Jurisprudence : TA Rennes, du 25-09-2015, n° 1304728

TA Rennes, du 25-09-2015, n° 1304728

A7232NRB

Référence

TA Rennes, du 25-09-2015, n° 1304728. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/26262000-ta-rennes-du-25092015-n-1304728
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Abstract

La délivrance d'un permis de construire en vue de l'édification d'une construction non réalisée en continuité avec une agglomération ou un village existant et se situant dans un espace à moins de cent mètres du rivage est annulée par le tribunal administratif de Rennes dans un jugement rendu le 25 septembre 2015 (TA Rennes, 25 septembre 2015, n° 1304728).




N° 1304728

ASSOCIATION SAUVEGARDE DU TREGOR

M. Thibault, Rapporteur

M. Bonneville, Rapporteur public

Audience du 28 août 2015

Lecture du 25 septembre 2015

**RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
**
Le Tribunal administratif de Rennes,

(1ère chambre),



Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2013, l'association Sauvegarde du Trégor, représentée par son président en exercice, demande au Tribunal :

1°) d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune de Plouezoc'h a délivré un permis de construire le 11 juin 2013 à Mme Aa et à M. Ab afin d'édifier une construction à usage d'habitation sur la parcelle cadastrée section A n° 1086 située 30 bis lieudi``" Kernelehen " à Plouezoc'h ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Plouezoc'h le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

L'association Sauvegarde du Trégor soutient que :

- la décision critiquée méconnaît les dispositions du plan d'occupation des sols de la commune de Plouezoc'h en ce qu'elle porte atteinte à la protection du patrimoine naturel, des sites et des paysages affichée par le document d'urbanisme ;

- l'arrêté a violé les dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme🏛 en ce que la construction n'est pas réalisée en continuité avec une agglomération ou un village existant et se situe dans un espace proche du rivage et à moins de 100 mètres du rivage ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'acte porterait atteinte à la santé publique en ce que le secteur ne comporte aucun réseau collectif d'assainissement et que la configuration du terrain favoriserait les risques de " percolation souterraine " des eaux usées vers le littoral proche.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2014, Mme Aa et M. Ab concluent au rejet de la requête.

Mme Aa et M. Ab soutiennent que l'acte critiqué ne méconnaît pas les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme en ce que la construction projetée constitue une extension qui se réalise en continuité de l'urbanisation existante.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 avril 2014 et le 4 décembre 2014, la commune de Plouezoc'h, représentée par Me Berthault, avocat, conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête, à titre subsidiaire à son rejet et que soit mis à la charge de l'association requérante le versement d'une somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- la requête est irrecevable en ce que l'association ne dispose d'aucun intérêt à agir ;

- la requête est irrecevable en ce qu'elle a méconnu les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative🏛 ;

- l'acte critiqué respecte les dispositions du plan local d'urbanisme et notamment le règlement de la zone Uc ;

- l'arrêté respecte les dispositions du I et du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme en ce que la construction est réalisée en continuité avec une agglomération ou un village existant ;

- la décision a respecté la procédure d'instruction ;

- l'acte se conforme aux dispositions du code de la santé publique en ce que l'avis conforme du service public d'assainissement collectif était joint au dossier de demande de permis de construire.

Par un mémoire, enregistré le 25 février 2015, la commune de Plouezoc'h informe le tribunal que le 23 février 2015 le maire de Plouezoc'h a accordé le transfert du permis de construire attaqué à Mme Ac Ad.

Par ordonnance du 2 mars 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2015.

Par un mémoire, enregistré le 31 mars 2015, l'association Sauvegarde du Trégor a conclu après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ae,

- les conclusions de M. Bonneville, rapporteur public,

- et les observations de M. le Lay, représentant l'association Sauvegarde du Trégor et de Me Maral, représentant la commune de Plouezoc'h.

