandat est fixée à deux ans (article XV-3-2) ; que l'article II-8 de la convention collective, dans sa rédaction alors applicable, dispose que " Les délégués syndicaux et représentants du personnel bénéficient de la protection accordée par les dispositions du code du travail. Le licenciement d'un salarié, investi de mandats syndicaux ou électifs, est soumis à l'autorisation de l'inspection du travail et après avis de la commission paritaire régionale " ; qu'en l'occurrence il n'est pas contesté que Marie-Hélène Y a été investie par le syndicat CFDT, à compter du 16 janvier 2004, puis régulièrement au cours des années suivantes, d'un mandat pour siéger aux réunions de la commission paritaire régionale Rhône-Alpes ; que les pièces versées aux débats montrent qu'elle a ainsi été mandatée pour siéger aux réunions de la commission qui se sont tenues les 20 janvier 2004, 9 mars 2004, 29 novembre 2005, 24 octobre 2006 et 8 novembre 2007, et que lors de cette dernière réunion elle assurait la présidence de la commission ; qu'il ressort des fonctions exercées par Marie-Hélène Y, tant en sa qualité de membre que de présidente de la commission, qu'elle bénéficiait du statut protecteur prévu par le code du travail et ne pouvait être licenciée qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail, après avis de la commission paritaire régionale ; que l'employeur justifie avoir consulté l'inspection du travail le 28 novembre 2007 et avoir reçu une réponse du contrôleur du travail le 6 décembre 2007 en ces termes " il ne semble pas que la salariée (...) puisse bénéficier de la protection prévue par la loi (...) sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux " ; que par lettre recommandée avec avis de réception du 6 décembre 2007, Norbert Z a néanmoins sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier Marie-Hélène Y ; que par courrier du 10 décembre 2007, l'inspecteur du travail a accusé réception de la demande et a indiqué " Je vous confirme notre correspondance du 6 décembre 2007 vous précisant que la décision d'autoriser le licenciement de Marie-Hélène Y ne relevait pas de notre compétence " ; que force est de constater que cette réponse, qui n'a pas donné lieu à notification aux parties ouvrant droit à un éventuel recours, ne peut être considérée comme une décision valant autorisation de licencier ; que le licenciement prononcé au vu de ce simple avis est donc irrégulier ;
ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens relevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être apporté la preuve contraire ; que pour décider que le licenciement était intervenu sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail, l'arrêt a retenu que si celui-ci avait accusé réception de la demande d'autorisation de licencier la salariée et avait indiqué " Je vous confirme notre correspondance du 6 décembre 2007 vous précisant que la décision d'autoriser le licenciement de Marie-Hélène Y ne relevait pas de notre compétence ", cette réponse, qui n'avait pas donné lieu à notification aux parties ouvrant droit à un éventuel recours, ne pouvait être considérée comme une décision valant autorisation de licencier ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ne résultait ni des conclusions des parties ni du rappel des moyens et prétentions soutenus oralement à l'audience qu'avait été soulevé le moyen tiré de l'absence de notification de la décision de l'inspecteur du travail, la cour d'appel, qui a relevé ce moyen sans avoir préalablement recueilli les observations des parties, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, en tout état de cause, QUE l'article II-8 de la convention collective nationale du 27 février 2003 relative aux entreprises d'architecture, étendue par arrêté du 6 janvier 2004, énonce " Les délégués syndicaux et représentants du personnel bénéficient de la protection accordée par les dispositions du code du travail " ; que le statut protecteur étant réservé aux seuls délégués syndicaux et représentants du personnel, la cour d'appel qui, pour juger irrégulier le licenciement prononcé sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail, a étendu le bénéfice de ce statut aux membres des commissions paritaires régionales instituées conventionnellement, a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil.