N° D 15-82.035 F P+B N° 4175
ND 16 SEPTEMBRE 2015
REJET
M. GUÉRIN président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
-M. Z Z,
-M. Z Z,
-M. Y Y,
-Mme X X,
-M. W W,
-M. V V,
-M. U U,
-M. T T,
-M. S S,
-M. R R,
-M. Q Q,
-M. P P,
-M. V V,
-M. O O,
-M. W W,
-M. N N,
-M. M M,
-M. L L, parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 2 mars 2015, qui, dans l'information suivie contre MM. ... ..., ... ..., ... ..., W W, Mme ... ... et la société Sword des chefs d'escroquerie et complicité, recel, abus de biens sociaux, blanchiment et complicité, délivrance indue de document administratif, usage de faux, exercice d'une activité malgré une interdiction de gérer, a prononcé sur une demande d'annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 septembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale M. Guérin, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire PICHON, les observations de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 28 avril 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, §1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 158, 164, 591, 593 et 802 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la côte D1780 ;
"aux motifs que si l'expert mentionne en préambule de son rapport d'expertise que " le 17 novembre 2010, je me suis rendu dans les locaux de la société Ducos. J'ai été reçu par M. ... ... qui m'a indiqué être l'ancien gérant de la société et son actuel directeur. J'ai pu m'entretenir avec M. ... ..., lors d'une conférence téléphonique dans le bureau de M. ... .... J'ai fait part de la mission d'expertise qui m'a été confiée par M. ... ..., vice-président chargé de l'instruction " (D 7516-04-ID, p3), il ne ressort pas de la lecture intégrale dudit rapport que des éléments, observations ou déclaration aient été recueillies auprès du mis en examen, M. ... ... ; que si contact avec lui il y a eu, il ne résulte pas des termes de ce rapport qu'il ait été procédé à son audition par l'expert ; qu'au surplus ce point a été dûment vérifié par le juge d'instruction lorsqu'il a procédé à une confrontation entre le mis en examen et l'expert ; qu'en effet, le 27 juin 2011, est intervenue une confrontation entre M. ... ... et l'expert en présence de l'avocat du premier ; qu'il n'a pas été soulevé d'irrégularité des conditions de réalisation de l'expertise, par M. ... ... et son conseil (D784 et D785) seules les questions de fond ont été abordées, au regard des prestations effectuées, et que plus précisément sur la question de la défense de M. ... ... à l'expert, question posée en ces termes " Ne vous a-t-il pas proposé par courrier électronique un rendez-vous avec M. ... pour répondre aux questions techniques, notamment sur les flashages " ; que l'expert a répondu " non ", et que sur demande du juge d'instruction, M. ... ... indique " j'ai envoyé un courrier électronique directement à M. l'expert, car j'avais demandé son adresse électronique à Mme ... ... ", ce à quoi l'expert a répondu qu'il n'en avait pas de souvenir ; qu'il ne peut être déduit de ces échanges qu'il y a eu des auditions ou interrogatoires tels que prévus et organisés par le code de procédure pénale, ou qu'il ait été enfreint aux règles procédurales de l'article 164 du code de procédure pénale et aux limites de la mission confiée à l'expert ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient la partie civile, M. U, il n'apparaît pas à la lecture intégrale du rapport de vérification établi par l'administration fiscale que celle-ci se soit référée à l'expertise Morisset, pour dresser sa proposition de rectification ; que dans sa proposition de rectification, l'administration fiscale basait celle-ci sur l'absence de fourniture de justificatif, sur une disproportion entre les fonds collectés et les investissements importés, qu'au soutien de cette argumentation, l'administration fiscale excipait de l'exercice de son droit de communication auprès de l'administration des douanes (D1774/7), auprès des territoires antillais, en application des articles L81, L85 et L210B du LPF et 1734 du CGI ; qu'en conclusion de la lecture de ce rapport administratif ne ressort aucune référence au rapport expertal Morisset (D1774/1 à 1774/11), que dès lors on conçoit mal l'intérêt de la partie civile à solliciter son annulation ; qu'il n'y a pas lieu de procéder à l'annulation du rapport d'expertise de M. ... ;
