Jurisprudence : Cass. civ. 1, 10-09-2015, n° 14-19.879, F-P+B, Rejet

Cass. civ. 1, 10-09-2015, n° 14-19.879, F-P+B, Rejet

A9393NN9

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Cass. civ. 1, 10-09-2015, n° 14-19.879, F-P+B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/26071591-cass-civ-1-10092015-n-1419879-fp-b-rejet
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Abstract

Dans le cadre d'un contentieux opposant une commune à différents constructeurs, s'agissant de sinistres apparus après la réception de travaux, le juge judiciaire est conduit à statuer sur sa compétence et livre à cette occasion son interprétation de l'application dans le temps de la loi "MURCEF" (loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier). Le principe selon lequel les litiges relatifs à la passation, à l'exécution et au règlement de contrats pris en application du Code des marchés publics, passés avec une personne morale de droit public pour répondre aux besoins de celle-ci en matière de travaux, de fournitures ou de services relèvent de la compétence des juridictions administratives, ne peut trouver à s'appliquer à des contrats conclus avant la promulgation de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.



CIV. 1 CH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 10 septembre 2015
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt no 952 F-P+B
Pourvoi no X 14-19.879
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ M. Z Z, domicilié Flayat,
2o/ la Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est Paris cedex 16,
contre l'arrêt rendu le 11 février 2014 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige les opposant
1o/ à M. X X, domicilié Guéret,
2o/ à Société nouvelle Katz industrie, société à responsabilité
limitée, dont le siège est Crocq,
3o/ à la commune de Crocq, représentée par son maire en exercice, domicilié Crocq,
4o/ à la société Somival, société par actions simplifiée, dont le siège est Clermont-Ferrand,
5o/ à la société Berthelier, société à responsabilité limitée, dont le siège est Saint-Bard,
6o/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est Paris cedex 09,
7o/ à la SMABTP, dont le siège est Paris cedex 15,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 30 juin 2015, où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. Z et de la société Mutuelle des architectes français, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Generali IARD, de la SCP Vincent et Ohl, avocat de la société Somival, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Société nouvelle Katz industrie, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 11 février 2014), que la commune de Crocq a confié à la société Somival une mission de maîtrise d'ouvrage déléguée en vue de la réhabilitation d'un immeuble à usage industriel lui appartenant ; que, par contrat du 19 juillet 1999, la maîtrise d'oeuvre a été confiée à M. Z, architecte, qui a sous-traité une partie de sa mission à M. X, économiste de la construction ; que, suivant marché du 24 septembre 1999, la société Berthelier a été chargée de la réalisation des travaux de charpente et couverture ; que les travaux ont été réceptionnés le 21 avril 2000 ; que des désordres étant apparus au cours du premier trimestre 2009, la Société nouvelle Katz industrie, liée à la commune par un contrat de crédit-bail immobilier portant sur ces locaux, a, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, assigné la société Somival, ainsi que M. Z, la société Berthelier, M. X et leurs assureurs respectifs, la société Mutuelle des architectes français (la MAF), la société Generali Iard et la SMABTP, aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice ; que ces derniers ont soulevé l'incompétence de la juridiction judiciaire au profit de la juridiction administrative ;

