SOC. LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 1er décembre 2015
Rejet
M. HUGLO, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n 1852 F D Pourvoi n C 14-15.077 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Z Z, domicilié Villeurbane,
contre l'arrêt rendu le 3 février 2014 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à la société Entreprise J. Reyes, dont le siège est Corbas,
défenderesse à la cassation ;
La société Entreprise J. Reyes a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 octobre 2015, où étaient présents M. Huglo, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Barbé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Reygner, conseiller, M. Petitprez, avocat général, Mme Hotte, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Z, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de la société Entreprise J. Reyes, l'avis de M. Petitprez, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 février 2014), que M. Z a été engagé par la société Entreprise J. Reyes en qualité de manoeuvre, dans le cadre d'un contrat initiative emploi du 25 janvier 1999 au 25 janvier 2001, puis du 3 juin au 26 juillet 2002, du 3 février 2003 au 30 janvier 2004 et du 1er février 2004 au 30 janvier 2005, dans le cadre de contrats à durée déterminée dont le dernier s'est poursuivi au-delà de son terme ; que, par courrier du 30 décembre 2009, le salarié a dénoncé une politique salariale discriminatoire à son égard en indiquant percevoir des primes de bilan nettement plus faibles que les autres salariés à raison du fait qu'il était le seul ouvrier "de couleur" ; qu'il a été licencié, par lettre du 28 mai 2010, pour cause réelle et sérieuse ; que, contestant cette mesure et présentant diverses demandes relatives à l'exécution du contrat, notamment de l'obligation de sécurité, en paiement des rappels de salaires et des heures supplémentaires, ainsi que des dommages-intérêts au titre de la discrimination salariale, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le pourvoi principal du salarié
Sur le premier moyen
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral et du non-respect de l'obligation de sécurité, alors, selon le moyen
1 / qu'il résulte de l'article L. 1154-1 du code du travail que lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1 qui prohibe tout agissement répété de harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des
éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel a constaté le dépôt de mains courantes et que " tous (l'appelant comme les chefs de chantiers) se plaignent du comportement de l'autre, de propos désagréables, de contestations et de difficultés à travailler ensemble ", autant de présomptions qu'il appartenait à l'employeur de combattre en prouvant que ces faits étaient étrangers à tout harcèlement ; qu'en affirmant néanmoins que Thobie Atangana n'établissait aucun fait laissant présumer un harcèlement moral, la cour d'appel a fait peser sur le salarié la charge d'une preuve qui ne lui incombait pas, et a violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;
2 / que la cour d'appel ne pouvait sans contradiction constater les accusations portées sans preuve contre le salarié à l'appui de son licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse, le " fait établi " du changement fréquent d'équipe imposé à M. Z, les mains courantes déposées soit par le salarié soit par son chef d'équipe, que tous se plaignent " de propos désagréables, de contestations et de difficultés, ce qui témoigne à tout le moins d'un climat difficile régnant au sein de l'entreprise " et affirmer dans le même temps que M. Z n'apportait aucun élément permettant de présumer un harcèlement moral ; que la cour d'appel a ainsi violé les dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant l'ensemble des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que le salarié n'établissait pas la matérialité des faits allégués pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de paiement d'heures supplémentaires, alors, selon le moyen, que le salarié produisait un décompte des heures qu'il affirmait avoir accomplies ; qu'il appartenait donc à l'employeur de fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'en faisant peser la charge de la preuve sur le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le salarié ne fournissait qu'un relevé manuscrit mensuel quelles que soient la période de l'année, la distance et la nature du chantier, sans tenir compte des absences et sans qu'aucun élément extérieur, date, lieu des chantiers ou attestations de collègues, ne vienne le corroborer afin de démontrer qu'il effectuait des heures supplémentaires au delà de celles qui lui étaient réglées chaque mois, la cour d'appel a fait ressortir, sans inverser la charge de la preuve, que ces éléments n'étaient pas suffisamment précis quant aux horaires
effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rappel de salaire au titre du gardiennage effectué pendant les mois d'août, alors, selon le moyen
1 / qu'en énonçant " qu'il est légitime de penser qu'il n'aurait pas accepté de continuer à l'assurer s'il représentait la charge qu'il invoque ", la cour d'appel a énoncé un motif d'ordre général et privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2 / que la cour d'appel ne pouvait affirmer que les attestations versées aux débats par M. Z " corroborent les indications de la société Entreprise J. Reyes ", sans les analyser, ni expliquer sur quoi elle fondait cette conviction ; qu'elle a ainsi derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3 / que la cour d'appel devait s'expliquer, comme il lui était demandé, sur la valeur probante des attestations versées aux débats par l'employeur, émanant de ses voisins et qui ne faisaient pas état des liens d'intérêts existant entre les deux familles, pas plus qu'elles ne fournissaient de précision sur les heures auxquelles les visites du salarié auraient été faites ; qu'elle a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le moyen ne fait que remettre en cause, sous des griefs infondés de défaut de motivation, la pertinence des éléments de preuve apportés par les parties qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de juger que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner ainsi à payer à ce dernier des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui ordonner de rembourser aux organismes concernés les indemnités chômage versées au salarié dans la limite d'un mois, alors, selon le moyen
1 / que les juges du fond doivent prendre en compte tous les motifs énoncés dans la lettre de licenciement ; que la lettre de licenciement énonçait plusieurs griefs, tirés, en 1/, des actes d'insubordination de M. Z et, en 2/, des provocations imputables à ce dernier et de ses conflits avec ses différents collègues de travail, qui avaient justifié son changement fréquent d'équipe ; que, pour juger que le licenciement de M. Z était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a affirmé qu'aucun exemple d'insubordination n'est donné alors qu'il s'agit du premier grief énoncé par la lettre de licenciement ou encore que M. Z n'a jamais eu de sanction ni même de mise en garde et qu'il n'y avait pas de faute précise et caractérisée ; qu'en statuant ainsi, alors même que comme elle l'a soutenu dans ses conclusions d'appel -et comme Monsieur Z l'a lui-admis même dans son pourvoi- la société J. Reyes n'a pas licencié le salarié pour faute mais pour d'autres faits, constitutifs de mésentente, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'imposaient de ses propres constatations et a violé l'article L. 1232-6 du code du travail en n'examinant pas ces griefs ;
2 / que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif ; que pour juger que le licenciement de M. Z était sans cause réelle et sérieuse, en l'absence de faute précise et circonstanciée, la cour d'appel a également relevé que M. Z n'a jamais eu de sanction ni même de mise en garde ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors même qu'au-delà du grief d'insubordination mentionné en 1/ dans la lettre de licenciement, la société J. Reyes n'avait pas considéré comme fautifs les agissements de M. Z par ailleurs mentionnés en 2/ de cette même lettre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'imposaient de ses propres constatations et a violé l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article L. 1331-1 du même code ;
3 / que les juges du fond ne sauraient statuer par des motifs contradictoires ; que d'un côté, les juges du fond ont affirmé, pour juger que le licenciement de M. Z était dépourvu de cause réelle et sérieuse, que les chefs d'équipe se plaignaient de faits non datés, non circonstanciés, qu'ils n'ont pas réagi sur le moment des supposés faits, alors que M. Z travaille dans l'entreprise depuis 7 ans et qu'il n'est pas justifié de difficultés particulières ; que d'un autre côté, la cour d'appel a relevé que le seul fait sur lequel s'accordent les parties c'est que M. Z s'est vu imposer des changements fréquents d'équipe pendant ces 7 ans ; que ce faisant, les juges du fond ont donc constaté que la mésentente entre salariés imputable à M. Z avait bien amené son employeur à lui imposer des changements fréquents d'équipes, de telle sorte qu'ils ont statué par des motifs contradictoires et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4 / que la datation dans la lettre de licenciement des faits invoqués n'est pas nécessaire ; que pour juger que le licenciement de M. Z était sans cause réelle et sérieuse, les juges du fond ont également affirmé que la lettre de licenciement n'évoque aucun fait précis quant aux dates et lieux ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments produits devant elle, tant par le salarié que par l'employeur, que la cour d'appel a décidé, sans encourir les griefs du moyen et dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le licenciement du salarié ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Z, demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Z de sa demande de réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral et du non respect de l'obligation de sécurité ;
