CB/CC
4ème B chambre sociale
ARRÊT DU 1er JUILLET 2015
Numéro d'inscription au répertoire général 13/01998
ARRÊT n°
Décision déférée à la Cour Jugement du 01 FÉVRIER 2013 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
N° RGF 10/1741
APPELANTE
Madame Muriel Z
GIGEAN
Représentant M. Eric ..., conseil syndical, délégué par la CGT en date du 07/05/2015 et par pouvoir de Mme Z en date du 04805/2015
INTIMÉE
CASTELNAU LE LEZ CEDEX
Représentant Me Marine DUBOIS de la SELAS ERNST ET YOUNG SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
PARTIE INTERVENANTE
UNION DÉPARTEMENTALE CGT DE L'HERAULT
474 Allée de Montmorency
MONPELLIER CX 1
représentée par Mr ... délégué par la CGT en date du 04/05/2015
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 MAI 2015, en audience publique, devant la Cour composée de
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Président de chambre
Madame Claire COUTOU, Conseillère
Mme Isabelle ROUGIER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats Mme Chantal BOTHAMY
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le 24/06/2015 mais prorogé au 01/07/2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Président de chambre, et par Mme Chantal BOTHAMY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Mme Z a été embauchée le 20 janvier 2003 par La Clinique du Parc, établissement privé de soins médicaux chirurgicaux, par contrat à durée indéterminée, en qualité d'infirmière.
Le 15 juin 2006 a été signé un accord collectif d'entreprise prévoyant la création d'une prime d'assiduité.
Mme Z a bénéficié à compter de juillet 2008 d'arrêt de travail pour maladie, puis pour maternité .
Sa prime d'assiduité ayant été réduite en raison de ces absences pour maladie puis maternité, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier d'une demande en rappel de paiement de cette prime, ainsi qu'en dommages intérêts au titre de la discrimination liée à son état de grossesse dont elle s'estimait victime.
Le Syndicat CGT Union Départementale est intervenu au litige et a sollicité 2000euros à titre de dommages intérêts.
Par jugement du 1er février 2013, le conseil de prud'hommes de Montpellier a dit l'action du syndicat CGT UD irrecevable, dit que la prime d'assiduité avait valablement été déterminée par la SA Clinique du Parc, qu'il n'existait aucune discrimination liée à l'état de grossesse, et débouté Mme Z de toutes ses demandes.
Le 13 mars 2013, Mme Z a interjeté appel de ce jugement, à elle notifiée le 19 février 2013.
Mme Z demande à la cour de dire qu'elle a été victime d'une discrimination liée à son état de grossesse, de condamner la Clinique du Parc à lui payer 600euros de rappel de prime d'assiduité, 60euros au titre des congés payés afférents, 5000euros au titre de dommages intérêts pour discrimination et 800euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
Elle sollicite en outre la remise sous astreinte des bulletins de salaires rectifiés pour tenir compte de la décision à intervenir .
Elle fait essentiellement valoir que la prime d'assiduité est maintenue dans certains cas, notamment lors des 'congés pour événement familiaux' qui ne constituent pas du temps de travail effectif, ce qui engendre une différence de traitement dans les absences, car toutes les absences doivent être traitées de même.
Elle ajoute que la prime lui ayant été refusée pour maladie puis grossesse, elle est victime d'une discrimination.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que le congé maternité, tout comme le congé pour événements familiaux, est considéré comme une période de travail effectif, en ce qui concerne la détermination de la durée de congé .
Le syndicat CGT fait valoir qu'au vu des accords collectifs de la Clinique du Parc qui précisent que les absences pour événements familiaux n'entraînent pas de pénalité sur le montant de la prime d'assiduité, il y a lieu de considérer que toute autre absence ne peuvent pénaliser le salarié sur le montant de sa prime.
IL fait valoir qu'il a été contraint de saisir la juridiction prud'homale pour faire respecter les droits des salariés à travers Mme Z, et sollicite 2000euros de dommages intérêts, et 1000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Clinique du Parc demande à la cour de juger que l'action du syndicat CGT UD est irrecevable, que l'assiette de la prime d'assiduité de Mme Z a été valablement déterminée, qu'il n'existe aucune discrimination en raison de son état de grossesse ou de santé et conclut à la confirmation du jugement déféré et au débouté de Mme Z .
