Jurisprudence : TGI Paris, 3ème, 13-11-2015, n° 13/07815

TGI Paris, 3ème, 13-11-2015, n° 13/07815

A4212NXB

Référence

TGI Paris, 3ème, 13-11-2015, n° 13/07815. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/27299852-tgi-paris-3eme-13112015-n-1307815
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Abstract

La saisie-contrefaçon suppose une pleine et complète information du saisi.



Page 1 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS



Expéditions
exécutoires / j<-
délivrées ley7b//vg
.
3ème chambre 3ème section
N° RG 13/07815 N° MINUTE
Assignation du 27 Mai 2013
JUGEMENT
rendu le 13 Novembre 2015

DEMANDERESSE
Société LANGE CHRISTIAN SA
Zoning d'Anton
9 Rue de l'Ile Dossay
5300 SCLAYN (BELGIQUE)
représentée par Maître Vincent FAUCHOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0221
DÉFENDERESSES
Société MECAGIL LEBON

CHAMPAGNE SUR SEINE
représentée par Maître Olivier LEGRAND de la SEP CABINET LEGRAND LESAGE CATEL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D1104
Société ÜSTÜN-EL
Cumhuriyet Mah. 136 sk. n°4 Ulcak

IZMIR (TURQUIE)
représentée par Me Canan ERUGUZ ÙZENICI, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #E0933

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Arnaud DESGRANGES, Vice-Président
Carine GILLET, Vice-Président Florence BUTIN,Vice-Président
assisté de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier
DÉBATS
A l'audience du 29 Septembre 2015 tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
La société belge Lange Christian SA, spécialisée dans la conception et la commercialisation d'aspirateurs de déchets urbains et industriels, commercialise depuis 1995 à usage des collectivités locales, sous le nom "Glutton", un aspirateur de déchets urbains et industriels entièrement électrique, au design représentant le nez profilé d'un petit train, commercialisé dans 62 pays sur 5 continents, qui rencontre selon elle un succès commercial et génère encore à ce jour l'intégralité de son chiffre d'affaires, dont 40% sur le seul marché français.
A l'occasion du salon des Maires et des Collectivités Locales de Paris du 20 au 22 novembre 2012, la société Lange Christian SA a fait constater par huissier le 20 novembre 2012, la présence sur un stand voisin du sien, d'un modèle d'aspirateur urbain qu'elle présente comme identique au sien, dénommé "Dumbo", présenté et offert à la vente par la société Mecagil Lebon.
La société Lange Christian SA a également découvert que la société Mecagil Lebon avait présenté ce même modèle d'aspirateur lors du salon professionnel Pollutec de Lyon du 27 au 30 novembre 2012, salon leader mondial du marché de l'environnement rassemblant l'ensemble des équipements et technologies au service de l'environnement.
Autorisée ày procéder par ordonnance du 28 mars 2013, la société Lange Christian SA a fait réaliser une saisie-contrefaçon au siège de la société Mecagil Lebon, les 25 et 26 avril 2012 révélant la présence d'au moins un modèle d'aspirateur urbain "Dumbo", qui lui a été fourni par la société turque Ùstün -El.
Par acte des 27 et 29 mai 2013 la société Christian Lange a fait assigner devant ce tribunal, les sociétés Mecagil-Lebon et Üstün-El, en contrefaçon de droits d'auteur et subsidiairement en concurrence déloyale.
Dans le dernier état de ses prétentions formalisées suivant conclusions
signifiées par voie électronique le 24 juillet 2015, la société Lange
Christian sollicite du tribunal de

Vu les articles L112-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles L335-2 et L. 335-3 et suivants du code de la propriété
intellectuelle,
Vu l'article 1382 du code civil,
Vu le procès-verbal de saisie contrefaçon des 25 et 26 avril 2013,
A titre principal
-dire et juger qu'elle est recevable à agir sur le fondement des Livres I
et III du code de la propriété intellectuelle,




