CINQUIÈME SECTION
DÉCISION
Requête n° 51097/13
Abdelkader BENMOUNA et autres contre la FRANCE
La Cour européenne des droits de l'homme (cinquième section), siégeant le 15 septembre 2015 en une chambre composée de :
Angelika Nußberger, présidente,
Botjan M. Zupancic,
Ganna Yudkivska,
Vincent A. De Gaetano,
André Potocki,
Helena Jäderblom,
Síofra O'Leary, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 5 août 2013,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1. Les requérants sont Mmes et MM. Abdelkader Benmouna, Malika Benmouna, Ahlem Benmouna, Rafelah Benmouna et Djilali Benmouna (" les requérants "). Ils sont nés respectivement en 1958, 1968, 1998, 1992 et 1990. Ils résident à Saint-Etienne et sont représentés par Me P. Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Le gouvernement français (" le Gouvernement ") a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.
A. Les circonstances de l'espèce
2. Les requérants sont respectivement les parents, les surs et le frère de M.B.
3. Le 6 juillet 2009, à 8 heures 35, M.B., né le 7 juin 1988, fut placé en garde à vue dans les locaux du commissariat de police de Chambon-Feugerolles, dans le cadre d'une enquête sur des faits de tentative d'extorsion aggravée dénoncés par l'un de ses collègues de travail. Vers 18 heures 20, les policiers le retrouvèrent pendu à l'aide d'une bande de tissu découpée dans la housse du matelas équipant sa cellule. Ils alertèrent les secours et pratiquèrent les premiers soins. M.B. fut évacué vers l'hôpital, le pronostic vital paraissant sérieusement engagé.
1. L'enquête initiale
4. Avisé immédiatement, le procureur de la République de Saint-Etienne se transporta sur les lieux et saisit l'inspection générale de la police nationale (" IGPN ") afin qu'il soit procédé à une enquête.
5. Dans la cellule de M.B., les enquêteurs constatèrent notamment la présence d'un matelas de couleur bleue et d'une brique de jus de fruit en carton aplatie, accompagnée d'une paille en plastique. Ils observèrent également sur le revêtement mural un grand trou de 39 centimètres sur 37 situé à environ 1 mètre 30 du sol, ainsi qu'un second plus petit ayant permis de faire passer dans le premier une bande de tissu et de la nouer afin de réaliser le dispositif de pendaison. À l'aplomb de ce dernier, ils retrouvèrent des traces de poudre de plâtre blanc (mais aucun morceau de placoplâtre). La bande de tissu, manifestement issue du matelas, mesurait 86 centimètres de long et 5 à 10 de large.
6. Les enquêteurs relevèrent que les murs en placoplâtre des deux cellules de garde à vue du commissariat présentaient de nombreux trous éparpillés, dont les pourtours pouvaient être tranchants. Ils remarquèrent qu'une simple pression exercée sur le revêtement pouvait créer un tel trou.
7. Les enquêteurs de l'IGPN constatèrent également que le système de vidéosurveillance faisait apparaître les images des deux cellules de garde à vue selon un balayage rapide. L'image de la cellule dans laquelle M.B. avait été détenu était floue, tandis que celle provenant de l'autre pièce était plus nette.
8. Les auditions des fonctionnaires du commissariat de police de Chambon-Feugerolles révélèrent que M.B. avait été interpellé sur son lieu de travail. Il avait ensuite été conduit au domicile de ses parents, chez qui il vivait, pour une perquisition. L'intéressé avait alors exprimé son opposition à l'intervention de la brigade canine, expliquant que le passage du chien n'était pas compatible avec la pratique religieuse de ses parents. Il s'était dit prêt à " faire des conneries " en cas d'insistance des policiers. Son père l'avait alors calmé et la perquisition s'était déroulée sans autre incident. M.B. avait mis à profit sa présence dans l'appartement pour se changer, l'escorte lui ayant fait retirer la ceinture du jean qu'il portait lors de l'interpellation, pour des raisons de sécurité.
9. Selon ces fonctionnaires, de retour au service, à 10 heures 35, un nouvel incident avait eu lieu lors de la fouille de l'intéressé : celui-ci avait refusé de retirer le cordon du bas de survêtement qu'il venait d'enfiler, expliquant qu'après chaque garde à vue, il ne réussissait pas à le remettre en place, alors que ce vêtement lui avait coûté " cent dollars ". Il avait alors déclaré à l'un des policiers : " t'inquiète pas, je ne vais pas me suicider ". Le cordon lui avait été enlevé de force. Il s'était débattu, se donnant volontairement deux coups de tête dans la machine à boisson. Il avait fallu quatre à cinq fonctionnaires pour le maîtriser. Il s'était alors plaint d'une douleur à la cheville droite, étant déjà porteur d'un pansement à cet endroit. Un procès-verbal d'incident avait été rédigé.
