Jurisprudence : CAA Lyon, 2e, 05-01-2016, n° 14LY03030

CAA Lyon, 2e, 05-01-2016, n° 14LY03030

A0327N4U

Référence

CAA Lyon, 2e, 05-01-2016, n° 14LY03030. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/28591866-caa-lyon-2e-05012016-n-14ly03030
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Abstract

L'imprécision du sens des conclusions du rapporteur public peut emporter l'irrégularité du jugement, indique la cour administrative d'appel de Lyon dans un arrêt rendu le 5 janvier 2016 (CAA Lyon, 2ème ch., 5 janvier 2016, n° 14LY03030, voir aussi CE 3° et 8° s-s-r., 20 octobre 2014, n° 371493, mentionné aux tables du recueil Lebon).

Références

CAA de LYON

N° 14LY03030
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre - formation à 3
lecture du mardi 05 janvier 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...et Mme C...E...ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 22 août 2013 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de les admettre provisoirement au séjour en qualité de demandeur d'asile et les décisions du 18 février 2014 par lesquelles ladite préfète a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination.

Par un jugement n° 1400969-1400970- 1401794- 1401795 du 21 juillet 2014, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces différentes décisions (article 1), enjoint à la préfète de la Loire de transmettre sans délai leurs dossiers au préfet du Rhône en vue de l'instruction de leurs demandes d'autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeurs d'asile (article 2) et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 400 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3).




Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 6 octobre 2014, le 7 octobre 2014 et le 18 juin 2015 la préfète de la Loire demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 juillet 2014 en tant qu'il a annulé les décisions du 18 février 2014 par lesquelles ladite préfète a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A...D...et Mme C... E...et en tant qu'il lui a enjoint de transmettre sans délai leurs dossiers au préfet du Rhône en vue de l'instruction de leurs demandes d'autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeurs d'asile.

La préfète de la Loire soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement du tribunal administratif, qui n'a pas répondu aux moyens en défense qu'elle avait présentées concernant l'incidence de l'annulation du refus d'autorisation provisoire de séjour pour incompétence sur la légalité du refus de titre de séjour en qualité de demandeur d'asile, pour lequel elle se trouvait en situation de compétence liée, ainsi que sur l'injonction, auquel le tribunal ne pouvait faire droit dès lors que leur demande d'asile avait été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, n'est pas suffisamment motivé ;
- le jugement est irrégulier dès lors que dans l'application Sagace, le rapporteur public avait conclu à l'annulation partielle ou totale des décisions litigieuses et n'avait pas précisé qu'il entendait conclure à ce qu'il soit enjoint à l'administration de réexaminer la demande des requérants ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation des refus de titre de séjour :
- que l'annulation du refus d'autorisation provisoire de séjour ne saurait conduire, par voie de conséquence, à l'annulation du refus de titre de séjour, la préfète de la Loire se trouvant en situation de compétence liée pour refuser de délivrer un titre de séjour en qualité de réfugié à un étranger qui s'est vu refusé la reconnaissance de cette qualité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
- que les moyens présentés par les requérants en première instance, tirés de l'incompétence du signataire des refus de titre de séjour et de leur insuffisante motivation, sont inopérants dès lors que la préfète était en situation de compétence liée pour refuser de leur délivrer un titre de séjour en qualité de réfugiés ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées en première instance :
- que leur demande d'asile ayant été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 avril 2014, les conclusions aux fins d'injonction présentées par les requérants avaient perdu leur objet.

M. D...et Mme E...n'ont pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 15 avril 2015 la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A... D...et Mme C...E...a été constatée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de M.B..., représentant le préfet de la Loire.

Une note en délibéré présentée pour le préfet de la Loire a été enregistrée le 14 décembre 2015.