-dire et juger que l'aspirateur urbain "Glutton" qu'elle commercialise est original et digne de bénéficier de la protection des articles L.112-1 et
suivants du code de la propriété intellectuelle,
-dire et juger que les sociétés Mecagil Lebon et Üstün-El ont importé, proposé à la vente et vendu des exemplaires d'un aspirateur urbain contrefaisant l'aspirateur urbain "Glutton", propriété exclusive de la société Lange Christian SA,
-dire et juger que les défenderesses se sont, en conséquence, rendues coupables d'actes de contrefaçon de droits d'auteur à son préjudice sur le fondement de l'article L335-2 du code de la propriété intellectuelle, En conséquence
-débouter les défenderesses de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
-ordonner aux sociétés défenderesses l'arrêt immédiat de toute importation, exposition ou vente d'articles contrefaisant l'aspirateur urbain "Glutton" et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, à compter du prononcé du jugement à intervenir, le tribunal restant saisi pour statuer sur l'astreinte définitive,
-ordonner la destruction sous le contrôle de la société Lange Christian SA et aux frais solidaires des défenderesses de l'intégralité du stock éventuel pouvant se trouver entre les mains de ces dernières, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir,
-condamner in solidum les défenderesses à payer à la société Lange Christian SA, la somme de 100.000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts du chef de la contrefaçon de droit d'auteur, A titre subsidiaire
-dire et juger que les défenderesses se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Lange Christian SA, faits répréhensibles sur le fondement de l'article 1382 du code civil, En conséquence
- condamner in solidum les mêmes à lui payer la somme de 80.000 euros au titre des actes de concurrence déloyale,
En tout état de cause
-ordonner la publication du jugement à intervenir dans 3journaux ou magazines au choix de la demanderesse aux frais solidaires des sociétés défenderesses, dans la limite de 5.000 euros hors taxe, par insertion,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir en toutes ses dispositions,
-condamner in solidum les défenderesses à payer à la société Lange Christian SA la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les frais de saisie contrefaçon.
La société Lange Christian développe au soutien de ses prétentions, l'argumentation suivante
-les salons sur lesquels les produits litigieux ont été présentés sont des lieux de rencontre professionnelle incontournables,
-elle consacre de très importants investissements, à la conception et développement des produits,
-la société Mecagil Lebon indique avoir fait modifier par son fournisseur la physionomie de l'aspirateur et avoir procédé à la destruction de la coque du seul exemplaire en sa possession puis en avoir cessé la commercialisation, or il est établi qu'un exemplaire a été vendu à une commune en 2013,



- la tolérance antérieure de la société demanderesse est inopérante,
- l'aspirateur Glutton pallie à une carence du marché et présente des caractéristiques, non fonctionnelles, présentées suivant une configuration particulière qui lui confèrent un caractère original,
-la contrefaçon est caractérisée du fait de la reprise servile de l'ensemble des caractéristiques essentielles du Glutton, qui fondent l'originalité du produit, peu important les éventuelles différences, qui sont de détail, -subsidiairement la concurrence déloyale et le parasitisme sont constitués du fait du risque de confusion généré par la reprise à l'identique du même design, dans le même secteur, à destination de la même clientèle (collectivités locales) et des lourds investissements, dont la défenderesse profite indûment,
- son action est recevable, car Christian ... pouvait valablement engager l'instance en sa qualité de représentant permanent de la société Lange Christian et de représentant légal de la société From ideas To the Market, administrateur délégué,
- les opérations de saisie-contrefaçon sont valables, les différents arguments invoqués en défense sont inopérants,
- elle bénéficie de la présomption de titularité des droits d'auteur du fait
de la commercialisation sous son nom,
-elle supporte un préjudice matériel et moral,
- les mesures d'interdiction et de publication sont justifiées.
Dans ses écritures signifiées par voie électronique le 21 septembre 2015, la société Mecagil Lebon demande au tribunal de
- déclarer la société Lange Christian SA irrecevable en toutes ses demandes, fins et conclusions,
-déclarer la demanderesse irrecevable en son action en contrefaçon de droits d'auteur,
- la débouter de sa demande tendant à voir dire que l'aspirateur urbain Glutton serait original et digne de bénéficier de la protection des articles L112-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
- déclarer nul le procès-verbal de constat du 20 novembre 2012 et l'écarter des débats,
-déclarer nuls la requête à fin de saisie-contrefaçon et l'ordonnance du 28 mars 2013, l'acte de signification du 25 avril 2013, le procès-verbal de saisie contrefaçon des 25 et 26 avril 2013 et les opérations de saisie-contrefaçon des mêmes dates et écarter des débats ce procès-verbal et l'ensemble des documents saisis à l'occasion des opérations de saisie-contrefaçon,
- débouter la société Lange Christian SA de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre d'une prétendue contrefaçon de droits d'auteur, -la débouter également de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre de prétendus actes de concurrence déloyale,
-débouter la société Lange Christian SA de toutes ses demandes indemnitaires,
- dire n'y avoir lieu au prononcé de mesures d'interdiction, de destruction et de publication,
-condamner la société Lange Christian SA à verser à la société Mecagil Lebon la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- dire que la société Üstiin-E1 sera tenue de garantir la société Mecagil Lebon de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,




