CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
371406
SOCIETE LAST MINUTE NETWORK LTD
M. Mathieu Herondart, Rapporteur
Mme Nathalie Escaut, Rapporteur public
Séance du 18 novembre 2015
Lecture du
7 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux
Vu la procédure suivante :
La société Holiday Autos Group Ltd a demandé au tribunal administratif de Montreuil le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois d'octobre et novembre 2009. Par un jugement n° 1009927 du 16 mars 2012, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 12VE02547 du 18 juin 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la société Last Minute Network Ltd.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 août et 19 novembre 2013 et 28 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Last Minute Network Ltd demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Last Minute Network Ltd ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Last Minute Network Ltd est la représentante d'un " groupement TVA " établi au Royaume-Uni qui comprend la société Holiday Autos Group Ltd ; que cette dernière société a sollicité le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre au 30 novembre 2009 ; que la société Last Minute Network Ltd se pourvoit en cassation contre un arrêt du 18 juin 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel formé contre le jugement du 16 mars 2012 du tribunal administratif de Montreuil rejetant la demande présentée par la société Holiday Autos Group Ltd tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 11 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, qui reprend le second alinéa du paragraphe 4 de l'article 4 de la sixième directive du 17 mai 1977 : " Après consultation du comité consultatif de la taxe sur la valeur ajoutée (.), chaque Etat membre peut considérer comme un seul assujetti les personnes établies sur le territoire de ce même Etat membre qui sont indépendantes du point de vue juridique mais qui sont étroitement liée entre elles sur les plans financiers, économique et de l'organisation " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt C-162/07 du 22 mai 2008, que le recours à ce régime implique que les sociétés qui décident de se regrouper dans un tel groupement cessent d'être considérées comme des assujettis distincts à la taxe sur la valeur ajoutée, pour être considérées comme un assujetti unique, seul attributaire d'un numéro individuel d'identification à cette taxe et, par suite, seul à pouvoir souscrire des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que seule la société Last Minute Network Ltd, en sa qualité de représentante du " groupement TVA " à compter du 30 septembre 2008, aurait eu qualité pour présenter, le 22 décembre 2009, la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période concernée, à l'exclusion de la société Holiday Autos Group Ltd, devenue à compter du 30 septembre 2008 simple membre du groupement, et qui ne pouvait donc plus être regardée comme un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : / a) Mentionner l'imposition contestée ; / b) Contenir l'exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie ; / c) Porter la signature manuscrite de son auteur ; à défaut l'administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours ; / d) Etre accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. / La réclamation peut être régularisée à tout moment par la production de l'une des pièces énumérées au d (.) " ; qu'aux termes de l'article R. 197-4 du même livre : " Toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d'un mandat régulier. Le mandat doit, à peine de nullité, être produit en même temps que l'acte qui l'autorise ou enregistré avant l'exécution de cet acte / Toutefois, il n'est pas exigé de mandat des avocats inscrits au barreau ni des personnes qui, en raison de leur fonctions ou de leur qualité, ont le droit d'agir au nom du contribuable. Il en est de même si le signataire de la réclamation a été mis personnellement en demeure d'acquitter les impositions mentionnées dans cette réclamation. (.) " ; qu'aux termes de l'article R. 200-2 du même livre : " (.) Les vices de forme prévus aux a, b, et d de l'article R. 197-3 peuvent, lorsqu'ils ont motivé le rejet d'une réclamation par l'administration, être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif. / Il en est de même pour le défaut de signature de la réclamation lorsque l'administration a omis d'en demander la régularisation dans les conditions prévues au c du même article " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si une réclamation présentée par une personne qui n'a ni qualité ni mandat pour le faire est irrecevable, ce vice de forme peut, en l'absence de demande de régularisation adressée par l'administration dans les conditions prévues au c de l'article R. 197-3, être régularisé par le contribuable dans sa demande devant le tribunal administratif ; que cette régularisation est donc possible jusqu'à l'expiration du délai imparti au contribuable pour présenter cette demande ; qu'en revanche, après l'expiration de ce délai, l'irrecevabilité de la réclamation préalable présentée à l'administration et, par conséquent, celle de la demande contentieuse, ne peuvent plus être régularisées, quand bien même l'administration n'aurait pas invité le contribuable à le faire ; qu'une telle irrecevabilité doit être relevée d'office par le juge, y compris pour la première fois en appel si elle n'a pas été relevée en première instance ; que ces règles s'appliquent aux demandes de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée, lesquelles ont le caractère de réclamations ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en relevant d'office l'irrecevabilité de la demande de remboursement présentée par la société Holiday Autos Group Ltd, qui n'avait ni qualité pour le faire, ni mandat en ce sens de la société Last Minute Network Ltd, dès lors que cette dernière n'avait pas régularisé cette demande dans le délai de recours contentieux, et alors même que, d'une part, l'administration n'avait pas invité le demandeur à régulariser sa demande et que, d'autre part, cette irrecevabilité n'avait pas été relevée devant les premiers juges, et en rejetant pour ce motif l'appel formé devant elle par la société Last Minute Network Ltd ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel de la société Last Minute Network Ltd, cette dernière n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi de la société Last Minute Network Ltd est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Last Minute Network Ltd et au ministre des finances et des comptes publiques.