1. Considérant que M. D...et MmeE..., ressortissants russes, nés respectivement le 3 février 1978 et le 22 août 1984, sont entrés irrégulièrement en France le 17 septembre 2012, accompagnés de leurs trois enfants, nés en 2007, 2008 et 2011 ; que le préfet du Rhône leur a, le 9 octobre 2012, refusé l'admission provisoire au séjour en qualité de demandeurs d'asile en application du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la consultation du fichier Eurodac a révélé que les intéressés étaient entrés irrégulièrement sur le territoire de l'Union européenne par la frontière polonaise et que la Pologne, où ils avaient présenté une demande d'asile, devait être regardée comme l'Etat responsable de leur demande ; que les autorités polonaises ont donné leur accord pour la réadmission de M. D...et MmeE... ; que, par arrêtés, pris à une date inconnue, la préfète de la Loire a ordonné que les intéressés soient remis aux autorités polonaises ; que ces arrêtés n'ayant pu être exécutés dans le délai requis, la France a recouvré la responsabilité du traitement de leurs demandes d'asile ; que, par décisions du 22 août 2013, la préfète de la Loire a rejeté leurs demandes d'admission provisoire au séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que leurs demandes étaient abusives ; que, saisi selon la procédure prioritaire, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a, par décisions du 27 novembre 2013, rejeté les demandes d'asile de M. D...et MmeE... ; que les intéressés ont formé des recours contre ces décisions devant la Cour nationale du droit d'asile le 27 décembre 2013 ; que, par décisions, en date du 18 février 2014, la préfète de la Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés ; que le 17 avril 2014, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté leurs demandes de reconnaissance du statut de réfugié ; que la préfète de la Loire relève appel du jugement en date du 21 juillet 2014, en tant que le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 18 février 2014 portant refus de délivrance de titres de séjour et en tant que le tribunal a enjoint à la préfète de la Loire de transmettre sans délai leurs dossiers au préfet du Rhône en vue de l'instruction de leurs demandes d'autorisations provisoires de séjour en qualité de demandeurs d'asile ;

Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire " ; qu'aux termes de l'article L. 7 de ce code : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent " ; que l'article R. 711-2 du même code indique que l'avis d'audience mentionne les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public ; que le premier alinéa de l'article R. 711-3 du même code dispose que : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ;
3. Considérant que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, en termes précis, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions aux fins d'injonction ne présentent pas un caractère accessoire au sens des dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que s'agissant des conclusions aux fins d'annulation des décisions du 18 février 2014, le rapporteur public a seulement indiqué aux parties qu'il conclurait à l'annulation totale ou partielle de ces décisions ; qu'il appartenait au rapporteur public d'indiquer précisément s'il entendait conclure à l'annulation de toutes les décisions prises par la préfète de la Loire ou seulement à l'annulation de certaines d'entre elles ; qu'en outre, le rapporteur public n'a pas indiqué s'il ferait droit aux conclusions aux fins d'injonction ; qu'en l'absence de telles précisions, la préfète de la Loire est fondée à soutenir que le jugement est entaché d'une irrégularité et, par suite, à en demander l'annulation, dans la limite des conclusions présentées en appel ;
5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. D...et Mme E...devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation des décisions du 18 février 2014 portant refus de délivrance de titre de séjour et sur les conclusions aux fins d'injonction qu'ils ont présentées devant les premiers juges ;
Sur la légalité des décisions du 18 février 2014 portant refus de délivrance de titres de séjour :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens présentés par les demandeurs en première instance :
6. Considérant qu'en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé ; qu'il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte ; qu'il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale ;
7. Considérant que seule l'intervention préalable d'un refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile est de nature à conduire à la mise en oeuvre de la procédure prioritaire et à permettre au préfet de prendre les décisions refusant à un demandeur d'asile le séjour et obligeant l'intéressé à quitter le territoire français avant que la Cour nationale du droit d'asile, en cas de recours formé devant elle contre la décision négative de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, n'ait statué sur ce recours ; que de telles décisions du préfet, refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire, ne peuvent ainsi légalement être prises en l'absence de décision initiale refusant l'admission provisoire au séjour ;
8. Considérant que les décisions du 22 août 2013 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de délivrer à M. D...et Mme E...des autorisations provisoires de séjour ont été annulées par le jugement attaqué du 21 juillet 2014, devenu définitif sur ce point et revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée ; que, par suite, les décisions du 18 février 2014 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de délivrer à M. D...et Mme E...un titre de séjour, à la suite du rejet de leur demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, doivent être annulées par voie de conséquence, sans qu'il y ait lieu de rechercher le motif de l'annulation des refus d'autorisation provisoire de séjour et sans que puisse y faire obstacle la circonstance que le préfet se trouverait, dès le rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de la demande d'asile, en situation de compétence liée pour rejeter une demande de titre de séjour en qualité de réfugié ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. D...et Mme E... devant les premiers juges :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le 17 avril 2014 les recours de M. D...et Mme E...formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides refusant de leur reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de leur accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ; que, par suite, en l'absence de demande d'asile en cours, l'annulation des décisions portant refus d'autorisation provisoire de séjour par le tribunal, dont le jugement est devenu définitif sur ce point, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. D...et Mme E...devant les premiers juges doivent être rejetées ;

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