10. D'après les policiers, aucun autre incident n'était survenu avant le geste suicidaire de M.B. Ce dernier s'était apaisé après avoir été autorisé à fumer une cigarette. En cellule, il avait néanmoins paru agité, faisant les cent pas tout l'après-midi. Aucune brique de jus de fruit ne lui ayant été donnée, celle retrouvée sur place devait donc se trouver là " depuis quelques temps ". Vers 16 heures, l'intéressé avait déclaré au chef de poste, J.T., en avoir " marre d'être en garde à vue pour rien ", ajoutant qu'il se sentait oppressé en cellule. J.T. avait alors alerté l'officier de police judiciaire, B.R., qui lui avait répondu être en attente d'une réponse du parquet concernant la suite donnée à la garde à vue. Il en avait informé M.B. qui avait répliqué " ok, c'est bon " et s'était assis sur le banc. À 17 heures 55, B.R. avait obtenu du substitut de permanence une prolongation de la garde à vue pour une durée de 24 heures. Il avait quitté le service sans informer M.B. de la décision du magistrat, la notification officielle devant intervenir le lendemain matin.
11. Vers 18 heures 10, M.B. avait été autorisé à sortir de sa cellule pour fumer une cigarette puis avait réintégré celle-ci sans incident. Vers 18 heures 20, R.G., l'adjoint de sécurité qui surveillait l'écran de vidéosurveillance, avait remarqué que le gardé à vue était assis contre le mur et ne bougeait plus, contrairement à son comportement au cours de la journée. Il s'était donc rendu sur place et l'avait trouvé dans cette position, pendu à l'aide d'un ruban noué à travers le mur. Il avait crié pour donner l'alerte. Les fonctionnaires présents, ainsi qu'une personne entendue dans une autre affaire, secouriste de profession, étaient alors intervenus.
12. E.F., avocate de M.B., indiqua s'être entretenue avec ce dernier au commissariat de Chambon-Feugerolles le 6 juillet 2009, vers 13 heures. Il lui avait paru choqué par le fait d'avoir été arrêté sur son lieu de travail et par l'utilisation de chiens lors de l'intervention des policiers à son domicile. Il avait également exprimé sa préoccupation concernant les conséquences de la garde à vue sur ses chances de conserver son emploi. Elle précisa néanmoins l'avoir rassuré et n'avoir pas été inquiète pour lui, rien dans son comportement ne laissant supposer qu'il allait commettre un acte suicidaire.
13. Un examen clinique révéla que M.B. souffrait de graves lésions cérébrales ayant engendré un coma profond. Aucun indice ne conduisit l'expert à suspecter l'intervention directe d'un tiers dans la pendaison. Néanmoins, des lésions furent retrouvées sur la face externe de la cuisse droite (cicatrice de 2 centimètres de diamètres) et sur la malléole externe droite. Celles-ci pouvaient être secondaires à une chute sur le côté droit. Des excoriations d'origine indéterminée furent également relevées sur la main droite.
14. Le 8 juillet 2009, à 15 heures 45, M.B. décéda au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne.
15. Le 9 juillet 2009, le premier requérant, père de M.B., déposa plainte auprès de la brigade territoriale de proximité de gendarmerie nationale de la Fouillouse. Il indiqua ne pas croire à la thèse du suicide, son fils s'étant montré satisfait de son nouvel emploi et ayant acheté un " quad " la veille des faits.
16. Deux autopsies furent réalisées. D'après les conclusions des médecins, la mort de M.B. était secondaire à une asphyxie mécanique par pendaison, dans le cadre d'une suspension incomplète, sans mettre en évidence d'indices faisant suspecter l'intervention d'un tiers. Des dermabrasions du bord interne de l'orbite gauche furent constatées, outre les blessures déjà observées. Une expertise anatomo-pathologique révéla que les lésions à l'orbite et à la malléole étaient anciennes (plus de sept jours), tandis que celles sur la main droite dataient d'environ trois jours.
17. Les analyses toxicologiques des prélèvements sanguins effectués sur M.B. mirent en évidence la présence d'acide tetrahydrocannabinoïque (10,1 ng/ml de sang), preuve d'une consommation de cannabis dont la dernière prise fut estimée à plus de 24 à 36 heures avant le décès, l'intéressé n'étant plus sous l'influence psychoactive de la substance au moment des faits.
18. Les recherches permirent d'établir que M.B. avait été hospitalisé du 7 au 8 juin 2009 à la suite d'une agression et qu'il avait présenté à cette occasion un hématome périorbitaire gauche et des dermabrasions du bord interne de l'orbite gauche, ainsi qu'au niveau des doigts de la main gauche.
2. L'information judiciaire
19. Le 10 juillet 2009, le procureur de la République requit l'ouverture d'une information judiciaire du chef d'homicide involontaire.
20. Une reconstitution permit de confirmer le mauvais fonctionnement du système de vidéosurveillance équipant le commissariat de Chambon-Feugerolles, les images provenant de la cellule où était retenu M.B. étant floues, même si elles permettaient d'observer le mouvement d'une personne dans la cellule. Selon les policiers présents, ce dysfonctionnement perdurait depuis au moins six mois et avait été signalé à leur hiérarchie. De plus, des angles morts permettaient à un détenu de ne pas être vu. Le balayage des images entre les deux pièces était d'une seconde et il n'y avait aucun système d'enregistrement. S'agissant des trous dans le mur utilisés par M.B. pour se pendre, les fonctionnaires indiquèrent que le plus grand existait avant la garde à vue de l'intéressé. Ils ignoraient si tel était aussi le cas du second. Leur récit du déroulement de la journée permit d'apprendre que M.B. avait refusé de s'alimenter à midi et qu'à plusieurs reprises, il avait déplacé le matelas, se couchant même au sol sous celui-ci à deux reprises. R.G. indiqua s'être alors rendu sur place à chaque fois pour effectuer un contrôle visuel direct.
21. Cette reconstitution fut également l'occasion d'évaluer le temps nécessaire à la fabrication du dispositif de pendaison. Le découpage d'une bande de tissu similaire à celle utilisée par M.B., à partir d'un matelas ayant subi une dégradation préalable, fut chronométré à 2 minutes et 15 secondes. 5 minutes et 17 secondes étaient nécessaires lorsque le matelas était sans défaut. Enfin, le temps de réalisation des nuds et de fixation du dispositif au mur fut évalué à 54 secondes.
22. Le médecin expert assistant à la reconstitution jugea les gestes reproduits et les témoignages recueillis compatibles avec les constatations médicales effectuées sur la victime, précisant que les pendaisons de ce type avaient un caractère rapidement létal.
23. L'audition d'A.T., qui avait occupé la même cellule de garde à vue le 3 juillet 2009, permit d'établir qu'à cette date, le matelas équipant la cellule était en bon état et que le petit trou jouxtant le plus grand n'existait pas encore.
24. Les investigations révélèrent également que le commissariat de Chambon-Feugerolles avait été construit en 1973 et que les derniers travaux réalisés dans les cellules dataient du 8 septembre 2008. Ils avaient porté sur la réfection des murs avec de l'enduit colle. Ceux-ci s'étant révélés insuffisants, un devis avait été établi le 19 novembre 2008 en vue de la couverture des murs à l'aide de feuilles de médium d'une épaisseur de 16 millimètres avec vis et colle. Ces travaux évalués à 1 920,80 euros n'avaient pu être réalisés en raison de restrictions budgétaires. Un rapport du 23 février 2009 avait néanmoins alerté la hiérarchie policière sur les problèmes posés par l'état des murs pour la sécurité des personnes gardées à vue comme des fonctionnaires affectés à leur surveillance. De même, lors du contrôle périodique des lieux de rétention effectué le 4 mars 2009, un magistrat du parquet avait fait les observations suivantes : " vétusté : mauvais état, murs très abîmés, troués à plusieurs endroits malgré une réfection récente ". Enfin, deux rapports émanant du service logistique et du responsable du matériel, en date des 28 mai et 18 août 2009, mentionnaient le mauvais état des murs et du matériel de vidéosurveillance.