- déclarer la société Üstün-El mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Mecagil Lebon et l'en débouter, -condamner la société Lange Christian SA à payer à la société Mecagil Lebon la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner également aux dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier ... conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Mecagil-Lebon soutient en substance que
- intervenant à l'origine dans le domaine de la production d'équipements d'entretien des routes, elle s'est intéressée à la collecte des déchets et elle a exposé en 2010 et 2012, au salon de l'IFAT, l'aspirateur éléphant sans que la société Lange Christian qui exposait le sien, ne se manifeste, -elle a conclu le 1" août 2012 un contrat de distribution exclusive en France avec la société turque, portant sur l'aspirateur Eléphant ou Dumbo, et en a acquis un exemplaire en octobre 2012, a fait éditer une brochure et a répondu à une dizaine d'appels d'offre,
- les prétentions de la demanderesse sont irrecevables, en raison du défaut de qualité à agir du représentant légal désigné dans l'assignation, -elle conteste la qualité à agir de la demanderesse, faute d'être titulaire de droits de propriété intellectuelle,
- Le "Glutton" n'est pas original et ne peut bénéficier de la protection au titre des droits d'auteur, car les caractéristiques revendiquées sont banales, fonctionnelles ou inexistantes,
-les procès verbaux de constat et de saisie-contrefaçon sont nuls,
-il n'y a pas de contrefaçon et il existe de très nombreuses différences entre les articles commercialisés,
- il n'existe pas de concurrence déloyale ou de parasitisme,
- le détournement de procédure par la société demanderesse justifie la condamnation de celle-ci à lui payer des dommages et intérêts pour procédure abusive,
-elle sollicite la garantie de son fournisseur, lequel ne peut soulever ni l'incompétence du tribunal lequel est en mesure de trancher la question principale, et les questions accessoires dont la garantie fait partie, ni l'application de la loi française.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 21 septembre 2015,
la société Ustün-El sollicite du tribunal de
Vu les articles L112-1, L335-2 et L335-3 du code de la propriété
intellectuelle
Vu l'article 1382 et suivants du code civil,
Vu la jurisprudence susvisée,
Vu les pièces versées au débat,
A titre principal
-dire et juger que l'aspirateur urbain "Glutton" est insusceptible de
protection au titre des articles L112-1 et suivants du code de la
propriété intellectuelle,
-dire et juger que la société Lange Christian est irrecevable à agir,
En conséquence,
-rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Lange
Christian SA et l'en débouter,