"1o) alors que l'expert désigné ne peut recevoir, à titre de renseignement et pour le seul accomplissement de sa mission, les déclarations de la personne mise en examen, du témoin assisté ou de la partie civile, que si le juge d'instruction l'y a autorisé ; qu'en disant n'y avoir lieu à annulation du rapport d'expertise, tandis qu'elle constatait que ce rapport mentionnait que l'expert s'était " entretenu " avec une personne mise en examen sans y avoir été autorisé et que le mis en examen avait en outre déclaré avoir " envoyé un courrier électronique directement à M. l'expert ", la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
"2o) alors qu'en énonçant qu'" il ne ressort pas de la lecture intégrale dudit rapport que des éléments, observations ou déclaration aient été recueillies auprès du mis en examen ", tandis que ce rapport mentionnait " J'ai pu m'entretenir avec M. ... ..., lors d'une conférence téléphonique (...). Il m'a été confirmé que la société utilise deux entrepôts ", la chambre de l'instruction s'est contredite ;
"3o) alors qu'un expert procédant à des auditions qui n'ont pas été autorisées par le juge, outrepasse les limites de sa mission et, ainsi, méconnaît une règle touchant à l'organisation judiciaire à laquelle les dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale sont étrangères ; qu'en subordonnant la nullité de l'expertise, diligentée sans autorisation préalable du juge d'instruction, à l'existence d'un grief, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
"4o) alors qu'en toute hypothèse la partie civile requérante soutenait que, si l'administration fiscale ne s'était pas fondée sur le rapport Morisset s'agissant des contribuables redressés au titre des années 2007 à 2009, elle l'avait fait pour ceux redressés au titre de l'année 2010 ; qu'elle en déduisait qu'en cas de contentieux, l'administration fiscale ferait certainement valoir, devant le juge de l'impôt, les conclusions de cette expertise ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le contrôleur général du ministère de l'économie a dénoncé au procureur de la République de Paris, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, des détournements de fonds opérés à l'occasion de projets de défiscalisation d'investissements dans le secteur de la production électrique photovoltaïque aux Antilles françaises ; que, saisi d'une information judiciaire, le juge d'instruction a mis en examen M. ... ..., gérant de la société Dom Tom défiscalisation (DTF), des chefs d'escroquerie, blanchiment et violation d'une interdiction de gérer ; qu'il a ordonné une expertise et donné pour mission à l'expert de procéder à l'inventaire et à l'examen de tout le matériel photovoltaïque détenu par la société Lynx industrie Caraïbes à la Martinique et au dénombrement des installations effectives, en précisant que les déclarations de toutes personnes autres que celles mises en examen pouvaient être recueillies ; que l'expert a déposé son rapport ; qu'en préambule, il mentionne, dans un paragraphe, "je me suis rendu dans les locaux de la société (...). J'ai pu m'entretenir avec M. ... ..., lors d'une conférence téléphonique dans le bureau de M. ... .... J'ai fait part de la mission d'expertise qui m'a été confiée par M. ... ..., vice-président chargé de l'instruction", suivi d'un deuxième, "J'ai indiqué mon intention d'examiner et inventorier tout le matériel photovoltaïque détenu (...). Il m'a été confirmé que la société utilise deux entrepôts (...)" ; que des particuliers, qui ont contracté avec la société DTF et par la suite reçu des propositions de rectification de la part de l'administration fiscale remettant en cause des réductions d'impôts, se sont constitués parties civiles ; que M. U, partie civile, a formé une requête en annulation du rapport d'expertise, faisant valoir que l'expert avait procédé à l'audition de M. ... ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu de faire droit à cette demande, l'arrêt retient que si l'expert mentionne en préambule de son rapport qu'il a pu s'entretenir avec M. ... lors d'une conférence téléphonique, il ne résulte pas de la lecture intégrale du rapport qu'il ait été procédé à l'audition de la personne mise en examen ; qu'il relève qu'il ne peut pas plus être déduit des échanges entre M. ... et l'expert lors de la confrontation que les règles de l'article 164 du code de procédure pénale et les limites de la mission confiée à l'expert aient été enfreintes ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, d'où il résulte que l'expert n'a pas procédé à l'audition de M. ..., et abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant relatif au défaut d'intérêt de la partie civile requérante, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.