25. Les recherches effectuées permirent de constater que deux tentatives de suicide avaient eu lieu dans les cellules de Chambon-Feugerolles, les 18 et 29 décembre 2008. Un rapport du 8 septembre 2006 relatait déjà les problèmes de sécurité liés à l'état des locaux et notamment aux trous observés dans le plâtre. Il avait été suivi, en octobre 2007, de travaux dont la facture, d'un montant de 3 367,94 euros, mentionnait notamment : " Murs : collage BA 13 haute dureté, finition (...) ". Selon D.B., chef du bureau de l'immobilier au sein de la direction de la logistique du secrétariat général pour l'administration de la police de Lyon, l'habillage des murs en BA 13 ne correspondait pas aux recommandations pour le traitement mural des cellules, du fait du caractère friable de ce matériau et de son inadaptation aux exigences de nettoyage. De nombreuses mains courantes rédigées depuis 2007 décrivaient des incidents survenus en garde à vue en lien avec l'état des murs.
26. Entendus par la juge d'instruction, les parents de M.B. exprimèrent leurs doutes sur la cause réelle du décès de leur fils. Ils affirmèrent avoir reçu la visite, au cours de la semaine suivant les faits, d'une femme qui se trouvait en garde à vue dans la seconde cellule du commissariat et qui aurait entendu M. B. crier.
27. Celle-ci, identifiée comme étant M.M., confirma aux enquêteurs avoir été placée en garde à vue le 6 juillet 2009. En revanche, elle indiqua que son voisin de cellule ne lui avait pas paru agité, même s'il parlait tout le temps tout seul, plus ou moins fort. Elle n'avait pas été témoin d'altercations avec les policiers. Elle précisa avoir constaté dans sa propre cellule la présence de " cailloux " qu'elle pensait être des morceaux du mur. Elle n'était pas présente lors de la tentative de pendaison.
28. Le 22 janvier 2010, D.P., directeur départemental de la sécurité publique de la Loire de juillet 2005 à septembre 2008, fut entendu par la juge d'instruction en qualité de témoin assisté. Il fit valoir qu'il ne disposait pas d'un budget suffisant pour résoudre toutes les difficultés relatives à l'entretien et aux réparations des cellules de garde à vue. Il avait constaté, dès son arrivée en 2005, que l'état de ces dernières, dans les locaux des commissariats du Chambon-Feugerolles et de Saint-Etienne, n'était pas satisfaisant et en avait alerté le préfet délégué pour la sécurité et la défense dans un rapport établi au cours de l'année 2006. Il avait considéré comme provisoires les réfections réalisées à Chambon-Feugerolles en 2007 et 2008, du fait d'un début de transfert de l'activité du commissariat vers celui de Firminy. Il rappela que le revêtement choisi lui avait été présenté comme hautement résistant et estima que les murs et le matelas n'avaient pas été utilisés de façon normale et prévisible.
29. Le 27 juillet 2010, le rapport de l'IGPN conclut à l'absence de toute faute de la part des fonctionnaires ayant participé à la procédure et à la mesure de garde à vue concernant M.B. Il fut observé que l'intéressé s'était donnée la mort en quelques minutes seulement, malgré la réaction rapide des policiers, sans qu'un défaut de surveillance ne puisse être reproché à ces derniers. Le matelas avait été vérifié sommairement au moment de l'intégration en cellule, les circonstances de sa dégradation et de la confection du lien restant indéterminées. Cependant, il fut estimé que le choix du revêtement mural, dicté tant par des contraintes budgétaires que par son caractère a priori provisoire, était sans doute inapproprié. La dégradation trop rapide du matériau avait facilité le passage à l'acte de M.B. Le rapport précisa que les deux cellules du commissariat de Chambon-Feugerolles avaient fait, fin 2009, l'objet de travaux suivis par le secrétariat général pour l'administration de la police de Lyon et comprenant la réalisation de murs maçonnés ainsi que la mise en place de caméras.
3. Les décisions judiciaires
30. Le 8 septembre 2010, la juge d'instruction rendit une ordonnance de non-lieu, estimant que compte tenu du caractère imprévisible du geste de M.B., de l'utilisation inattendue des orifices du mur et du tissu du matelas, de la rapidité de la réalisation de ces opérations et du fait que l'intéressé avait pu sortir de sa cellule à 18 heures 10 pour fumer, il ne pouvait être imputé à quiconque un défaut de surveillance. La magistrate ajouta que si l'état des locaux avait suscité des observations, la réalisation de travaux en 2007 et 2008, ainsi que l'établissement d'un devis en novembre 2008, resté sans suite en raison d'une baisse des crédits, n'étaient pas de nature à démontrer un désintérêt pouvant constituer une faute d'imprudence ou de négligence, la responsabilité des protagonistes devant s'apprécier au regard du pouvoir et des moyens dont ils disposaient.