A titre subsidiaire et infiniment subsidiaire
-prononcer la nullité des procès verbaux du 20 novembre 2012 et des 25 et 26 avril 2013,
-dire et juger que la société Üstün-El n'a commis aucun acte de contrefaçon, ni aucun acte de concurrence déloyale,
- déclarer la société Lange Christian SA non fondée,
- dire et juger que la société Lange Christian ne justifie d'aucun
préjudice,
En conséquence,
-rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Lange
Christian SA et l'en débouter,
A titre reconventionnel,
-condamner la société Lange Christian à verser à la société Üstün-El la
somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure
abusive et concurrence déloyale,
-constater que la loi applicable au contrat est le droit turc et que le juge
compétent est le juge turc,
En conséquence,
- débouter la société Mecagil Lebon de sa demande de garantie à l'encontre de la société Üstün-El,
-dire que la société Mecagil Lebon sera tenue de garantir la société Üstün-El de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
-condamner la demanderesse aux dépens que Me Canan ... ... pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamner en outre la société Lange Christian à une indemnité d'un montant de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
La société Üstün-El expose que
-elle est spécialisée depuis 15 ans, dans la conception, production et commercialisation d'appareils de nettoyage de voiries et a complété sa gamme en 2009 par un aspirateur électrique de rues sous la dénomination "Éléphant" ou "Fil", qu'elle a présenté au salon professionnel de Munich (IFAT) dès 2010,
-elle a conclu un contrat de distribution exclusive pour la France avec Mecagil-Lebon, le 1" août 2012 et lui a livré un exemplaire unique qui a été exposé au salon des maires en novembre 2012,
-après la saisie-contrefaçon, la société Mecagil lui a demandé de modifier la physionomie de l'appareil et en a cessé la commercialisation, ce dont la demanderesse a été informée,
-en application des règles de droit international privé, les droits de propriété intellectuelle de la société belge pour des faits en France, sont régis par la loi du pays d'origine, qui est celui de la première diffusion et la demanderesse n'établit pas bénéficier de droits au regard de la loi belge et de la convention de Berne. Son action est irrecevable,
-elle conteste la titularité des droits revendiqués de la demanderesse, ainsi que l'originalité de l'aspirateur, dont les éléments correspondent à des nécessités fonctionnelles ou utilitaires, primant la recherche de forme,




-subsidiairement, les procès verbaux de saisie-contrefaçon sont nuls, la contrefaçon n'est pas caractérisée, la concurrence déloyale n'est pas démontrée et en tout état de cause les préjudices allégués ne sont pas établis et elle-même n'en a tiré aucun profit,
-reconventionnellement elle sollicite des dommages et intérêts pour procédure abusive, car elle a manifesté dès l'origine du litige sa bonne volonté et a été privée d'un chiffre d'affaires de 340. 000 euros,
-elle ne doit aucune garantie à son co-défendeur. Au contraire, c'est lui qui l'a lui doit sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
La procédure a été clôturée le 22 septembre 2015 et plaidée le 29 septembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION 1-mentions de l'assignation
L'assignation du 27 mai 2013 est délivrée à la société Mecagil-Lebon par la société Lange Christian "agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège" (pièce demanderesse n°19 page 1), tandis que l'acte de signification du même acte (même pièce dernière page) désigne la demanderesse comme "représentée par son président directeur général Monsieur Christian ...".
Nonobstant les contradictions portées sur ces documents quant à la désignation du représentant légal du demandeur et les exigences de l'article 648 du code de procédure civile quant à l'indication sur tout acte d'huissier, de " la forme, la dénomination, le siège social et l'organe qui la représente, lorsque le requérant est une personne morale", le défaut de désignation ou la désignation erronée de l'organe représentant la personne morale, constitue un vice de forme qui suppose pour celui qui l'invoque, la preuve de l'existence d'un grief, qui n'est pas en l'espèce invoquée et à fortiori rapportée par les sociétés défenderesses.
Quant à l'acte délivré à la société turque le 30 décembre 2013, il l'est à l'initiative de la société Lange Christian "agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège"(pièce n° 21 demanderesse), de sorte qu'il est régulier.
Le moyen tiré de la fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir de la société demanderesse est inopérant.
2-recevabilité de l'action
La société Üstun-El soutient que la titularité et l'existence des droits d'auteur de la demanderesse doivent être appréciés au regard du droit du pays d'origine, selon les règles de droit international privé et invoque les dispositions de l'article 2.7 de la convention de Berne du 09 septembre 1886 relative à la protection des oeuvres littéraires et artistiques.




