Jurisprudence : CA Colmar, 01-07-2015, n° 480/2015, Infirmation

CA Colmar, 01-07-2015, n° 480/2015, Infirmation

A1915NMU

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CA Colmar, 01-07-2015, n° 480/2015, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/25148997-ca-colmar-01072015-n-4802015-infirmation
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Abstract

Si l'action disciplinaire est distincte de l'action pénale et n'est pas fondée sur les mêmes textes législatifs, et qu'une relaxe n'empêchera pas des poursuites disciplinaires si l'avocat a méconnu ses obligations déontologiques de prudence, d'honneur, de délicatesse ou d'indépendance, en raison de l'indépendance des procédures pénales et disciplinaires, le refus d'appliquer à l'intimé en cours de procédure pénale, une interdiction d'exercer, n'est pas de nature à avoir une incidence sur la sanction à prononcer sur le plan disciplinaire.



CP/CAS
MINUTE N° 480/2015
Copie exécutoire à
- Me Dominique ...
Arrêt notifié aux parties
Le 1er juillet 2015
Le Greffier
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE COLMAR STATUANT EN AUDIENCE SOLENNELLE ARRÊT DU 1er Juillet 2015
Numéro d'inscription au répertoire général 1 A 14/04926
Décision déférée à la Cour 24 Septembre 2014 par le CONSEIL DE DISCIPLINE DES AVOCATS DE COLMAR

DEMANDEUR AU RECOURS
M. Z Z Z Z Z Z ZZZ Z Z
représenté à l'audience par M. Robert ..., Substitut Général
DÉFENDEURS AU RECOURS
Maître Maurice Y
MULHOUSE
comparant en personne à l'audience, assisté de Me MERCINIER, Avocat à PARIS
représenté devant la Cour par Me Dominique ..., Avocate à la cour
EN PRÉSENCE DE
Me Sophie ..., Bâtonnière de l'Ordre des Avocats du Barreau de Mulhouse, sis MULHOUSE
comparante en personne

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 1er Juin 2015, en chambre du conseil, devant la Cour composée de
Mme PANETTA, Présidente de chambre, entendue en son rapport
M. VALLENS, Conseiller
Mme DIEPENBROEK, Conseillère
M. DAESCHLER, Conseiller
Mme ALZEARI, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats Mme ARMSPACH-SENGLE
ARRÊT
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Mme Corinne PANETTA, Présidente et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière à laquelle l la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par décision du 24 septembre 2014, le conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Colmar a estimé que le manquement aux obligations déontologiques était caractérisé à l'encontre de Maître Y et qu'il convenait d'entrer en voie de sanction en considérant toutefois que les faits, certes jugés récemment par les juridictions répressives, datent de 2003, que Maître Y a pu continuer à exercer la profession d'avocat, que les décisions intervenues au pénal ne comportant aucune interdiction d'exercer et qu'il a, dès la révélation des faits non seulement collaboré en toute transparence avec l'autorité judiciaire, mais également régulièrement informé son Ordre de l'évolution de sa situation, durant les phases d'instruction et de jugement, et a prononcé à l'encontre de Maître Y conformément à l'article 184 du décret du
27 novembre 1991, la peine disciplinaire de l'interdiction temporaire d'une année, intégralement assortie du sursis.