31. Par un arrêt du 16 février 2011, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon rejeta le recours des requérants contre cette ordonnance. Les juges observèrent que les éléments du dossier conduisaient à écarter l'hypothèse d'un homicide volontaire comme celle d'un homicide involontaire. À cet égard, ils estimèrent qu'il n'était pas démontré que les personnes en charge du respect des règles de sécurité avaient violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qui ne pouvait être ignoré, le directeur départemental de la sécurité publique paraissant avoir accompli les diligences normales compte tenu des moyens dont il disposait.
32. Les requérants se pourvurent en cassation en invoquant notamment l'article 2 de la Convention.
33. Par un arrêt du 5 février 2013, la Cour de cassation rejeta le pourvoi des requérants, jugeant que la motivation de l'arrêt d'appel était exempte d'insuffisance comme de contradiction.
B. Le droit et la pratique internes pertinents
1. Le code pénal
34. Les dispositions pertinentes du code pénal se lisent comme suit :
Article 121-3
" Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer. (...) "
Article 221-6
" Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende. "
2. Le code de l'organisation judiciaire
35. Les dispositions pertinentes du code de l'organisation judiciaire (" COJ ") sont les suivantes :
Article L. 141-1
" L'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice.
Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. "
3. L'évolution de la jurisprudence
36. Selon une jurisprudence bien établie, la faute lourde s'entend de toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi (Cass. Ass. Plen., 23 février 2001, Bull. ass. plen. N° 5, D. 2001. 1752, note C).
37. Outre les magistrats, les collaborateurs du service de la justice sont également susceptibles d'engager la responsabilité de l'État. Le champ d'application de l'article L. 141-1 (ancien article L. 781-1) du COJ s'étend donc aux situations où les services de police ou gendarmerie (voire même tout agent investi de pouvoirs de police judiciaire, tels que les agents de la répression des fraudes - Civ. 1ère, 9 mars 1999) exécutent des missions de police judiciaire sous l'autorité et le contrôle d'un magistrat et à celles où ils mènent des enquêtes sur des crimes ou délits flagrants, ou des enquêtes préliminaires (TGI Paris, 26 janvier 2005 ; voir également, Civ. 1ère, 24 janvier 2005, Bull. 2005, I, n° 42, ainsi que la présentation du droit et de la pratique internes pertinents dans les affaires Saoud c. France, n° 9375/02, § 59, 9 octobre 2007, et Girard c. France, n° 22590/04, §§ 45-47, 30 juin 2011).
38. La Cour de cassation a ainsi pu faire application de ce texte pour engager la responsabilité de l'État du fait du suicide d'une personne mise en examen et placée en détention provisoire (Civ. 1ère, 14 mars 2006, Bull. 2006, I, n° 156), au profit non seulement des héritiers de celle-ci mais également des membres de sa famille invoquant un dommage par ricochet (Civ. 1ère, 16 avril 2008, Bull. 2008, I, n° 113). De plus, dans une affaire récente (Civ. 1ère, 9 mars 2011, pourvoi n° 10-14.697), elle a refusé la mise en jeu de cette responsabilité à la suite de la défenestration au cours de l'entretien avec son avocat d'une personne déférée au parquet à l'issue de sa garde à vue, après avoir procédé à un examen des éléments factuels relevés par la Cour d'appel ; à cet égard, la Cour de cassation a vérifié que rien, parmi ceux-ci, ne laissait supposer d'intention suicidaire chez l'intéressé et que les modalités de l'entretien n'étaient pas constitutives d'une faute lourde. La requête introduite devant la Cour à la suite de cet arrêt a été jugée irrecevable (Robineau c. France (déc.), n° 58497/11, 3 septembre 2013).
39. De même, le Conseil d'État a, dès 2003, reconnu la responsabilité de l'État du fait d'une succession de fautes imputables au service pénitentiaire ayant conduit au suicide d'un détenu (CE Chabba, 23 mai 2003, publié au recueil Lebon ; pour un résumé de la jurisprudence administrative en la matière, voir, Ketreb c. France, n° 38447/09, §§ 62-65, 19 juillet 2012).
GRIEF
40. Invoquant l'article 2 de la Convention, les requérants se plaignent de la violation du droit à la vie de M.B.
41. Ils estiment que les autorités internes ont manqué à leur obligation de protéger la vie de M.B. en le plaçant dans une cellule délabrée dont les murs étaient troués, le matelas déchiré et le système de vidéosurveillance défaillant, alors qu'elles ne pouvaient ignorer sa fragilité et son anxiété compte tenu de son agitation et de son refus de se séparer du cordon de son pantalon.