Elle sollicite en outre 2000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Elle fait essentiellement valoir que l'action du syndicat est irrecevable, car ne constituant ni une action par substitution, ni une action en défense des intérêts collectifs de la profession, mais a trait à la seule défense d'intérêts particuliers d'une salariée .
Elle rappelle que les absences légalement assimilées à du temps de travail effectif doivent sortir du champ de la comparaison pour apprécier une éventuelle discrimination, et soutient que tel était le cas s'agissant de la prime d'assiduité prévue en l'espèce. Elle soutient que les congés pour événement familiaux rentrent dans le cadre des exceptions qui peuvent être retenues dans le calcul de la prime d'assiduité, contrairement aux autres absences non assimilées à du temps de travail effectif.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action du syndicat CGT UD
Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice, et ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à la profession qu'ils représentent.
En vertu de l'article L2131-1 du code du travail, les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts
matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts.
Dans ce cadre, les syndicats peuvent agir pour défendre les intérêts collectifs de la profession, y compris en intervenant dans une instance où un salarié demande
l'indemnisation du préjudice que le manquement de l'employeur a pu lui causer à titre individuel.
En l'espèce, l'action du syndicat vise à voir réparer la discrimination qui résulterait, selon lui, du non paiement de la prime d'assiduité lors d'absences pour raison de maladie ou de grossesse, situations exclues de cet avantage par l'accord collectif en vigueur au sein de la Clinique du Parc.
Cette différence étant susceptible de porter atteinte, non seulement aux intérêts de la salariée, mais également à l'intérêt collectif de la profession, l'action du syndicat est donc recevable.
Le jugement déféré sera réformé en ce qu'il a déclaré l'action du syndicat irrecevable. Sur la prime d'assiduité
Si un accord collectif peut tenir compte des absences pour le paiement d'une prime, c'est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à du temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution.
L'article L1132-1 du code du travail prohibe en effet toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte, envers un salarié, en particulier en matière de rémunération, notamment en raison de de son sexe, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son état de santé ou de son handicap.
En l'espèce, une "Prime d'Assiduité " a été créée au profit des salariés de la Clinique du Parc par avenant du 15 Juin 2006 à l'accord collectif d'entreprise du 22 Juillet 2002.
Cet avenant précise
" a) Principe
La prime d'assiduité est allouée en cas de présence effective dans les plannings de service et récompense l'assiduité du personnel bénéficiaire compte tenu des difficultés de remplacement rencontrées dans l'Établissement.
Elle est acquise annuellement et présente un caractère forfaitaire.
Bénéficiaires
(...)
Montant, modalités de calcul et versement
Montant
Son montant est annuel et fixé à 400 euros étant précisé qu'il sera proratisé pour les salariés à temps partiel en référence à leur horaire contractuel.
Modalités de versement
(...)
Modalités de calcul
En cas d'absence au cours de la période annuelle considérée rémunérée ou non, et ce quel qu'en soit le motif, la prime d'assiduité sera réduite au prorata de cette dernière, à l'exception toutefois des absences suivantes
- congés payés,
- récupérations jours fériés,
-jours de RTT,
-absence pour participation à un stage de formation professionnelle continue dans le cadre du plan de formation,
-congés pour événements familiaux conventionnels,
- congés de formation économique, sociale et syndicale,
-heures de délégation syndicale ou d'un mandat représentatif dans l'entreprise.
Par ailleurs, cette prime à caractère annuel sera exclue de l'assiette des congés payés "
Par avenant du 22 Octobre 2008, le montant de la prime d'assiduité a été portée de 400 euros à 500 euros et les modalités de calcul de celle-ci ont été modifiées.
La liste des absences insusceptibles de réduire le montant de la prime d'assiduité sont demeurées les mêmes mais un coefficient de réduction a été instauré en fonction du nombre de jours d'absence.
Par avenant du 11 Juin 2009, le montant de la prime d'assiduité a été porté à 600 euros et les coefficients de réduction modifiés, la liste des absences sans incidence sur la prime ne subissant aucune modification.
Ainsi, parmi les absences qui n'entrent pas en compte dans le calcul de la prime d'assiduité, et ne sont pas susceptibles d'entraîner une réduction de son montant, figure notamment les congés pour événements familiaux conventionnels, lesquels ne sont pas légalement assimilés à du temps de travail effectif.