Attendu que M. Z et la MAF font grief à l'arrêt de rejeter leur exception d'incompétence, alors, selon le moyen, que les litiges relatifs à la passation, à l'exécution et au règlement de contrats pris en application du code des marchés publics, passés avec une personne morale de droit public pour répondre aux besoins de celle-ci en matière de travaux, de fournitures ou de services relèvent de la compétence des juridictions administratives ; que l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 a déterminé cette compétence à compter de la date de son entrée en vigueur, y compris pour les contrats en cours, à l'exception de ceux portés devant le juge judiciaire avant cette date ; qu'en l'espèce, les marchés de travaux et de prestations de service passés, en application du code des marchés publics, entre la société Somival, agissant comme mandataire de la commune de Crocq, et les constructeurs, notamment M. Z, architecte, relevaient de la compétence des juridictions administratives dès lors qu'ils n'avaient pas été portés devant le juge judiciaire avant le 14 décembre 2001 ; qu'en écartant l'exception d'incompétence de la juridiction judiciaire aux motifs que les contrats en cause ont été conclus en 1999 et que le texte légal ne saurait rétroagir, sauf à compromettre la sécurité des conventions, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles 1er et 2 du code des marchés publics et l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 2 de la loi no 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs ; que, si ce texte détermine la compétence de la juridiction administrative pour connaître des litiges relatifs à la passation, à l'exécution et au règlement de contrats pris en application du code des marchés publics à compter de la date de son entrée en vigueur, y compris pour les contrats en cours, à l'exception de ceux déjà portés devant le juge judiciaire, il n'est pas applicable aux contrats ayant produit tous leurs effets avant cette date ; que les juges du fond ont relevé que les travaux réalisés en exécution des marchés litigieux, lesquels étaient soumis au code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur, ont été réceptionnés le 21 avril 2000 ; qu'il en résulte que l'article 2 de la loi précitée ne pouvait recevoir application, la réception ayant mis fin aux rapports contractuels nés desdits marchés ; que, par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z et la société Mutuelle des architectes français aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. Z et la Mutuelle des architectes français.
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté l'exception tirée de l'incompétence de la juridiction judiciaire au profit de la juridiction administrative et dit le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Guéret compétent,
Aux motifs que le premier juge a relevé à bon droit que la soumission d'un contrat aux dispositions du code des marchés publics ne lui confère pas par elle-même le caractère d'un contrat administratif,
Par ailleurs la loi du 11 décembre 2001 qui dispose en son article 2 que les marchés passés en application du code des marchés publics ont un caractère administratif, de telle sorte que ce caractère résulte en toute hypothèse de la détermination de la loi, est antérieure [postérieure] à la signature des marchés conclus le 19 juillet 1999 avec M. Z, maître d'oeuvre, et le 24 septembre 1999 avec l'entreprise, la société Berthelier et Fils.
Un texte légal ne peut pas rétroagir, sauf à compromettre la sécurité des conventions, de telle sorte que le texte susvisé n'interdit pas au juge de l'ordre judiciaire, saisi par une société de droit privé, de rechercher la nature des conventions, ce nonobstant la position prise par la jurisprudence administrative qui décide que la compétence du juge judiciaire est limitée aux litiges portés devant lui avant la promulgation de la loi précitée.
En l'espèce, la commune de Crocq qui souhaitait créer des emplois sur son territoire a joué le rôle de bailleur de fonds et elle a délégué à des personnes privées la réalisation de travaux de réhabilitation d'un bâtiment industriel afin de les mettre à disposition d'une entreprise commerciale ayant vocation à devenir propriétaire de ces locaux puisque les relations entre elle et la commune ont été organisées dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. Aucun des marchés signés par la SAS Somival, mandatée par la commune, ne contient de disposition dérogeant au droit commun des contrats.
Par ailleurs, les travaux qui ont pour objet de réaliser des locaux destinés à une entreprise privée ne répondent pas à une fin d'intérêt général ; ces locaux ne sont pas destinés à la commune qui n'est pas intervenue en tant que représentant d'une collectivité publique dans l'exécution des travaux. Enfin, la clause attributive de compétence qui figure dans la convention de mandat signée par la commune avec la société Somival n'est pas de nature à conférer aux marchés un caractère administratif ; elle n'est au demeurant pas opposable à la S.A.R.L. Société Nouvelle Katz Industrie,
II y a lieu, au regard de ces observations, de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a retenu que les marchés n'avaient pas le caractère de contrats administratifs, de telle sorte que la juridiction judiciaire était compétente pour connaître des demandes formées par l'exploitant contre les constructeurs (arrêt p. 6).
Alors que les litiges relatifs à la passation, à l'exécution et au règlement de contrats pris en application du code des marchés publics, passés avec une personne morale de droit public pour répondre aux besoins de celle-ci en matière de travaux, de fournitures ou de services relèvent de la compétence des juridictions administratives ; que l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 a déterminé cette compétence à compter de la date de son entrée en vigueur, y compris pour les contrats en cours, à l'exception de ceux portés devant le juge judiciaire avant cette date ; qu'en l'espèce, les marchés de travaux et de prestations de service passés, en application du code des marchés publics, entre la société Somival, agissant comme mandataire de la commune de Crocq, et les constructeurs, notamment M. Z, architecte, relevaient de la compétence des juridictions administratives dès lors qu'ils n'avaient pas été portés devant le juge judiciaire avant le 14 décembre 2001 ; qu'en écartant l'exception d'incompétence de la juridiction judiciaire aux motifs que les contrats en cause ont été conclus en 1999 et que le texte légal ne saurait rétroagir, sauf à compromettre la sécurité des conventions, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles 1er et 2 du code des marchés publics et l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001.

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