Jurisprudence : CAA Paris, 10e, 02-02-2016, n° 15PA01551

CAA Paris, 10e, 02-02-2016, n° 15PA01551

A2131PCW

Référence

CAA Paris, 10e, 02-02-2016, n° 15PA01551. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/29103042-caa-paris-10e-02022016-n-15pa01551
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Abstract

L'intention spéculative d'une société lors de l'acquisition de biens ne peut être regardée comme établie eu égard à la mise en location de leur plus grand nombre pendant plusieurs années, à leur mode de financement et au délai, compris entre cinq et dix ans, dans lequel la contribuable a procédé à leur revente.

Références

CAA de PARIS

N° 15PA01551
Inédit au recueil Lebon
10ème chambre
lecture du mardi 02 février 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Volpar a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période correspondant aux années 2009 et 2010 et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1401903/2-2 du 16 février 2015, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 16 avril 2015 et le 6 janvier 2016, la société à responsabilité limitée Volpar représentée par Me B...et Me C... demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1401903/2-2 du 16 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir partiellement fait droit à sa demande en la déchargeant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période correspondant aux années 2009 et 2010 ainsi que des pénalités y afférentes, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer le dégrèvement des impositions contestées, en droits et pénalités, pour un montant de 445 414 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- l'appréciation portée par les premiers juges sur l'intention spéculative se fonde exclusivement sur le nombre d'opérations et ne retient que les éléments estimés défavorables à l'analyse de la situation de la société sans prendre en considération les circonstances que la cession à bref délai des chambres de service ne saurait caractériser une telle intention compte tenu de leur prix de revient, que les premières ventes effectives ne sont intervenues qu'en 2005 et que le solde des ventes en litige n'a été réalisé que neuf à dix ans après l'acquisition des biens ;
- l'option pour le régime des sociétés d'investissement immobilier cotées constitue une décision formelle opposable, au demeurant non remise en cause par l'administration, de nature à démontrer l'intention de la société, à la date d'effet de l'option, d'exercer une activité foncière ;
- la requalification des profits réalisés ne saurait être fondée que sur des événements postérieurs à la date d'effet de l'option exercée ;
- dès lors que les acquisitions ont porté sur des lots d'immeubles, leur revente démultiplie artificiellement le nombre d'opérations ;
- les biens en cause ont été loués, pour la plupart pendant plusieurs années, préalablement à leur revente ;
- la société a donné en location, postérieurement à leur acquisition, certains biens initialement acquis libres ;
- le service ne peut valablement prétendre que les justificatifs relatifs à l'emprunt conclu pour financer l'acquisition des immeubles ne seraient pas recevables pour apprécier la nature de l'activité de la société ;
- le service ne pouvait qualifier l'activité de la société de marchand de biens dès lors que la revente des appartements dont elle est devenue propriétaire n'est ni caractérisée par la condition d'habitude, ni par une intention spéculative à la date d'acquisition desdits biens ;
- c'est à tort que le service a estimé que les biens dont elle est demeurée propriétaire auraient dû être inscrits comme élément de stock, et non comme élément de l'actif immobilisé, dès lors qu'aucun élément ne permet de considérer que ces biens auraient été affectés à l'activité spéculative ;
- la démonstration de la poursuite d'un objectif lucratif suite à la revente de certains actifs immobiliers ne suffit pas, selon la jurisprudence, à démontrer que la société aurait poursuivi un objectif comparable lors de l'acquisition d'autres actifs pour lesquels cette preuve n'est pas apportée, a fortiori lorsqu'ils ont été conservés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre des finances et des comptes publics fait valoir que les moyens soulevés par la société à responsabilité limitée Volpar ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,
- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la société Volpar.

Une note en délibéré, enregistrée le 19 janvier 2016, a été présentée par le ministre des finances et des comptes publics.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée Volpar, qui exerce une activité de promotion immobilière, a opté le 30 novembre 2005, avec effet au 1er août 2005, pour le régime des sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC) visé à l'article 208 C du code général des impôts et prévoyant une exonération d'impôt sur les sociétés au titre des revenus provenant des opérations de location ou de cession d'immeubles réalisés par les sociétés éligibles ; que la société Volpar a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du
1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, à l'issue de laquelle l'administration, estimant qu'elle exerçait en réalité une activité commerciale de marchands de biens, a mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant aux années 2009 et 2010 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ; qu'elle relève appel du jugement du 16 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris après n'avoir que partiellement fait droit à sa demande en la déchargeant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période correspondant aux années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités y afférentes a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des pénalités y afférentes ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale " ; qu'aux termes de l'article 35 du même code : " I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés (...) " ;