Par déclaration du 13 octobre 2014, Monsieur le procureur général près la cour d'appel de Colmar a formé un recours contre cette décision.
Par déclaration du 24 octobre 2014, déposée le 27 octobre 2014, Maître ... a pour le compte de Maître Y effectué un recours incident à l'encontre de la décision rendue le 24 septembre 2014 par le conseil de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Colmar.
Dans ses conclusions du 16 décembre 2014, Monsieur le procureur général indique que, formé le 13 octobre 2014 auprès du greffier en chef de la cour de céans, ce recours apparaît recevable en application des articles 16 et 197 du décret 91/11 97 du 27 novembre 1991.
Monsieur le procureur général expose que Maître Y, avocat inscrit au barreau de Mulhouse depuis 1994, après avoir été conseil juridique en entreprise a été condamné le 14 décembre 2011, par la cour d'appel de Colmar, à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et 50 000 euros d'amende pour des faits de blanchiment commis les 17 juillet et 24 juillet 2003 à Mulhouse et que la cour a ainsi intégralement confirmé le jugement rendu en première instance par le tribunal correctionnel de Mulhouse le 27 janvier 2011 et que la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté par un arrêt du 23 mai 2013 le pourvoi interjeté par Maître Y.
Monsieur le procureur général explique que si la sanction est justifiée dans son principe et dans son quantum, elle paraît par contre inopportune en ce qui concerne l'octroi du sursis eu égard à la nature des faits reprochés et à leur gravité et soutient que l'ancienneté des faits ne peut être un argument en faveur de Maître Y dès lors que celui-ci a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal correctionnel de Mulhouse puis introduit un pourvoi devant la Cour de cassation et que la collaboration discutable par ailleurs de Maître Y avec la justice ne saurait entrer en ligne de compte dans l'appréciation de la sanction.
Monsieur le procureur général demande à la cour d'infirmer la décision prise le
24 septembre 2014 par le conseil de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Colmar et d'infliger à Maître Y la sanction de l'interdiction temporaire d'exercer pendant une année.
Dans des conclusions reçues le 3 février 2015, Maître Y demande à la cour de dire infondé le recours formé par Monsieur le procureur général près la cour d'appel de Colmar, de rejeter celui-ci, d'infirmer en revanche la décision du conseil régional de discipline de la cour d'appel de Colmar à son encontre en diminuant la durée de l'interdiction temporaire d'exercer tout en assortissant celle-ci d'un sursis total.
Maître Y soutient que le conseil régional de discipline a considéré qu'il était opportun d'assortir l'interdiction d'exercice prononcé à son encontre d'un sursis total dès lors notamment que la juridiction pénale n'avait elle-même pas considéré de voir prononcer une interdiction d'exercer, bien que saisie d'une telle demande par Monsieur le procureur général.
Maître Y affirme que l'argumentation de Monsieur le procureur général est fondée sur un exposé tronqué dès lors qu'il avait bénéficié dans un premier temps d'une ordonnance de non-lieu à l'encontre de laquelle le ministère public a relevé appel, qu'il ne saurait lui être fait grief d'avoir exercé les voies de recours qui étaient les siennes et que l'argumentation de Monsieur le procureur général selon laquelle sa collaboration avec la justice serait discutable est péremptoire et ne repose sur aucun fondement ni sur aucune réalité et doit être en conséquence écartée.
Maître Y soutient que la comparaison entre les faits qui lui sont reprochés et ceux qui ont été reprochés à Monsieur ... est infondée, que les faits qui lui sont reprochés n'ont pas été commis au préjudice de personnes physiques, qu'il n'a pas utilisé sa qualité d'avocat pour l'accomplissement des faits qui lui sont reprochés et qu'il a été sanctionné pour avoir manqué au devoir de prudence et d'indépendance et non pas pour avoir manqué au devoir de dignité de probité et de délicatesse reproché à Monsieur ....
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 1er Juin 2015.
A cette audience, et pour répondre aux exigences des articles 455 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, après le rapport effectué par la Présidente de Chambre, Monsieur l'Avocat Général a requis, Madame ... ... de l'Ordre des Avocats de MULHOUSE a présenté ses observations et le conseil de Maître Y et Maître Y ont eu la parole en dernier.
Madame ... ... de l'Ordre des Avocats de MULHOUSE a présenté ses observations et a expliqué que Maître Y avait enfreint les règles de prudence et d'indépendance auxquelles il était soumis et a noté que les liens que Maître Y avait tissé avec son client l'empêchaient de garder une totale indépendance.
Madame ... ... de l'Ordre des Avocats de MULHOUSE a indiqué que Maître Y avait été loyal avec son Ordre.
Maître Y a expliqué qu'il avait rencontré Monsieur ... en 1995, alors qu'il avait été commis d'office pour assurer sa défense dans une affaire pénale, et qu'il l'a défendu avec succès.