AUX MOTIFS QUE 1. Sur le licenciement, la lettre de licenciement reproche à Thobie Atangana son insubordination, son comportement et ses propos lesquels amèneraient les salariés et les chefs d'équipes à refuser de travailler avec lui ; que pour étayer ses dires la société produit des courriers de ses chefs d'équipe datant tous du mois de mai 2010 pour se plaindre de faits non datés et non circonstanciés ; que ... ... ... expose s'être fait agresser par Thobie Atangana en janvier 2010 ; qu'il ne date pas son attestation (...) qu'il n'est justifié ni de rixes ni de difficultés particulières ; que Thobie Atangana n'a jamais eu de sanction ni même de mises en garde ; que le seul fait établi sur lequel s'accordent les parties est le changement fréquent d'équipe ; qu'aucun exemple d'insubordination n'est donné ; qu'en l'absence de faute précise et caractérisée, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 2. Sur l'exécution fautive du contrat au regard du harcèlement moral et du défaut de mesures de sécurité que Thobie Atangana se fonde sur divers longs courriers qu'il produit des 4 mars 1999, 4 novembre 2003 et 10 mai 2010 dans lesquels il se plaint du traitement qu'il subit de la part des autres salariés et des chefs de chantiers ; qu'il retrace les diverses affectations dont il a fait l'objet qui se sont toutes soldées par des brimades, des propos insultants et racistes ; que la société Reyes conteste avoir été destinataire de ces lettres ; que de fait, ayant reçu le courrier du 30 décembre 2009, elle a rapidement apporté une réponse ; que de plus, le premier courrier, adressé quelques mois seulement après le début de la relation contractuelle fait état de pressions, de harcèlement à son encontre à raison des contrôles de l'inspection du travail qu'il aurait déclenchés ; que selon les indications portées sur cet écrit, il a été transmis à la direction départementale du travail et aux services de l'ANPE ayant signé la convention du contrat initiative-emploi permettant l'exonération des cotisations sociales ; qu'il n'est pas fait état par les parties de réaction de l'un ou l'autre de ces organismes ce qui, au vu des faits énoncés, milite pour un défaut d'envoi ou à tout le moins de réception de ces courriers ; qu'en dernier lieu il sera observé que ce courrier de 1999 est étranger au contrat liant les parties du 1er février 2004 avec reprise d'ancienneté au 3 février 2003 ; que de même, M. Z Z soutient avoir écrit aux services de gendarmerie le 6 mai 2010 pour déposer plainte pour non respect par un salarié nommément désigné de son équipe de l'interdiction de fumer (...) ; qu'il expose dans ce courrier que ce salarié " a voulu lui casser la tête avec un chevron le 5 mai 2010 et en a été empêché par les autres ouvriers qui sont intervenus (...) " ; que là encore aucune réponse, ne serait-ce que pour accuser réception et permettre l'enregistrement de la plainte ; que l'envoi, fait en lettre simple, n'est pas établi ; que d'ailleurs, le 15 novembre 2011, Thobie Atangana s'est présenté à la compagnie de gendarmerie de Bron, brigade de Corbas (destinataire du courrier précité) pour déposer une main courante relative à ces faits ; qu'il ne se réfère pas à ce courrier et précise même qu'il n'avait pas souhaité déposer plainte à la date des faits ; que rien ne corrobore l'agression décrite ; qu'aucun salarié ne témoigne de cet événement ou, plus généralement, du comportement du grutier sur le chantier et des divers intervenants avec Thobie Atangana ; qu'en revanche, ... ... ... a déposé une main courante à la gendarmerie le 7 mai 2010 pour dénoncer le comportement de Thobie Atangana à son égard en indiquant que depuis la mi-avril il ne cesse de l'insulter en cherchant à le pousser à bout ; que ne reste alors que l'attestation de Jorge ... ... ..., reparti au Portugal, qui reprend les dires de Thobie Atangana alors que l'entreprise Reyes soutient qu'ils n'ont jamais travaillé dans la même équipe (...) ; que ce témoignage est établi en termes aussi vagues que ceux rédigés par les chefs de chantier et produits par la société Reyes pour le licenciement ; qu'un point les rapproche, tous se plaignent du comportement de l'autre, de propos désagréables, de contestations et de difficultés à travailler ensemble ; qu'aucun d'eux n'établit ces allégations ; que quand Thobie Atangana souligne l'impatience et l'exaspération de son employeur comme seule réaction aux alertes formulées, il se réfère au seul courrier reçu, celui du 10 décembre 2009 d'une toute autre teneur que les autres ; qu'il ne vise aucun fait de harcèlement, ne se plaint pas de ses collègues de chantier mais dénonce une disparité de traitement dans l'attribution des primes ; que la société Entreprise J. Reyes n'a pas été avisée du comportement des autres salariés que dépeint aujourd'hui Thobie Atangana sans apporter d'éléments corroborant ses dires ; que Thobie Atangana n'établit aucun fait laissant présumer un harcèlement moral et/ou un manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;