Il en résulte que, dès lors qu'aucune réduction de la prime d'assiduité n'était pratiquée en cas de congés conventionnels pour événements familiaux, la Clinique ne pouvait opérer une réduction de la prime d'assiduité de Mme Z en excluant du temps pris en compte pour son calcul ses périodes de congés pour maladie ou pour maternité.
Cette distinction fondée sur l'état de santé puis de grossesse de la salariée revêt de ce fait un caractère discriminatoire .
Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
La Clinique du Parc ne pouvant se fonder sur les périodes de congés maladie ou maternité pour refuser à Mme Z le versement de la prime d'assiduité conventionnellement prévue sera condamnée au paiement de cette prime à la salariée, soit à la somme de 600euros .
Elle sera également condamnée à remettre à la salariée un bulletin de salaire rectificatif, conforme à la décision à intervenir, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
Mme Z sera par contre déboutée de sa demande en paiement de congés payés à ce titre, l'accord collectif précité prévoyant que cette prime serait exclue de l'assiette des congés payés.
Par ailleurs la discrimination ainsi opérée a causé à Mme Z un préjudice qui sera réparé par l'attribution d'une somme de 500euros à titre de dommages intérêts.
Enfin, l'existence dans ces avenants à l'accord collectif d'entreprise du 22 Juillet 2002 de dispositions discriminatoires a causé à la profession représentée par le syndicat demandeur un préjudice distinct de celui subi par la salariée elle même, étant au demeurant observé que la Clinique indique elle même que, lors d'une réunion du 4 février 2010, les Délégués du Personnel ont sollicité que les absences pour maladie, opération, grossesse, accident du travail n'aient plus d'incidence sur le calcul de la prime d'assiduité, mais qu'elle s'est opposée à cette revendication.
Il sera donc alloué à l'union Départementale CGT la somme de 500euros à titre de dommages intérêts.
Sur l'article 10 du décret du 12 décembre 1996
Les dispositions de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 modifié par le décret n°2001-212 du 8 mars 2001 mettent à la charge du créancier un droit proportionnel dégressif dû à l'huissier de justice mandaté pour recouvrer ou encaisser des sommes dues par un débiteur.
Toutefois en application de l'article 11-2° du décret susvisé ce droit n'est pas dû lorsque le recouvrement ou l'encaissement est effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance née de l'exécution d'un contrat de travail ou une créance alimentaire.
La demande du salarié tendant à faire supporter ce droit par l'employeur en ce qui concerne le recouvrement de sa créance salariale est donc sans objet.
Aucune disposition, autre que celles édictées par les articles 10-1 et 11 du décret susvisé, ne permet d'imputer au débiteur la charge des émoluments dus à l'huissier de justice en application de l'article 10.
Par conséquent le salarié doit être débouté de sa demande en ce qui concerne le recouvrement de sa créance indemnitaire.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er février 2013 par le conseil de prud'hommes de Montpellier,
et,
Statuant à nouveau,
Dit l'action du syndicat CGT Union Départementalede l'Hérault recevable,
Dit que le refus à Mme Z du bénéfice de la prime d'assiduité pour la période du 1er juin 2008 au 31 mai 2009 constitue une discrimination liée à son état de grossesse et de santé,
Condamne la SA Clinique du Parc à verser à Mme Z
-600 euros au titre de la prime d'assiduité pour la période du 1er juin 2008 au 31 mai 2009,
-500euros à titre de dommages intérêts en raison de la discrimination ainsi subie,
Condamne la SA Clinique du Parc à remettre à Mme Z un bulletin de salaire rectificatif, conforme à la décision à intervenir,
Dit n'y avoir lieu à astreinte,
Condamne la SA Clinique du Parc à verser au syndicat CGT Union Départementale de l'Hérault la somme de 500euros à titre de dommages intérêts,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rappelle qu'en application de l'article 11-2° du décret du 12décembre 1996 le droit visé à l'article 10 n'est pas dû lorsque le recouvrement ou l'encaissement est effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance née de l'exécution d'un contrat de travail ;
Rejette la demande du salarié tendant à faire supporter par l'employeur le droit visé à l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 pour le recouvrement ou l'encaissement de sa créance indemnitaire ;
Condamne la SA Clinique du Parc aux dépens de première instance et d'appel . LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT