Jurisprudence : CAA Marseille, 6e, 29-11-2010, n° 08MA01023



N° 08MA01023

COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX

Mme Carotenuto, Rapporteur
M. Marcovici, Rapporteur public

Audience du 21 octobre 2010

Lecture du 29 novembre 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La Cour administrative d'appel de Marseille


6ème chambre


Vu l'arrêt de la Cour de céans n° 02MA01530, 02MA01718 du 7 juillet 2005 ;

Vu la décision n° 288210 en date du 15 février 2008 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 02MA01530, 02MA01718 de la Cour en date du 7 juillet 2005 en tant qu'il a rejeté les conclusions de la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX tendant à la mise en cause de la responsabilité décennale de M. Fauroux du fait de l'inconfort thermique des combles et de l'insuffisante ventilation des classes et a renvoyé l'affaire devant la Cour ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 avril 2009, présenté pour la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX qui demande à la Cour de condamner M. Fauroux au paiement de la somme de 253 856 euros correspondant aux différents travaux d'amélioration préconisés par l'expert et de mettre à la charge de ce dernier une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2010 ;

- le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur ;

- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;

- et les observations de Me Barbaro représentant la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX ;

Considérant que, par un jugement du 12 avril 2002, le Tribunal administratif de Nice a condamné la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX à payer à M. Fauroux, architecte, les sommes de 94 615,22 euros et 94 221,29 euros, à parfaire des intérêts, en règlement des prestations contractuelles et extra-contractuelles réalisées par l'intéressé en exécution ou à l'occasion de l'exécution du contrat de la maîtrise d'œuvre de la construction du groupe scolaire de " La grande pièce ", dont il était titulaire ; que par ce même jugement, le tribunal a condamné M. Fauroux à payer à la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX la somme de 64 678 euros au titre de la responsabilité décennale des constructeurs ; que, par un arrêt en date du 7 juillet 2005, la Cour administrative d'appel de Marseille a confirmé ce jugement ; que par un arrêt du 15 février 2008, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour du 7 juillet 2005 en tant qu'il a rejeté les conclusions de la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX tendant à la mise en cause de la responsabilité décennale de M. Fauroux du fait de l'inconfort thermique des combles et des problèmes de ventilation et a renvoyé l'affaire devant la Cour ;

Sur la responsabilité décennale :

En ce qui concerne les insuffisances de chauffage :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par le président du Tribunal administratif de Nice, que les températures enregistrées en plein hiver sont supérieures à la température réglementaire fixée à 19 degrés et que le seul dysfonctionnement constaté porte sur une surconsommation d'énergie ; que selon l'expert, " l'absence d'un nombre plus grand de réseaux de chauffage engendre une difficulté de réglage et de régulation. En hiver, il en résultera, selon le réglage, soit un petit inconfort (pièces plus froides), soit une surconsommation énergétique " ; que dans ces conditions, le défaut ainsi constaté ne peut être regardé comme de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination ; que, par suite, il ne peut donner lieu à l'engagement de la responsabilité décennale du maître d'œuvre, au titre des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;

En ce qui concerne la surchauffe en été :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'en période estivale, les températures générales du bâtiment sont élevées et particulièrement dans les salles de classe de l'étage ; que dans l'une d'elles, dont la température est la plus haute, la moyenne est de 27,4 degrés comprise entre 24,3 degrés et 30,5 degrés et peut atteindre 34,2 degrés, 3 degrés de plus que la température extérieure ; que cette nuisance thermique résulte, selon l'expert, de " l'inertie du bâtiment qui est relativement grande selon le choix constructif qui a été fait (murs en béton sans isolation intérieure) et qui n'a pas été compensé par une forte ventilation mécanique qui aurait permis en période nocturne de revenir à des températures plus basses. (...) Les relevés démontrent une surchauffe importante des combles (...). C'est la conception de la toiture qui est en cause, soit il convenait de ventiler beaucoup plus les combles, soit il convenait de renforcer l'isolation " ; que la température générale du bâtiment résulte donc de sa conception thermique ; que cependant, cette élévation anormale de température est limitée à certaines salles de classe de l'étage et ne se produit que l'été, lorsque les températures extérieures sont très élevées ; que de tels désordres, qui ne sont pas de nature à nuire à la destination de l'ouvrage public et le rendre impropre à sa destination, ne sont par suite pas susceptibles d'engager la responsabilité décennale qui incombe aux constructeurs ;

En ce qui concerne la ventilation de divers locaux :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les problèmes de ventilation résultent d'une ouverture insuffisante des ouvrants dans les six pièces situées au sud, d'une absence de ventilation mécanique dans le forum et dans la salle de restauration (alors qu'elle était prévue au cahier des clauses techniques particulières) et d'une absence de ventilation de la sous-toiture ; qu'il résulte du rapport de l'expert qu'en l'absence de traitement de l'air dans le forum et dans la salle de restauration, ledit forum ne peut accueillir, dans le respect de la réglementation applicable, que 166 personnes au lieu de 233 prévues au contrat et la salle de restauration que 83 personnes au lieu de 113 personnes prévues au contrat pour assurer le service de restauration des enfants scolarisés dans l'école qui demandent à bénéficier de ce service à la charge de la commune ; que dans ces conditions, l'insuffisante ventilation est de nature à rendre ces locaux impropres à leur destination ; qu'il résulte du rapport de l'expert que le montant des travaux nécessaires pour remédier aux désordres s'élève à un montant de 14 113 euros hors taxe pour la ventilation du forum et 14 000 euros hors taxe pour la ventilation de la salle de restauration, soit un total de 28 113 euros hors taxe ; que compte tenu de la date d'apparition des désordres, il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement pour vétusté ; que par suite, il y a lieu de condamner M. Fauroux à verser à la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX la somme de 28 113 euros majorée de la TVA correspondant au coût des travaux déterminé par l'expert et qui n'est pas discutée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Nice a rejeté intégralement sa demande,

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 28 113 euros à compter du 25 octobre 1999, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif ;

Considérant qu'elle a demandé la capitalisation des intérêts par un mémoire enregistré le 22 septembre 2010 ; qu'elle a droit à la capitalisation des intérêts échus au 22 septembre 2010, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais d'expertise doivent être mis à la charge de M. Fauroux ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. Fauroux demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la M. Fauroux une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice du 12 avril 2002 est annulé.

Article 2 : M. Fauroux est condamné à verser à la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX une somme de 28 113 euros qui portera intérêt au taux légal à compter du 25 octobre 1999 avec capitalisation au 22 septembre 2010 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Ces sommes seront majorées du taux de la TVA.

Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de M. Fauroux.

Article 4 : M. Fauroux versera à la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de M. Fauroux tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE MOUANS-SARTOUX, à M. Pierre Fauroux et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

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