Toutefois dans le silence de la convention de Berne sur la question de la titularité des droits, la qualité de titulaire initial des droits d'auteur est déterminée par application de la loi du pays où la protection est revendiquée (en l'occurrence, la loi française) et non pas par application de la loi du pays d'origine de l'oeuvre .
En droit français, la personne morale qui exploite une oeuvre sous son nom, bénéficie à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon, en l'absence de revendication de l'auteur, d'une présomption simple de titularité des droits sur l'oeuvre, sous réserve que la commercialisation soit non-équivoque, c'est à dire que la réalité de la divulgation ne fasse aucun doute et que la divulgation ait date certaine. A défaut, la société doit justifier des conditions dans lesquelles elle est investie de droits patrimoniaux.
En l'occurrence, la société Mecagil-Lebon conteste les éléments de preuve rapportés sur ce point par la demanderesse et critique l'absence de communication par celle-ci d'un exemplaire original de l'appareil, tout en contestant la valeur probante des pièces communiquées et celles susceptibles d'identifier l'article qui est revendiqué, alors que la société Lange Christian a décliné toute une gamme d'appareils qui présentent chacun des caractéristiques particulières.
Néanmoins, la société Lange Christian communique le catalogue de la marque Glutton (pièce n°2-capture écran imprimée le 28 mars 2013), les publicités (pièce n°3)faisant référence aux produits de la marque, au salon des Maires 2012 et à un séminaire de formation de 2013 ou au modèle Glutton 2411 Electric, les factures émises par la société Lange Christian entre le 12 juin 1996 et le 05 avril 2013 (pièce n°4) attestant de la commercialisation d'aspirateurs Glutton, auprès de clients domiciliés en France, les journaux municipaux (pièce n°5 Dunkerque magazine octobre 2000; Le magazine 2012; Saverne Couleurs n°162012; le Phare dunkerquois n°42 -18 octobre 2007).
L'ensemble de ces documents constitue un faisceau d'indices convergents qui établit sans nul doute possible, la commercialisation par la demanderesse, depuis 1996, d'aspirateurs de rue de la gamme Glutton, quel qu'en soit le modèle, sans que les défenderesses ne rapportent la preuve contraire de ce fait, susceptible d'anéantir la présomption prétorienne précitée.
La société demanderesse est recevable en ses prétentions, en sa qualité de titulaire des droits de propriété intellectuelle.
3-originalité
Les dispositions de l'article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle protègent par les droits d'auteur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales.
La société Lange Christian revendique les caractéristiques suivantes -l'aspirateur est sur trois roues (deux roues arrières et une roue avant), -les roues arrières sont plus grandes que la roue avant,
-un guidon de commande est fixé depuis la roue avant,




-un nez profilé partant du haut de l'appareil vers l'extrémité avant du châssis lui conférant un aspect aérodynamique empruntant à la fois au
design d'un train et d'un véhicule automobile,
- une coque blanche faite d'un seul montant,
- des lignes en relief blanc ton sur ton traversent la face gauche de la coque horizontalement en son milieu et soulignent l'arête du nez,
- le châssis blanc remonte vers le nez de l'aspirateur en formant une
courbe et est délimité du reste du corps de l'aspirateur par un liseré
épais en relief,
-une poubelle amovible est fixée à l'arrière de l'aspirateur,
-la poubelle est surmontée d'un coffre blanc avec un gyrophare,
-sur la face droite de l'aspirateur se trouve un renfoncement venant
créer une surface plane,
- une buse en plastique transparente rejoint le coffre de l'aspirateur,
- une bulle située sur la face gauche, à l'avant de la roue arrière.
Les défenderesses contestent quant à elles, les choix arbitraires et le parti-pris esthétique revendiqués, estimant que les caractéristiques sont soit banales, soit fonctionnelles.
Si certains éléments sont nécessaires au regard de la destination du produit, pour assurer sa mobilité (des roues, un guidon de commande, un châssis) et sa fonction ( une buse pour aspirer, une poubelle pour contenir les déchets), d'autres sont issus de choix propres ( nombre de roues, une des roues plus grande, l'allure, la découpe et la forme de la coque, un coffre surmontant la poubelle) qui sont arbitraires et révèlent les parti-pris esthétiques et utilitaires du concepteur de l'appareil. C'est si vrai que les autres produits offerts par la concurrence, pour servir aux mêmes fins, s'ils comportent nécessairement les mêmes éléments fonctionnels, présentent néanmoins une apparence et une physionomie différentes.
L'oeuvre revendiquée, originale par la combinaison de ses caractéristiques et leur agencement, le choix arbitraire de sa composition, son allure, révèle un effort créatif et porte l'empreinte de la personnalité de son auteur. La société Christian Lange est donc recevable à agir à ce titre.
4-contrefaçon de droits d'auteur
L'article L122-4 du code de la propriété intellectuelle interdit toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur, car illicite et l'article L. 335-3 du même code sanctionne toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur.
- validité des procès-verbaux
La preuve de la contrefaçon peut être rapportée par tout moyen.
Les sociétés défenderesses contestent la validité du procès-verbal de constat du 20 novembre 2012 (pièce n°6 demandeur) du fait de la présence non autorisée auprès de l'huissier de "madame ..." qui apparaît en fin de constat, dans la mesure où cette dernière n'a pas été préalablement signalée, que l'on ignore si l'employée consultée au commissariat technique du salon est "madame collard", qui ne pouvait