42. De plus, ils considèrent qu'en ne procédant pas à l'audition du procureur, chargé de la surveillance des locaux de garde à vue, les juridictions internes se sont abstenues d'effectuer toutes les investigations utiles à l'égard des personnes susceptibles d'avoir commis une négligence, manquant ainsi à leur obligation de mener une enquête effective.
EN DROIT
43. Les requérants se plaignent de l'atteinte au droit à la vie de M.B. et invoquent l'article 2 de la Convention, dont les dispositions se lisent comme suit :
" 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi (...) "
44. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
A. Sur l'épuisement des voies de recours internes
1. Arguments des parties
45. Le Gouvernement soulève une exception de non-épuisement des voies de recours internes. Il fait valoir, d'une part, que le pourvoi en cassation des requérants était fondé essentiellement sur le caractère incomplet de l'enquête et non sur les éléments développés dans la requête en lien avec la protection spécifique des personnes présentant un risque particulier de suicide. D'autre part, il observe que les requérants se sont abstenus de saisir les juridictions judiciaires sur le fondement de l'article L. 141-1 du COJ, qui permet d'engager la responsabilité de l'État en cas de fonctionnement défectueux du service de la justice. Il cite notamment un jugement du tribunal de grande instance (" TGI ") de Grenoble du 21 octobre 2013, dans lequel il a été estimé que la responsabilité de l'État était engagée du fait du suicide d'une personne placée en garde à vue pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique et qui s'était pendue dans une cellule de dégrisement à l'aide d'un de ses lacets : les juges ont constaté l'existence d'une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir une des missions dont elle est investie, à savoir garantir la sécurité et l'intégrité physique des personnes retenues sous la contrainte dans ses locaux. Cette décision n'est pas définitive, un appel ayant été interjeté.
46. Les requérants estiment, d'une part, avoir soulevé en substance le grief tiré de la violation de l'article 2 dans son volet substantiel, la question du respect dû au droit à la vie par les autorités étant la finalité même de la procédure pénale. D'autre part, ils contestent l'effectivité du recours en responsabilité de l'État pour fonctionnement défectueux du service de la justice à l'époque des faits, la décision dont se prévaut le Gouvernement étant datée du 21 octobre 2013, alors que le décès de M.B. est intervenu le 8 juillet 2009.
2. Appréciation de la Cour
47. La Cour rappelle que les dispositions de l'article 35 de la Convention ne prescrivent l'épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l'effectivité et l'accessibilité voulues ; il incombe à l'État défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (voir, par exemple, V. c. Royaume-Uni [GC], n° 24888/94, § 57, CEDH 1999-IX).
48. En l'espèce, la Cour constate qu'en relevant appel de l'ordonnance de non-lieu de la juge d'instruction et en se pourvoyant en cassation, les requérants ont soulevé en substance le grief tiré de l'article 2 dans son volet substantiel (De Donder et De Clippel c. Belgique, n° 8595/06, §§ 53-62, 6 décembre 2011). En outre, les requérants ont invoqué expressément l'article 2 au soutient de leur pourvoi en cassation (paragraphe 32 ci-dessus). En revanche, ils n'ont pas exercé l'action prévue par l'article L. 141-1 du COJ. La Cour doit donc déterminer si cette dernière constituait, à l'époque des faits, un recours qui aurait permis à l'État de reconnaître sa responsabilité même s'il n'y avait pas eu d'infraction pénale et qui aurait alors été un recours effectif au sens de l'article 35 § 1 de la Convention.
49. À cet égard, la Cour remarque que l'article L. 141-1 du COJ permet de faire reconnaître judiciairement la responsabilité de l'État du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice, ainsi que d'indemniser le préjudice subi par la victime et par les membres de son entourage justifiant avoir subi un dommage par ricochet (paragraphe 38 ci-dessus). Elle observe que si le texte subordonne l'engagement de ce type de responsabilité au constat d'un déni de justice ou d'une faute lourde, les développements jurisprudentiels ont conduit les juridictions internes à interpréter cette dernière notion de manière de plus en plus extensive.
