Jurisprudence : Cass. civ. 3, 24-06-2015, n° 14-18.684, FS-P+B, Cassation

Cass. civ. 3, 24-06-2015, n° 14-18.684, FS-P+B, Cassation

A0056NMZ

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Cass. civ. 3, 24-06-2015, n° 14-18.684, FS-P+B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/24971989-cass-civ-3-24062015-n-1418684-fsp-b-cassation
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Abstract

Après avoir été informé par le propriétaire de son intention de vendre, le notaire chargé d'instrumenter doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice, le prix, les charges, les conditions et les modalités de la vente projetée, ainsi que, dans l'hypothèse prévue au dernier alinéa de l'article L. 412-8 du Code rural et de la pêche maritime, les nom et domicile de la personne qui se propose d'acquérir.



CIV.3 CF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 24 juin 2015
Cassation
M. TERRIER, président
Arrêt no 746 FS-P+B
Pourvoi no Y 14-18.684
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ M. Z Z,
2o/ Mme Y Y,
tous deux domiciliés Pajay,
contre l'arrêt rendu le 1er avril 2014 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige les opposant
1o/ à M. X X,
2o/ à Mme X X, épouse X,
tous deux domiciliés Beaufort,
3o/ à Mme X X, domiciliée Grenoble,
4o/ à Mme X X, domiciliée Beaufort,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 mai 2015, où étaient présents M. Terrier, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, Mmes Fossaert, Masson-Daum, MM. Echappé, Parneix, Mmes Andrich, Salvat, M. Barbieri, conseillers, Mmes Proust, Meano, Collomp, conseillers référendaires, M. Dupont, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. Z et de Mme Y, de Me Blondel, avocat des consorts X, l'avis de M. Kapella, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'article L. 412-8 alinéa 1 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu qu'après avoir été informé par le propriétaire de son intention de vendre, le notaire chargé d'instrumenter doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice, le prix, les charges, les conditions et les modalités de la vente projetée, ainsi que, dans l'hypothèse prévue au dernier alinéa du présent article, les nom et domicile de la personne qui se propose d'acquérir ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 1er avril 2014), que M. X, Mme X épouse X, Mme X X et Mme X X (les consorts X) ont donné à bail à M. Z et Mme Y (les consorts Z) diverses parcelles de terre ; que le notaire chargé de la vente ayant notifié aux consorts Z l'intention des consorts X de vendre ces parcelles au prix de 240 000 euros, les preneurs ont fait connaître leur décision d'exercer leur droit de préemption, mais n'ont pas signé l'acte de vente, malgré sommation de ce faire, et ont sollicité l'annulation du compromis de vente signé entre les consorts X et un tiers, qu'ils estimaient conclu au mépris de leur droit de préemption ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que l'indication dans la notification du projet de vente d'un prix payable comptant le jour de la signature de l'acte répond aux exigences de l'article L. 412-8 alinéa 1 du code rural et de la pêche maritime au titre du prix, des charges et des modalités de la vente, dès lors que le bénéficiaire du droit de préemption doit être informé du prix principal de la transaction et non du prix acte en mains ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une information loyale du preneur exige que le notaire mentionne dans le courrier de notification les éléments d'information le mettant en mesure d'exercer utilement son droit de préemption et notamment le montant de la commission de l'intermédiaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;
Condamne les consorts X aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X ; les condamne à payer à M. Z et Mme Y la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Z et Mme Y.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. Z et Mme Y de l'intégralité de leurs demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article L. 412-8, alinéa 1er, du Code rural et de la pêche maritime, le notaire chargé d'instrumenter doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice, le prix, les charges et les modalités de la vente projetée, cette communication valant offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenus ; que Maître ..., notaire à Hauterives, a fait notifier la lettre qu'il avait rédigée pour informer les consorts ..., bénéficiaires du droit de préemption, du projet des consorts X de vendre les biens loués, par acte d'huissier du 6 avril 2011 ; que c'est donc à bon droit, contrairement à ce que soutiennent les appelants, que le tribunal a estimé que lanotification était parfaitement régulière en la forme ; qu'il est indiqué dans cette lettre que le prix de vente est de 240 000 euros, payable comptant le jour de la signature de l'acte dans la comptabilité du notaire ; que cette mention répond, contrairement à ce que prétendent les consorts ..., aux exigences posées par l'article susvisé au titre du prix, des charges et des modalités de la vente projetée dès lors que le bénéficiaire du droit de préemption doit être informé du prix principale de la transaction et non du prix " acte en main " ; qu'en tout état de cause, les appelants ne démontrent pas que l'irrégularité alléguée ait gêné l'exercice de leur droit de préemption et ce d'autant plus qu'ils entendent devant la cour, dans l'hypothèse où ils seraient déclarés acquéreurs des parcelles, en tirer argument pour voir mettre à la charge des Vivier la charge des frais et accessoires de la vente ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes des dispositions de l'article L. 412-8 du Code rural, il convient de rappeler que " Après avoir été informé par le propriétaire de son intention de vendre, le notaire chargé d'instrumenter doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice, le prix, les charges, les conditions et les modalités de la vente projetée, ainsi que, dans l'hypothèse prévue au dernier alinéa du présent article, les nom et domicile de la personne qui se propose d'acquérir. Cette communication vaut offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenus. Les dispositions de l'article 1589, alinéa 1er, du code civil sont applicables à l'offre ainsi faite. Le preneur dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée ou de l'acte d'huissier pour faire connaître, dans les mêmes formes, au propriétaire vendeur, son refus ou son acceptation de l'offre aux prix, charges et conditions communiqués avec indication des nom et domicile de la personne qui exerce le droit de préemption. Sa réponse doit être parvenue au bailleur dans le délai de deux mois ci-dessus visé, à peine de forclusion, son silence équivalant à une renonciation au droit de préemption. En cas de préemption, celui qui l'exerce bénéficie alors d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l'acte de vente authentique ; passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d'huissier de justice et restée sans effet. L'action en nullité appartient au propriétaire vendeur et à l'acquéreur évincé lors de la préemption. Le tiers acquéreur peut, pendant le délai d'exercice du droit de préemption par le preneur, joindre à la notification prévue à l'alinéa 1er ci-dessus une déclaration par laquelle il s'oblige à ne pas user du droit de reprise pendant une durée déterminée. Le notaire chargé d'instrumenter communique au preneur bénéficiaire du droit de préemption cette déclaration dans les mêmes formes que la notification prévue à l'alinéa 1er. Le preneur qui n'a pas exercé son droit de préemption pourra se prévaloir de cette déclaration aux fins d'annulation de tout congé portant reprise avant l'expiration de cette période. " ; qu'en l'espèce, il est constant que le notaire des consorts Vivier/Bourgarit a adressé par signification délivrée par Huissier de justice le 6 avril 2011, une purge du droit de préemption à M. Z Z et Mme Y Y, preneurs fermiers, en vertu d'un bail rural à long terme signé le 19 avril 1994, pour une durée de 18 années, prenant effet le 1er avril 1994 pour se terminer le 31 mars 2012 ; que le moyen allégué par M. Z Z et Mme Y Y selon lequel, à défaut d'avoir été adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, la notification ne répond pas à la lettre du texte, doit être écarté, la délivrance de la notification s'avérant au contraire parfaitement régulière au regard du texte sus rappelé ; que par ailleurs il est mentionné dans l'acte que le prix est de 240 000 euros, payable comptant le jour de la signature de l'acte par la comptabilité du notaire ; qu'ainsi, la mention " payable comptant " est une notification suffisamment précise des charges de la vente, qui sont celles qui accompagnent toute vente en général ainsi qu'en dispose l'article 1593 du Code civil, contrairement à la vente dite " acte en mains " signifiant que les frais restent à la charge du vendeur, tandis que la commission de rémunération due à la Safer pour son intervention d'un montant de 22 000 euros TTC n'a pas à être défalquée du prix à régler par les fermiers préempteurs sous peine que les bailleurs in fine la règlent par deux fois, dès lors que le compromis de vente signé le 8 décembre 2010 entre les consorts Vivier/Bourgarit et les époux ..., acquéreurs substitués par la Safer, prévoit expressément en son paragraphe 16 que la rémunération de la prestation de service effectuée par la Safer restera due y compris en cas d'exercice par le fermier de son droit de préemption au prix ; qu'enfin il ressort des dispositions citées supra que dans la notification adressée au fermier préempteur, l'identité du tiers acquéreur déjà positionnée sur la vente doit figurer seulement dans l'hypothèse où ce dernier s'engage à ne pas user du droit de reprise pendant une période déterminée ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la notification de la préemption est régulière tant sur la forme que sur le fond, tandis qu'il y a lieu de constater que les demandeurs qui avaient annoncé vouloir exercer leur droit de préemption par courrier du 27 mai 2011, n'ont pas régularisé la vente dans le délai de deux mois imparti, et ce en dépit d'une sommation de comparaître dans le délai de 15 jours devant notaire délivrée le 17 août 2011 et un procès-verbal de carence dressé le 13 septembre 2011 par Me X X, Notaire ; qu'il convient en conséquence de déclarer nulle la déclaration de préemption effectuée par M. Z Z et Mme Y Y ;
1) ALORS QUE le notaire chargé d'instrumenter la vente des biens objets du bail rural doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice, le prix, les charges, les conditions et les modalités de la vente projetée et notamment la commission à verser à l'intermédiaire quand celle-ci est à la charge de l'acquéreur ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que la déclaration d'intention d'aliéner signifiée le 6 avril 2011 aux consorts ... se bornait à faire état d'un prix de vente de 240.000 euros sans autre précision concernant les charges dues par l'acquéreur ; qu'en affirmant, pour dire cette signification régulière, que le bénéficiaire du droit de préemption ne doit être informé que du prix principal de la transaction et non du prix " acte en main ", la Cour d'appel a violé l'article L. 412-8 du Code rural et de la pêche maritime ;
2) ALORS QUE le notaire chargé d'instrumenter la vente des biens objets du bail rural doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice, le prix, les charges, les conditions et les modalités de la vente projetée et notamment le montant de la commission à verser à l'intermédiaire quand celle-ci est à la charge de l'acquéreur ; qu'en affirmant que la mention " payable comptant " figurant sur la déclaration d'intention d'aliéner est suffisamment précise pour connaître les charges de la vente quand une telle mention ne donne aucune information sur le montant de la commission qui sera finalement à la charge de l'acquéreur, la Cour d'appel a derechef violé l'article L. 412-8 du Code rural et de la pêche maritime ;
3) ALORS QUE le caractère irrégulier ou incomplet de la notification de la déclaration d'intention d'aliéner fait nécessairement grief au preneur, sauf au bailleur à établir que le bénéficiaire du droit de préemption a eu connaissance par ses propres moyens des éléments litigieux ; qu'en exigeant des consorts ... qu'ils démontrent que l'insuffisance des mentions de l'acte de signification de la déclaration d'intention d'aliéner avait entravé l'exercice de leur droit de préemption, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil, ensemble les articles L. 412-8, L. 412-10 et L. 412-12 du Code rural et de la pêche maritime.

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