1) ALORS QU'il résulte de l'article L 1154-1 du code du travail que lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L1152-1 qui prohibe tout agissement répété de harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la cour d'appel a constaté le dépôt de mains courantes et que " tous (l'appelant comme les chefs de chantiers) se plaignent du comportement de l'autre, de propos désagréables, de contestations et de difficultés à travailler ensemble ",
autant de présomptions qu'il appartenait à l'employeur de combattre en prouvant que ces faits étaient étrangers à tout harcèlement ; qu'en affirmant néanmoins que Thobie Atangana n'établissait aucun fait laissant présumer un harcèlement moral, la cour d'appel a fait peser sur le salarié la charge d'une preuve qui ne lui incombait pas, et a violé l'article L 1154-1 du code du travail ;
2) ALORS QUE la cour d'appel ne pouvait sans contradiction constater les accusations portées sans preuve contre le salarié à l'appui de son licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse, le " fait établi " du changement fréquent d'équipe imposé à M. Z, les mains courantes déposées soit par le salarié soit par son chef d'équipe, que tous se plaignent " de propos désagréables, de contestations et de difficultés, ce qui témoigne à tout le moins d'un climat difficile régnant au sein de l'entreprise " et affirmer dans le même temps que M. Z n'apportait aucun élément permettant de présumer un harcèlement moral ; que la cour d'appel a ainsi violé les dispositions de l'article L 1154-1 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de paiement d'heures supplémentaires formée par M. Z ;
AUX MOTIFS qu'en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que pour justifier sa demande, Thobie Atangana ne fournit qu'un relevé manuscrit établi pour les besoins de la procédure dans lequel, mois par mois, il indique avoir travaillé de façon continue et constante de 7h30 à 12 h et de 13 hà 17h45 (et de 13 hà 18 h) de février à octobre 2007) quelle que soit la période de l'année, la distance et la nature du chantier ; que sa demande est prescrite pour la période antérieure au 5 janvier 2007 ; qu'il fait un calcul non par semaine mais par mois donnant en toute hypothèse un décompte inexact lequel ne tient pas compte des absences ; que ce relevé d'heures s'interrompt en avril 2009 sans que Thobie Atangana argue d'une modification de l'organisation des chantiers, du travail voire des horaires ; que par ailleurs, aucun élément extérieur, date et lieu des chantiers, attestation de collègues, ne vient corroborer ce listing et établir que Thobie Atangana effectuait réellement des heures supplémentaires au delà de celles réglées de façon structurelles chaque mois à concurrence de 16 h 16 jusqu'en avril 2008, 16 h 16 jusqu'en mai 2009 et 20 h au delà ; que cette prétention doit être écartée ;
ALORS QUE le salarié produisait un décompte des heures qu'il affirmait avoir accomplies ; qu'il appartenait donc à l'employeur de fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'en faisant peser la charge de la preuve sur le salarié, la cour d'appel a violé l'article L3171-4 du code du travail.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de rappel de salaire formée par M. Z au titre du gardiennage effectués pendant les mois d'août ;
AUX MOTIFS que l'entreprise fermait ses portes au cours du mois d'août ; que sur les bulletins de salaire de ce mois, Thobie Atangana est payé à l'instar des autres mois ; qu'il n'est pas mentionné la prise de congés payés ; que la société Entreprise J. Reyes ne conteste pas lui avoir demandé d'assurer le gardiennage des locaux de la société ; que les parties s'opposent sur la nature du travail réclamé, Thobie Atangana affirmant qu'il était tenu de rester 23/24h sur le site, d'y dormir dans des conditions précaires et de ne s'absenter qu'une heure par jour tandis que la société Entreprise J. Reyes indique lui avoir seulement demandé de passer allumer puis éteindre des lumières pour donner des signes de mouvements et éviter d'éventuels cambriolages ; que seule cette version peut être retenue ; qu'il est constant que Thobie Atangana a commencé ce service dés le début des relations contractuelles ; qu'il est légitime de penser qu'il n'aurait pas accepté de continuer à l'assurer s'il représentait la charge qu'il invoque ; qu'au surplus, les attestations qu'il verse, irrégulières en la forme en ce qu'elles ne mentionnent pas qu'elles sont faites en vue de leur production en justice, hormis