1. Considérant que l'association Sauvegarde du Trégor demande l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2013 par lequel le maire de la commune de Plouezoc'h a délivré un permis de construire à Mme Aa et à M. Ab afin d'édifier une construction à usage d'habitation sur la parcelle cadastrée section A n°1086 située 30 bis lieudi``" Kernelehen " à Plouezoc'h ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Plouezoc'h :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 des statuts en vigueur à la date du dépôt de sa requête introductive d'instance, l'association dénommée " Sauvegarde du Trégor " avait pour objet social " défense des patrimoines naturel, paysager et culturel, la protection des ressources naturelles et la préservation de leur qualité, la préservation du cadre de vie des habitants du Trégor. A ce titre, elle agit dans le domaine de l'environnement, pour un aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l'urbanisme. Elle veille à la protection de la biodiversité et à la préservation des espaces naturels, notamment les zones humides, qu'ils soient terrestres, littoraux ou marins. Elle incite et participe à la lutte contre toutes formes de pollutions et nuisances de l'eau, de l'air, des sols et sous-sols, pollutions et nuisances y compris visuelles et sonores. Elle défend une approche économe des espaces naturels, agricoles et forestiers visant à maintenir une harmonie paysagère et architecturale, dans tous les outils et processus de développement, d'aménagement et d'urbanisme ( ) " ; qu'aux nombres de ses moyens d'actions figurent les actions en justice ; qu'elle justifie dès lors d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'arrêté du 11 juin 2013 par lequel le maire de Plouezoc'h a délivré un permis de construire à Mme Aa et M. Ab afin d'édifier une construction à usage d'habitation sur la parcelle cadastrée section section A n°1086 située 30 bis lieudi``" Kernelehen " à Plouezoc'h ; qu'il y a donc lieu d'écarter la fin de non-recevoir opposée par la commune de Plouezoc'h ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours " ;

4. Considérant que l'association Sauvegarde du Trégor demande l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2013 par lequel le maire de Plouezoc'h a délivré un permis de construire à Mme Aa et M. Ab en faisant valoir dans sa requête introductive d'instance que l'acte critiqué méconnaît les objectifs définis par le plan local d'urbanisme communal fondé sur la protection du patrimoine naturel, des sites et des paysages, que cette décision viole les dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porterait atteinte à la santé publique dès lors que le secteur ne comporte aucun réseau collectif d'assainissement et que la configuration du terrain favoriserait les risques de " percolation souterraine " des eaux usées vers le littoral proche ; qu'il en résulte que la requête contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge ; que par suite, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions précités de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ne peut être accueillie ; que la requête est, dès lors, recevable ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ( ) " ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux est implanté sur un vaste terrain non bâti d'une superficie de 3 482 m2 situé à proximité immédiate du littoral ; qu'il ressort du plan de zonage et des photographies aériennes produites au dossier que ce terrain se situe au lieudi``" Kernelehen ", secteur distant de plus de trois kilomètres du centre de la commune de Plouezoc'h ; que cette zone est séparée de cette agglomération par des zones d'habitat diffus et par de vastes espaces naturels et agricoles ; que ce secteur comprend un habitat disséminé le long des voies publiques et ne forme pas un ensemble cohérent et organisé correspondant à un ensemble urbanisé ; que le règlement du document d'urbanisme a classé ce secteur dans un zonage UC en indiquant qu'il s'agissait d' " un tissu urbain existant de type pavillonnaire à faible densité ; il se caractérise par une urbanisation aérée, en ordre discontinu " ; qu'il ne peut, dès lors, être regardé comme étant un espace urbanisé ou un village au sens du I de l'art L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que si le terrain litigieux jouxte au nord et au sud-ouest des parcelles construites, il reste majoritairement contigu à l'ouest, au nord, à l'est à des parcelles non construites et est séparé par une voie communale au sud d'un vaste espace agricole ; qu'il en résulte que le projet qui a fait l'objet de l'autorisation attaquée ne peut être regardé comme se situant en continuité avec un espace urbanisé, et que la construction projetée, alors même qu'elle ne porte que sur l'édification d'une seule maison, constitue une extension de l'urbanisation qui ne s'inscrit pas en continuité avec une agglomération ou un village existant et ne présente pas le caractère d'un hameau nouveau intégré à l'environnement ; qu'il suit de là que le maire de Plouezoc'h en délivrant le permis de construire attaqué a méconnu les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

7. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 146-4 II du code de l'urbanisme : " ( ) II - L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ( ) doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer.( )." ;

8. Considérant en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des documents cartographiques produits, que la parcelle litigieuse est située à proximité immédiate du littoral et dispose d'une visibilité directe de la mer ; que ce terrain doit, par suite, être regardé comme se situant dans un espace proche du rivage au sens des dispositions législatives précitées ;

9. Considérant en deuxième lieu, que le caractère limité de l'extension de l'urbanisation dans un espace proche du rivage, au sens des dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, s'apprécie eu égard à l'implantation, à l'importance, à la densité, à la destination des constructions envisagées et à la topographie des lieux ; que la commune de Plouezoc'h dans le cadre de son plan local d'urbanise a décidé de classer le secteur de " Kernelehen " au sein d'un zonage Uc dans lequel la construction de maisons à usage d'habitation est autorisée ; que le projet critiqué qui ne porte que sur la réalisation d'une seule construction aboutit à une extension limitée de l'urbanisation ;

10. Considérant en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du règlement du plan local d'urbanisme que les auteurs de ce document d'urbanisme ont décidé de classer le secteur " Kernelehen " en zone UC en considérant qu'il était constitué " d'un tissu urbain existant de type pavillonnaire à faible densité ; il se caractérise par une urbanisation aérée, en ordre discontinu " ; que si le terrain objet de la décision litigieuse se situe dans cette zone UC, la commune n'établit pas que le plan local d'urbanisme aurait justifié de l'utilité de la mise en place d'un tel zonage au regard des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau ; qu'ainsi, le maire de la commune de Plouezoc'h en délivrant le permis de construire critiqué a méconnu les dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L 146-4 III du code de l'urbanisme : " ( ) III - En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986🏛 précitée. Cette interdiction ne s'applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau, ( ``" ;

12. Considérant qu'il est constant que la parcelle litigieuse pour laquelle le maire de la commune de Plouezoc'h a délivré un permis de construire est située, pour sa plus grande partie, dans la bande littorale des 100 mètres à compter de la limite haute du rivage ; que comme il a été précédemment dit, le terrain d'assiette du projet s'insère dans un secteur d'habitat diffus, qui ne peut être regardé comme faisant partie intégrante d'un espace urbanisé ; que la commune et les pétitionnaires n'établissent pas que la construction serait nécessaire à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau ; que par suite l'association requérante est fondée à soutenir qu'en accordant le permis de construire attaqué le maire de la commune de Plouezoc'h a méconnu les dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article L.600-4-1 du code de l'urbanisme🏛 : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier " ; qu'aucun autre moyen de la requête n'est susceptible, en l'état du dossier soumis au Tribunal, de fonder l'annulation de la décision attaquée ;


14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Sauvegarde du Trégor est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'association Sauvegarde du Trégor, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune de Plouezoc'h la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

16. Considérant qu'il y a lieu, en revanche, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Plouezoc'h le versement à l'association Sauvegarde du Trégor d'une somme de 750 euros (sept cent cinquante euros) au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;


DECIDE :

Article 1er : Le permis de construire susvisé du 11 juin 2013 délivré par le maire de Plouezoc'h à Mme Aa et M. Ab est annulé.

Article 2 : La commune de Plouezoc'h versera la somme de 750 euros (sept cent cinquante euros) à l'association Sauvegarde du Trégor sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l'association Sauvegarde du Trégor, à Mme Aa, à M. Ab, à Mme Ad et à la commune de Plouezoc'h.

Une copie du jugement sera transmise sans délai, par application des dispositions de l'article R. 751-10 du code de justice administrative🏛, au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Brest.


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