en tout état de cause selon les défenderesse participer aux opérations de saisie, lesquelles au demeurant s'apparentent à une saisie-contrefaçon déguisée prohibée.
Cependant les constatations en présence de tiers ne sont pas interdites, sous réserve que les personnes soient identifiées (nom et adresse), pour supprimer tout doute sur la véracité et le cas échéant, permettre l'organisation d'un débat contradictoire en cas de contestation.
Nonobstant les irrégularités invoquées (lesquelles au demeurant n'affectent que la saisie du prospectus se trouvant sur le stand), l'huissier pouvait comme il a procédé, photographier depuis les allées communes du salon, les appareils se trouvant exposés sur le stand de la société Mecagil-Lebon, ces opérations se limitant conformément à l'article 1" de l'ordonnance du 02 novembre 1945, à " effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter" et comme telles, ne consistant pas en une saisie-contrefaçon déguisée.
Les sociétés défenderesses critiquent également la validité du procès verbal de saisie-contrefaçon des 25 et 26 avril 2013, aux motifs que la requête du 28 mars 2013 soumise préalablement ne comportait pas de timbre correspondant à la contribution pour l'aide juridique, issue du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 alors applicable, abrogée au 1" janvier 2014.
Outre que "les parties n'ont pas qualité pour soulever l'irrecevabilité" résultant du défaut d'acquittement de cette contribution (article 62-5 du code de procédure civile alors en vigueur), qui est la seule sanction envisagée (et non la nullité du procès verbal de saisie-contrefaçon comme sollicité), la contribution n'est due que "lors de l'introduction de 1 'instance, par la partie qui introduit l'instance" (article 1635 bis Q du code général des impôts, alors en vigueur) et le dépôt d'une requête aux fins d'être autorisé à pratiquer une saisie-contrefaçon n'est pas un acte introductif d'instance et n'est donc pas assujetti à cette taxe, contrairement à l'assignation subséquente du 27 mai 2013, qui a introduit l'instance et pour laquelle la demanderesse a réglé la contribution.
Il est également allégué du défaut de signature de la requête par l'avocat dont elle porte le nom et de l'absence de délai suffisant entre la signification de la requête et de l'ordonnance et le commencement des opérations de saisie-contrefaçon. La signature de l'avocat requérant, inscrit au barreau de Paris, portée au pied de la requête (pièce 23 page 7) et celle attribuée à ce dernier dans un courrier officiel (pièce n°17 mecagil) sont différentes. Néanmoins, dès lors qu'il est incontestable que la requête a bien été présentée au juge par un avocat et qu'à défaut d'éléments contraires, elle est présumée être présentée par celui qui y est désigné comme signataire, ce moyen doit être écarté, alors qu'il n' est invoqué et démontré aucun grief
Par ailleurs, le délai de 13 minutes entre la signification de la requête et de l'ordonnance au saisi (à 10 h 00) et le commencement des opérations de saisie ( à 10 h 13), est suffisant pour permettre au saisi de prendre connaissance de la nature et de l'étendue de la mission conférée à l'huissier par l'ordonnance et de prendre conseil le cas échéant.
Ce moyen est inopérant comme celui tenant à la désignation erronée, dans la requête à fin de saisie-contrefaçon, de l'organe représentant la