Maître Y a indiqué que 18 mois plus tard il avait reçu un mandat régulier, que sa relation avec Monsieur ... était alors devenue très riche, qu'il lui faisait totalement confiance sur le plan amical et qu'il n'avait pas eu suffisamment de recul à l'époque.
Maître ..., Conseil de Maître Y a développé l'argumentation contenue dans ses écritures et a indiqué que Maître Y avait manqué de recul, mais qu'il n'avait pas commis de faute grave et réfléchie et qu'il n'avait tiré aucun profit de la transaction.
Maître Y a eu la parole en dernier et n'a rien souhaité ajouter à ses explications. MOTIFS DE LA DÉCISION
Les manquements pouvant entraîner des poursuites disciplinaires à l'encontre d'un avocat sont prévus de façon très large par les textes organisant la profession. L'article 183 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat prévoit que " Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout manquement à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, exposel 'avocat qui en est l'auteur aux sanctions disciplinaires énumérées à l'article 184. "
L'article 184 du même décret dispose que les peines disciplinaires sont
1° L'avertissement ;
2° Le blâme ;
3° L'interdiction temporaire, qui ne peut excéder trois années ;
4° La radiation du tableau des avocats, ou le retrait de l'honorariat.
L'avertissement, le blâme et l'interdiction temporaire peuvent comporter la privation, par la décision qui prononce la peine disciplinaire, du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du Conseil national des barreaux, des autres organismes ou conseils professionnels ainsi que des fonctions de bâtonnier pendant une durée n'excédant pas dix ans.
L'instance disciplinaire peut en outre, à titre de sanction accessoire, ordonner la publicité de toute peine disciplinaire.
La peine de l'interdiction temporaire peut être assortie du sursis. La suspension de la peine ne s'étend pas aux mesures accessoires prises en application des deuxième et troisième alinéas. Si, dans le délai de cinq ans à compter du prononcé de la peine, l'avocat a commis une infraction ou une faute ayant entraîné le prononcé d'une nouvelle peine disciplinaire, celle-ci entraîne sauf décision motivée l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde. "
L'action disciplinaire est distincte de l'action pénale et n'est pas fondée sur les mêmes textes législatifs.
Ainsi, une relaxe n'empêchera pas des poursuites disciplinaires si l'avocat a méconnu ses obligations déontologiques de prudence, d'honneur, de délicatesse ou d'indépendance..
En l'espèce, il est reproché à Maître Y d'avoir, à la demande de l'un de ses clients, Monsieur ..., signé un acte de vente de deux FERRARI lui appartenant, d'avoir récupéré la première fois une somme de 250 000 euros et la seconde fois, la somme de 342 000euros .
L'enquête a établi que Monsieur ... n'avait pas vendu de voitures mais que les sommes remises à Maître Y étaient le produit d'escroqueries au préjudice de Monsieur ....
Les faits de blanchiment sont avérés et définitivement établis et Maître Y n'en conteste pas la réalité.
Monsieur ... était un client de longue date de Maître Y qui l'avait précédemment défendu dans des affaires pénales et notamment d'escroqueries.
Le montant des sommes qui ont été remises à Maître Y, en ALLEMAGNE, au garage AUTO SALON, et que l'intimé à immédiatement remis à la compagne de Monsieur ..., incitaient à la réflexion et à la prudence.
En acceptant à deux reprises de servir d'intermédiaire de Monsieur ..., escroc dont il était devenu l'ami depuis plusieurs années, Maître Y a méconnu ses obligations d'indépendance et de prudence.
En l'espèce, Maître Y a méconnu ses obligations de prudence, et d'indépendance et la méconnaissance de ces principes constitue une faute disciplinaire entraînant une sanction disciplinaire.
En raison de l'indépendance des procédures pénales et disciplinaires, le refus d'appliquer à l'intimé en cours de procédure pénale, une interdiction d'exercer, n'est pas de nature à avoir une incidence sur la sanction à prononcer sur le plan disciplinaire.
Ainsi, la Cour ne retiendra pas l'argumentation développée par l'intimé sur ce point dans le cadre de son appel incident mais admettra celle concernant l'ancienneté des faits de blanchiment qui datent de l'année 2003.
En revanche, en raison de la gravité des faits et de leur réitération, la Cour prononce, à l'égard de Maître Y, la sanction disciplinaire de l'interdiction temporaire d'exercer pour une durée de 12 mois, dont 8 mois avec sursis.

PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par décision contradictoire mise à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil,
Infirme la décision rendue le 24 septembre 2014, par le conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Colmar .
Statuant à nouveau,
Prononce à l'égard de Maître Y la sanction disciplinaire de l'interdiction temporaire d'exercer pour une durée de 12 mois, dont 8 mois avec sursis.
La Greffière, La Présidente,

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