3. Considérant que l'activité de marchand de biens, regardée comme une activité commerciale en application des dispositions précitées du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts, auquel renvoie l'article 209 du même code, est subordonnée à la double condition que les opérations d'achat en vue de la revente procèdent d'une intention spéculative et qu'elles présentent un caractère habituel ; que, par ailleurs, l'existence d'une intention spéculative d'une société qui cède des biens immobiliers doit être recherchée à la date à laquelle elle a acquis les immeubles ultérieurement revendus, et non à la date de leur cession ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Volpar, constituée le 22 décembre 1999 avec pour objet social l'acquisition de biens immobiliers à exploiter dans le cadre de leur location, a acquis le 22 mars 2000 plusieurs biens immobiliers, à savoir trois lots d'un immeuble sis à l'angle de l'avenue de la Grande Armée et de la rue de Tilsitt à Paris 17ème pour un prix de 945 184 euros qu'elle a revendus, le 27 juillet 2009, pour un montant de 2 150 000 euros, cinq lots d'un immeuble sis avenue de l'Opéra à Paris 9ème pour un prix de 2 483 958 euros revendus en novembre 2005 et mars 2006 puis en juin et juillet 2010 pour un montant total de 4 404 300 euros, quatorze lots d'un immeuble sis boulevard Voltaire à Paris 11ème pour un prix de 868 959 euros, revendus en totalité le 29 septembre 2005 pour un prix de 2 100 000 euros ; qu'enfin, elle a acquis à la même date du 22 mars 2000 cinq lots comprenant un appartement, deux chambres de service et deux caves au sein d'un immeuble sis rue de la Boétie à Paris 8ème pour un prix de 594 551,17 euros avant de revendre uniquement les chambres de service en novembre 2004 et les caves en juin 2006 ;

5. Considérant, d'une part, que la société Volpar a acquis l'ensemble des biens immobiliers en litige le 22 mars 2000, soit peu de temps après sa création, qu'elle n'a réalisé les premières ventes que cinq ans après et qu'elle a opéré le solde des ventes litigieuses qu'entre quatre et cinq ans plus tard ; que les lots de l'immeuble situé boulevard Voltaire ainsi que ceux de l'immeuble situé avenue de la Grande Armée et rue de Tilsitt ont été vendus non à la découpe mais de façon groupée ; que, d'autre part, à l'exception de l'appartement situé rue de la Boétie à Paris 8ème auquel sont associées deux caves et chambres de service, ces biens ont été loués, pour la plupart pendant plusieurs années, préalablement à leur revente ; qu'en outre, certains d'entre eux, initialement acquis libres, ont été donnés en location dans le cadre d'un bail commercial de neuf ans ; que l'acquisition de l'ensemble des biens a été financée par un emprunt souscrit globalement par la société Acanthe développement pour plusieurs de ses filiales et dont une fraction a été affectée à la société Volpar ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, la clause de remboursement anticipé, au demeurant assortie de pénalités, que comporte cet emprunt, conclu sur une durée de quinze ans, n'est pas de nature à lui conférer un caractère de financement à court terme ; que, dans ces conditions, alors même que les immeubles en litige, localisés dans des quartiers renommés à Paris, n'ont fait l'objet d'aucun investissement et que la société Volpar a réalisé une plus-value importante à chacune des cessions, l'intention spéculative de la SARL Volpar lors de l'acquisition de ces biens ne peut être regardée comme établie eu égard à la mise en location de leur plus grand nombre dans les conditions susrappelées, à leur mode de financement et au délai, compris entre cinq et dix ans, dans lequel la contribuable a procédé à leur revente ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur le caractère habituel des opérations d'achat et de revente réalisées par la société Volpar, cette dernière est fondée à soutenir que l'administration n'était ni fondée à requalifier son activité comme étant celle d'un marchand de biens ni, par suite, à remettre en cause le régime d'exonération d'impôt sur les sociétés dont, conformément à l'article 208 C du code général des impôts, elle bénéficiait notamment pour les cessions d'immeubles en cause, en vertu de son option pour le régime des SIIC ; que le service ayant, en outre, réintégré aux résultats imposables de la société Volpar les dotations aux amortissements pratiquées par la contribuable au cours des exercices litigieux à raison des immeubles qu'elle avait conservés au seul motif que, compte tenu de la requalification de son activité en celle de marchand de biens, ces immeubles constituaient des éléments de stock et non des actifs immobilisés, l'intéressée est, par suite, fondée à demander à être également déchargée des suppléments d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités y afférentes, résultant de ces réintégrations ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la remise en cause de l'option pour le régime des sociétés d'investissement immobilier cotées, que la SARL Volpar est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris, après avoir partiellement fait droit à sa demande en la déchargeant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période correspondant aux années 2009 et 2010, a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des pénalités y afférentes ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Volpar et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 1401903/2-2 du 16 février 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La SARL Volpar est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités y afférentes, mises à sa charge au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL Volpar la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Volpar et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques (Direction de contrôle fiscal Ile-de-France - Division 3 du contentieux Est).
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Auvray, président de la formation de jugement,
Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 2 février 2016.


Le rapporteur,





A. MIELNIK-MEDDAH
Le président,





B. AUVRAY
Le greffier,




C. DABERT


La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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