Jurisprudence : CA Paris, 7, 5, 09-02-2010, n° 20100209

CA Paris, 7, 5, 09-02-2010, n° 20100209

A8992ERH

Référence

CA Paris, 7, 5, 09-02-2010, n° 20100209. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/2908698-ca-paris-7-5-09022010-n-20100209
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ARRÊT DU 9 Février 2010
COUR D'APPEL DE PARIS
PÔLE 7
CINQUIÈME CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
ARRÊT SUR REQUÊTE EN ANNULATION DE PIÈCES (n° 6, pages)
Prononcé en chambre du conseil le 9 Février 2010

PARTIES EN CAUSE
PERSONNES MISES EN EXAMEN
des chefs d'acquisition, transport, détention, offre ou cession de produits stupéfiants, usage illicite de produits stupéfiants, importation de produits stupéfiants, association de malfaiteurs

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré Mme BOIZETTE, Président,
Tous trois désignés en application des dispositions de l'article 191 du code de procédure pénale
Au prononcé de l'arrêt Mme BOIZETTE, Président, a donné lecture de l'arrêt conformément aux dispositions de l'article 199 alinéa 4 du Code de procédure pénale
GREFFIER
Mme OUFOUE, Greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt
MINISTÈRE PUBLIC
DÉBATS
A l'audience, en chambre du conseil le 12 Janvier 2010ont été entendus
Mme BOIZETTE, Président, en son rapport ;
M. RICARD, Avocat Général, en ses réquisitions ;
Me ..., avocat de X, mis en examen, ayant eu la parole en dernier.
Les avocats des autres mis en examen, régulièrement avisés de la date de l'audience, ne se sont pas présentés.
RAPPEL DE LA PROCÉDURE
Par requête motivée, déposée au greffe de la chambre de l'instruction le 10 novembre 2009, Me, avocat de, personne mise en examen, a saisi cette chambre pour statuer sur la nullité éventuelle d'actes de procédure.
Le président de la chambre de l'instruction a transmis cette requête au procureur général aux fins de saisine de la chambre de l'instruction le19 novembre 2009.
La date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience a été notifiée
- par lettres recommandées du 21 décembre 2009 aux personnes mises en examen ainsi qu'aux avocats des parties.
- par les soins du chef d'établissement pénitentiaire, qui a adressé, sans délai, au procureur général l'original du récépissé signé, 21 décembre 2009, par, personne mise en examen.
Le dossier comprenant le réquisitoire écrit du procureur général en date du 3 décembre 2009 a été déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des parties.
DÉCISION
Prise après en avoir délibéré conformément à l'article 200 du code de procédure pénale.
EN LA FORME

Considérant que la requête susvisée entre dans les prévisions de l'article 173 du code de procédure pénale donnant compétence à la chambre de l'instruction pour prononcer la nullité des actes qui en sont entachés ; qu'elle est donc recevable ;
AU FOND
Par sa requête, sollicite de la Cour l'annulation des procès verbaux de sa garde à vue de même que de tous les actes dont elle est le support, aux motifs que les dispositions de l'article 64 du code de procédure pénale et surtout celles de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme n'auraient pas été respectées.
Se référant également à l'article 93 des règles minimales pour le traitement des détenus, en sa résolution 73 du comité des Ministres du conseil de l'Europe, la défense soutient que dès son incarcération, un prévenu doit pouvoir choisir son avocat. et recevoir des visites de celui-ci en vue de sa défense .L'article 6 alinéa 3 de la Convention européenne des droits de l'homme s'impose en amont de la procédure dès les interrogatoires de police afin que soir respecté, ultérieurement en toutes ses phases, le principe d'un procès équitable.
Malgré le souhait exprimé de bénéficier de l'assistance d'un avocat à la 72ème heure de sa garde à vue, a été conduit devant le juge d'instruction avant l'expiration du délai légal de 72 heures et n'a donc pas eu accès à un avocat. L'application du régime dérogatoire prévu aux articles 706-73 et suivants du code de procédure pénale fait grief à ses droits, ayant "alors avoué à peu près n'importe quoi",selon les termes de la requete.