société ("Christian ... son PDG"), comme indiqué précédemment sur la validité de l'assignation.
Enfin, contrairement à ce que soutient la société Mecagil, le demandeur n'est pas tenu de communiquer réellement son produit ni celui argué de contrefaçon, sauf au tribunal d'apprécier s'il dispose des éléments suffisants, pour statuer, ni de communiquer l'intégralité des documents obtenus dans le cadre de la saisie, pour ne s'en tenir "qu'aux documents exploités dans la présente procédure".
Les opérations de saisie-contrefaçon ayant donné lieu au procès verbal de constat des 25 et 26 avril 2013 sont donc régulières.
-atteinte aux droits d'auteur
La tolérance antérieure du titulaire des droits et l'absence d'action de celui-ci dès la première exposition par la société Mecagil Lebon, du modèle litigieux sur un salon professionnel, ne vaut pas renonciation de la société Lange Christian.
L'article litigieux reproduit à l'identique les caractéristiques de l'aspirateur Glutton, sauf quelques différences totalement insignifiantes. Les sociétés Mecagil et Üstün-El ont commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur en exportant et important, en offrant à la vente et en vendant les articles contrefaisants et ont porté atteinte aux droits de propriété intellectuelle de la société demanderesse.
5- sur la concurrence déloyale
Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, les comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou ceux parasitaires, qui permettent à leur auteur de tirer profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui lui procurant un avantage concurrentiel injustifié, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements .
La société Lange Christian estime que le comportement des défenderesses est fautif et génère un risque de confusion, dès lors qu'elles ne pouvaient ignorer la commercialisation de l'aspirateur Glutton, utilisé dans de nombreuses collectivités et qu'elles interviennent sur le même circuit de distribution, dans le cadre d'appels d'offres.
Néanmoins, la concurrence déloyale suppose l'établissement de faits distincts de ceux de la contrefaçon, qui ne sont pas en l'espèce rapportés et il ne peut être fait reproche aux défenderesses d'avoir fait usage de la faculté de connaître auprès des collectivités territoriales, adjudicataires de marché public, "les motifs de rejet de (sa) candidature ou de (son) offre" ainsi que "les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du marché ou de l'accord-cadre". (article 83 du code des Marchés publics).
En outre, le risque de confusion est écarté, du fait du cadre de la procédure d'appels d'offre, dans laquelle se situe la commercialisation des appareils.




Les prétentions de la société demanderesse à ce titre seront écartées. 6- sur les mesures réparatrices
En vertu de l'article L331-1-3 du code de la propriété intellectuelle en sa version applicable à la cause, la juridiction prend en considération, pour fixer les dommages et intérêts, les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte.
La société demanderesse réclame pour l'atteinte à ses droits d'auteur, la somme de 100.000 euros outre des mesures complémentaires.
Il est justifié de la vente par la société Üstün-El au profit de la société Mecagil Lebon, en novembre 2012, d'un appareil Elephant, mais contrairement aux allégations non établies des défenderesses sur la modification de l'appareil Elephant ou sur la cessation de toute commercialisation du produit litigieux, il apparaît que au cours du premier trimestre 2013, la société Mecagil a participé à de très nombreux appels d'offres (Bergerac, Plaine Centrale Val de Marne, La tranche/ Mer, Champagne/ Seine, Carhaix, CHRU de Lille, Canet en Roussillon, Laval, Garges les Gonesse) et qu'au moins, un appareil a été vendu par Mecagil à la commune de Mornant (pièce 31-1 demanderesse).
Compte tenu de ces éléments le tribunal dispose des éléments suffisants pour évaluer à la somme de 30.000 euros, la réparation de l'atteinte aux droits de la société Lange Christian.
Il sera fait droit aux mesures complémentaires suivant les modalités fixées au dispositif de la présente décision, à l'exclusion de la demande de publication judiciaire, disproportionnée eu égard aux éléments de la cause, et de destruction du stock, dont l'existence n'est pas établie.
7-sur les demandes reconventionnelles
Les demandes respectives des sociétés défenderesses en dommages et intérêts seront rejetées dès lors que la procédure de la société Lange
Christian ne présente aucun caractère abusif.
En application des dispositions des articles 1625 et 1626 du code civil, le vendeur est tenu à l'égard de l'acquéreur de la garantie d'éviction sauf lorsque la preuve est rapportée que l'acheteur avait acheté en toute connaissance de cause des marchandises contrefaisantes;
La société mecagil Lebon, qui ne pouvait ignorer en sa qualité de professionnel, les vices affectant l'aspirateur Elephant qui lui a été fourni par la société Üstün-El, ne peut prétendre à être garantie par celle-ci, ou encore invoquer les dispositions de l'article 42 de la convention des nations Unies sur la vente internationale de marchandises.




