Jurisprudence : CAA Paris, 15-06-2015, n° 14PA01703

Références

Cour administrative d'appel de Paris

N° 14PA01703
Inédit au recueil Lebon
6ème Chambre
lecture du lundi 15 juin 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée GBR Ile-de-France a demandé au Tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'une part, d'annuler la décision du 20 octobre 2011 par laquelle le Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (CHIPEA), dénommé Fondation Vallée, a rejeté son mémoire de réclamation, d'autre part, de condamner ce Centre hospitalier à lui verser la somme de 663 686,66 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché signé le 6 juillet 2007 ou, à titre subsidiaire, de désigner un nouvel expert judiciaire avec pour mission de compléter la précédente expertise et de condamner le Centre hospitalier aux entiers dépens.

Par un jugement n° 1203172/8 du 12 février 2014, le Tribunal administratif de Melun a fixé le solde du marché à la somme de 308 025,55 euros TTC en défaveur de la société GBR Ile-de-France, a condamné cette société à verser ladite somme au Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent -Fondation Vallée- et rejeté le surplus des conclusions de la société GBR Ile-de-France.



Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2014 sous forme de télécopie régularisée le 22 avril suivant, et un mémoire enregistré le 9 mars 2015 sous forme de télécopie régularisé le surlendemain, la société par actions simplifiée GBR Ile-de-France, représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Melun du 12 février 2014 en portant le solde du marché de la somme de 308 025,55 euros TTC en sa défaveur à celle de 112 884 euros TTC en sa faveur ;

2°) de condamner le Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent -Fondation Vallée- à lui verser la somme de 112 884 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts au taux légal ;

3°) de laisser à la charge de ce Centre hospitalier les entiers dépens ;

4°) de mettre à la charge du Centre hospitalier le versement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle était redevable des pénalités de retard au titre de la période courue du 27 novembre 2008 au 24 décembre 2009 en l'absence de solution technique ayant conduit le maître d'ouvrage à introduire, le 3 juillet 2008, une requête en référé expertise, mais aussi au titre de la période courue du 9 décembre 2009 au 9 mars 2011 dès lors que ce n'est que le 27 décembre 2009 qu'elle a reçu l'ordre de service n°5, qu'elle était en attente du remplacement d'un membre du groupement de la maîtrise d'oeuvre et que ce n'est que le 30 novembre 2011 que l'expert a proposé une solution technique ;
- le cumul des pénalités de retard avec sa condamnation à réparer les préjudices subis par le maître d'ouvrage du seul fait du retard d'exécution est mal fondé au regard d'une jurisprudence constante ;
- les frais d'expertise doivent être laissés à la charge du maître d'ouvrage ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2015, le Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (CHIPEA), dénommé Fondation Vallée, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que la Cour porte le solde du marché en défaveur de la société GBR Ile-de-France de la somme de 308 025,55 euros TTC à celle de 1 324 740,43 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2011, mette à la charge de la société GBR Ile-de-France les frais de l'expertise confiée à MM. A...et B...ainsi que le versement d'une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la société GBR Ile-de-France n'était pas responsable du retard constaté dès le 10 octobre 2007, d'autant que les problèmes techniques invoqués par l'entrepreneur ne portaient que sur 4% du prix du marché, soit 33 737,91 euros HT, que le placement en liquidation judiciaire d'un des membres du groupement chargé de la maîtrise d'oeuvre n'était pas de nature à exonérer l'entrepreneur de sa responsabilité dans le retard et qu'il était chargé de réaliser les études d'exécution ;
- les frais d'expertise doivent être mis à la charge de la société GBR Ile-de-France qui l'a contraint à y recourir ;
- le montant des pénalités ne peut faire l'objet d'une modération qui aurait pour effet de ne pas couvrir l'entier préjudice qu'il a subi du seul fait du retard dans l'exécution des travaux ;
- que le décompte général présente un solde en défaveur de la société requérante, de 1 342 694,74 euros dont elle est fondée à demander le paiement.

Par ordonnance du 25 février 2015, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 17 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le décret n°76-87 du 21 janvier 1976 modifié approuvant le cahier des clauses administratives générales alors applicable aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray,
- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant le Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent.