LES FAITS
Le 2 novembre 2008, les fonctionnaires de police contrôlaient un véhicule Renault KANGOO ayant commis plusieurs infractions. Le conducteur,, déclarait avoir consommé des produits stupéfiants et était trouvé porteur d'amphétamines. Sa passagère,, était quant à elle trouvée porteuse de plusieurs bonbonnes d'amphétamines. Tous deux déclaraient avoir acheté ces produits à un dénommé "Mixo" pour les revendre dans des "rave-parties".
Une information était ouverte le 6 novembre 2008. ( D 211) des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants.
Les investigations effectuées sur commission rogatoire amenaient la découverte de faits nouveaux.
Les interceptions téléphoniques réalisées sur les lignes des protagonistes du trafic et parmi eux celles de révélaient que celui-ci participait à ce trafic, en tant qu'acheteur importateur, fournisseur (D238) en cocaïne, ecstasy, voire en tant que "transformateur" de la kétamine (D2541 à D2632).
Les perquisitions et notamment celle au domicile de X permettait de découvrir 97 cachets d'ecstasy, 35 gr de résine de cannabis, une fiole de LSD (D247).
Les déclarations en garde à vue d'autres participants tels que et ou confirmaient la participation de au trafic, indépendamment de ses propres aveux.
Le 11 mai 2009, le parquet de Créteil prenait des réquisitions supplétives ( D 240, D 241).
Elles conduisaient aux interpellations le 12 mai 2009 de X a été arrêté le 12 mai à 6h10, à Corbeil Essonnes (D1037), heure à laquelle il été placé en garde à vue ( D 1035) pour détention, acquisition, transport, offre, cession de produits stupéfiants, usage illicite de produits stupéfiants, importation de produits stupéfiants et participation à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation d'un trafic de produits stupéfiants.
Ses droits lui ont été régulièrement notifiés. Il a souhaité faire aviser ses parents,en la personne de X, il n'a pas souhaité voir un médecin et a exprimé le souhait de voir un avocat commis d'office à l'issue de la 72 ème heure de garde à vue.
Il a été entendu le 12 mai à 10h 20 ( D 1094) jusqu'à 11h 20 ( D 1096), le temps pour lui d'être examiné par le médecin des UCMJ aux fins de dépistage des toxiques urinaires, puis l'audition a repris de 11h 28 à 14 h 35.( D 1099).
Une prolongation de sa garde à vue d'une durée de 24 heures lui a été notifiée le 12 mai à 23h 05 ( D 1101) ses droits lui ont été rappelés et le gardé à vue a manifesté le souhait de subir un examen médical.
Il a ensuite été réentendu le 13 mai de 10h15 à 12 h 40 ( D 1107).
Il a fait l'objet d'un examen médical le jour même à 15 heures, son état de santé a été jugé compatible avec la mesure de garde à vue ( D 1125).
Il a été entendu à nouveau le 13 mai à 15h 10 jusqu'à 16h 40, heure à laquelle le gardé à vue s'est levé, s'est dirigé vers la fenêtre en courant afin de se jeter dans le vide et de rejoindre l'étage inférieur.( D 1128).
Le 13 mai à 19h 25, X a fait l'objet d'un deuxième examen médical, qui a conclu que son état de santé demeurait compatible avec la garde à vue. (D 1141).
Le même jour, à 22h05 une deuxième prolongation de garde à vue lui a été notifiée (D 1136) et ses droits lui ont été rappelés, dont celui de pouvoir s'entretenir avec un avocat à l'issue de la 72ème de la mesure, si une dernière prolongation de garde à vue devait être accordée.(PV de notification par le magistrat instructeur D 1137/ D 1138).
Le 14 mai, il est entendu de 10h à 11h 50. A l'issue de cette ultime audition, il a été déféré au magistrat instructeur, sa mesure de garde à vue, d'une durée inférieure à 72 heures,étant levée.
Le requérant n'a donc pu exercer son droit de s'entretenir avec un avocat désigné d'office, puisque selon les dispositions du code de Procédure Pénale, article 706-88, alinéa 6, en matière de trafic de produits stupéfiants (article 706-73 3°), l'entretien avec un avocat n'est possible qu' à l'issue de la 72 ème heure.
Pour M le Procureur général, il n'a pas été contrevenu à cette disposition légale. S'agissant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, il estime que cette juridiction s'est gardée de fixer avec précision le degré de mise en cause, à compter duquel une personne doit bénéficier des droits de la défense. Les juges européens considèrent que "la notion d'équité, consacrée par l'article 6, exige que l'accusé puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat dés les premiers stades de l'interrogatoire de la police", cette solution de principe a été cependant assortie de nuances et de précisions. Les juges européens ont estimé que le droit à l'assistance d'un avocat lors des auditions par les services de police pouvait être soumis à des restrictions, comme en matière de lutte contre les formes les plus graves de criminalité parmi lesquelles peut etre inclus le trafic de stupéfiants.
CECI ÉTANT EXPOSÉ
Considérant que les règles minimales édictées par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe non reprises par une convention internationale n'ont pas de valeur juridique en tant que telles, et constituent de simples recommandations;
Considérant qu'en application de l'article 46 de la Convention Européenne des droits de l'homme, seules les Hautes parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour (Européenne de Strasbourg) dans les litiges auxquels elle sont parties, que tel n'est pas le cas en l'espèce des décisions citées par la défense dans sa requête, sauf celle du 23 novembre 1993 Patrimol c/ France, dont cependant elle n'explicite pas les termes pertinents et applicables en l'espèce ;