La société Üstün-El en sa qualité de vendeur, ne bénéficie pas de la garantie légale instituée en faveur de l'acquéreur et ne peut en conséquence prétendre être garantie par son codéfendeur.
8- sur les autres demandes
Les sociétés défenderesses qui succombent supporteront leurs propres frais et les dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Lange Christian les sommes exposées par elle dans la présente instance et non comprises dans les dépens.
La somme de 6.000 euros lui sera allouée au titre des frais irrépétibles.
Les circonstances justifient le prononcé de l'exécution provisoire. PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,
Dit que les sociétés Mecagil-Lebon et Üstün-E1 ont, en important, exposant, offrant à la vente et en vendant un aspirateur de rue "Dumbo", "Elephant" ou "Fil", reproduisant les caractéristiques de l'aspirateur "Glutton" commercialisé par la société Lange Christian, sans son autorisation, ont commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur à son préjudice,
Fait interdiction aux sociétés défenderesses de poursuivre ces agissements, sous astreinte provisoire de 200 euros par infraction constatée, à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification du présent jugement, le tribunal se réservant la faculté de liquider l'astreinte,
Condamne in solidum les sociétés Mecagil-Lebon et Üstün-El à payer à la société Lange Christian la somme de 30.000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de droits d'auteur,
Rejette la demande de la société Lange Christian formée à l'encontre des sociétés défenderesses au titre de la concurrence déloyale,
Condamne in solidum les sociétés Mecagil-Lebon et tIstün-E1 à payer à la société Lange Christian la somme de 6.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les appels en garantie réciproques formées par les sociétés Mecagil-Lebon et Ustün-El,
Condamne in solidum les sociétés Mecagil-Lebon et Üstün-El aux dépens,




Déboute les parties de leurs plus amples ou contraires prétentions, Ordonne l'exécution provisoire.


Fait à Paris le 13 novembre 2015
1.,e1féner
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Article, 1240, C. civ. Article, 1626, C. civ. Article, 648, CPC Article, 1635 bis Q, CGI Décret, 2011-1202, 28-09-2011 Article, 1625, C. civ. Article, 62-5, CPC Article, L112-1, C. prop. intell. Article, L335-3, C. prop. intell. Article, L331-1-3, C. prop. intell. Article, L122-4, C. prop. intell. Article, 83, C. marchés publ. Assignation délivrée une société Représentant légal Président directeur général Désignation du représentant Personne morale Vice de forme Qualité à agir Pays d'origine Droit international Protection des oeuvres Titulaire d'un droit Loi du pays Origine d'une oeuvre Présomption simple Valeur probante Preuve contraire Droits de propriété intellectuelle Véhicule automobile Droits d'auteurs Preuve rapportée Contestation d'une validité Huissier Débat contradictoire Constatation matérielle Aide juridictionnelle Nullité du procès-verbal Introduction de l'instance Acte introductif d'instance Délai raisonnable Mission Acte de contrefaçon Contrefaisant Concurrence déloyale Comportement fautif Risques de confusion Collectivité territoriale Marché public Attributaire d'un marché Appels d'offres Manque à gagner Préjudice moral Redevance Autorisation Commercialisation de produits Caractère abusif Vendeur Connaissance d'une cause Professionnel Vente de marchandise Garantie légale Frais répétibles Exécution provisoire Expiration du délai Liquidation de l'astreinte Contrefaçon

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