celle de son épouse dont l'impartialité n'est pas acquise, corroborent les indications de la société Entreprise J. Reyes ; que ... ... et ... ... ... ... avoir souvent rejoint Thobie Atangana au mois d'août pour cultiver les légumes et arroser les fleurs ; qu'elles ajoutent qu'il nourrissait le chat de J... ... ; que si la première indique qu'il restait le soir, elle ne l'a pas personnellement constaté ; que les voisins de la famille Reyes (Myriam et Antoine Lopez) confirment que Thobie Atangana passait dans la journée, venait à l'occasion leur dire bonjour et repartait ; qu'il en résulte que Thobie Atangana qui ne souhaitait pas prendre de congés au mois d'août a été rémunéré par le paiement de son salaire habituel pour effectuer ce gardiennage fait de rondes et de jardinage, la société Entreprise J. Reyes assurant qu'il pouvait ainsi garder le bénéfice de ses cueillettes de légumes ; qu'ayant perçu son salaire comprenant le salaire de base, les heures supplémentaires structurelles et les primes de rendement, de trajet et de panier voire une prime exceptionnelle pour une activité moindre et sans réelles contraintes, Thobie Atangana a été rempli de ses droits ;
1) ALORS QU'en énonçant " qu'il est légitime de penser qu'il n'aurait pas accepté de continuer à l'assurer s'il représentait la charge qu'il invoque ", la cour d'appel a énoncé un motif d'ordre général et privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la cour d'appel ne pouvait affirmer que les attestations versées aux débats par M. Z " corroborent les indications de la société Entreprise J. Reyes ", sans les analyser, ni expliquer sur quoi elle fondait cette conviction ; qu'elle a ainsi derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3 ALORS QU'enfin la cour d'appel devait s'expliquer, comme il lui était demandé, (conclusions d'appel p. 26), sur la valeur probante des attestations versées aux débats par l'employeur, émanant de ses voisins et qui ne faisaient pas état des liens d'intérêts existant entre les deux familles, pas plus qu'elles ne fournissaient de précision sur les heures auxquelles les visites du salarié auraient été faites ; qu'elle a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société Entreprise J. Reyes, demanderesse au pourvoi incident
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé que le licenciement de Monsieur Z était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir ainsi condamné la société J. Reyes à lui verser 10.100,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de lui avoir ordonné de rembourser aux organismes concernés les indemnités chômage versées à Monsieur Z dans la limite d'un mois,
AUX MOTIFS propres QUE, la lettre de licenciement reproche essentiellement à Thobie Atangana son insubordination, son comportement et ses propos lesquels amèneraient les salariés et les chefs d'équipe à refuser de travailler avec lui ; pour étayer ses dires, la société Entreprise J. Reyes produit des courriers de ses chefs d'équipe reprenant ces reproches et la déclaration faite par l'un deux aux services de police le 7 mai 2010 sur le même thème ; curieusement, alors que Thobie Atangana travaille dans l'entreprise depuis 7 ans, ces courriers 'spontanés' des chefs d'équipe datent tous du mois de mai 2010 pour se plaindre de faits non datés et non circonstanciés ; ... ... ... ... expose s'être fait agressé par Thobie Atangana en janvier 2010. Il ne date pas son attestation mais, l'absence de réaction à cette date laisse supposer qu'elle a été établie en même temps que les autres. Au moment des faits dénoncés, il n'avait donc pas jugé utile d'en informer l'employeur ; la même observation peut être faite à propos d'incidents racontés par les autres chefs de chantier ; il n'est justifié ni de rixes, ni de difficultés particulières ; Thobie Atangana n'a jamais eu de sanction ni même de mise en garde. Le seul fait établi sur lequel s'accordent les parties est le changement fréquent d'équipe ; aucun exemple d'insubordination n'est donné alors qu'il s'agit du premier grief énoncé par la lettre de licenciement ; en l'absence de faute précise et caractérisée, c'est à juste titre que le Conseil de prud'hommes a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; aux termes des dispositions combinées des articles L 1235-3 et 1235-5 du code du travail, si le licenciement d'un salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, soit 10 070 euros ; Thobie Atangana était certes âgé de 62 ans à la date de la rupture, toutefois, il ne produit aucune justification de sa situation professionnelle et personnelle postérieurement à celle-ci permettant de caractériser un préjudice excédant le plancher légal ; Il convient donc de confirmer le montant retenu par le jugement entrepris ainsi que la condamnation de la société Entreprise
J... ... à rembourser aux organismes concernés les allocations chômage perçues par Thobie Atangana dans la limite de un mois.
et AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE, l'article L.1235-1 du code du travail dispose " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié " ; la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; cette lettre de licenciement n'évoque aucun fait précis quant aux dates et lieux ; les faits reprochés d'après les dires de la société Reyes sont antérieurs à la mesure du licenciement, le Conseil ne peut qu'être étonné qu'aucun avertissement écrit ou sanction n'aient été pris auparavant par rapport à l'attitude de Monsieur Z ; devant ce manque de précision des motifs invoqués, le Conseil dit et juge que le licenciement de Monsieur Z est sans cause réelle et sérieuse ; en conséquence, le Conseil condamne la société Reyes à payer à Monsieur Z la somme de 10.100 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
1 - ALORS, d'une part, QUE les juges du fond doivent prendre en compte tous les motifs énoncés dans la lettre de licenciement ; que la lettre de licenciement énonçait plusieurs griefs, tirés, en 1/, des actes d'insubordination de Monsieur Z et, en 2/, des provocations imputables à ce dernier et de ses conflits avec ses différents collègues de travail, qui avaient justifié son changement fréquent d'équipe ; que pour juger que le licenciement de Monsieur Z était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a affirmé qu'aucun exemple d'insubordination n'est donné alors qu'il s'agit du premier grief énoncé par la lettre de licenciement ou encore que Monsieur Z n'a jamais eu de sanction ni même de mise en garde et qu'il n'y avait pas de faute précise et caractérisée ; qu'en statuant ainsi, alors même que comme elle l'a soutenu dans ses conclusions d'appel - et comme Monsieur Z l'a lui-admis même dans son pourvoi - la société J. Reyes n'a pas licencié le salarié pour faute mais pour d'autres faits, constitutifs de mésentente, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'imposaient de ses propres constatations et a violé l'article L.1232-6 du code du travail en n'examinant pas ces griefs.
2 - ALORS, d'autre part et au surplus, QUE, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif ; que pour juger que le licenciement de Monsieur Z était sans cause réelle et sérieuse, en l'absence de faute précise et circonstanciée, la cour d'appel a également relevé que Monsieur Z n'a jamais eu de sanction ni même de mise en garde ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors même qu'au-delà du grief d'insubordination mentionné en 1/ dans la lettre de licenciement, la société J. Reyes n'avait pas considéré comme fautifs les agissements de Monsieur Z par ailleurs mentionnés en 2/ de cette même lettre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'imposaient de ses propres constatations et a violé l'article L.1232-6 du code du travail, ensemble l'article L.1331-1 du même code.
3 - ALORS, également et si besoin était, QUE les juges du fond ne sauraient statuer par des motifs contradictoires ; que d'un côté, les juges du fond ont affirmé, pour juger que le licenciement de Monsieur Z était dépourvu de cause réelle et sérieuse, que les chefs d'équipe se plaignaient de faits non datés, non circonstanciés, qu'ils n'ont pas réagi sur le moment des supposés faits, alors que Monsieur Z travaille dans l'entreprise depuis 7 ans et qu'il n'est pas justifié de difficultés particulières ; que d'un autre côté, la cour d'appel a relevé que le seul fait sur lequel s'accordent les parties c'est que Monsieur Z s'est vu imposer des changements fréquents d'équipe pendant ces 7 ans ; que ce faisant, les juges du fond ont donc constaté que la mésentente entre salariés imputable à Monsieur Z avait bien amené son employeur à lui imposer des changements fréquents d'équipes, de telle sorte qu'ils ont statué par des motifs contradictoires et ainsi violé l'article 455 du code de Procédure civile
4 - ALORS, enfin et si besoin était, QUE, la datation dans la lettre de licenciement des faits invoqués n'est pas nécessaire ; que pour juger que le licenciement de Monsieur Z était sans cause réelle et sérieuse, les juges du fond ont également affirmé que la lettre de licenciement n'évoque aucun fait précis quant aux dates et lieux ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L.1232-6 du code du travail.