1. Considérant qu'à la suite d'un appel d'offres lancé par le Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (CHIPEA), dénommé Fondation Vallée, pour la réalisation de travaux de transformation d'un local initialement à destination de supermarché en un centre médico-psychologique et d'accueil thérapeutique à temps partiel pour adolescents, sis 73, avenue Raspail à Gentilly (94 257), ce Centre a conclu un marché avec la société GBR Ile-de-France pour un montant de 840 000 euros hors taxes, soit 1 004 640 euros TTC ; que ces travaux, dont le délai contractuel de réalisation était fixé à six mois y inclus un mois de préparation, n'ont été réceptionnés que le 9 mars 2011, alors que l'ordre de service n°1 de démarrage avait été émis le 10 septembre 2007; que le décompte général notifié par ordre de service n° 7 du 12 mai 2011 par le maître d'ouvrage fait ressortir un solde, en défaveur de la société GBR Ile-de-France, d'un montant de 1 342 694,74 euros compte tenu, notamment, de l'inclusion au sein de ce décompte de pénalités de retard dans le commencement du chantier d'un montant de 890 339,84 euros au titre de la période courue du 10 octobre 2007 au 24 décembre 2009 ainsi que de pénalités de retard de fin de chantier d'un montant de 99 417,60 euros au titre de la période courue du 9 décembre 2010 au 9 mars 2011 et de l'indemnisation de dépenses, d'un montant de 352 937,30 euros rendues nécessaires, selon le CHIPEA, du fait du retard dans l'exécution du chantier ; que la société GBR Ile-de-France, estimant que le solde du marché s'élevait à 663 686,66 euros TTC en sa faveur, a, après rejet de son mémoire de réclamation daté du 20 mai 2011, saisi le Tribunal administratif de Melun qui, par le jugement dont elle relève appel, a fixé le solde du marché à 308 025,55 euros en sa défaveur ; que, par la présente requête, la société GBR Ile-de-France, qui abandonne certaines de ses conclusions indemnitaires, dont une partie a d'ailleurs été rejetée comme irrecevable par le jugement attaqué faisant droit à une fin de non-recevoir invoquée par le CHIPEA, demande à la Cour de fixer le solde du marché à 112 884 euros TTC en sa faveur ;


Sur les pénalités de retard :

2. Considérant que l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales Travaux, en sa version applicable en l'espèce, issue du décret n°76-87 du 21 janvier 1976 modifié, dispose que : " En cas de retard dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué, sauf stipulation différente du C.C.A.P., une pénalité journalière de 1 /3 000 du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix de base définis au 11 de l'article 13. / les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre " ; qu'aux termes de l'article 4.1 du cahier des clauses administratives particulières : " Le délai global d'exécution est fixé à six mois dont un mois de période de préparation inclus " ; qu'aux termes de l'article 4.1.2 de ce cahier : " Calendrier détaillé d'exécution : Les travaux faisant l'objet du présent marché seront exécutés dans le délai prévu au calendrier général d'exécution. Ce calendrier général sera complété par un calendrier détaillé répartissant les délais partiels propres à chaque lot (...) Pour tout retard dans l'exécution des tâches, le maître d'ouvrage sur proposition du maître d'oeuvre peut appliquer des provisions pour pénalités de retard suivant les modalités prévues à l'article 4.3 du présent C.C.A.P. " ; qu'aux termes de l'article 4.3 du même cahier : " Par dérogation à l'article 20.1 du C.C.A.G., le taux des pénalités est le suivant, par jour calendaire de retard : 100,00 euros + montant TTC du lot / 1 000. Les pénalités de retard seront applicables selon les retards constatés en cours d'exécution par rapport au calendrier détaillé d'avancement et dans la mesure où les retards atteignent au moins 7 jours calendaires. Il sera tenu compte des prolongations de délai accordées automatiquement, pour le cas de force majeure (...) En outre, un sursis de livraison peut être accordé lorsque, en l'absence de faute de la part des entreprises, des événements étrangers à leur volonté ou des difficultés d'exécution particulières ont entravé l'exécution normale des travaux et rendent excusable le retard. Le sursis n'affecte pas les délais contractuels. Il a pour seul effet d'écarter l'application des pénalités de retard. Dans tous les cas, les pénalités de retard dans l'exécution seront applicables sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable (...) " ;

En ce qui concerne la période du 10 octobre 2007 au 24 décembre 2009:

4. Considérant, en premier lieu, que le CHIPEA soutient, par la voie de l'appel incident, que c'est à juste titre qu'il a appliqué à la société GBR Ile-de-France des pénalités de retard pour la période comprise entre le 10 octobre 2007 et le 24 décembre 2009 et demande, par suite, la réformation du jugement attaqué en tant que ce dernier prononce la décharge de ces pénalités au titre de la période courue du 10 octobre 2007 au 26 novembre 2008 ; que, toutefois, il y a lieu de rejeter ces conclusions d'appel incident par adoption des motifs retenus par les premiers juges ; que si le CHIPEA fait en outre valoir que l'insuffisante épaisseur des profilés métalliques mise en avant par la société GBR Ile-de-France dès le 10 octobre 2007 constituait un point mineur et qu'en attendant de le résoudre, l'entrepreneur aurait pu exécuter d'autres travaux, il résulte de l'instruction qu'en dépit du faible surcoût relatif engendré par la nécessité de mettre en place des profilés métalliques plus épais, cette difficulté technique, qui procède pour l'essentiel d'incohérences du dossier de consultation des entreprises et d'une erreur du bureau d'études techniques Théta Ingénierie, que la société requérante a identifiée le 10 octobre 2007, terme de la période de préparation d'un mois contractuellement prévue, concerne en réalité la structure porteuse du plancher ; que, d'ailleurs, l'expert désigné par l'ordonnance n° 0804959 du 1er octobre 2008 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun à la demande du CHIPEA a évalué à seulement 30% la part de responsabilité de la société GBR Ile-de-France pour la période antérieure au 14 mars 2008 ;

5. Considérant, en second lieu, que, par ses conclusions d'appel principal, la société GBR Ile-de-France demande à la Cour de prononcer la décharge des pénalités de retard qui lui ont été appliquées au titre de la période courue du 27 novembre 2008 au 24 décembre 2009 et, par suite, de réformer dans cette mesure le jugement attaqué ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par ordre de service n° 4 du 27 juin 2008, le maître de l'ouvrage a demandé à la société GBR Ile-de-France de réaliser les travaux conformément à son étude d'exécution, laquelle correspondait d'ailleurs à la solution technique préconisée par l'expert judiciaire ; qu'il est constant que la société requérante n'a pas déféré à cet ordre de service et ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité technique de réaliser les travaux demandés; que, d'une part, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, il y a lieu de rejeter les conclusions de la société GBR Ile-de-France tendant à être déchargée des pénalités de retard qui lui ont été appliquées pour la période courue à compter du 27 novembre 2008, soit cinq mois après la notification de l'ordre de service n° 4, conformément aux stipulations de l'article 4 .1 du cahier des clauses administratives particulières prévoyant un délai d'exécution des travaux de six mois dont un mois de préparation, lequel a couru du 10 septembre au 10 octobre 2007, et le 24 décembre 2009 ; que, d'ailleurs, l'expert judiciaire a estimé qu'à compter du 14 mars 2008, la société GBR Ile-de-France était responsable du retard à hauteur de 95% ; que, par suite, ainsi que l'ont déterminé à juste titre les premiers juges, le montant des pénalités de retard s'établit à 434 123,52 euros, correspondant aux 393 jours compris entre le 27 novembre 2008 et le 24 décembre 2009 ;

En ce qui concerne la période du 9 décembre 2010 au 9 mars 2011 :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maître de l'ouvrage a retenu sur le décompte général une somme de 99 417,60 euros de pénalités de retard au titre de la période courue du 9 décembre 2010 au 9 mars 2011, soit 90 jours, au motif que les travaux auraient dû être achevés dans un délai de six mois décompté à partir de l'ordre de service n°5 par lequel le CHIPEA a demandé à la société GBR Ile-de-France de redémarrer les travaux et accepté un montant de 33 737,91 euros HT au titre de travaux supplémentaires ; que si la société GBR Ile-de-France conteste le principe même de sa responsabilité dans le retard d'exécution des travaux, elle n'établit pas le bien-fondé de ses prétentions en se bornant à indiquer que la solution technique définitive permettant de poursuivre le chantier n'aurait été trouvée par l'expert que le 30 novembre 2011, dès lors qu'il résulte de l'instruction que le BET GRIF avait proposé une solution technique adaptée, d'ailleurs validée par l'expert, et que la réception des travaux a été fixée au 9 mars 2011, soit bien avant le 30 novembre 2011 ;

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