50. Ainsi, la Cour rappelle que dans les affaires Saoud et Girard (précitées, respectivement §§ 78 et 54), elle a déjà noté l'évolution jurisprudentielle relative au champ d'application de l'article L. 781-1 devenu L. 141-1 du COJ (voir également, s'agissant de l'évolution de la jurisprudence administrative, Renolde c. France, n° 5608/05, CEDH 2008 (extraits), et Ketreb, précité, § 65). Elle a notamment mentionné la jurisprudence de la Cour de cassation du 23 février 2001, définissant la faute lourde comme toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi (Saoud et Girard, précités, respectivement §§ 59 et 46) et constaté qu'il ne semble pas faire de doute que le régime de responsabilité directe de l'État que ce texte institue n'exclut pas, par principe, les fautes de service dans le cadre des opérations de police judiciaire (Saoud et Girard, précités, respectivement §§ 78 et 47). Dans ces affaires, la Cour a néanmoins estimé que ce recours n'avait pas, à l'époque des faits, acquis un degré de certitude juridique suffisant pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins de l'article 35 § 1 de la Convention dans les circonstances envisagées.
51. À titre d'exemple, dans l'affaire Saoud (précité, § 59), la Cour a rejeté l'exception de non-épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement, après avoir constaté que celui-ci n'avait été en mesure de fournir qu'une seule décision interne illustrant cette hypothèse de responsabilité. Il s'agissait d'une décision du TGI de Paris en date du 8 septembre 2004. La Cour a observé que celle-ci, à la supposer définitive, était postérieure aux faits de l'espèce, qui s'étaient déroulés en 1998 et avaient fait l'objet d'une décision interne définitive en 2001. Elle en a conclu que le recours prévus par l'article L. 781-1 devenu L. 141-1 du COJ n'avait acquis, ni en 1998 ni en 2001, un degré de certitude suffisant (Saoud, précité, §§ 78-79).
52. Or, la Cour constate que ce raisonnement n'est pas applicable à la présente affaire, dont les faits sont nettement postérieurs. En effet, elle note que le décès de M.B. est intervenu le 8 juillet 2009 et que l'arrêt de la Cour de cassation relatif à l'ordonnance de non-lieu est daté du 5 février 2013. De plus, elle observe que l'évolution jurisprudentielle interne relative à l'application de l'article L. 141-1 du COJ, s'est poursuivie postérieurement à celle mentionnée dans l'arrêt Saoud. En effet, elle relève que plusieurs arrêts relatifs à la responsabilité de l'État en raison du suicide d'une personne privée de sa liberté pour les besoins d'une enquête pénale, ont été rendus par la Cour de cassation (en 2006, 2008 et 2011, voir paragraphe 38 ci-dessus). Cette dernière a progressivement adopté une approche reprenant les critères dégagés par la Cour. Ainsi, par deux arrêts de 2006 et 2008, elle a considéré que la responsabilité de l'État était engagée du fait du suicide d'une personne mise en examen et placée en détention provisoire, au profit non seulement des héritiers de celle-ci mais également des membres de sa famille invoquant un dommage par ricochet. De plus, dans un arrêt de 2011, elle a refusé la mise en jeu de cette responsabilité à la suite de la défenestration au cours de l'entretien avec son avocat d'une personne déférée au parquet, après avoir procédé à un examen des éléments factuels relevés par la Cour d'appel pour vérifier que rien, parmi ceux-ci, ne laissait supposer d'intention suicidaire chez l'intéressé et que les modalités de l'entretien n'étaient pas constitutives d'une faute lourde. La requête introduite devant la Cour à la suite de cet arrêt a été jugée irrecevable (voir paragraphe 38 ci-dessus). La Cour considère donc que le recours issu de l'article L. 141-1 du COJ a acquis un degré de certitude juridique suffisant pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins de l'article 35 § 1 de la Convention dans les circonstances de l'espèce, au plus tard en mars 2011, soit près de deux ans avant l'arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2013. À cet égard, elle remarque que la décision du TGI de Grenoble citée par le Gouvernement, qui n'est pas définitive, est postérieure à ces deux dates et constitue une illustration concrète de la mise en uvre de l'action en responsabilité de l'État dans des circonstances proches du cas d'espèce.
53. Partant, le fait pour les requérants de s'être constitués parties civiles dans le cadre de la procédure pénale ne les dispensait pas d'exercer une action en responsabilité contre l'État pour fonctionnement défectueux du service de la justice, qui offre un régime plus souple que l'action pénale et, en conséquence, d'autres chances de succès (a contrario, De Donder et De Clippel, précité, § 60). En effet, la Cour observe que cette dernière suppose, pour être couronnée de succès, que soit démontrée la commission d'une infraction pénale. À ce titre, elle rappelle qu'elle a déjà conclu à une violation de l'article 2 dans son volet substantiel dans le cas d'un suicide d'une personne privée de sa liberté, même en l'absence de démonstration de la commission d'une infraction pénale selon le droit interne (voir, parmi beaucoup d'autres, Renolde, précité, § 110, et Ketreb, précité, § 99).
54. Par conséquent, le grief des requérants tiré du volet substantiel de l'article 2 doit être déclaré irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention. La Cour constate toutefois que ce motif d'irrecevabilité ne s'applique pas au volet procédural du même article, les requérants ayant vu leurs arguments tirés de l'insuffisance des investigations entreprises définitivement rejetés par la Cour de cassation.
B. Sur l'aspect procédural de l'article 2 de la Convention
1. Arguments des parties
55. Les requérants estiment que l'enquête menée n'a pas été suffisamment efficace pour faire la lumière sur les circonstances exactes du décès de M.B. Ils font valoir que l'audition du procureur de la République, qui avait contrôlé les locaux de garde à vue du commissariat quatre mois avant les faits, était indispensable.
56. Le Gouvernement considère au contraire que les autorités internes ont procédé à des investigations effectives et diligentes. Il rappelle que le procureur de la République a ouvert une enquête d'office et avec célérité, en saisissant l'IGPN dès le 6 juillet 2009, que des expertises et examens ont été effectués rapidement, qu'il a été procédé à de nombreuses auditions et qu'une reconstitution des faits a été réalisée.
2. Appréciation de la Cour
57. La Cour rappelle que dans tous les cas où un détenu décède dans des conditions suspectes et que les causes de ce décès sont susceptibles d'être rattachées à une action ou une omission d'agents ou de services publics, les autorités ont l'obligation de mener d'office une " enquête officielle et effective " de nature à permettre d'établir les causes de la mort et d'identifier les éventuels responsables de celle-ci et d'aboutir à leur punition (De Donder et De Clippel, précité, § 85).
58. L'effectivité requiert en premier lieu que les personnes responsables de la conduite de l'enquête soient indépendantes de celles éventuellement impliquées dans le décès : elles doivent, d'une part, ne pas leur être subordonnées d'un point de vue hiérarchique ou institutionnel ; elles doivent, d'autre part, être indépendantes en pratique. Elle exige ensuite que les autorités prennent les mesures raisonnables dont elles disposent pour assurer l'obtention des preuves relatives aux faits en question, y compris, entre autres, les dépositions des témoins oculaires, des expertises et, le cas échéant, une autopsie propre à fournir un compte rendu complet et précis des blessures et une analyse objective des constatations cliniques, notamment de la cause du décès ; toute déficience de l'enquête affaiblissant sa capacité à établir la cause du décès ou les responsabilités risque de faire conclure qu'elle ne répond pas à cette norme. Enfin, une célérité et une diligence raisonnables s'imposent aux enquêteurs et les proches de la victime doivent être associés à la procédure dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de leurs intérêts légitimes (voir, par exemple, Troubnikov c. Russie, n° 49790/99, §§ 86-88, 5 juillet 2005, et Slimani c. France, n° 57671/00, §§ 32, CEDH 2004-IX (extraits)).
59. En l'espèce, la Cour ne décèle dans le dossier aucun élément susceptible d'indiquer que les investigations menées ne répondaient pas à ces exigences. Elle constate qu'une enquête indépendante a été ouverte immédiatement après la découverte des faits, à l'initiative des autorités internes, que les fonctionnaires de police et témoins ont été entendus et que de nombreux actes techniques et médicaux ont été réalisés. Une information judiciaire a, de plus, été ouverte.
60. La Cour observe en particulier que les requérants se bornent à se plaindre du fait que la juge d'instruction n'a pas procédé à l'audition du substitut du procureur ayant contrôlé le local de garde à vue le 4 mars 2009. Or, elle constate que s'ils indiquent avoir mentionné l'absence de cet acte au soutien de leur pourvoi en cassation, ils n'invoquent pas en avoir demandé la réalisation au juge d'instruction, comme ils en avaient pourtant la possibilité. De plus, elle estime que l'absence de cette audition n'a pas porté atteinte à l'efficacité de l'enquête pour établir la cause du décès ou les responsabilités encourues. Dès lors, la Cour considère qu'il ne peut être affirmé que l'enquête conduite à la suite du décès de M.B. n'était pas effective.
61. Il s'ensuit que le grief tiré de l'article 2 de la Convention dans son volet procédural est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 8 octobre 2015.
Claudia Westerdiek, Greffière
Angelika Nußberger, Présidente