Considérant que la défense, au soutien de sa requête se réfère essentiellement à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et plus spécialement aux dispositions de son alinéa 3, pour affirmer que la Convention a pour but de "protéger des droits non théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs", et que la nomination d'un conseil n'assure pas à elle seule l'effectivité de l'assistance, elle en déduit que l'article 6 exige normalement que le prévenu puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police, laquelle défense, admet cependant que l'article 6 paragraphe 3 c) ne précise pas les conditions d'exercice du droit qu'il consacre, et concède que ce droit peut toutefois être soumis à des restrictions "pour des raisons valables", dit-elle, sans citer les arrêts des 27 novembre 2008 et 13 novembre 2009 de la Cour Européenne ;
Considérant que X a été placé en garde à vue, le 12 mai 2009 à 6h10, que cette garde à vue a été prolongée une première fois pour 24h00, le 12 mai à 23h05 et, à nouveau prolongée le même jour à 22h05, pour finalement être levée le 14 mai à 11h50, soit avant l'expiration du délai légal de 72 heures, heure au delà de laquelle, le droit à l'assistance d'un avocat pouvait être régulièrement exercé, conformément aux dispositions des articles 63, 63-4, 706-73 et 706-88 du code de procédure pénale ;
Considérant qu'il résulte de la lecture des procès verbaux de placement en garde à vue et de prolongation de cette mesure, que les droits du gardé à vue ont été notifiés régulièrement à X, conformément aux dispositions de l'article 64 du code de procédure pénale, et que celui-ci a pu régulièrement et effectivement les exercer, conformément à ses souhaits (avis à famille, examen médical) ;
Considérant que le paragraphe 3 de l'article 6 de la Convention Européenne des droits de l'homme dit
Tout accusé a droit notamment à
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;
b)disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il na pas les
moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;
d)interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
Considérant que les dispositions actuelles du code de procédure pénale consacrent le principe que toute personne placée en garde à vue peut avoir accès à un avocat avec lequel elle peut s'entretenir, dès le début de cette mesure (article 63-4 et 154 du code de procédure pénale),que l'effectivité de ce droit est réelle,l'avocat étant avisé de la nature et de la date des faits, cet entretien pouvant durée 30 minutes,cette faculté étant renouvelée à chaque prolongation de la mesure ;
Considérant que notre droit prévoit une intervention différée de l'avocat lorsque le gardé à vue est mis en cause pour certaines infractions relevant de la criminalité organisée, du terrorisme, ou encore, comme en l'espèce, pour infraction à la législation sur les stupéfiants, ensemble d'infractions estimées d'une particulière gravité ;
Considérant, ainsi que le concède la défense, que ces restrictions ne sont pas contraires à l'article 6 paraphe 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et aux interprétations qu'en a fait la Cour Européenne de Strasbourg, qui admet les exceptions au principe de l'exercice du droit à un avocat, s'il est démontré, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit ;
Considérant que la participation à un trafic de stupéfiants constitue une infraction particulièrement grave de par ses conséquences, entre autres, sur la santé publique, de telle sorte que les restrictions temporaires instituées poursuivent une préoccupation légitime, apparaissent proportionnées à l'objectif social, tel que voulu par le législateur ; et ne se montrent pas contraire au principe du procès équitable;
Considérant enfin qu'en l'espèce, la mise en examen de X n'a pas été uniquement fondée à partir de ses déclarations faites en garde à vue, mais aussi au regard d'autres indices graves ou concordants, tels les interceptions téléphoniques, les résultats positifs des perquisitions et les déclarations des autres protagonistes, que dès lors le requérant, qui n'encourt pas le risque d'être condamné au vu de ses seules déclarations initiales recueillies en garde à vue, pourra bénéficier d'un procès équitable ;
Considérant en conséquence que l'ensemble des droits et règles régissant la garde à vue ont été en l'espèce respectés, que les procès verbaux y afférent comme toutes pièces de la procédure subséquentes sont réguliers, que la requête en nullité sera rejetée dans son intégralité, et que la procédure, qui n'est pas entachée d'autres irrégularités, est régulière jusqu'à la cote D2958 ;

PAR CES MOTIFS
LA COUR
Vu les articles 170, 171, 172, 173, 174, 194, 197, 199, 200, 206, 209, 216, 217, 801 et 802 du code de procédure pénale,
EN LA FORME
Dit la saisine recevable ;
AU FOND
La dit mal fondée,la rejette;
Dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure jusqu'à la cote D2958 ; .
Dit qu'il sera fait ensuite retour du dossier au juge d'instruction saisi pour poursuite de l'information.
ORDONNE que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de M. ... ... ....
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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